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Techniques safe et expériences unsafe

12 Mai 2016, 16:10

Messages bouturés à partir du fil [It Was A Mutual Decision] Edouard et Gemma dans l'Atelier de Fabien.

Je vais développer sur certains points abordés par Steve (Fabien, si ça déborde du fil initial, n'hésite pas à bouturer mon message pour le mettre dans mon Atelier) :
J'observe des difficultés côté joueurs, avec tout type de jeu :
  1. Des jeux mettant le joueur en situation de se dévoiler émotionnellement (bon, là c'est plutôt évident),
  2. Des jeux où il faut se montrer performant ou compétitif (je connais au moins 3 personnes proches de moi qui sont mal à l'aise dans ce genre de jeux, que ce soit jeu de plateau, jeu vidéo ou JdR),
  3. Des jeux où l'on doit être parfaitement en phase avec le canon esthétique du groupe (j'en ai rencontré aussi).

Je pense que pour chaque approche, il y a des joueurs pour qui ça peut coincer (en tout cas, j'en ai rencontré dans tous les cas de figure) et la partie peut tourner court ou mal.

Pour le premier cas de figure, étonnamment, je rencontre plus de difficultés avec Démiurges qu'avec LCS et j'ai ma petite hypothèse sur le sujet :
Dans Démiurges, les thématiques sont amenées par le MJ et les joueurs sont lancés dedans de plein fouet.
Dans LCS, chaque joueur est maître des thématiques de son personnage (et j'encourage les joueurs à discuter à la création des personnages de ce qui leur convient et de ce qui ne leur convient pas).
Du coup, toutes les précautions que je prends avec LCS, je me demande si je n'aurais pas mieux fait de les prendre avec Démiurges. De plus, il s'avère que l'idée de "pouvoir quitter la partie à tout moment" est à la fois contraire avec la démarche "Je ne t'abandonnerai pas" du jeu et a tendance à exagérer l'impression de "jeu à risque" que peut donner LCS à la présentation, alors que les rares fois où un joueur s'est senti mal à l'aise, il s'est contenté de prendre de la distance avec les événements, se tourner un peu en dérision et ça n'a pas vraiment dégénéré (mais la partie était généralement moins bonne).
Du coup, j'ai enlevé ce point de règle (pouvoir quitter la partie à tout moment).

Donc je suis gêné, car quand je me dis que ce serait bien de mettre des "safe words" dans LCS, ou des précautions, j'ai l'impression de donner une image fausse du jeu, sous prétexte de cas hypothétiques où les joueurs pourraient être en difficulté face à la proposition que le jeu porte.
Tout comme, le fait d'annoncer avant la partie les thèmes que l'on ne veut surtout pas aborder : ça peut être inconfortable parce que cela peut dévoiler des sujets que l'on ne préfèrerait pas aborder devant d'autres personnes (fussent-elles des amis).

À côté de ça, dans Démiurges, où l'on cible moins directement l'intimité des joueurs et le fait de se dévoiler émotionnellement, j'ai vu au moins 3 fois des joueurs en difficulté à la table (alors que contrairement à LCS, le jeu tourne très bien en convention avec de parfaits inconnus), sur des thématiques plutôt philosophiques, existentielles ou politiques, des questions éthiques à propos des pouvoirs que possèdent les personnages et donc plus loin de nous, parce que la structure du jeu est en soi moins sécurisante que LCS.

Le problème n'est donc pas tant le fait de ne pas avoir de méthode pour canaliser ces problèmes potentiels, que d'utiliser des outils vraiment fonctionnels en fonction des risques de chaque jeu. Comment s'assurer que l'on en fait pas trop ? Que l'on va vraiment pouvoir couvrir les risques d'un jeu ? Que nos outils seront vraiment efficaces et ne porteront eux-mêmes pas autant de problèmes qu'ils en règleront ?

Concernant les jeux plus axés compétition ou performance du joueur, franchement, à part "ne pas jouer avec eux à ce type de jeux", je n'ai aucune idée de comment les aider à ne pas être en mauvaise posture.

Pour revenir à IWaMD, est-ce que des techniques de ce genre auraient pu t'aider, Vivien, à éviter ces problèmes ?

Re: [It Was A Mutual Decision] Edouard et Gemma

12 Mai 2016, 16:32

Effectivement Fred, c'est très théorique et assez loin du sujet initial, même si les questions que tu abordes sont intéressantes. N'hésite pas à renommer le sujet pour mieux correspondre à ce que tu veux dire et à mettre un lien vers le sujet initial.
Je ne veux pas t'empêcher t'intervenir sur le sujet initial, mais j'aimerais que ce soit plus concret. :)

Re: [It Was A Mutual Decision] Edouard et Gemma

12 Mai 2016, 16:48

Frédéric je suis d'accord pour dire que la question des limites pourrait (devrait ?) se poser à chaque partie de JDR. Je pense même qu'elle devrait se poser en amont aux concepteurs de jeux (qui devraient se poser les questions "est-ce que je produis du bleed ?","est-ce que cela pose problème ?" et surtout "est-ce que je produis des sensations désagréables chez mes joueurs ?").

Plus généralement ces sensations désagréables ne viennent qu'en partie du fait de parler d'un sujet délicat.
Pour ma part mes parties les plus problématiques viennent de soucis de contrôle, spécifiquement des moments où je me retrouve dans des situations de PvP (en tous cas de devoir me confronter aux autres participants) sans avoir le moyen de riposter face aux autres joueurs (cela a pu être des situations où j'étais meneur de jeu). Cela rejoint ton commentaire sur le jeu compétitif.
Au fond les techniques de type Voile/Lignes greffées sur un système par ailleurs complet viennent surtout gérer la question des malaises liés à des thématiques difficiles mais pas celles liées à des mécaniques de jeux posant problème.
Toutes proportions gardées c'est un peu ce que je ressens dans Breaking the Ice qui, quelque soit les problématiques charriées par le couple de PJ me place dans une situation inconfortable, celle de devoir faire des efforts assez fastidieux pour séduire (par ses mécaniques il me met dans la peau de quelqu'un de pas complètement sûr de lui, qui ne maîtrise pas la conversation mais est constamment dans l'attente d'une validation en forme de bon point). C'est pour ma part beaucoup plus susceptible de me mettre mal à l'aise que - disons - le fait d'introduire la thématique du SIDA dans la fiction.

Dans le cas de iWaMD il me semble que le jeu ne se préoccupe à aucun moment de la question du confort de jeu. De ce que j'en lis il propose une expérience de non-contrôle du joueur, qui peut se retrouver isolé de la prise de parole, ne peut presque pas influer sur la situation et ne peut même pas régler la durée de la partie.
C'est évidemment un jugement très facile à porter a posteriori mais j'ai l'impression qu'on peut y voir tout un tas de warnings dont j'ai l'impression qu'ils seraient beaucoup plus évidents à un GNiste qu'à un rôliste de table.

Re: [It Was A Mutual Decision] Edouard et Gemma

12 Mai 2016, 16:53

Frédéric, tu soulèves un sacré lièvre en rappelant que les risques d'émotions douloureuses en jeu de rôle sont différent selon qu'on est dans un jeu avec MJ ou sans MJ ou avec MJ tournants, et aussi que la présence d'un contrat social a finalement une influence sur le risque, du fait qu'énoncer le contrat social transforme le jeu.

Je réfléchis pour ma part à l'intérêt de choses telles que la carte X. C'est l'équivalent d'un safe world, il s'agit d'une carte posée au milieu de la table, si une joueuse est mal à l'aise, elle s'en saisit. Elle a l'avantage de représenter une forme de contrat social constamment renégociée alors que "Les lignes et les voiles" et "Je ne t'abandonnerai pas" ne sont négociés qu'au début de la partie, et sont loin d'exclure tout dérapage.

Mais la carte X, tout comme les autre safe words, présente des limites. En effet, il est fréquent qu'une joueuse mal à l'aise se taise si elle sent que les autres personnes à la table s'amusent.

Qu'il s'agisse de la carte X comme toute autre forme de contrat social, on échoue à protéger les joueuses si elles se refusent à utiliser ces recours à cause de la pression sociale.

J'en viens à expérimenter une autre méthode, que j'appelle "qui se sent mal doit le dire". L'idée est d'expliquer aux joueuses que si l'une d'elle ressent du malaise, de la souffrance ou de l'inconfort au sujet d'une situation de jeu et qu'elle le tait pour préserver l'immersion et le plaisir des autres personnes, au final c'est toute la table qui va passer un mauvais moment. J'explique : si la joueuse se tait tout le temps sur son malaise, elle brise la dynamique de jeu. Si elle s'exprime plus tard dans la partie ou lors du debriefing, les autres joueuses vont se sentir coupables d'être passé à côté de son malaise, et elles garderont un souvenir amer de la partie (je pourrais citer des exemples personnels à la pelle, si ça vous intéresse, je vous mettrai les liens). Le fait est aussi que si les personnes s'amusent à la table, elles peuvent continuer à s'amuser même après qu'on ait censuré un thème choquant.

Si la joueuse est consciente de ça, j'ose croire qu'elle sera plus encline à stopper le jeu en cas de malaise, soit en mobilisant les outils de contrat social à sa disposition, soit en demandant une pause pour rénégocier les situations et faire part de ses limites personnelles (dans le cas des jeux à contrat social flou en ce qui concerne les thèmes-choc).

Je manque de recul sur cette idée car je ne l'ai playtesté qu'une fois. Quelques situations inconfortables ont été abordées dans cette aventure jouée en "qui se sent mal doit le dire" (le PvP, le sacrifice, le suicide, la violence et le meurtre au sein de membres de même famille, le cancer, la métamorphose), il me semble que tout le monde est resté dans un confort ou tout au moins un inconfort jouable, mais bien sûr un simple test avec quatre personnes est loin de suffire pour tirer des généralités.

Re: [It Was A Mutual Decision] Edouard et Gemma

12 Mai 2016, 17:23

Steve J a écrit :Plus généralement ces sensations désagréables ne viennent qu'en partie du fait de parler d'un sujet délicat.
Pour ma part mes parties les plus problématiques viennent de soucis de contrôle, spécifiquement des moments où je me retrouve dans des situations de PvP (en tous cas de devoir me confronter aux autres participants) sans avoir le moyen de riposter face aux autres joueurs (cela a pu être des situations où j'étais meneur de jeu). Cela rejoint ton commentaire sur le jeu compétitif.


J'allais poster un truc qui traitait exactement de ce point, je suis donc oh combien d'accord. Pour It was a mutual decision, le problème relevait beaucoup plus de la combo fond-forme que des thèmes seuls. Donc pour répondre à ta question Fred, je ne pense pas qu'aucune méthode façon Care Boss aurait pu m'aider.

Dans ma partie Soth, on a traité de choses horribles, j'ai donc demandé à tout le monde si un sujet les gênait, rien. On a eu une partie pleine de pédophilie, de machisme le plus atroce, de tortures et de meurtres... le tout dans une ambiance borderline bon enfant genre on joue avec les limites en connaissance de cause.

Mais le moment qui m'a gêné, c'est celui où ils ont sacrifié par surprise l'une des leurs. Le jeu prévoie le sacrifice d'un cultiste mais sans dire si ce doit être volontaire ou forcé, et ne donne pas de billes pour gérer cela mécaniquement.

Re: [It Was A Mutual Decision] Edouard et Gemma

12 Mai 2016, 18:24

Tu as bien fait de bouturer Fabien !

Du coup, j'ai l'impression que ce sujet est d'une très grande complexité (et relève davantage de la psychologie sociale que du game design) mais me semble d'autant plus intéressant.

Mon groupe de jeu idéal, c'est un groupe d'amis avec qui il n'y a pas de tabous et que l'on connaît suffisamment pour savoir qui n'aime pas quoi. Ça limite beaucoup des problèmes mentionnés. Mais je suis amené à jouer avec d'autres personnes, et là, en tant que MJ ou animateur, je fais pas mal d'efforts pour être à l'écoute et bienveillant envers les autres.
Ça ne m'empêche pas d'aborder des sujets difficiles, même en convention, mais j'avertis les joueurs.

Est-ce que toutes ces réflexions ne sont pas tant une question de mentions dans les livres, que des sujets d'articles et de discussions comme ici ?

J'ai besoin de digérer un peu tout ça, mais n'hésitez pas à continuer la conversation, ça m'intéresse beaucoup.

Re: Techniques safe et expériences unsafe

12 Mai 2016, 18:39

Steve J a écrit :Dans le cas de iWaMD il me semble que le jeu ne se préoccupe à aucun moment de la question du confort de jeu. De ce que j'en lis il propose une expérience de non-contrôle du joueur, qui peut se retrouver isolé de la prise de parole, ne peut presque pas influer sur la situation et ne peut même pas régler la durée de la partie.
C'est évidemment un jugement très facile à porter a posteriori mais j'ai l'impression qu'on peut y voir tout un tas de warnings dont j'ai l'impression qu'ils seraient beaucoup plus évidents à un GNiste qu'à un rôliste de table.

OK, je comprends maintenant mieux ce que tu voulais dire sur le sujet initial.

Re: Techniques safe et expériences unsafe

12 Mai 2016, 19:29

Frédéric a écrit :
  • Des jeux où il faut se montrer performant ou compétitif (je connais au moins 3 personnes proches de moi qui sont mal à l'aise dans ce genre de jeux, que ce soit jeu de plateau, jeu vidéo ou JdR),


Mal à l'aise comment ? Je me reconnais un peu là-dedans, mais je ne suis pas vraiment mal à l'aise ; c'est simplement que cela m'ennuie profondément (ou alors je refoule le fait d'être mal à l'aise, mais bon, ça c'est un peu invérifiable et irréfutable…).

Frédéric a écrit :Tout comme, le fait d'annoncer avant la partie les thèmes que l'on ne veut surtout pas aborder : ça peut être inconfortable parce que cela peut dévoiler des sujets que l'on ne préfèrerait pas aborder devant d'autres personnes (fussent-elles des amis).


Ça c'est extrêmement vrai. J'ai déjà vu cette technique proposée plusieurs fois, et elle a selon moi des défauts rédhibitoires :
  • Comme tu le dis, si un sujet me met très mal à l'aise, mais que j'en ai honte (ou de manière générale que je souhaite garder cela pour moi pour X raisons), je ne vais pas l'annoncer à la cantonade.
  • Ça fait trop « contrat »… mais en négatif (ou plutôt « en creux »).

Ce que je veux dire par le second point, c'est que, mettons que les pingouins me mettent extrêmement mal à l'aise, mais bon, le fait est que je pense assez rarement aux pingouins dans la vie de tous les jours. Donc quand on me demande de citer les trucs qui me gênent, je ne mentionne que les guêpes, les nazis et les guêpes nazies (du classique), parce que je ne pense pas aux pingouins.
Sauf que du coup, quand tout d'un coup le MJ introduit des pingouins dans une scène, ça me met extrêmement mal à l'aise, sauf que je peux me dire que, bah, en ne mentionnant pas les pingouins au début du jeu, j'ai de facto accepté qu'il y en ait, et donc que dire quoi que ce soit maintenant serait une « rupture de contrat » (et ferait de moi un gros relou qui gâche la partie, ce qui est la crainte principale qui fait que les gens n'osent rien dire de manière générale).

Bref, pour moi, cette méthode est à prescrire absolument elle peut faire plus de mal que de bien.

Thomas, j'aime bien ta méthode de la carte (ou toute autre objet). Et comme tu dis, c'est important que les joueurs se sentent « en sécurité », i.e. qu'ils sentent bien que, s'ils manifestent leur gêne (à défaut d'un meilleur mot, peu importe), personne ne leur en voudra, et même si ça veut dire que la partie doit prendre fin.

À l'assoce de la Boîte à Chimère, je dis sans arrêt que je fais du « JdR décomplexé ». Mon but, c'est (entre autres) ça : essayer de mettre les joueurs à l'aise, pour que s'il y a le moindre problème, ils m'en parlent immédiatement plutôt que de subir toute la partie.
Et comme tu le dis Thomas, c'est assez horrible d'arriver à la fin d'une partie que l'on a jugée géniale, pour se rendre compte que le moustachu du fond, il a rien osé dire parce qu'on s'amusait mais en fait ça fait 2 heures qu'il est à deux doigts de pleurer.

Re: [It Was A Mutual Decision] Edouard et Gemma

12 Mai 2016, 20:43

Mangelune a écrit :Dans ma partie Soth, on a traité de choses horribles, j'ai donc demandé à tout le monde si un sujet les gênait, rien. On a eu une partie pleine de pédophilie, de machisme le plus atroce, de tortures et de meurtres... le tout dans une ambiance borderline bon enfant genre on joue avec les limites en connaissance de cause.

Mais le moment qui m'a gêné, c'est celui où ils ont sacrifié par surprise l'une des leurs. Le jeu prévoie le sacrifice d'un cultiste mais sans dire si ce doit être volontaire ou forcé, et ne donne pas de billes pour gérer cela mécaniquement.

C'est cool de revenir de WE rôliste parce qu'on a du coup plein d'expériences de jeu, plus ou moins partagées, qui sont autant de combustible pour alimenter nos réflexions.

Pendant le WE nous avons aussi eu l'occasion de jouer à Burning Wheel tu le sais, tu y étais dans un scénario centré sur la diplomatie qui impliquait 8 joueurs incarnant 4 émissaires elfes venus discuter avec un groupe de 4 nains dans leur royaume.
Mon personnage, un nain, se retrouvait dans une position bien particulière puisque, pour tout un tas de raisons, il se retrouvait isolés des 3 autres personnages nains qui avaient tous intérêt à le faire passer pour un vieil alcoolique à moitié sénile.

Lors de la partie j'ai cherché à mettre en avant mon personnage en intervenant pendant un banquet dans le but de raconter une légende naine (et de la chanter). Immédiatement après le début de mon intervention, un autre joueur nain m'interrompt et me fait taire (ce qui était entièrement cohérent de la part de son personnage et tactiquement habile).
J'ai finalement réussi à rebondir pendant la partie (en m'imposant et en jouant sur les traditions) mais ce moment m'a fortement inquiété en tant que joueur parce que je me suis vu -justement- incarnant ce vieux sénile devenu inutile à l'intrigue et que les autres joueurs allaient systématiquement éviter.

On peut -à raison- y voir un effet de synesthésie efficace (et de fait la scène fonctionnait à bloc pour moi). Mais rétrospectivement je me dis qu'il est heureux que je sois parvenu à rebondir parce que j'étais à quelques décisions ludiques prêts de me retrouver dans une partie qui aurait pu m'être très désagréable (concrètement si je devais faire jouer ce scénario je réfléchirai très longtemps avant d'attribuer ce personnage prétiré).

Re: Techniques safe et expériences unsafe

12 Mai 2016, 22:07

Thouny :
- Pour l'expérience du jeu compétitif ou performant, l'un d'eux m'a dit qu'il était mal à l'aise du fait qu'il avait l'impression quand il gagnait, de se mettre en surplomb de l'autre joueur, voire de l'écraser, et quand il perdait, il avait l'impression d'être dans la position inverse.

Une amie n'aime vraiment pas être jugée par les autres participants sur la pertinence de ses propositions, sur ses réussites, ses échecs, etc. Autant, jouer avec elle du pur drame ne lui pose aucun souci (y compris dans la victoire et dans l'échec), mais dans un rapport de défi la met vraiment dans une situation inconfortable (on pourrait le comparer dans une version extrême, à jouer au Trivial Pursuit avec des gens qui commentent tous ses échecs "quoi, tu ne sais même pas ça ? Mais tout le monde le sait !" c'est à peu près la même sensation, y compris si les autres joueurs sont bienveillants, la crainte de ces jugements est en soi désagréable. Dans les jeux vidéo, quan dil n'y a pas d'interaction avec d'autres joueurs, le fait de ne pas y arriver, d'être mise à l'épreuve, a tendance à la bloquer.

Et le troisième, c'est assez proche.

- Je te rejoins sur le fait d'annoncer les thèmes à ne pas traiter avant la partie. Je suis persuadé qu'il vaut mieux un moyen d'éviter le thème dérangeant quand la partie est engagée. Si possible sans avoir à s'expliquer (c'est pour ça que j'apprécie le principe de carte de Thomas, malgré ses limites).
- Et oui, annoncer à quoi on joue, ne pas jouer la surprise absolue peut aider.

Enfin, je précise que dans tous les cas, je parle de parties avec des personnes dans une démarche amicale, le joueur qui cherche à se moquer, humilier ou choquer un autre (joueur, pas personnage), c'est juste un connard et le mieux c'est de l'éviter comme la peste. Aucune règle, aucune technique ne peut prémunir contre les dérives d'un tel joueur. Fort heureusement, j'en ai pas rencontré beaucoup des comme ça.


Steve : Comment aurait-on pu éviter ce cas de figure de Burning Wheel ? (J'avoue que je n'avais aucune idée de quoi faire avec mon personnage, bien que je sois parti en début de partie, fatigue oblige).

Re: Techniques safe et expériences unsafe

13 Mai 2016, 07:43

Je fais un post rapide pour rapporter mon expérience avec les Xcards. En fait j'avais édité des cartes en mode "rouge/vert" avec une face "Stop" et une "Go".
Au final on ne s'en ai pas servi malgré des sujets assez glauques: viols, racisme, cannibalisme, etc.

Je pense que le fait de poser ces cartes sur la table rassure les joueurs sur l'existence d'une sécurité. Paradoxalement cela permet d'évoquer des thèmes plus durs car tout le monde sait qu'il va y en avoir. C'est beaucoup moins casse gueule que balancer une histoire de viol en pleine partie de donj'.
Ça me fait toujours penser à cet épisode conté par Tristan Lhomme qui avait trouvé malin de faire jouer à Cthuhu des résistants infiltrés chez les nazis qui rencontrait un grand ponte responsable de la Shoah. A la fin de la partie un des joueurs a expliqué à Tristan qu'il était juif... Oups!

En bref je pense utiliser ces cartes quand j'en aurais le besoin. Le reste du temps (pour mes parties de donj' par exemple) je suis très clair sur le mode consensuel: pas de racisme (ou autres "ismes"), compétition Pvp, etc)

On évitera pas les accidents mais en tant qu'auteure/meneuse on se doit d'être clair sur nos intentions.

Re: Techniques safe et expériences unsafe

13 Mai 2016, 08:38

C'est bien vu, Alban, cette idée que même sans s'en servir, les Xcards peuvent rassurer.

Re: Techniques safe et expériences unsafe

13 Mai 2016, 08:39

Frédéric a écrit :Steve : Comment aurait-on pu éviter ce cas de figure de Burning Wheel ? (J'avoue que je n'avais aucune idée de quoi faire avec mon personnage, bien que je sois parti en début de partie, fatigue oblige).


Ce scénario de BW est très fragile parce qu'il repose sur des relations complexes, inter-croisées, et qu'un joueur peut facilement "omettre" un détail - par exemple le prince nain avait un Belief sur son oncle, disant combien il devait lui rendre la pareille pour avoir abdiqué en sa faveur.

Maintenant le jeu a un système de sécurité, qui est le Duel of Wits. L'oncle est une brute quand il s'agit de convaincre les autres. J'ai d'ailleurs proposé plusieurs fois de régler le différent entre le chef des armées et l'oncle via le système, mais les joueurs ont préféré à chaque fois couper court à la discussion. Cela aurait sans doute changé bien des choses !

D'un autre côté, la plupart des rôles nécessitent d'être pro-actif, là où l'étiquette ou ce qu'on attend habituellement nous feraient plutôt aller vers la passivité - ce sont après tout les sujets d'un prince (le personnage du sage joué par toi, Fred, est peut-être finalement le plus neutre, et donc le plus susceptible de servir de "PNJ amélioré", si l'on excepte la bourde de début de scénario).

Re: Techniques safe et expériences unsafe

13 Mai 2016, 10:21

Alors je risque de lancer un pavé dans la marre. Mes réflexions sont uniquement personnelles et je préfèrerai sincèrement en discuter en personne pour me faire expliquer des choses ou me faire contrer car je ne suis pas convaincu de tout ce que je vais dire, je le dis pour alimenter le débat.

C'est quoi une expérience unsafe ? A t on vraiment envie d'être tout le temps safe ? Personnellement, je ne le veux absolument pas. Le jeu de rôle fait parti de la vie, il m'aide à me construire, il me secoue, me met des fois mal à l'aise. Pour moi, le jeu de rôle c'est du fun mais également une thérapie permanente. Et comme dans la vie, ça n'a pas à être safe tout le temps. Pour moi, la vie, c'est aussi des épreuves difficiles, de l'improvisation, des sujets délicats, et pas uniquement de la joie et des expérience tranquilles.

Certes, quand on vient à une table, on peut avoir envie de mettre tout ça de côté, je l'entend parfaitement. Cependant, à trop vouloir rendre tout "safe" j'ai vraiment peur qu'on perde l'effet de surprise et des fois le plaisir d'être confronté à des sujets personnels.

Je pense que face à une situation dérangeante, il y a plusieurs réactions possibles: (j'en oublie surement)
- Ne rien dire malgré son désarroi par politesse et ne pas bloquer la partie --> situation à éviter. Là une technique de clarification peut être utile.
- Etre tellement pris dans la partie qu'on ne s'en rend pas compte: possible ?
- S'enfermer dans le personnage pour ne pas y pense: en fonction des gens ça peut empirer ou aider. Je ne suis pas sûr qu'une technique puisse aider.
- Prendre le pas sur le personnage et s'incarner dans la fiction: là c'est tout ou rien. Pareil, à part la discussion entre adulte, je ne vois pas trop ce qui peut aider...

Fred, je te cite, n'hésite pas à clarifier ton propos si je t'ai mal compris. Mais quand je li: "Je suis persuadé qu'il vaut mieux un moyen d'éviter le thème dérangeant quand la partie est engagée. Si possible sans avoir à s'expliquer".
Je ne peux être qu'en désaccord, car le jeu de rôle, c'est aussi un moyen d'aborder des thème dérangeant. Si on fait toujours tout pour éviter les choses dérangeante, j'ai peur d'arriver à un truc totalement aseptisé, sans surprise. On apprécie d'autant plus une émotion positive qu'on a déjà fait l'expérience de négatives non ?

Re: Techniques safe et expériences unsafe

13 Mai 2016, 10:36

Maxime (Laconfir) a écrit :Alors je risque de lancer un pavé dans la marre.

...

C'est quoi une expérience unsafe ? A t on vraiment envie d'être tout le temps safe ? Personnellement, je ne le veux absolument pas. Le jeu de rôle fait parti de la vie, il m'aide à me construire, il me secoue, me met des fois mal à l'aise.

Tu formules quelque chose que, je pense, nous sommes quelques uns à avoir en tête.

Typiquement dans l'exemple de Burning Wheel que je cite, le risque de me faire écarter a fait augmenté ma tension, mais cela m'a boosté et cela a rendu très prenantes mes interventions subséquentes. Je suis après tout surtout gêné par une situation théorique qui aurait pu avoir lieu mais que j'ai évité.
C'est aussi pour ça que j'aime bien l'idée du filet de sécurité dans lequel on peut choisir de tomber si l'expérience ne nous convient pas (ici le Duel of Wits). Cela correspond aussi à l'idée du safe-word/de la carte X qui sous entend que -si on se donne des outils pour signaler qu'on veut arrêter la partie- c'est aussi parce qu'on envisage de l'emmener vers des territoires qui nous secouent un peu.
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