Perdus sous la pluie | playtest pictavien

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Perdus sous la pluie | playtest pictavien

Message par Frédéric » 27 Nov 2013, 21:05

Ce mardi soir, Gaël, Mélanie et moi, l’équipe de playtest qui tue même la mort avons joué une partie test de Perdus sous la pluie, le jeu de Vivien alias Mangelune.

On a rencontré des difficultés importantes en jeu, je vais tâcher de restituer tout ça.


Les enfants perdus

Gaël jouait Camille 10 ans.
Elle habite dans un grand manoir, elle se souvient du goût du miel dans les crêpes de sa grand-mère. Quand elle a très peur, elle chante une comptine.
Elle croit que ses parents l’ont abandonnée parce qu’elle fait trop de bêtises.
Elle fait encore des cauchemars du joueur où elle a été enfermée dans le grenier.

Mélanie jouait Elena 12 ans.
Habite dans une vieille maison qui sent la confiture, elle se souvient du parfum de sa mère. Quand elle a très peur elle va se cacher.
Elle croit que ses parents l’ont abandonnée parce qu’elle n’est pas assez intelligente.
Elle fait encore des cauchemars de fantômes.

Je jouais Nicolas 8 ans.
Il habite dans un appartement qui sent le propre au 8e étage.
Il se souvient des caresses de son papa. Quand il a peur, il met les mains sur les yeux pour disparaître.
Il croit que ses parents l’ont abandonné parce qu’il pleure trop.
Il fait des cauchemars d’un chien qui l’a grogné dans la rue.


Première remarque : le seul fait d’écrire sa fiche de personnage de peurs et d’affects enfantins a quelque chose de psychanalytique, ça c’est super cool. ^^


La partie
Camille est celle qui a été tirée au sort, donc on joue sa première scène.
Après s’être perdue, elle entend des voix, croit qu’il s’agit de sa soeur, mais en fait c’est un groupe d’enfants auprès d’un feu de cheminée presque éteint dans une maison abandonnée.

Au passage, on a joué toute la partie, y compris la création des personnages avec Rainy Mood en fond : http://www.rainymood.com/
Ça a foutu une sacrée ambiance.


Les enfants discutent, Nicolas mon personnage fait un acte de compassion en rassurant Camille, je lui donne un de mes jetons.
Puis Camille sent des gouttes tomber sur sa tête, elle pense à une infiltration d’eau, mais quand elle touche son front, ses doigts sont maculés de rouge un peu visqueux, comme du sang. Elle s’écarte, les gouttes tombent plus fort et commencent à former une silhouette. Les enfants se séparent en deux groupes.

À ce sujet, on a décidé de mettre des PNJ dans le groupe. Il fallait les nommer et s’en rappeler, mais ça nous a permis de jouer sur un effet de groupe qu’on n’aurait pas eu s’il n’y avait que nos 3 malheureux PJ.

Le premier groupe monte à l’étage tandis que le deuxième sort sous la pluie, je demande à Gaël quel groupe il suit. Il se rend à l’étage.

On décidera plus tard qu’Elena et Nicolas y sont aussi pour que les interactions entre nous trois puissent exister.

Là, la porte se referme, il se trouve dans un grenier, enfermé. Les enfants essayent d’ouvrir la porte pendant plusieurs bonnes minutes avant que l’épais liquide commence à couler entre les interstices et de s’amasser au pied pour former des silhouettes.

Je crois que Gaël a passé le marqueur ici.

Ensuite les silhouettes prennent la forme de fantômes d’êtres aimés pour nous entraîner dehors. Mais Nicolas a retenu Elena ou Camille, je ne sais plus trop.

Camille a failli se défenestrer pour échapper aux agressions des Sirènes, mais là Gaël s’est demandé si être séparé du groupe signifiait automatiquement la disparition du personnage. Comme on ne savait pas il a décidé juste d’être emporté dans le couloir.

Ensuite on a amoncelé les objets du grenier pour pouvoir atteindre le Velux sous le toit. Nicolas étant trop petit, il demande à Elena qui le rejetait beaucoup, d’attraper sa main pour qu’il puisse monter. Elena refusant par mesquinerie, en tant qu’Aversité, j’’ai raconté longuement que mon personnage se faisait alors dévorer par les Sirènes par sa faute, soudain elle sent quelqu’un lui taper sur l’épaule c’est Nicolas qui est sur le toit avec elle et qui lui demande “alors, qu’est-ce que tu fais ?”
C’était sans doute le moment le plus fort de la partie : bien que la règle soit claire sur la mort des personnages qui étaient impossibles à ce moment-là, Mélanie s’est laissée affecter par ma description. Il y a quelque chose d’important à en tirer, je pense.

Ensuite, on a fui sur les toits en cherchant à atteindre notre école qui ne devrait pas être dans ce quartier et qu’on apercevait plus loin. Mais plus on avançait, plus elle s’éloignait.

On a aussi été confronté à un chien féroce qui en fait n’était qu’un chien normal, sur un toit, qui nous empêchait de passer...

Et on a décidé d’arrêter après 1h30 de jeu. On n’avait encore épuisé que la moitié de nos jetons.
Bon, on a pris le temps des descriptions et de bien laisser les situations se “régulariser” avant de passer le totem.


Nos commentaires sur le jeu

Les points positifs tout d’abord :
  • On a adoré le setting, la situation initiale et l’idée globale du jeu.
  • Je trouve que le jeu a une bonne base : ça se joue bien, il y a de bonnes interactions fictionnelles entre participants et l’économie de jetons fonctionne. Clairement, il y a eu des scènes assez prenantes.
  • La proposition de jouer des enfants perdus, l’idée des Sirènes de l’averse etc. C’est bien trouvé et ça met bien dans l’ambiance.
  • L’économie des jetons, il y a une idée intéressante, à creuser, j’en reparle plus loin.
  • Le fait que les sirènes puissent changer d’apparence, prendre la voix et le visage de nos proches, ça c’est cool.
  • Le fait d’être exposé au rejet du groupe d’enfants, ça aussi c’est un point fort du jeu : avoir des dissensions et des injustices dans un groupe menacé par une menace mortelle, ça a un sacré potentiel.
  • Le fait de formaliser l’utilisation des pronoms personnels en fonction de sa position dans le jeu, c’est une très bonne idée.
  • Contrairement à The Dreaming Crucible, on a une vraie latitude quant à l’utilisation des règles et du contenu des fiches de personnages, ça c’est un bon point.
  • Mélanie ajoute que le simple fait d’être perdu sous la pluie a quelque chose d’angoissant.
  • Je pense que la répartition des responsabilités : qui peut dire quoi, est plutôt bonne.

Ensuite on s’est posés quelques questions pratiques :
  • Est-ce qu’on est limités à 1 transaction de jeton par joueur et par chapitre (quel que soit le type de transaction : Compassion, Retrait ou Rancoeur) ? Gaël suggère d’ajouter sur le résumé “combien de fois on peut utiliser chaque transaction de jeton par chapitre”.
  • On a beaucoup décrit d’événements dans chaque chapitre sans faire de transaction de jetons, y compris pour des actions qui auraient pu donner lieu à une transaction. Du coup, on s’est demandé si c’était pas gênant que le joueur subisse plusieurs agressions, mais qu’il n’y en ait qu’une seule (et pas forcément la plus intense) qui lui coûte un jeton ?
  • Notre partie était beaucoup plus longue que prévu est-ce qu’on a trop brodé ? Pourtant, si on ne l’avait pas fait, la fiction en aurait pâti, car on aurait laissé en plan des approximations et des incohérences qui auraient pu être préjudiciables à la qualité globale de la fiction, en terme de crédibilité, notamment.

Enfin, ce qui nous a paru problématique :
  • On est tous les trois d’accord pour dire que la rotation du rôle de MJ - protagoniste ne fonctionne pas bien, je vais essayer de bien en définir les raisons :
    - Comme les PJ sont groupés, il faut à tout instant pouvoir définir ce que font tous les membres du groupe.
    - Sauf que du fait de devoir jouer l’adversité (assez acharnée) quand on a le rôle d’aversité, on peut difficilement jouer en même temps nos PJ dans une posture “neutre” (c'est à dire de se contenter de défendre leurs intérêts et d'agir de manière raisonnable ou émotionnelle).
    - Je pense que la mécanique de jetons force un peu à choisir d’être agressif ou compatissant artificiellement, plutôt que nous donner des avantages à l’être quand la situation nous demande d’agir.
    - Je pense qu'on n'a pas de raisons en tant que joueurs, de faire autre chose que de prendre un jeton à l'autre. J'ai observé si le fait d'utiliser la compassion et de jouer mon PJ aidant, et d'avoir été victime avait attiré la sympathie des autres joueurs. Ça n'a pas vraiment joué, je pense. Bon, une partie, c'est peu pour vérifier une telle chose. Mais en fait, je ne pense pas que le jeu le permette : je ne crois pas me tromper en disant qu'aucun de nous, habitués à ce genre de sentiments en JdR, n'a vraiment éprouvé d'empathie et de compassion pour un PJ.
    - Du coup, nos PJ nous ont paru artificiellement “bipolaires” : ils sont méchants entre eux gratuitement et gentils gratuitement aussi la minute d'après sans qu'une telle évolution ait un sens. Comme c’est le jeu qui nous pousse à être méchant ou gentil, difficile de mettre de l’affect derrière.
    - C’est le fait de devoir faire des transactions de jetons qui dicte le comportement de nos personnages, ça devrait être l’inverse. Je veux bien développer ce point qui me semble important, dans la discussion.
    - Pour que ça fonctionne, il faut rétablir des mécaniques incitatives : que le jeu nous incite à utiliser des mécaniques au lieu de nous les imposer. Je veux bien développer dans la discussion également.
    - Il faut aussi reconsidérer ces rôles de MJ/Joueur. Je ne pense honnêtement pas que l’on puisse jouer son PJ et les Sirènes en même temps sans rencontrer des biais pour une raison simple : les sirènes n’ont pas de raisons d’agir, elle se nourrissent, c’est tout. Sans raison, sans affect, sans états d’âme.
    Les enfants eux au contraire devraient avoir des raisons d’agir, fussent-elles conduites par l’instinct de survie et l’affect pour les autres personnages, mais comme leurs actes importants sont forcés par la mécanique du jeu... Dans les jeux que je connais et qui fonctionnent, celui qui joue l’adversité ne joue pas son PJ. Si on fait les deux, c’est par alternance. Dans ce cas, si les PJ sont groupés, que faire de son PJ pendant qu’on joue l’adversité ? Si tous les joueurs sauf 1 sont MJ, ça marche si les histoires des PJ sont séparées et ne se croisent pas vraiment. Je veux bien creuser cet aspect là avec toi dans la suite de la discussion si tu veux.
  • Les personnages subissent sans pouvoir véritablement essayer de résoudre. Je pense qu’en JdR, on n’a pas de sentiment d’impuissance quand on ne peut rien faire, c’est quand on peut essayer mais que les chances sont minces ou que les conséquences sont très risquées. Tu vois ce que je veux dire ?
  • Quels sont les choix que tu veux offrir aux joueurs en tant que PJ et en tant que MJ ?
  • Un autre élément important, c’est qu’on a eu le sentiment de tourner en rond : rien ne semble avoir vraiment de conséquences sur la fiction en dehors du fait qu’on change de lieu. Comment marquer une progression dans les enjeux ? Comment faire qu’on ait l’impression de s’enfoncer ou de sortir la tête de l’eau ? Comment marquer une progression dans la fiction ? On a eu l’effet roue de hamster (rassure-toi, on l’a aussi eu dans une ancienne version d’Innommable et de plein d’autres jeux publiés) malgré le décompte des jetons, sans doute à cause de l’absence de conséquences de nos actes.
  • Les relations mériteraient d’avoir des jeux de tension. Exemple : si l’un des personnages est un petit chef un peu tyrannique, qu’un autre se victimise et que le troisième est insoumis ou protecteur, là il va se passer des choses. S’ils ont des raisons intimes de le faire, c’est encore mieux.
  • Tel qu’on a joué le jeu, on a bien senti un mélange de poésie onirique, de survie et de relationnel. Cependant, on n’a pas eu le sentiment d’en explorer vraiment un à fond.
  • On peut faire subir un peu ce qu’on veut au joueur en tant que Sirène, qu’est-ce qui nous empêche d’aller dans des extrêmes comme : “Poum, t’es au Népal ?” (Ou moins gratuitement : un vortex apparaît et te transporte dans des montagnes immenses et enneigées).
    Vu le peu de prises qu’a le joueur sur l’histoire, ça risque d’être la galère pour revenir dans le groupe, surtout si les sirènes n’en ont aucune envie.
  • Enfin, on s’est un peu forcés à intégrer le contenu des fiches alors que ça devrait s’inscrire dans les enjeux des situations dès le début, ou comme des enjeux forts. Il y en a même qu’on n’a jamais évoqués. Ce n’est pas le contenu des fiches qui nous a permis de créer des scènes fortes.

Je suis désolé, ça fait beaucoup de critiques assez difficiles, puisqu’elles touchent au coeur du game design. C’est Mélanie qui a été la plus “méchante” (comment je cafte) mais Gaël et moi étions d’accord avec elle.
J'ai organisé cette partie avec une vraie appétence pour ton jeu et après lecture, je pensais que ça tournerait bien.
On a donc testé honnêtement le jeu et je suis déçu du résultat pour toi, car j'aurais vraiment voulu que ça se passe bien parce que je trouve que tout ça a un grand potentiel.
Sincèrement, si tu veux juste en faire un jeu pour se raconter une histoire au coin du feu, pas de souci, ça marche. En revanche, si tout ce qu'on a abordé dans nos critiques t'intéresse, compte sur nous pour te donner un coup de main.
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Re: Perdus sous la pluie | playtest pictavien

Message par Mangelune » 28 Nov 2013, 09:50

Salut Fred ! Merci pour cette critique bien détaillée (je vais avoir du mal à répondre à chaque point). L'idée d'ajouter des PNJs peut être bonne effectivement, ce peut être une option intéressante.

Bon bien sûr je suis désolé que la partie se soit finalement assez mal passée, au point d'arrêter après 1h30 en ayant le sentiment que les choses tournaient en rond.

Un des points qui me paraît crucial pour que Perdus fonctionne, c'est que chaque chapitre se passe dans la tête d'un enfant. Ce qu'il voit, ce qu'il ressent, c'est ce qui se passe, modifié par l'influence néfaste des Sirènes. Pendant son tour, les autres joueurs ne jouent plus leur personnage mais l'ensemble des perceptions et des mauvaises pensées du protagoniste.

Cela signifie que par exemple si le groupe est attaqué, un Aversaire peut décrire comment le groupe se défend en vain contre la créature (évoquant potentiellement les personnages des autres). Cela signifie aussi qu'aucun personnage n'est "neutre" contrairement à un jdr normal où l'on considère que ce qui est décrit ce sont des faits objectifs.

Cela signifie aussi que chaque événement peut être abordé selon plusieurs points de vue. Dans toutes nos parties nous avons découpé la plupart des événements en plusieurs chapitres très courts (tu descends les marches vers la pénombre -1 jeton, tu te retournes et vois tes amis reculer et t'abandonner -1, tu t'enfonces dans le noir et disparais -> tour suivant), le simple fait d'explorer une maison demandant souvent un tour de table complet. Ce qui permet sans doute d'éviter cette impression que vous avez eu de ne pas perdre assez de points alors que toutes sortes d'événements ont eu lieu (car effectivement on est limité à une transaction par joueur et par tour, la rancoeur n'étant possible que pour le joueur "actif"). Le problème serait moins de se limiter dans les descriptions que d'explorer les choses selon plusieurs points de vue.

Il faut aussi dire que la colère ou la violence ne sont pas les seuls relations qui peuvent faire perdre des jetons. Le doute, l'impuissance du leader, la culpabilité, le silence...

Avant de continuer j'aimerais savoir si un des problèmes se résoudrait en gardant cela à l'esprit (si Steve ou Fabien ou d'autres veulent apporter leur point de vue ils sont les plus que bienvenus) et si ce n'est pas à ce niveau un problème de clarté des règles.
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Re: Perdus sous la pluie | playtest pictavien

Message par Steve J » 29 Nov 2013, 15:29

Mangelune a écrit :Avant de continuer j'aimerais savoir si un des problèmes se résoudrait en gardant cela à l'esprit (si Steve ou Fabien ou d'autres veulent apporter leur point de vue ils sont les plus que bienvenus) et si ce n'est pas à ce niveau un problème de clarté des règles.

Je suis assez convaincu par ton explication sur l'idée de scènes qui font alterner les points de vue. Ceci étant dit quand j'ai fait joué au jeu sans toi (et donc quand j'ai présenté les règles du jeu) je n'ai pas mentionné ce point et je n'ai pas rencontré le problème de confusion des rôles vécu par le groupe de Frédéric (ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas le prendre au sérieux).

La partie a ressemblé, au moins par son rythme, à celles que nous avions joué ensemble : succession de scènes rapide (on tapait sur la table comme au poker pour signifier qu'on ne souhaitait pas donner ou prendre de jeton pendant le tour), joueurs prenant des décisions tactiquement non gagnantes pour leurs personnages, partie de moins d'une heure.
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Re: Perdus sous la pluie | playtest pictavien

Message par Frédéric » 29 Nov 2013, 16:09

Salut Vivien,

tel qu'on a joué, on a respecté (malgré un temps d'habituation) le principe de dire "je" pour le protagoniste, "tu" et "il" pour les aversaires.
Mais pour ce qui est de jouer de sorte que tout passe par le point de vue du protagoniste, on n'avait pas compris que le jeu était censé fonctionner comme ça.
Les aversaires ont occasionnellement participé aux sentiments négatifs du protagoniste (j'appelle le protagoniste le joueur-enfant qui dit "je"), mais ce n'était pas systématique.

J'avoue que je me demande ce que ça aurait changé à la partie. Le truc sur lequel ça me semblerait pouvoir avoir un impact, c'est ça :
- Est-ce que ça aurait facilité le fait de jouer à la fois les Sirènes et les PJ du côté de l'aversité ? Je ne sais pas, c'est une vraie question. Tout comme dans Bliss Stage, quand on joue le personnage en contact radio avec le pilote, on se trouve légitime à décrire l'adversité, peut-être que ça permet un partage inhabituel des responsabilités de la fiction.
- Cependant, ce qui m'a dérangé pendant la partie, c'était pas tant le fait d'alterner entre "le camp des gentils" et le camp des "Sirènes", mais d'utiliser des personnages du camp des gentils pour faire du tort aux gentils. Peut-être déjà manquent-ils de raisons de créer des conflits entre enfants ?
Si je fais agir mon PJ en tant qu'aversité, je dois tout de même lui faire prendre des décisions et je me retrouve en position de prendre des partis inverses de ceux que j'ai pris la scène d'avant (Nicolas était aidant et arrangeant envers les autres enfants. Je pouvais décider de ne pas l'utiliser pour faire du tort. Mais le jeu me met en position de faire une transaction de jetons, le seul choix qu'il me laisse c'est de ne pas le faire ou de choisir entre Nicolas, un enfant PNJ ou les sirènes pour faire une crasse).
Du coup, la cohérence des choix d'un même personnage est assez difficile à préserver (d'où l'idée de bipolarité). Si on part du principe que ce n'est plus "nous" : quand je joue Nicolas en étant aversaire, ce n'est plus Nicolas, ça n'empêche pas que je suis moralement lié à ce personnage et que je me trouve obligé de créer une discontinuité, une incohérence entre ses choix en tant que protagoniste et ses choix en tant qu'aversaire, si je veux pouvoir faire cette transaction de jetons qui conduit le jeu.
Éventuellement, je préfèrerais peut-être que ce soit Mélanie ou Gaël qui contrôle mon PJ Nicolas pour en faire un monstre quand je suis moi-même aversaire et que moi je puisse contrôler les leurs, bien que je ne sais pas du tout si j'apprécierais vraiment ça sur la durée, surtout si leurs choix ont des conséquences importantes sur mon PJ.

Est-ce que dire que les Sirènes peuvent contaminer ou prendre possession des enfants ne serait pas un bon moyen de justifier le fait qu'on perd le contrôle sur son PJ ? Comment faire pour que ce ne soit pas purement mécanique ?

- Au sujet du fait que chaque participant (ou juste les aversaires ?) fassent 1 narration pour 1 transaction de jetons, je pense que ça mécanise une fiction qui devrait plutôt fonctionner de manière organique : se tisser par la convergence de choix, d'événements et de micro événements décidés par et pour la fiction, plutôt que par un cadre de règles qui constitue une raison d'agir externe à la fiction.

En l'état, les transactions de jetons conduisent la partie. Je pense que ce serait mieux que ce soit la situation de la fiction qui conduise la partie.

Je te conseillerais de permettre à ceux qui jouent le rôle de MJ de ne pas jouer que l'adversité dans le jeu, la mécanique de compassion a l'air d'être faite pour ça, mais d'un point de vue "tactique" pour le moment je pense qu'elle est anecdotique : je pense que les raisons "intradiégétiques" d'y avoir recours ne sont pas suffisantes. Dans Zombie Cinema quand je sacrifie mon personnage pour en sauver un autre, je le fais parce que j'ai de l'empathie ou de la sympathie pour le personnage, je ne suis pas tenu ni de déclencher un conflit, ni de me sacrifier. Je ne le fais que quand je juge que la situation fictionnelle en vaut la peine.
Dans une version d'avant publication de Monostatos, on avait discuté de ça avec Fabien : le MJ ne jouait que l'adversité et se trouvait dans une position de tirer sans cesse sur les PJ. Cette posture d'agression permanente est à mon avis mauvaise pour l'équilibre de la fiction : elle crée une dynamique très binaire qui empêche les nuances dans les relations des personnages, et les respirations dans l'histoire.
Je pense pareil de Polaris de Ben Lehman où celui qui joue le démon n'a pas grand chose d'autre à faire que tirer à vue sur les PJ. Le résultat, c'est que l'affrontement devient forcé, acharné, ça devient caricatural. Le seul moyen dans Polaris pour éviter cet écueil, c'est de se taire, de laisser les autres jouer et de se contenter d'enrichir la situation pacifiquement en attendant son heure, mais le jeu n'incite pas à ça.


Au passage, je tiens à préciser que quand on a décidé d'arrêter la partie, ce n'était pas parce qu'on en avait marre, mais plutôt parce qu'on avait compris les "limites" du jeu en quelque sorte. En tout cas, j'aurais pu continuer la partie si les autres n'avaient pas suggéré de stopper, bien que je commençais à m'essouffler un peu.
De plus, je pense que notre groupe de joueurs n'aime pas "compenser" un jeu : on joue dans le sens du jeu, si on ne va pas quelque part, on ne se forcera pas. Sans doute parce qu'on a l'habitude de jeux qui ne nous demandent pas de compenser. Du coup, quand je leur fais tester un de mes jeux et qu'il y a la moindre faille dans son "économie", ils ont tendance à s'engouffrer dedans puisqu'ils ne compensent pas. ^^
En revanche, je sais que quand un jeu tourne bien, c'est qu'il tourne vraiment.
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Re: Perdus sous la pluie | playtest pictavien

Message par Mangelune » 29 Nov 2013, 17:14

Finalement dans les tests je n'ai pas eu cette sensation de voir des personnages changer brusquement de comportement au détriment de la fiction ; ce n'est évidemment pas l'objectif du jeu, et les histoires de sirènes et de perception faussée ne pourront justifier que modérément de tels revirements (en tous cas pas longtemps). Il me semblait que les possibilités d'action (entre l'aspect horreur des sirènes, les perceptions faussées et toute la gamme des sentiments) étaient assez larges pour justement éviter cet écueil, bref que la mécanique de transaction pouvait s'appliquer sans pour autant rendre artificielle la fiction.

Un Aversaire peut agresser, ne rien faire ou aider ; c'est théoriquement un choix non pas binaire mais ternaire puisque même ne rien faire permettra de "faire le MJ" (à condition de ne rien décrire d'horrifique). A ce titre Zombie Cinema m'avait largement donné l'impression de me forcer à déclencher des conflits avec son objectif "jeu de plateau" (avancer sur la dernière case avant d'être rattrapé en "agressant" les autres), me poussant en tant que joueur à créer des clashs même lorsque je n'avais aucun intérêt à le faire. Ca ne m'a pas empêché d'apprécier le jeu et la partie, mais j'ai tout de même ressenti une certaine obligation de "créer du conflit". Cela marche peut-être mieux qu'avec Perdus sous la Pluie parce que la présence d'un unique MJ permet de prendre son temps pour développer des choses sans craindre de voir ses idées mises au rebut ?

Je vais cependant essayer d'adopter un point de vue critique :
* Je suis joueur à Perdus, mon but "mécanique" est apparemment de survivre en étant le dernier à avoir des jetons. Je peux le faire en rendant mon Enfant sympathique mais ce n'est pas facile à cause du changement régulier de point de vue :
- si je fais des tours courts je manque de temps pour me développer réellement
- si je fais des tours plus longs les autres auront vite épuisé leurs possibilités d'action (puisqu'ils ne peuvent me prendre qu'un jeton par tour) et cela deviendra ennuyeux
- si je le fais pendant le tour des autres (quand je suis Aversaire) je me sens limité car je dois parler de mon perso à la 3ème personne (en le chosifiant je ne risque pas de le rendre sympathique) et souvent le faire agir contre le protagoniste (ce qui ne rend pas non plus mon perso sympa)
- Si je veux au contraire gagner en "détruisant" les autres pendant leur tour je suis tellement limité (un jeton par tour) que c'en est ridicule. Et si je les démolis pendant mon tour (la rancœur) je suis sûr de perdre aussi sauf en fin de jeu.

Je me dis alors que le jeu me trompe et que les jetons ne sont pas là pour me donner un objectif; ils sont seulement une forme de "compteur de temps" (le temps qu'il reste à mon personnage avant de disparaître).
- Je pourrais stresser et me débattre mais comme je n'ai aucun moyen de lutter (pas de jet de dé, pas de test improbable mais néanmoins possible) cela me paraît totalement inutile. Même lorsque les autres m'enlèvent mes jetons je ne ressens pas de frustration.
- Je vois que je peux juste faire pencher légèrement la balance en direction d'un PJ ou un d'un autre, en essayant d'en sauver un en me sacrifiant ou au contraire de l'enfoncer par la rancœur. Je n'ai aucune prise sur mon propre sort, je ne peux qu'influer modestement sur la destinée des autres.
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Re: Perdus sous la pluie | playtest pictavien

Message par Steve J » 29 Nov 2013, 17:35

Frédéric a écrit :- Au sujet du fait que chaque participant (ou juste les aversaires ?) fassent 1 narration pour 1 transaction de jetons, je pense que ça mécanise une fiction qui devrait plutôt fonctionner de manière organique : se tisser par la convergence de choix, d'événements et de micro événements décidés par et pour la fiction, plutôt que par un cadre de règles qui constitue une raison d'agir externe à la fiction.

Je trouve un peu étrange la remarque de Vivien sur cet aspect parce que j'ai le souvenir d'avoir cette adversité à plusieurs voix, qui se partagent la parole et rebondissent sur les discussions des autres (à la Polaris). J'ai certes insisté sur cet aspect en jouant et en présentant le jeu sans Vivien ("vous pouvez parfaitement décrire ensemble, vous partager les élément de description : un jour décrivant l'environnement pendant que l'un parle par la bouche d'une Sirène"), mais je trouvais déjà ça présent dans les deux parties jouées avec lui.
Il faut donc décrire pour enlever/donner un jeton mais il est possible d'intervenir sans mouvement de jeton (même s'il serait incongru de décrire certains événements sans enlever de jetons). Même sans prendre un jeton au joueur on peut donner des billes pour permettre à d'autres joueurs de le faire. On peut même prendre un plaisir un peu sadique à prendre la parole, commencer à décrire, sans finalement aller jusqu'à prendre un jeton. Par contre on se s'éternise pas dans un tour une fois qu'il est clair que chacun a effectué les mouvements de jetons qu'il souhaitait effectuer.
Je ne trouve pas que les transactions de jeton conduisent plus la partie que la Ficton, les parties montrent que certains type de personnages disparaissent plus vite (les plus âgés vont souvent se sacrifier pour permettre aux jeunes de survivre par exemple alors que l'âge n'est pas un élément traduit mécaniquement).

PS : Je trouve extrêmement intéressante l'idée de Frédéric sur la compensation par certains groupes des manques des systèmes de règles. Il faudrait sans doute en avoir conscience lors de tout test.
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Re: Perdus sous la pluie | playtest pictavien

Message par Frédéric » 29 Nov 2013, 18:53

Alors concernant Zombie Cinema, je pense aussi que le jeu incite à créer artificiellement des conflits.
Je pense que c'est dû au fait qu'en dehors de leur aspect caricatural, les personnages n'ont pas de raisons de se disputer. Du coup, on en invente pendant le jeu, sans motivations intradiégétiques pour que le jeu fonctionne. J'ai décidé que la prochaine fois que j'y jouerai, on déciderait à l'avance des points de conflit entre personnages (que ce soit dans des clivages de personnalité ou dans des problèmes pré-existants).

J'ai eu un sentiment assez proche dans Perdus sous la pluie : comme la fin de la partie (et donc la résolution des problèmes) dépend de l'épuisement des jetons, on invente des raisons d'enlever des jetons qui n'ont pas de motivations intradiégétiques, d'où l'aspect "artificiel" des conflits décrits plus haut.

Ton analyse critique me paraît bonne (sauf que le fait de parler à la troisième personne ne nous pose aucun problème d'affect ou d'implication, pour nous c'est fonctionnel).

Le MJ unique dans Zombie Cinema a un seul avantage : le groupe continue d'exister, un seul PJ est mis entre parenthèses. D'ailleurs je trouve assez désagréable dans ZC quand on utilise son PJ en tant que MJ temporaire, pour créer des conflits, je trouve ça assez artificiel. Donc quand je veux créer du conflit dans ce rôle, je mets mon perso entre parenthèses.
Comme le groupe continue d'exister parce que tout le monde reste protagoniste, hormis le MJ par intérim, les relations entre personnages peuvent rester sincères (dans la mesure où c'est le MJ qui crée des problèmes et non les joueurs entre eux de manière forcée).
En dehors de ça je n'ai aucun reproche à faire à la mécanique de Zombie Cinema.

Steve : on a joué comme tu le décris (sauf que des fois on faisait encore des crasses après avoir déjà ôté un jeton par pur plaisir ou pour tendre des perches aux autres). ^^
On ne se réfrénait pas sur les descriptions et les mises en situation, d'où la durée de la partie.


Concernant le système, j'aimerais décrire l'effet "roue de hamster" (j'espère que l'expression ne te dérange pas, elle n'a rien de moqueur, bien qu'elle désigne quelque chose qui me semble être un défaut) :
- Les jetons désignent la progression de la partie, ils sont en quelque sorte le seul marqueur du temps de la partie.
--> Quand un joueur perd un jeton, la partie avance.
--> Je peux en enlever à un autre joueur ou m'en enlever et en enlever à qq d'autre, ou m'en enlever et le donner à qq d'autre.
--> Si je ne pose pas de problèmes quand je suis aversaire, il n'y a pas d'enjeux dans la fiction.
--> Si je pose un problème, j'ai plutôt tendance à enlever un jeton.
--> J'ai donc le choix entre faire avancer la partie mécaniquement et la fiction ou produire de la fiction sans enlever de jeton et donc sans avancée mécanique, ou aider, ce qui n'est pas vraiment une avancée mécanique dans la mesure où le nombre de jetons sur la table ne diminue pas, c’est plutôt une redistribution des jetons sur la table. --> C'est en cela que la mécanique conduit la partie : pour que le jeu avance, il faut enlever des jetons.

- Dans la fiction, les sources de problèmes sont triples (dans notre partie du moins) : Les Sirènes qui agressent ou font peur, les PJ qui génèrent des conflits sous la forme de rejet et de disputes, et les enfants PNJ qui peuvent créer du conflit aussi.
--> Les sirènes retirent toujours des jetons. Les PJ peuvent retirer des jetons ou en donner. Seul le fait de retirer fait vraiment avancer le jeu. Les PNJ peuvent seulement retirer.
--> Du coup, le fait de retirer des jetons est vraiment ce qui est valorisé dans l'économie du jeu.

Concernant les raisons d'agir :
- Les Sirènes agressent sans cause humainement raisonnable.
- Les PNJ agressent, s'il y a des PNJ (pour quelles raisons ?)
- Les PJ agressent pour des raisons humaines --> Quelles sont ces raisons ? (À mon avis c'est ce qui manque au jeu en l'état, comme à Zombie Cinema. Si l'on avait des raisons intimes de se disputer, de créer des conflits, ce serait top - voir les schémas de conflits entre personnages dans les théories de dramaturgie).
- Les PJ s'entraident ou se soutiennent (Pour quelles raisons ? C'est plutôt défavorisé par l'économie du jeu et l'affect est à mon avis difficilement présent, donc les raisons de le faire pour les joueurs sont pas très présentes, c'est un peu gratuit).

La dynamique encouragée par l'économie du jeu :
- agression --> fuite, agression --> fuite, agression --> fuite (ad lib). Mais après chaque agression, en dehors du fait que le nombre de jetons a changé, il manque un impact dans la situation de la fiction.
--> À mon avis, cet impact c'est ce qu'il manque pour créer une entropie, quelque chose qui fait que ça évolue, que quand une agression fait effet, que ça ne soit pas gratuit et que ça empire au fil de la partie. C'est sans doute ce qui rendrait utile le soutien et l'entraide (par compassion).
- De plus, il manque un moyen d'impacter la progression des agressions.
Avec ça, on pourrait sortir de la roue de hamster.

(Ce que j'appelle Économie (traduction personnelle de Currency, un concept forgien), c'est ça : les interactions du système.)
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Re: Perdus sous la pluie | playtest pictavien

Message par Frédéric » 29 Nov 2013, 18:56

Dites-moi si vous pensez que j'oublie quelque chose dans mon schéma.
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Re: Perdus sous la pluie | playtest pictavien

Message par Mangelune » 30 Nov 2013, 18:32

Du coup est-ce qu'il ne serait pas profitable de mettre dans le questionnaire de départ deux questions auxquelles il faudrait répondre une fois les présentations des persos faites, une portant sur un des enfants que son PJ n'aime pas, l'autre sur un des enfants que le PJ apprécie ? Cela peut néanmoins être aussi artificiel (on ne sait pas si on va apprécier le perso avant de l'avoir vu se comporter) ; de plus, le vote de départ pousse normalement chaque joueur à choisir avant même la partie un enfant qu'il n'aime pas.

(à propos, lors de ma seule partie de Zombie Cinéma, le conflit créé par le MJ passait systématiquement par son perso ; on pensait d'ailleurs que "MJ" à Zombie Cinéma voulait dire "je raconte l'histoire en la centrant sur mon perso").

Passons à l'effet roue de hamster ;) Effectivement je suis conscient depuis le début de l'effet "on n'avance que en attaquant" : ne rien faire voire se sacrifier pour un autre ne permet qu'une respiration, le nombre de jetons global stagnant et l'histoire n'avançant pas ; ça ne me gêne pas trop parce que ça irait plutôt dans la philosophie du jeu/univers. Je me disais même qu'une façon de finir le jeu autrement que par la voie "officielle" était de créer une boucle infinie de solidarité, les enfants errant choisissant d'errer éternellement dans les limbes en s'entraidant.

- agression --> fuite, agression --> fuite, agression --> fuite (ad lib). Mais après chaque agression, en dehors du fait que le nombre de jetons a changé, il manque un impact dans la situation de la fiction.
--> À mon avis, cet impact c'est ce qu'il manque pour créer une entropie, quelque chose qui fait que ça évolue, que quand une agression fait effet, que ça ne soit pas gratuit et que ça empire au fil de la partie. C'est sans doute ce qui rendrait utile le soutien et l'entraide (par compassion).
- De plus, il manque un moyen d'impacter la progression des agressions.
Avec ça, on pourrait sortir de la roue de hamster.


J'ai du mal à saisir ce que tu entends par "impact dans la situation de la fiction". Enfin je crois voir à peu près : dans Perdus, une fois l'attaque terminée, à moins que l'enfant n'ait disparu, le groupe reprend comme s'il ne s'était rien passé ? Il n'y a pas d'accélération dans la violence ? Cela dit, comment intégrer un impact dans la fiction autrement qu'en laissant les participants s'en charger - je laisse volontairement énormément de latitude aux joueurs dans leur interprétation, leur façon de s'approprier la mécanique, etc.

Quand tu parles d'impacter la progression, tu veux dire dans quel sens ?

(merci encore Fred de me pousser à réfléchir à tout ça, et c'est cool de t'avoir Steve pour apporter un deuxième regard extérieur, merci !)
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Re: Perdus sous la pluie | playtest pictavien

Message par Frédéric » 01 Déc 2013, 14:44

J'espère en tout cas que cet échange te sera utile. ;)

Pour le questionnaire, tu peux aussi miser sur des profils de personnalité conflictuels : celui qui se prend pour le chef, celui qui déteste l'autorité, celui qui est protecteur, le souffre-douleur etc.
Dans le modèle du comportement de l'Analyse Transactionnelle ils établissent que dans les conflits, on trouve souvent un triangle Victime-Sauveur-Persécuteur (et la victime comme le sauveur alimentent autant les problèmes que le persécuteur).
Tu peux aussi envisager des profils de personnalité plus élaborés dans ce genre : http://www.psycho-ressources.com/bibli/ ... alite.html
Ou poser des questions aux joueurs du type "qui aimes-tu le moins dans le groupe ?", "qui ne te paraît pas sincère ?", "qui aimes-tu le plus ?", "qui aimerais-tu pour sœur/frère ?", "tu as perdu le bracelet que t'as offert ton grand père, à ton avis, qui te l'a volé ?", "si tu devais abandonner quelqu'un, ce serait qui ?" etc. Comme ça tu stimule le jugement et les nœuds de tension des joueurs pendant la partie.

Pour Zombie Cinema, on est un peu obligés de jouer son personnage quand on est dans le rôle de MJ, sans quoi personne ne le jouera et il faut bien déterminer ce qu'il fait. En revanche, Eero Tuovinen précise qu'à ce moment là, on ne défend plus les intérêts de son personnage : http://www.arkenstonepublishing.net/zom ... e-for-play ce qui à mon avis peut poser les mêmes difficultés que celles qu'on a eues avec Perdus sous la pluie.


Pour ce qui est de l'effet roue de hamster, elle tient en effet en partie au fait que rien n'incite à faire autre chose qu'attaquer. Et en plus, une fois l'agression passée, elle n'impacte pas vraiment la situation suivante.

Pour que les joueurs aient envie d'utiliser une règle, il faut qu'elle présente un avantage. Plus cet avantage est mécaniquement lié à une nécessité forte du jeu, plus elle tendra à être sollicitée :
- Dans Innommable, pour pouvoir prendre un dé supplémentaire, il faut faire une narration surnaturelle de rêve, d'hallucination ou autre. Ce qui fout souvent son personnage dans une situation désagréable, mais qui fonctionne parce que sans dés on ne peut pas résoudre les conflits et on est rapidement dans une merde noire.
- Dans Space Rônin, j'aurais pu déterminer que la Vertu des PJ est seulement un guide de leur comportement qu'ils peuvent utiliser ou non. Au lieu de ça, j'ai décidé qu'à chaque fois qu'un joueur transgresse sa vertu, il prend une complication. Ce qui a permis de donner de l'importance à ces vertus : quand on la transgresse, c'est vraiment parce qu'on l'a décidé et généralement parce qu'à ce moment-là on préfère payer ce prix-là qu'un autre. (Ici, l'avantage mécanique, c'est que tant qu'on ne transgresse pas la vertu, on n'a pas de pb. Ça marche car une vertu ne vaut que si on la respecte tout le temps).
- Dans Poison'd, quand tu gagnes un jet de dés, tu obtiens un X qui te donneras des avantages lors des combats.

À mon avis, les règles autres que "prendre un jeton" manquent d'incitations (mais peut-être qu'en changeant d'autres choses elles reprendraient une bonne place dans le jeu, je ne sais pas). De même, ce qui se trouve sur la fiche de personnage, rien ne nous incite mécaniquement à leur utilisation.

Ça c'est le premier point.

Le deuxième, c'est que selon le type d'agressions que l'on fait subir aux autres joueurs, la fiction nue ne suffit pas toujours à leur donner de l'importance. Certes ça retire un jeton, mais comment imposer que ça prenne de l'importance dans la situation de la fiction ?

- Si je te coupe un pied, c'est sûr, tu vas devoir le prendre en compte, tu ne pourras plus courir pour échapper aux Sirènes, tu vas te vider de ton sang, donc c'est un truc important. Seulement, ce n'est pas vraiment le genre d'outrages que tu veux pour Perdus sous la pluie, je crois.

- Si je te décris un truc censé faire peur, je peux essayer de faire peur au joueur (ce qui est assez difficile, je pense, mais pas impossible) ce qui peut suffire, mais je pense qu'il est difficile de compter trop là-dessus (on a dû y arriver 2 fois dans notre partie). Donc il faut que ça ait un impact mécanique et que cet impact mécanique ait un effet sur la fiction. Par exemple, au bout de 3 jetons retirés par la peur, le personnage commet un acte irresponsable. Ou : Quand je perds un jeton à cause d'un truc flippant, je dois transmettre ma peur : je dois faire quelque chose qui fasse peur à quelqu'un d'autre (sinon sanction ?). Ou encore : quand un aversaire prend un jeton en faisant peur à mon personnage, il peut en prendre le contrôle et raconter ses actes le temps d'une narration. Ou pourquoi pas : on a deux types de jetons (par exemple les noirs et les blancs), certains représentent le ressentiment du personnage, les autres son espoir. Donc il faut se débarrasser des mauvais, parce que si on se retrouve avec + de noirs que de blancs, le personnage pète un câble (temporairement), devient incontrôlable, commet des actes violents ou quoi que ce soit. Mais bien sûr, les jetons noirs et blancs sont tous les deux une protection pour ne pas disparaître.

- La réserve de jetons a un biais à mon avis : Elle marque le temps du jeu dans sa progression vers le dénouement, mais tant qu'elle n'est pas épuisée, on n'a rien à craindre. Comme sa seule répercussion se fait à la fin de la partie, ça donne l'impression qu'on n'a rien à craindre tout le reste du temps. Et c'est le fait qu'on n'ait rien à craindre qu'il faut changer à mon avis. Comme on n'est pas censé infliger des blessures ou sévices physiques graves dont on ne peut ignorer l'effet sur chaque geste, il faut trouver un moyen pour que les coups psychologiques aient des répercussions.
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Re: Perdus sous la pluie | playtest pictavien

Message par Gaël Sacré » 01 Déc 2013, 19:17

Salut Vivien,

Je suis complètement d'accord avec les propos de Frédéric, mais je vais tenter ici d'appuyer ses propos et de proposer une explication différente qui te permettra peut être d'avoir un autre angle de vision.

Tout d'abord, sache que malgré ce que laisse peut être transparaître ce rapport de partie et nos nombreuses critiques, nous avons passé un bon moment à jouer à Perdus sous la pluie. Seul le sentiment de tourner un peu en rond à la fin nous a poussé à mettre fin à la partie. En dehors de ça, les situations que nous avons créées, l'atmosphère du jeu (appuyé par Rainy Mood) et nos personnages étaient vraiment intéressants.

Je pense que la base de ton jeu est super. La création des personnages et la situation nous met dans une situation claire de survie face à des créatures protéiformes qui jouent sur les peurs et les espoirs des personnages. Mais ce qui manque effectivement, c'est une évolution dramaturgique. C'est à dire une évolution dans la situation qui permet de faire changer les personnages en bien ou en mal (avec toutes les nuances entre les deux). J'ai tendance à penser qu'une bonne histoire c'est : un enjeu clair (ça c'est ok), des personnages qui changent et une évolution inévitable vers un choix décisif (le climax). D'après ce que je comprends, ça ne te gêne pas qu'il n'y ait pas le troisième point, pourquoi pas, cela peut souligner ta philosophie par la frustration des joueurs. En revanche, le fait de ne pas avoir la possibilité de changer les personnages me semble problématique, dans la mesure où il est difficile d'avoir de l'empathie pour quelqu'un qui ne retire rien des actions qu'il entreprend ou qu'il subit. En tant qu'être humain, nous avons de l'empathie envers nos semblables qui souffrent. Si les personnages d'enfants de Perdus sous la pluie ne changent pas mécaniquement, rien n'oblige les joueurs a les faire évoluer et on risque donc de se retrouver avec des "robots" plus qu'avec des être humains.

Il faudrait donc à mon avis mettre en place des mécaniques qui permettent de faire en sorte que l'enfant que nous jouons au début de la partie ne soit plus le même plusieurs chapitres après, et que ces conséquences aient un impact direct sur la manière dont on fait jouer son personnage et le pousse de plus en plus vers la disparition ou la survie (qu'elle soit perpétuelle ou non).

Pour qu'il y ait une transformation du personnage, je pense que nous avons des choses très intéressantes sur notre feuille de personnage qui peuvent évoluer et marquer ainsi le changement, mais il faut relier ces "traits" aux mécaniques du reste du jeu.

J'espère que cette vision complètera les propos de Frédéric et t'aidera à améliorer ton jeu, que je trouve sincèrement très cool et que j'aurais plaisir à réessayer si tu as besoin à nouveau de playtesteurs !

Bon courage !
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Re: Perdus sous la pluie | playtest pictavien

Message par Mangelune » 05 Déc 2013, 20:07

Merci pour ton point de vue Gael ! Je mets du temps à répondre parce que hélas je suis complètement submergé cette semaine (et je dois préparer un autre jeu pour un playtest demain soir) et puis parce que je ne veux pas balancer une réponse vite bâclée.

Je vois bien ce que je pourrais faire pour changer certains points mais je me demande toujours si on ne risque pas de perdre autant que de gagner. Je me place par rapport à l'esprit du jeu tel que je le conçois bien sûr, puisque toutes vos critiques sont très bien vues et tout à fait valables.

J'avoue que ce jeu a été conçu avec une certaine idée de simplicité en tête : peu de règles, pas de jets de dés venant interrompre la narration. Ce afin de maintenir au mieux l’ambiguïté entre joueur et personnage, entre enfant et aversaire. Même si j'aime énormément l'idée de liens inscrits sur la feuille et changeant comme dans Dogs, je ne pourrais pas l'appliquer au jeu sans ressentir le besoin de le modifier en profondeur (allez savoir pourquoi, j'aurais du coup envie de rajouter un MJ, de faire des parties plus longues, une mécanique de résolution, etc.)

Perdus sous la pluie ne raconte pas vraiment une histoire effectivement : pas de vraie progression dramatique, pas d'évolution des personnages ou à la limite une évolution mineure (de toute façon l'action est sensée se finir assez vite, elle peut presque prendre place sur quelques minutes), pas de climax, pas d'accélération ou très peu, pas de lutte pour la survie... Des perceptions, des flashs de violence, une ambiance un peu triste plutôt ; j'ai peur de me la péter en reprenant ce terme mais quand Fabien a parlé de "jeu de rôle poème" il était finalement très près de ça, de l'idée d'un jeu s'éloignant un peu des structures narratives "classiques" (à ce titre Prosopopée n'adopte pas non plus une véritable forme dramatique habituelle). Est-ce que le jeu de rôle ne permet pas justement de développer ce type de choses ?

En tous cas je n'ai jamais perçu les personnages de Perdus comme des robots, bien au contraire ; ils me feraient plutôt penser à des inconnus que je croiserais dans la vie, sur lesquels je n'aurais guère d'infos, avec qui je traverserais quelque chose de violent mais que je quitterais avant même d'avoir eu l'occasion de les connaître vraiment. J'imagine aussi tout à fait un enfant à qui il arriverait un truc terrible mais qui n'aurait pas encore les capacités pour intégrer un tel événement ; c'est paradoxal vu qu'on dit que les enfants sont en gestation, qu'ils apprennent énormément... ma vision est peut-être biaisée.
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Re: Perdus sous la pluie | playtest pictavien

Message par Frédéric » 08 Déc 2013, 15:19

Salut Vivien, tout d'abord je dois m'excuser, je pense que j'aurais dû faire mon CR différemment, qu'il ne rend pas justice à ton jeu et qu'il est trop chargé.
J'essaierai de faire plus d'efforts à l'avenir pour essayer de synthétiser la critique plutôt que de l'exposer dans les détails comme je l'ai fait ici. J'ai conscience que c'est assez dur et que ça ne t'aide pas autant que je le voudrais pour cerner ce qui est important de ce qui l'est moins.
En fait, il y a 2-3 critiques globales, tout le reste est une conséquence de celles-là.

Je pense en fait que l'on peut résumer les points fondamentaux de nos critiques à : l'extrême simplicité empêche ton jeu de délivrer vraiment ses intentions.
Il y a deux nœuds :
- La répartition des responsabilités MJ-joueur.
- Et l'économie de jetons qui n'est pas bien reliée aux enjeux de la fiction.
Ce qui a provoqué en conséquence les inconforts de jeu sur lesquels je m'étale dans le CR.

Tout ça est facile à modifier sans trop nuire à la simplicité du jeu (voir l'exemple des jetons de 2 couleurs différentes qui ne modifie pas grand chose tout en permettant de recréer une connexion mécanique --> Fiction, et en redonnant de l'intérêt aux règles de compassion et de rancœur).
Ou pour la répartition des rôles joueur/MJ, j'ai mis pas mal de temps à mettre au point celle de LCS qui conviendrait sans doute à Perdus sous la Pluie : 1 joueur endosse le rôle de l'adversité (son personnage est mis entre parenthèses ou on raconte juste ses réactions sans trop s'attarder si besoin, sauf s'il a une vraie raison de s'en prendre au protagoniste), 1 joueur est le protagoniste, les autres sont des électrons libres qui peuvent prendre parti pour l'un ou l'autre ou même indépendamment.


Pour expliquer ce que j'entends par dramaturgie, j'aimerais prendre l'exemple de Prosopopée, justement.
Dans Prosopopée il y a une dramaturgie importante :
- Les dés que l'on place sur le Cercle marquent des objectifs clairs pour les joueurs.
- Tout ce qui est noté sur le cercle des couleurs est immuable si on ne lance pas les dés (= résistance).
- Le fait qu'un joueur pose un problème sur la narration d'un autre fait qu'il ne joue en réalité pas l'adversité, il participe à l'exploration du problème que tout le monde cherche à résoudre. L'adversité est quasiment "méta-personnelle" dans ce jeu.
- Plus on gagne de dés, plus on peut résoudre ce qu'il y a sur le cercle, mais il y a un choix important qui donne tout son intérêt à l'économie des dés du jeu : j'attends d'avoir combien de dés avant d'essayer de résoudre ? Si j'ai plus de dés que nécessaire, combien j'en utilise ?
- Enfin, comme tous les joueurs, Médiums ou Nuances, convergent vers un même objectif, il n'y a pas de tension entre "agresser quelqu'un et le défendre", donc on peut noyer la différence joueur-MJ au maximum. Ca c'est dû au fait que tout le monde converge vers un même objectif, dont l'adversité est gérée par le jeu au niveau "méta-personnel".

Prosopopée étant simple, il fait quand même 30 à 40 pages A4 de texte. Je pense que chercher à tout prix la simplicité peut avoir un revers : c'est une contrainte exogène que tu te fixes, c'est à dire qu'elle exerce une forte pression sur la fiction, mais n'induit rien sur sa cohérence et ses qualités intrinsèques, alors que ce sont ces deux points là qui sont vraiment les plus importants.

Note en passant : pour moi, réfléchir à l'utilisation des jetons me "sort" autant de la fiction que lancer un dé dans Zombie Cinéma. Je pense qu'assimiler l'utilisation d'un dé à sortir de la fiction ne doit pas être systématique : il y a les mécaniques qui renforcent l'expérience fictionnelle, d'autres qui l'alourdissent ou qui font des parenthèses inutiles.


Enfin, je ne saurais jamais assez mettre ne garde ceux qui veulent s'inspirer de Prosopopée pour la construction de leur jeu : Prosopopée utilise des trucs bizarres qui sont à la limite de la transgression de plusieurs principes fondamentaux de conception de JdR et tout ça tient ensemble par l'opération du saint esprit, ou plutôt par le fait que c'est un jeu zen, donc pas de conflits entre personnages, pas de violence et en plus les médiums ne peuvent pas être affectés par ce qu'il se passe. Si vous n'avez pas ces quatre choses dans votre jeu, ne vous inspirez pas de Prosopopée. Fabien se casse les dents là-dessus depuis 4 ans. ^^
Non, sérieux, j'ai eu un coup de bol sur ce jeu et je crois que j'essayerai jamais de le reproduire (bien que j'aie assimilé les raisons pour lesquelles ça fonctionne depuis, mais je ne vois toujours pas comment les greffer à d'autres jeux).
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