[Forum fermé] Si vous cherchez un coup de main, des collaborateurs ou un avis éclairé pour vos propres projets
Sujet verrouillé

INVAZION - Partage "glissant" de responsabilité narrative

03 Juil 2014, 19:19

Bonjour

Ça va faire bientôt 30 ans que je fais du JdR et ces dernières années je me suis mis à la recherche d'autres expériences dans ce domaine. J'ai découvert Sens puis, plus récemment Monostatos et Prosopopée. Dans le même temps je me suis intéressé aux discussions de fond sur notre loisir et j'arpente beaucoup Limbic System ces derniers temps. Bref...

J'ai un concept de JdR et j'aurai certainement besoin de conseils pour le développer.

Contexte

"Les Étrangers… Ils sont venus et ont vaincu l’humanité. Aujourd’hui la population survivante est parquée dans les quelques grandes villes transformées en ghettos qui subsistent. L’homme est devenu l’esclave des Étrangers et avance lentement vers l’extinction. Mais un espoir subsiste. Une nouvelle Résistance se dresse depuis peu. Ses membres sont peu nombreux, mal équipés, et manquent d’expérience. Pourtant chaque jour ils remportent des victoires et défie la toute puissance des Étrangers car ils ont un secret, ils ont les Connectés. Ce sont des gens, très rares, qui ont développé un étrange pouvoir d’anticipation des actions des Étrangers. Grâce à cela ils peuvent agir efficacement et, peut être, finir par remporter la victoire."

Concept

Les joueurs incarnent des Connectés. Ces derniers peuvent anticiper les actions des Étrangers. En gros ils ont des visions, de plus en plus fréquentes et précises sur le futur concernant les Étrangers au fur et à mesure que leur pouvoir augmente en puissance.

Concrètement, en terme de système de jeu, le joueur participe à l’élaboration du schéma directeur du scénario que son personnage va vivre. Au départ il ne peut déterminer que les grandes lignes de celui-ci, puis avec le temps il peut apporter des précisions. A partir du schéma directeur le Meneur de Jeu fait jouer le scénario ainsi défini, y apportant ce qui manque et y ajoutant des épreuves, des difficultés, des imprévus. J'essaye de concevoir un système proposition créative partagée entre les joueurs et le meneur de jeu dans lequel la responsabilité de la création évolue au fur et à mesure en se transférant de l'un vers les autres.

Un exemple imaginaire

Luc, Caroline et Romain sont des joueurs incarnant respectivement Gabriel, Gérine et Esparion, des Connectés. Christophe est le Meneur de Jeu. En début de partie Christophe expose le Thème qu’il a retenu pour la partie et qui devra inspirer la démarche créative des Joueurs. Par exemple : "dans le désert du Nevada une communauté de résistants vivant dans un complexe souterrain désaffecté est attaquée par les Étrangers qui les ont débusqués". Les joueurs doivent s’inspirer de ce thème pour imaginer les visions qu’ont leurs Connectés. Comme ces derniers sont débutants ils n’ont que peu de détail dans ces visions et ne peuvent décrire que les 3 premières scènes de début d’intrigue.

Luc : Gabriel voit le désert du Nevada. Camouflé s’y trouve une sorte de bunker. Les portes s’ouvrent donnant accès à un ascenseur et un escalier, seuls points d’accès au complexe, permettant de descendre dans les profondeurs. Sa vision descend le long de la cage d’ascenseur pour s’arrêter devant une double porte métallique qui s’ouvre. Derrière le complexe s’étend. La communauté vit ici. Ils s’attendent à l’arrivée des Étrangers et Gérine organise la défense devant l’entrée. Sa vision se brouille.

Caroline (se reposant sur la vision décrite par Luc) : Gérine contemple le ciel sans nuage du Nevada. Soudain une ombre noire masque le soleil. Un vaisseau des Étrangers survole le désert balayant le sol d’un gros faisceau lumineux. Soudain celui-ci s’immobilise sur le bunker et le vaisseau amorce un virage pour se positionner à sa verticale. Une salve de puissants lasers dévaste la zone et creuse un large et profond cratère. Elle est suivie d’une escouade d’une dizaine d’Étrangers qui s’engouffre dans le complexe, profitant du chaos. Au bout du couloir Esparion tient dans sa main une télécommande qu’il actionne pour faire exploser des charges disposées près de l’entrée. Sa vision se brouille.

Romain : Esparion voit les résistants vite progresser dans les couloirs du complexe pour atteindre une hypothétique sortie secondaire dont le chef de la communauté a un vague souvenir d’enfance. Ils n’ont que peu de temps avant que les Étrangers ne puissent franchir l’éboulement causé par les charges explosives. Soudain des cris de joie annoncent la libération tant attendue. Mais Gabriel, resté en arrière pour assurer la défense des fuyards, réalise que les Étrangers se désintéressent de ceux-ci. Ils semblent être venu dans ce complexe pour chercher autre chose… Sa vision se brouille.

Les joueurs ont posé les bases. Maintenant il s’agit d’agir en conséquence, ce ne sont que des visions et le fait de les avoir eues a déjà changé le futur. En effet dans la vision de Luc il est indiqué que les résistants se préparent à défendre l’entrée. Or la vision de Gérine indique qu’en fait l’entrée a été piégée. Cela signifie que si elle n’avait pas eue cette vision alors les résistants se seraient barricadés devant l’entrée et auraient été soufflés par l’attaque du vaisseau ennemi. Enfin la vision d’Esparion mentionne une autre sortie alors que Gabriel avait spécifié que le bunker était le seul accès. Cela dit si les Connectés n’agissent pas les survivants seront balayés, ils doivent donc partir les sauver.

Idées et concepts en vrac
Une vision doit mentionner un autre Connecté. C’est lui qui aura la vision suivante s’il en est capable.
Une vision du futur peut prendre en compte le fait que le Connecté ait effectivement eu cette vision et qu’il ait agit en conséquence.
Dans les premiers temps les visions doivent suivre les modèles de constructions d’intrigues. Par exemple :
  • La première vision pose le contexte dramatique.
  • La seconde vision propose un défi.
  • La troisième vision montre une résolution à ce défi et laisse une ouverture pour la suite du scénario.
La difficulté de la fiction crée détermine le gain final des Connectés en terme “d’expérience” leur permettant de progresser. Donc s’ils ont des visions où ils se facilitent les choses ils obtiendront une récompense moindre que s’ils créent une fiction dangereuse.
Avec la montée en puissance de leurs pouvoirs les Connectés pourront :
  • avoir des visions plus précises
  • avoir plus de visions
  • utiliser d’autres modèles de construction d’intrigue

Problématique

Ma première problématique est de Quantifier et qualifier les responsabilités narratives de manière à pouvoir d’une part les répartir entre les joueurs et le MJ et, d’autre part, représenter le glissement de responsabilité de l’un vers les autres.

Voilà où en sont mes réflexions. Merci d'avance pour vos critiques, aides et conseils.

Ludiquement

Christophe "ELBJ"

Re: INVAZION - Partage "glissant" de responsabilité narrativ

03 Juil 2014, 21:23

Alors une critique/remarque.

J'aime beaucoup l'idée de lier le partage de responsabilité narrative à un élément de la Fiction. Dans Wilderness of Mirrors de John Wick et dans l'Agence d'Adrien Cahuzac (qui n'est pas encore sortie mais sur lequel on peut trouver un podcast de la Cellule), les PJs commencent la partie par un briefing pendant lequel ils planifient leur mission. A cette occasion les joueurs créent des éléments qui seront réutilisés pendant la suite de la partie. C'est la phase de briefing qui justifie, dans la Fiction, le fait qu'autour de la table les joueurs se mettent à prendre plus d'autorité narrative que dans un JDR classique. Wilderness of Mirrors offre en plus des bonus aux joueurs qui créent/mentionnent le plus d'obstacles pendant leur briefing, ce qui n'est pas si éloigné de ton objectif (rajouter des bonus d'XP).
Notons cependant que le rapprochement entre la narration partagée à la table et ce qui se passe dans la Fiction n'est pas gratuit, il y a un parallèle (que je trouve très élégant) entre l'action de concevoir un plan et celle d'écrire un scénario.


Dans ton jeu, c'est les visions des PJs qui amènent les joueurs à s'emparer de la narration.
La question que j'ai immédiatement envie de poser c'est "pourquoi ?". A priori c'est un peu paradoxal et anti-synésthesique pour reprendre un terme cher au maître des lieux.
La plupart du temps les visions sont passives, on reçoit des visions on n'en créé par le contenue. A l'inverse créer des éléments fictionnels c'est une action active, peut-être même la plus active des actions que peut faire un joueur de JDR.
Je pense que tu peux apporter des réponses intéressantes (et je pense aussi que tu dois apporter une réponse intéressante pour que ton jeu le soit). J'en ai deux en tête mais il y en a surement beaucoup d'autres :
1) La réponse à la Sens
Il y a une justification méta qui concerne le lien entre les joueurs (qui envoient les visions) et les PJs (qui les reçoivent). Une réponse qui casse le 4ème mur et fait prendre conscience aux joueurs qu'ils font partie de l'univers du jeu.
2) La réponse à la Wilderness of Mirrors/l'Agence
Ces deux jeux repèrent un parallèle entre les actions des PJs et celles des joueurs. En repensant à comment sont vécues les visions par les PJs tu peux en créer un toi aussi.
Peut-être que ces visions sont en fait des actions actives, les PJs ne sont pas passifs et ils créent en partie le contenu de ces visions (on peut imaginer un glissement allant de visions entièrement contrôlées par le MJ à des visions qui se transforment en création des PJs au fur et à mesure qu'ils progressent dans la maîtrise de leur pouvoir).
Autre possibilité, dans mon jeu du GameChef j'avais amené un élément dont j'étais assez content :-). Les PJs étaient amnésiques et retrouvaient peu à peu leurs souvenirs. Ils pouvaient le faire par des actions passives (écouter des enregistrements audios) et de façon active en inventant des souvenirs. Sauf que dans les règles j'écrivais ça
Pour récupérer ces souvenirs, [le personnage/le joueur] doit s’asseoir sur une chaise et les chercher dans son esprit. Quand un souvenir lui revient (concernant sa famille, son métier, son lieu d'habitation...) elle/il doit le raconter. Le fait de verbaliser ces souvenirs auparavant incertains les consolide et permet de les réabsorber.
Le [personnage/joueur] peut avoir l'impression d'inventer mais il n'invente pas à partir de rien. Dans la chambre de réabsorption, ce sont ses souvenirs qui l'inspirent.

On le voit le personnage est interchangeable avec le joueur parce que je pose l'idée que, dans mon univers, quand on croit créer un souvenir en fait on ne fait qu'aller chercher au fond de se mémoire des souvenirs préexistants. Avoir des visions et les créer revient donc au même.

Re: INVAZION - Partage "glissant" de responsabilité narrativ

04 Juil 2014, 18:45

Chouette projet, Christophe, comme je te l'ai dit en privé. Cependant, le fait d'avoir une meilleure idée du système vers lequel tu tends me permet d'en prendre mieux conscience.

J'ai l'impression que tu te poses les bonnes questions.
Je vais commencer par moi aussi t'en poser :
- Quand le jeu est lancé, les nouvelles visions ne sont que celles qui ont été préparées à l'avance ?
- Par rapport au partage de responsabilités, est-ce que tu as besoin d'aide pour ce qu'il se passe pendant les scènes du jeu ? Ou par rapport à l'interaction entre les visions et les scènes effectives ?

Re: INVAZION - Partage "glissant" de responsabilité narrativ

05 Juil 2014, 18:50

Bonjour à tous

Avant toute chose merci pour ces commentaires. Il m'ont donné à réfléchir et m'ont fait avancer dans la mise en verbe de mon Propos.

Steve J a écrit :Dans ton jeu, c'est les visions des PJs qui amènent les joueurs à s'emparer de la narration. La question que j'ai immédiatement envie de poser c'est "pourquoi ?"


Parmi les concepts que je souhaite intégrer au jeu, celui du partage de responsabilité dans la création de la fiction est important. Oltréé est en ce sens une source d'inspiration. J'ai beaucoup aimé ce concept dans lequel les joueurs, à travers des cartes directement liées à leur personnage, peuvent créer les bases de la fiction qui servira de support narratif au meneur de jeu.

Pour InvaZion , sensibilisé au fait que le Système compte, je veux intégrer ce partage de responsabilité mais pas n'importe comment. Il me semble que si je sépare d'un côté la création scénaristique aux mains des joueurs et du meneur, et d'un autre côté le vécu par les personnages et les personnages non-joueurs de la fiction créée, je crée une barrière qui, justement, est anti-synestésique. En effet, en influant sur la création scénaristique le joueur obtient des connaissances que son personnage n'a pas. Personnellement cela m'a toujours dérangé d'incarner un personnage et faire "comme si" je ne savais pas certains éléments scénaristiques. Or présentement, non seulement le joueur sait quelque chose concernant son personnage que le personnage ne sait pas, mais en plus il en est lui-même l'auteur. Cela me fait l'effet d'un mauvais meta-jeu en fait.

Cette problématique a été abordé et traité dans la système du jeu Synchrone. Dans ce jeu la problématique du meta-jeu est expliquée est gérée. En effet les joueurs savent qu'ils n'incarnent pas des personnages mais qu'ils prennent contrôle de personnes réelles vivant dans une réalité alternative. Plus le joueur fait agir la personne qu'il contrôle tel qu'elle devrait agir, plus il gagne de points de synchronisation. Par contre il a le droit de faire du meta-jeu, voire de donner des informations à la personne qu'il contrôle qu'elle ne devrait pas connaître, ou la faire agir différemment de ce d'habitude sans raison logique pour elle. Dans ces cas il perd des points de synchronisation. Là où le système est très fort c'est que si un joueur joue une partie à un instant T puis une autre, en prenant le contrôle d'une autre personne, à un instant T-1, il pourra transmettre des informations relatives à ce qui s'est passé en T à son incarna en T-1. Les possibilités sont énormes.

Le choix des visions me parait être un moyen élégant d'intégrer le meta-jeu généré lors de la création scénaristique dans la fiction. Mes réflexions vont même un peu plus loin. Le récent film Edge Of Tomorrow est une forte source d'inspiration pour ce qui va suivre. En gros les Étrangers d'InvaZion eux aussi ont des visions. Cela explique pourquoi ils ont balayé l'Humanité. Les Connectés disposent d'un part de ce pouvoir. Au fur et à mesure leurs visions seront de plus en plus précises, de plus en plus longues, et les mèneront vers la victoire contre les Étrangers. Par contre, ces derniers, auront des visions de moins en moins précises et de moins en moins longues. J'y vois là la représentation presque symbolique dans la fiction de l'opposition "La volonté et le monde" de Frédéric. Ce conflit de volonté à travers le contrôle des visions, qui sont du futur, n'est autre que l'opposition de responsabilité créative entre les joueurs et le meneur de jeu pour déterminer vers où va le scénario. J'ai le sentiment, au risque de me faire taper sur les doigts, qu'on est à la fois dans une démarche créative simulationiste et narrativiste, mais je me trompe peut-être et je ne veux pas m'enfermer dès le départ dans un carcan.

Frédéric a écrit :Quand le jeu est lancé, les nouvelles visions ne sont que celles qui ont été préparées à l'avance ?

J'envisage de gérer cela par l'expérience. Disons que des Connectés débutants ont un pouvoir balbutiant qui ne leur permet que de fugaces visions avant que la mission ne commence. Des Connectés plus expérimentés pourraient avoir la possibilité de générer des visions lors de la mission. En fait, comme dit ci-dessus, les visions ne sont finalement qu'une façon de représenter dans la fiction le fait que les joueurs puissent prendre le contrôle de la narration à l'avance, de lui imposer un chemin.

Frédéric a écrit :Par rapport au partage de responsabilités, est-ce que tu as besoin d'aide pour ce qu'il se passe pendant les scènes du jeu ? Ou par rapport à l'interaction entre les visions et les scènes effectives ?

Oui j'aurai certainement besoin d'aide. Pour le moment j'ai posé le concept et j'essaye de bien définir le Propos. Lors des prochaines semaines je vais plus m'intéresser à la structure narrative des histoires pour essayer d'en extraire des concepts utilisables par les joueurs lors de la création des visions de leurs personnages. Mais bien entendu, suivant tes judicieux conseils dans ton retour d'expérience (De l'ambition au savoir-faire) je compte bien tester ce premier concept.

Je pense que je commence à mieux cerner mon Propos.

Ludiquement

Re: INVAZION - Partage "glissant" de responsabilité narrativ

05 Juil 2014, 19:27

J'aime beaucoup l'idée que les joueurs mangent progressivement les prérogatives du MJ. Ça me paraît une excellente base quant à l'économie du système.

C'est cool aussi que les joueurs puissent inventer des visions en cours de jeu au bout d'un moment.

Pour les Responsabilités, j'imagine 2 pistes à la lecture de ton explication (il en existe probablement d'autres) :
  1. Le MJ a un ou plusieurs objectifs secrets à atteindre à chaque partie et les joueurs cherchent à les faire capoter grâce à leurs visions, en essayant de deviner ou d'anticiper les actions du MJ et ce qu'il cherche vraiment à obtenir.
  2. Le MJ contrôle au départ une large part de la Responsabilité pendant les scènes (les PNJ, le décor, l'intrigue, les résultats des actions...), mais les visions empiètent sur ces Responsabilités. Donc il faut définir précisément ce que les joueurs peuvent décrire dans leurs visions au départ (durée de la vision, décrire des personnages flous, mais sans connaître leur identité, des détails de lieux, etc.) puis de quelle façon ils gagnent du pouvoir et ils peuvent en décrire de plus en plus, jusqu'à limiter celles du MJ (pourquoi pas, devenir MJ et le MJ devient le seul joueur à la fin, jouant les envahisseurs).

Les 2 doivent pouvoir se mêler d'une façon ou d'une autre.

Une question subsidiaire : est-ce que l'accomplissement des visions est mise à l'épreuve des dés (ou autres moyens de générer de l'incertitude) ? Ou est-ce que les visions se produisent inévitablement ?

Pour la démarche créative, ça me paraît un peu tôt pour se prononcer. ;)

Re: INVAZION - Partage "glissant" de responsabilité narrativ

07 Juil 2014, 10:33

Frédéric a écrit :J'aime beaucoup l'idée que les joueurs mangent progressivement les prérogatives du MJ. Ça me paraît une excellente base quant à l'économie du système. C'est cool aussi que les joueurs puissent inventer des visions en cours de jeu au bout d'un moment.

Merci ^^

Frédéric a écrit :Pour les Responsabilités, j'imagine 2 pistes à la lecture de ton explication (il en existe probablement d'autres) :
  1. Le MJ a un ou plusieurs objectifs secrets à atteindre à chaque partie et les joueurs cherchent à les faire capoter grâce à leurs visions, en essayant de deviner ou d'anticiper les actions du MJ et ce qu'il cherche vraiment à obtenir.
  2. Le MJ contrôle au départ une large part de la Responsabilité pendant les scènes (les PNJ, le décor, l'intrigue, les résultats des actions...), mais les visions empiètent sur ces Responsabilités. Donc il faut définir précisément ce que les joueurs peuvent décrire dans leurs visions au départ (durée de la vision, décrire des personnages flous, mais sans connaître leur identité, des détails de lieux, etc.) puis de quelle façon ils gagnent du pouvoir et ils peuvent en décrire de plus en plus, jusqu'à limiter celles du MJ (pourquoi pas, devenir MJ et le MJ devient le seul joueur à la fin, jouant les envahisseurs).

Les 2 doivent pouvoir se mêler d'une façon ou d'une autre.

Les deux sont très justes et totalement dans le Propos.
Pour le premier point je pense m'inspirer de Sens Hexalogie : une campagne à secrets avec des points de passage obligatoires encadrant une trame libre.

Ce que tu expose dans le second point représente ma problématique actuelle. C'est pour cela que je me penche actuellement sur les techniques d'écriture de fiction. On peut imaginer que chaque partie doit suivre une structure définie en amont de celle-ci. Par exemple : 6 scènes, 3 lieux, 2 oppositions, 1 aide, etc... Suivant les pouvoirs des Connectés ils peuvent influencer certains éléments de cette structure. Une vision concerne 1 scène et 1 lieu et le joueur, en fonction du niveau de pouvoir du Connecté qu'il incarne, pourra influer sur la problématique présentée dans la scène en y incluant par exemple une opposition mineure ou une majeure, une aide mineure ou majeure, un indice, bref un élément scénaristique.

Le soucis est qu'on se rapproche un peu du système d'Oltrée. Or je ne veux pas faire de plagiat. Il me faudra donc trouver quelque chose d'innovant ^^.

Frédéric a écrit :Une question subsidiaire : est-ce que l'accomplissement des visions est mise à l'épreuve des dés (ou autres moyens de générer de l'incertitude) ? Ou est-ce que les visions se produisent inévitablement ?

Très bonne question. J'hésite beaucoup en fait. Pour le moment je suis plus séduis par un principe d'inertie de l'histoire. En gros l'histoire tend à se dérouler telle qu'elle a été définie dans la vision. Mais je pars aussi du principe que le futur est mouvant et que la vision ne présente que le futur le plus probable. Il y a donc une marque d'incertitude. Le système doit prendre en compte ce facteur. A froid je dirai donc qu'il y aura une mise à l'épreuve des dés. Dans mes premiers playtests je pense utiliser le système de résolution FU RPG que l'on retrouve dans Wastburg. Une idée serait que si un Connecté agit pour faire en sorte que sa vision se réalise alors il gagne un bonus, tandis que s'il agit pour que la vision des Étrangers ne se réalise pas, il gagne un malus. Il faudra que j'y réfléchisse plus.

Steve J a écrit :La question que j'ai immédiatement envie de poser c'est "pourquoi ?". A priori c'est un peu paradoxal et anti-synésthesique pour reprendre un terme cher au maître des lieux. La plupart du temps les visions sont passives, on reçoit des visions on n'en créé par le contenue. A l'inverse créer des éléments fictionnels c'est une action active, peut-être même la plus active des actions que peut faire un joueur de JDR. Je pense que tu peux apporter des réponses intéressantes (et je pense aussi que tu dois apporter une réponse intéressante pour que ton jeu le soit).

Je reviens sur ta remarque de Steve. J'ai peut-être loupé une partie du sens de ta question. Celle-ci concerne-t-elle aussi l'aspect métaphysique des visions ? Du genre d'où viennent-elles ? Pourquoi eux ? Quel est le sens de ces visions ?

Ludiquement

Re: INVAZION - Partage "glissant" de responsabilité narrativ

08 Juil 2014, 13:26

Non je trouve ta vision d'une remarquable cohérence !
Déjà je te rejoins complètement sur un point : l'importance de préciser finement les modalités du partage de narration. On fait souvent l'erreur de croire qu'une fois qu'on a dit "narration partagée" on a tout dit, le résultat c'est qu'on se retrouve à jouer à des jeux où on sait pas très bien qui a le droit de raconter quoi (pour avoir testé beaucoup de jeux à autorité partagée je peux dire que c'est un problème qui se pose très très très souvent).
Ensuite je trouve vraiment convaincante la logique des pouvoirs comme symbole de l'opposition MJ/PJs sur la narration.
Mais je continue à voir quelque chose d'un peu paradoxal de faire de la vision, le premier pouvoir sur la narration donné aux PJs.

Je vais reprendre l'exemple d'Edge of Tomorow (je vais spoiler ce film très sympathique, soyez prévenus). Tom Cruise (le film parle tellement de l'acteur Tom Cruise que je me permettrai d'appeler son personnage par le nom de l'acteur^^) a quelques visions dans le film mais il s'agit d'un pouvoir passif. Le film fait le choix de les représenter comme dans la quasi-totalité des films, par des flashs d'images qui bombardent le personnage (et le spectateur) en ne lui laissant pas trop le temps de comprendre ce qui lui arrive.
Le vrai pouvoir actif de Tom Cruise c'est la possibilité de remonter dans le temps en mourant, c'est un pouvoir actif qui le fait symboliquement devenir le réalisateur du film. En gagnant la possibilité de recommencer sa journée et de réessayer toutes les tâches avant de les réussir, il est comme le réalisateur qui recommence les prises jusqu'à maîtriser complètement les réactions et les mouvements des personnages (il met d'ailleurs en scène Emily Blunt en lui donnant des indications sur le champ de bataille et au ministère de la Défense).
Ce pouvoir lui permet d'explorer le champ des possibles, de réécrire à chaque fois l'histoire en n'étant limité que par la cohérence du monde (il peut écrire l'histoire du soldat qui s'enfuit pour aller boire un verre pendant l'assaut, celui du soldat qui meurt au combat, finalement il écrira l'histoire du soldat qui gagne seul la guerre).

Ton jeu reprend cette idée du pouvoir qui permet au joueur de devenir MJ. C'est génial.
Mais tu demandes aux joueurs d'être plus actifs dans la narration en prenant pour socle fictionnel un pouvoir passif. On pourrait presque faire l'analyse inverse de ce qu'est habituellement le pouvoir de vision. C'est un pouvoir dans lequel le personnage reçoit une information sans avoir agit pour la recevoir (il la subit), souvent la vision est une prémonition et peut s'avérer un moyen de forcer le personnage sur des rails (exemple dans Edge of Tomorow, Tom Cruise reçoit une vision d'un barrage et doit donc s'y rendre).
Au fond la vision est un peu l'inverse du propos du film, Tom Cruise redevient guidé par un scénariste qui le force à aller voir le barrage (ça sera d'ailleurs une fausse piste). En JDR la vision est un bon moyen pour le MJ de prendre le contrôle des actions du PJ en lui disant "va voir dans la direction de cette vision". Plus encore sur la vision est prémonition (implicitement tu demandes à ton joueur de tout faire pour réaliser la prémonition dictée par le MJ).

Là est le paradoxe, tes visions permettront aux joueurs de prendre le rôle du MJ. Mais dans la Fiction, si les visions restent des actions passives pour les PJs, tu racontera l'inverse de ce qui se passe à la table : comment des personnages libres se retrouvent amener à suivre les visions qu'une autre personne leur envoie.
On envisagerait presque une évolution qui partirait de la vision passive (racontée par le MJ) aux pouvoirs actifs. Par exemple les PJs se rendraient compte qu'en se concentrant (tu justifierai alors que la vision devienne un pouvoir actif), ils peuvent modifier des éléments de leurs visions, d'abord des détails, puis progressivement des pans entiers de la vision.

Re: INVAZION - Partage "glissant" de responsabilité narrativ

08 Juil 2014, 14:39

Steve J a écrit :Non je trouve ta vision d'une remarquable cohérence !
Déjà je te rejoins complètement sur un point : l'importance de préciser finement les modalités du partage de narration. On fait souvent l'erreur de croire qu'une fois qu'on a dit "narration partagée" on a tout dit, le résultat c'est qu'on se retrouve à jouer à des jeux où on sait pas très bien qui a le droit de raconter quoi (pour avoir testé beaucoup de jeux à autorité partagée je peux dire que c'est un problème qui se pose très très très souvent).
Ensuite je trouve vraiment convaincante la logique des pouvoirs comme symbole de l'opposition MJ/PJs sur la narration.

Merci ça fait plaisir ^^

Steve J a écrit :Mais je continue à voir quelque chose d'un peu paradoxal de faire de la vision, le premier pouvoir sur la narration donné aux PJs. [...] On envisagerait presque une évolution qui partirait de la vision passive (racontée par le MJ) aux pouvoirs actifs. Par exemple les PJs se rendraient compte qu'en se concentrant (tu justifierai alors que la vision devienne un pouvoir actif), ils peuvent modifier des éléments de leurs visions, d'abord des détails, puis progressivement des pans entiers de la vision.

Merci pour cette explication. Je pense mieux comprendre ton propos. Si je le résumais, et arrête moi si je me trompe, il faudrait que ce soit les Personnages (et donc par extension les Joueurs) qui décident du contenu de leurs visions. Cela représenterai une attitude active (je forge mon destin) plutôt que passive (je suis mon destin). C'est effectivement très intéressant.

Au fur et à mesure que j'écris cette réponse l'idée tourne dans ma tête. Une problématique se met en place : comment justifier que par la "pensée" le personnage puisse modifier son futur ? J'ai déjà un début de réponse que je compte garder pour les "secrets" du jeu mais cela aurait peut-être un lien avec l'acquisition d'un sens supplémentaire permettant de voir les chaines causales des événements, de les sentir, de les ressentir et d'instinctivement pouvoir modifier le futur en "activant" tel ou tel levier. Un tel mécanisme justifierait pleinement la capacité des Connectés à avoir des visions et à pouvoir les adapter en modifiant tel ou tel paramètre qui, par effet papillon, provoquerait l'émergence d'une version plus probable du futur voulu.

Depuis ma dernière réponse j'ai réfléchi au système de résolution. Comme indiqué précédemment je m'oriente pour le moment vers le système FU RPG. Pour résumer lorsqu'un personnage veut faire une action il pose une question entraînant une réponse binaire et lance 1d6. Le résultat donne une directive d'interprétation des conséquences de l'action :
  • 6 : Oui et... le personnage gagne un bonus
  • 5 : Oui
  • 4 : Oui mais... il y a un coût
  • 3 : Non mais... le personnage gagne un petit quelque chose
  • 2 : Non
  • 1 : Non et... le personnage subit un désagrément supplémentaire

Pour toute action il peut y avoir des facteurs rendant les choses faciles et des facteurs les rendant difficiles. Si les choses sont plus facile le joueur lance 2d6 et choisit celui qu'il souhaite. Si les choses sont plus difficiles le joueur lance 2d6 et le MJ choisi celui qu'il souhaite (ce qui constitue une adaptation du système initial qui dit seulement qu'en cas de facteur rendant les choses difficiles on prend le plus mauvais résultat).

Bref, cette rapide explication pour exposer un autre concept qui apporte une réponse à la question de Frédéric :
Frédéric a écrit :Une question subsidiaire : est-ce que l'accomplissement des visions est mise à l'épreuve des dés (ou autres moyens de générer de l'incertitude) ? Ou est-ce que les visions se produisent inévitablement ?

Lorsqu'un personnage effectue des actions qui sont conformes à la vision qu'il a eu cela représente un facteur facilitant les choses. Mais lorsqu'il effectue des actions qui s'opposent à la vision des Étrangers alors c'est un facteur rendant les choses difficiles.

En conclusion il y a une lutte entre les Connectés et les Étrangers pour imposer une vision du futur(tout comme il y a une opposition entre les Joueurs et le MJ pour déterminer le déroulement/la fin du scénario). Connectés et Étrangers on un sens supplémentaire permettant de ressentir la chaîne causale des événements et de savoir quoi faire pour favoriser un futur plutôt qu'un autre. Mais concrètement chacun doit agir pour forcer sa propre chaîne causale. Lorsque un personnage agit pour favoriser sa chaîne les actions sont plus faciles, mais s'il agit pour défavoriser celle des Étrangers c'est plus difficile. Au fur et à mesure que le pouvoir des Connectés augmente il étend son contrôle sur les chaînes causales et diminue d'autant celui que les Étrangers ont.

J'espère qu'avec cette histoire de sens supplémentaire je ne marche pas trop sur les plates-bandes de Romaric avec Sens Néant.

Re: INVAZION - Partage "glissant" de responsabilité narrativ

08 Juil 2014, 18:04

Avant de revenir sur le contenu de la discussion plus précisément, je t'invite, Christophe, à jeter un œil à Innommable (v 008), un jeu en cours de Christoph Boeckle : http://www.silentdrift.net/innommable/
Car il emploie une mécanique assez fascinante :
Au début du jeu, les joueurs n'ont pas de dés. Pour faire face aux menaces, ils doivent piocher des dés à mesure que le MJ en place dans un bol au centre de la table. Ils ne peuvent piocher ces dés que s'ils effectuent un monologue dépeignant des phénomènes surnaturels. La taille du dé implique la nature du monologue : Prémonition, hallucination, connaissance occulte ou effet paranormal. Ce qui marque également une progression dans les pouvoirs du joueur sur la fiction.

Le rapprochement que je fais avec ton jeu, c'est que dans Innommable, le partage de responsabilités est assez traditionnel. Les deux seuls endroits où la responsabilité des joueurs est élargie, c'est quand ils font ces monologues et quand ils gagnent un conflit. C'est à mon avis un très bon exemple de la manière dont tu peux inciter tes joueurs à décrire des visions pendant la partie, tout en avantageant les joueurs qui le font (moyennant des adaptations pour que ça colle à ton jeu).

Re: INVAZION - Partage "glissant" de responsabilité narrativ

08 Juil 2014, 19:05

Un conseil de lecture : "L'Homme Doré" de Philip K Dick

Suggestions :
un joueur peut demander : "si je fais çà, qu'est-ce qu'il va se passer ?"
Il jette les dés, et le résultat mitigé de Fu permet d'avoir une réponse avec divers degrés de flous ou d'erreur.

Quand les persos prennent du grade, certains des scores du FU permettent non seulement d'avoir une réponse mais aussi de dire eux-même tout ou partie de la réponse.

Quand le joueur s'essaye à faire l'action sur laquelle il a demandé une prémonition, il jette les dés mais l'enjeu du conflit porte sur plus que le résultat direct de l'action, mais sur ses répercussions sur le long terme, avec évidemment une modération par le résultat mitigé propre au FU, qui induit peut-être des réactions non prévues dans la vision (et idem quand les persos prennent du grade ils augmentent leurs chances d'obtenir les résultats exactement voulus).

Re: INVAZION - Partage "glissant" de responsabilité narrativ

09 Juil 2014, 13:11

Frédéric a écrit :Avant de revenir sur le contenu de la discussion plus précisément, je t'invite, Christophe, à jeter un œil à Innommable (v 008), un jeu en cours de Christoph Boeckle : http://www.silentdrift.net/innommable/

J'ai téléchargé Innommable, il faut que je me penche dessus et que je le teste.

Merci pour le tuyau.

Re: INVAZION - Partage "glissant" de responsabilité narrativ

09 Juil 2014, 13:13

Bonjour

J'organise un playtest pour les premiers concepts élaborés. Si cela intéresse quelqu'un, je passe par du JdR Virtuel via le site JDRVirtuel.

Ludiquement

Re: INVAZION - Partage "glissant" de responsabilité narrativ

11 Juil 2014, 16:50

Et hop ! Un site web pour InvaZion, j'y mentionne les Ateliers, ça ne mange pas de pain.

Re: INVAZION - Partage "glissant" de responsabilité narrativ

11 Juil 2014, 20:46

C'est cool tout ça !
Je ne me propose pas pour le playtest, mais je vous envoie de bonnes ondes. ;)

Re: INVAZION - Partage "glissant" de responsabilité narrativ

14 Juil 2014, 12:56

Salut Christophe,

il y a quelques points sur lesquels j'aimerais m'attarder un peu :

1) Tu prévois de scénariser les parties de ton jeu (un peu à la manière de Sens). Je suis extrêmement sceptique vis à vis d'une écriture préalable de situations ou d'événements, dans la mesure où il y a de très grandes chances pour que les visions des joueurs les contredisent ou les rendent impossibles dès la première partie.
Du coup le MJ pourrait être tenté de passer en force, c'est à dire d'imposer sa préparation scénaristique en minimisant ou en ne prenant pas vraiment en compte les apports des joueurs.
S'il ne le fait pas, il pourra avoir passé beaucoup de temps à écrire des choses qui ne se produiront pas, ce qui est contreproductif.

D'où l'idée de remplacer tout élément scénaristique par des objectifs à atteindre pour le MJ. Ces objectifs pourraient tenir sur un post-it. S'ils sont écrits de façon suffisamment brève et si tu aides le MJ à les définir avant la partie, ils seraient faits pour être contredits et le MJ aurait tout loisir d'essayer de les atteindre de mille façons. Inutile de passer en force puisque ce ne sont que des objectifs, donc des finalités, et non "la manière dont les choses doivent se passer".
Si tu veux ajouter de grandes révélations, méfie-toi, car les apports des joueurs pourraient les rendre caduques ou incohérentes. Il faut tout d'abord qu'elles ne dépendent jamais des actions ou initiatives présumées des joueurs (par exemple, évite les "quand les joueurs font X" ou "les joueurs doivent faire Y pour que ça se produise") et que les joueurs n'aient pas la possibilité d'inventer quelque chose qui les contredise.

Je ne sais pas si je suis clair.
On pourrait dire : Pourquoi un partage de Responsabilité large a été rendu possible sur The Forge ? Par l'affranchissement du scénario.

Je pense d'ailleurs que la structure des scénarios dans Sens peut facilement poser problème dans certaines circonstances : le jeu ne dit pas vraiment si les joueurs doivent "suivre le fil rouge", ou si le MJ doit tout gérer par l'illusion de liberté. Dans le premier cas, ça veut dire que les joueurs mettent la liberté de leurs personnages au placard pour ne pas casser les projets du MJ ou de l'auteur du scénario. Dans le 2e cas, il faut s'attendre à des dysfonctionnements de taille (car je n'ai pas souvent vu de parties illusionnistes où au moins un joueur n'était pas lucide sur les manipulations du MJ et pour ce joueur, c'est l'ennui assuré).


2) Pour le partage de la Responsabilité (visions/préparation du MJ/ce que chacun a le droit de dire pendant la partie) : Il n'y a pas beaucoup de secrets, c'est quelque chose dont on entrevoit les possibilités en jouant à des jeux qui innovent de ce point de vue.
- Le partage le plus serré que je connaisse, c'est quand le MJ bride au maximum la créativité des joueurs en tradi.
- Le partage le plus large que je connaisse (et qui permette de défendre les intérêts de nos personnages), c'est dans Polaris de Ben Lehman/Monostatos/Prosopopée.
- Entre les deux, on trouve un champ des possibles absolument monstrueux : laisser les joueurs raconter l'issue des jets de dés ? De leurs victoires, de leurs échecs ou les deux ? Laisser les joueurs décrire comment c'est chez leur personnage ? Décrire tout le décor à volonté ? Seulement décrire les détails dont ils ont besoin pour mener leur action à bien ? Questionner le MJ sur absolument tout ce qui n'est pas soumis directement à la volonté de leur personnage ? Prendre le contrôle occasionnel de PNJ ? Prendre le contrôle de tous les PNJ à tour de rôle, scène par scène ? Prendre le contrôle uniquement des PNJ qui sont alliés à son PJ ? Raconter les éléments d'intrigue (les "secrets" du monde ou des personnages) ? Raconter des événements ponctuels à la façon d'Innommable, (voir plus loin) ? Poser des questions aux joueurs sur à peu près tout, à la Apocalypse World ? ...

En fait, un partage de Responsabilités n'a de sens que dans son interaction avec les Responsabilités des autres participants et avec ce qui a été préparé avant la partie. Si le monde est prédéfini rigoureusement dans le bouquin (comme les Terres du Milieu), et qu'on offre une opportunité aux joueurs de créer des éléments de décor, on risque d'avoir la situation où l'un d'eux va dire que le Mordor est un lac d'eau douce. Toute la subtilité d'un bon partage de Responsabilités, c'est d'offrir des espaces de créativité qui apportent quelque chose à l'expérience de jeu, en évitant tout risque que l'un empiète sur la préparation d'un autre. C'est extrêmement difficile d'intellectualiser le champ des possibles, il faut jouer à des jeux qui offrent de nouvelles perspectives de ce point de vue et les réintégrer dans ton jeu ou trouver d'autres types de partages.


3) Pour les questions de synesthésie : je pense qu'il est tout à fait acceptable de briser ponctuellement la corrélation entre les décisions du joueur et ce que son personnage est censé pouvoir faire ou savoir. Innommable par exemple demande aux joueurs de raconter des monologues avec des éléments surnaturels. Dans de nombreux cas, le joueur décrit des choses qui arrivent à son personnage, mais dont le perso n'est pas responsable et sur lesquels le il n'a aucune prise. Mais pourtant, ça marche super bien.
Dans Les Cordes Sensibles, le joueur peut faire des monologues pour raconter le passé de son personnage, un rêve ou autres choses qui n'est pas une action directe de son personnage. Pourquoi ça fonctionne dans ces 2 exemples, à mon avis ? D'abord parce que c'est ponctuel, le reste du temps les joueurs défendent les intérêts de leurs personnages. Ensuite parce que ces monologues "hors synesthésie" permettent d'ajouter de la matière aux scènes qui suivent : dans Innommable, le MJ récupère les visions décrites par le joueur pour jouer avec le sentiment de folie/réel. Dans Les Cordes Sensibles, cela permet d'approfondir le personnage et de donner plus de consistance à son passé, à sa personnalité, à ses sentiments, etc.


4) Côté plagiat : Si tu veux reprendre un système ou autre chose existant, demande l'autorisation à son auteur. Si tu t'en inspires, adapte ce qu'il faut pour que ça devienne ta création. Il ne faut pas avoir peur de reprendre des morceaux de choses existantes, ce qui compte, c'est que le résultat final soit le tien, qu'il ait ta patte : au départ, le système de Démiurges était une grosse copie de celui de Dogs in the Vineyard. Je l'ai modifié petit à petit. Aujourd'hui, même si l'inspiration est flagrante, c'est un nouveau système qui produit une expérience très différente, tout en gardant ce que je trouvais fort dans Dogs. Et le point le plus important : je cite Dogs dans les influences en fin de livre. C'est pour moi la différence entre une inspiration et un plagiat. Si j'avais voulu reprendre le système de Dogs en ne changeant que peu de choses, j'aurais tout simplement demandé l'autorisation à Vincent Baker d'utiliser son système pour mon jeu (comme beaucoup le font avec Apocalypse World).
Sujet verrouillé