Les Petites Choses Oubliées | Marée haute et marée basse

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Les Petites Choses Oubliées | Marée haute et marée basse

Message par Frédéric » 26 Sep 2014, 22:45

Hello, jeudi soir, Gaël et moi avons joué aux Petites Choses Oubliées et nous avons beaucoup aimé. Le jeu passe haut la main l’épreuve du playtest pictavien de l'enfer !

J’étais Lui, Gaël était Elle.
Voici ce qu’il s’est passé.

Scène de rencontre :
Pendant un concert, elle voit un type collé entre des chaises empilées et un baffle, les yeux fermés, comme en transe. Elle de son côté se trouve au milieu du pogo. En sortant du pogo, elle lui rentre dedans. Il ouvre les yeux, la voit repartir. Elle s’éloigne et discute avec d’autres personnes. Il décide de traverser le pogo en se faisant bousculer dans tous les sens, l’air de dire “mais qu’est-ce que je fous là”. Puis il finit par la trouver. Ils échangent deux mots, puis il disparaît à travers la masse humaine et revient avec deux bières. Ils discutent encore un peu et puis il lui dit “tu veux voir la mer ?”. Elle semble dubitative. Il la saisit par le poignet et l’emmène sur un escalier métallique jusqu’à une mezzanine d’où ils voient la masse des spectateurs formant une véritable marée.

1e photo : intérieur d’une voiture en marche de nuit.
Lui : Ils partaient en virée le soir sur de longs trajets sur un simple coup de tête. Aller voir des amis à 50km de là. Puis c’est arrivé de moins en moins.

2e photo : vase d'orchidée brisé dans un sac plastique transparent.
Elle : Une fois alors qu’on marchait dans la rue, il portait le vase d’un orchidée, il a réussi à la faire tomber. On s’est disputés assez fort cette fois-là. Mais je pense que je n’étais pas en colère à cause du vase.
Psychotechnicien : D’où venait le vase ?
Elle : Je me souviens du sourire du vendeur qui les a emballées.

3e photo : fête foraine.
Lui : À 40 ans on allait toujours manger une barbapapa et monter dans la grande roue.
Elle : J’y allais pour lui faire plaisir, mais ce n’est plus de notre âge. Je préfèrerais aller à Rome et boire du bon vin.

4e photo : aquarium avec des poissons et des requins.
Elle : ce qui me frappait, c’était son regard d’émerveillement lorsque nous étions dans ce bateau qui permettait de voir la faune sous marine. Il était aussi fasciné par les poissons que par le dispositif du bateau.

5e photo : musée.
Lui : Elle a commencé à m’emmener voir des vieux tableaux de moines vivant dans des grottes. Ça m’a tellement gonflé que j’ai fini par me barrer.
Elle : on a essayé de faire des choses différentes, certaines ont bien fonctionné. Cette fois j’ai voulu faire quelque chose qui me tenait à coeur. J’ai failli continuer la visite seule.

6e photo : masques et statuettes africaines.
Elle : J’ai emménagé chez lui, ma déco le faisait mourir de rire.
Lui : Elle devait penser la même chose de ma déco.

7e photo : panneau limitation de vitesse sous l’eau.
Lui : Cette fois-là elle s’est arrêtée, elle a piqué un panneau sur le bord de la route, puis elle est allée le jeter à la rivière plus loin, juste comme ça, pour se marrer. On s’est imaginés les inspecteurs de police rechercher les coupables et on pouvait jouer à ça toute la nuit.

8e photo : Lâcher de lampions. (On n’a joué qu’avec 5 photos chacun dont on a laissé une de côté, parce que je n’ai eu les dernières règles qu’après qu’on a fait notre sélection).
Elle : On a fini par aller à Rome, mais en voyant l’émerveillement dans ses yeux, j’ai compris que je n’avait plus ce même émerveillement. Elle aimerait bien pouvoir revenir à cette époque.

Débrief :
On était assez d’accord sur le fait qu’ils ont été heureux, mais qu’elle a changé. Ils ont essayé de faire des efforts tous les deux sans succès (ça m’a rappelé l’histoire vraie d’un ami, ou lui et sa copine de lycée, plutôt marginaux, ont rompu quand elle a préféré “rentrer dans le rang”). Ils n’auront pas de seconde chance, c’est irrémédiable.

Scènes finales :
Il se tient sur l’estrade dans la salle de concert et regarde la marée humaine.
Elle est à Rome, elle travaille dans une galerie d’art. Elle a une vie épanouie, mais il lui manque quelque chose.

Commentaires
  1. Il y a pas mal de finesses dans le texte du jeu sur la façon dont le jeu et les règles sont expliquées, ça nous a frappé.
  2. Avant de commencer l’introduction du jeu, je ne savais pas vraiment comment aborder ma narration. Voir que l’exemple était à la 3e personne m’a aidé. Ne serait-ce pas une règle du jeu ou un conseil à donner ?
    De même, lorsqu’on invente les souvenirs, le joueur dit “je” et parle de l’autre en disant “il” ou “elle”. Ça me semble un élément important, j’ai beaucoup apprécié la “posture” que ça crée.
  3. Faire durer l’intro est une très bonne idée, comme vous en parliez dans le podcast. Ça nous a permis d’explorer plus que les “j’aime”, “j’aime pas” (j’appellerai ça des “traits” pour ce fil), avec des anecdotes et des tentatives d’aller vers l’autre, de le séduire.
    D’ailleurs, les traits m’ont paru un peu artificiels. Certes ça donne de la couleur, mais au bout de 3 narrations, je me suis rendu compte que Gaël et moi étions plus concentrés sur le fait de les décrire que sur les interactions entre nos personnages, qui se sont avérées bien plus forts pour la situation. De plus, une fois qu’on a mis nos “traits en scène, j’ai eu l’impression qu’il n’y avait plus rien à faire, alors que c’est là que le meilleur est venu.
  4. Chose marrante, j’ai noté comme trait “aime les ondes de la basse qui parcourent son corps”, Gaël a noté exactement l’inverse. ^^
  5. J’aime beaucoup les options disponibles pendant le récit des souvenirs, à celui qui raconte et à celui qui réagit. C’est riche en interactions et ça crée du sens.
  6. J’ai trouvé que nos souvenirs se répondaient bien et créaient une petite structure dramatique intéressante, je craignais que ça ne soit pas le cas. Ça me paraît une très bonne chose, ça nous épargne le sentiment de raconter souvenir sur souvenir sans direction précise.
  7. J’ai trouvé que le jeu avait une dimension psychanalytique importante tant on a tendance à mettre de soi dans les descriptions, même quand on ne cherche pas à le faire.
  8. J’ai adoré la discussion finale et je la trouve vraiment appropriée à ce jeu. À l’époque où j’écrivais les premières versions de Psychodrame, je voulais que les joueurs discutent des événements de la fiction après la partie. Puis je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas lieu de le faire car l’histoire était suffisamment claire et si les joueurs devaient en discuter après (comme ça nous arrive fréquemment), ils le feront.
    Dans le cas de LPCO, il y a beaucoup de non-dits, de sous entendus et d’éléments laissés en suspens, donc discuter à deux de ce qu’ils deviennent tombe sous le sens et les questions aident bien à le faire.
  9. Dans le même ordre d’idée, le jeu ne pousse pas à expliquer tout ce qu’il se passe façon “psychologie de comptoir”, c’est juste une tranche de vie. Et c’est un point fort pour le jeu.
  10. Le jeu m’a fait l’effet d’un court métrage, d’un petit bout d’histoire. Si on devait reproduire la quantité d’événements et la complexité d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind, ça demanderait un jeu plus complexe et des parties plus longues. Là c’est comme ci on prenait juste un bout du film. À la fois ça se suffit et ça donne un petit côté poétique au jeu. J’ai le sentiment que sa simplicité et son partage de Responsabilités un peu systématique ne conviendraient pas pour des parties plus longues et plus complexes (il n’y a pas de jugement là derrière, juste une réflexion à haute voix).
  11. Encore une réflexion à haute voix : j’ai eu un moment intense émotionnellement dans le jeu. C’est lors de la 3e scène, quand Gaël a donné un autre point de vue sur le souvenir à la fête foraine. Le reste était plutôt soft, mais bon aussi. Peut-être que si on voulait quelque chose de plus grave, on pourrait creuser davantage l’aspect “difficile” de la relation. Les scènes intenses seraient peut-être plus fréquentes du coup. En même temps c’est déjà très bien comme ça.
  12. Dans la très grande majorité des cas, les JdR reposent sur les actes de personnages fictifs (qui créent une histoire ou qui font avancer une histoire préparée à l’avance). Là ce n’est pas le cas et je craignais qu’on se sente “auteur” tout le long. Je ne l’ai pas ressenti comme ça.
    Je ne me vois pas y jouer plus d’1h30 (durée approximative de notre partie, il faut dire qu’on lisait les règles au fil du jeu), mais je trouve ça très bien comme c’est. C’est une gageure d’après moi d’avoir réussi à sortir à ce point de la structure basique du JdR sans laisser un arrière-goût de saucisse. ;)
En tout cas je compte bien y rejouer.

Mille bravos.
Frédéric
 
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Re: Les Petites Choses Oubliées | Marée haute et marée basse

Message par Gaël Sacré » 27 Sep 2014, 03:34

Bonjour,

Je viens apporter mes commentaires sur le jeu et surtout communiquer mon enthousiasme, car ce fut une partie très belle et touchante.

(Je continue dans la numérotation de Frédéric pour ne pas se mélanger)
13. J'aime beaucoup comment la narration décousue créée par le biais des photographies forment un puzzle qu'on essaie de reconstruire mentalement au fur et à mesure de la partie. Et à la fin on n'a pas forcément toutes les pièces.

14. Un petit détail : j'aime bien l'idée d'avoir précisé le temps approximatif des phases du jeu, mais ça m'a perturbé que l'intitulé de la phase colle directement avec le minutage. De plus, en France, il me semble qu'on écrit plutôt 30min que 30'. Mais peut-être que je ne lis pas assez de livres de cuisine !

15. Un point qui est peut-être un problème, c'est le fait que j'ai eu du mal à raconter des choses vraiment différentes du problème central que l'on a posé petit à petit (le fait qu'elle ne s'émerveille plus comme lui). C'était bien dans le sens où ça a créé une cohérence intéressante entre les différents souvenirs, mais j'ai l'impression qu'on était un peu renfermé dans ce schéma.

16. Très bonne idée d'avoir laissé la possibilité de simplement ne rien dire dans les possibilités de réponses. Parfois il n'y a rien à rajouter, et c'est aussi bien ainsi.

17. J'ai apprécié le fait que le mode de narration change d'une phase à l'autre, et en particulier la phase où l'on discute entre nous pour se mettre d'accord.

18. J'aime énormément l'idée du contexte avec le psycho-chirurgien. La narration épouse parfaitement la forme du jeu. Je trouve ça très ingénieux.

19. Sortant d'une rupture récente, le jeu m'a énormément touché et j'y ai mis beaucoup de ma relation avec mon ex et des difficultés qu'on a rencontré. D'autant plus qu'on a justement vécu ça, le fait d'avoir fait en sorte que ça fonctionne de manière sincère. Et de fait, je peux dire que le jeu est très juste sur son propos. Bravo!


Merci à vous deux, Sylvie et Christoph pour ce petit bijou!
Gaël Sacré
 
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Re: Les Petites Choses Oubliées | Marée haute et marée basse

Message par Schultz (Jérôme S.) » 27 Sep 2014, 14:28

Superbe rapport de partie !
Je suis sans voix, rien à dire. Bravo à vous deux et surtout bravo à Sylvie et Christoph.
Je n'ai rien non plus à dire sur vos remarques, ça me semble pertinent. Je vais juste revenir sur le point 11. qui m'a également, rien qu'à la lecture, "sapé le moral" (j'imaginais bien la scène avec la barbe-à-papa, je trouvais ça chouette, la phrase suivante m'a fait un effet "ouch") ; j'imagine que pendant la partie ça dû être fort à vivre effectivement.
Bon, le jeu était déjà dans ma to-test list, mais il vient d'y grimper dans le classement de façon fulgurante...
Podcasts amateurs et pleins de spoilers sur Sens : http://desrolistesdanslacave.fr/
Schultz (Jérôme S.)
 
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Re: Les Petites Choses Oubliées | Marée haute et marée basse

Message par Frédéric » 27 Sep 2014, 15:35

Yes, je suis content que le CR te donne encore plus envie de jouer. ;)
C'est cool que la 3e scène t'ait fait le même effet que moi.
Frédéric
 
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Re: Les Petites Choses Oubliées | Marée haute et marée basse

Message par Sylvie » 27 Sep 2014, 22:02

Bonsoir,

Merci infiniment à vous deux pour vos retours et pour avoir partagé avec nous vos sentiments quant au jeu et à votre partie. Ça nous rassure qu'il sonne juste pour toi, Gaël.

J'aime beaucoup l'histoire que vous avez racontée. Je suis d'accord, le troisième souvenir fait mal au coeur pour "lui".

Pour en venir à vos remarques. Vos retours sont très intéressants et instructifs pour nous. Je reprends quelques points et Christoph complétera si besoin.

2. C'est une bonne idée de le mettre en conseil, je pense que c'est la façon la plus intéressante de raconter la rencontre et les souvenirs. On note.

3. Pour la scène d'ouverture: c'est aussi une réflexion qu'on s'est faite dans certaines parties, si on reste trop collés aux petits trucs, sans se préoccuper de la rencontre, ça donne une scène "chacun de son côté". Et il m'est arrivé dans une partie de ne pas avoir trop compris pourquoi mon personnage était tombé amoureux de celui de Christoph. On va réfléchir à ça. Avez-vous réutilisé certains des trois petits trucs après la rencontre?

6 et 11. Avec Christoph on a pas mal cogité sur la façon dont les souvenirs s'enchaînent. On a réalisé que dans nos parties on suivait un certain canevas. Je commence par quelque chose d'uniquement positif, puis, petit à petit, les choses dérapent pour finir avec une touche d'espoir dans le dernier souvenir. On se demandait si c'était pertinent de proposer un ordre dans lequel faire les choses. Mais en fin de compte, on s'est dit que c'était mieux de laisser libre, car cela permet aussi d'explorer différents types d'histoire. Et ça donne aussi un aspect "apprentissage du jeu", je pense qu'en y rejouant, on apprend à gérer le rythme pour aller dans quelque chose de plus ou moins tragique.

14. On s'excuse pour le chenit! On note! (C'était plus clair dans la version du Game Chef.)

Merci encore!
Sylvie
 
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Re: Les Petites Choses Oubliées | Marée haute et marée basse

Message par Frédéric » 28 Sep 2014, 14:29

Hello Sylvie, c'était un plaisir pour nous de tester LPCO.

Concernant le point 3, les "petits trucs" permettent de se donner des idées de choses à dire, mais ce n'est qu'une injonction des règles : "décrivez des scènes où vous les mettez en scène". L'idée de séduction ne me paraît pas fondamentale dans la scène d'introduction en l'état. Peut-être qu'inventer des petits trucs qui font aller vers l'autre, plutôt que seulement illustrer les petites manies de nos persos résoudrait ce point. Après, ça ne me paraît pas être un "vrai problème" : il suffit de se rappeler que c'est la scène de rencontre et tout va bien.
Sinon on n'a pas réutilisé les petits trucs dans la phase des souvenirs. Ils étaient très centrés sur la situation du concert et c'était difficile à utiliser en dehors. En revanche, ils nous ont donné une piste sur le caractère de nos personnages et ça c'est resté et ça a aidé à faire germer le fil conducteur de l'histoire lors des souvenirs.

6 et 11 : ça me semble important de ne pas formaliser plus le déroulement de la phase de souvenirs, là on a juste ce qu'il faut de liberté pour ne pas se sentir forcé de faire des choses.
Je me suis demandé ce que ça donnerait si on jouait les scènes des souvenirs en "interactions libres" plutôt qu'en récit et contre-récit. Par ex : l'un des joueurs met en scène la situation de la photo et les deux décrivent ce que font leurs personnages librement. Après, je ne sais pas si c'est intéressant, le jeu est très bien comme il est.
Je suis d'accord sur le fait qu'on apprend en jouant à orienter l'histoire vers plus ou moins de drame, je l'ai ressenti. On est même rapidement tentés de recycler ce qui a été dit dans les scènes précédentes, et donc saisir la moindre piste dramatique pour la développer. Gaël disait même qu'il se demandait si ce n'était pas enfermant.
Frédéric
 
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Re: Les Petites Choses Oubliées | Marée haute et marée basse

Message par Christoph » 28 Sep 2014, 19:17

Salut Fréd' et Gaël ! Merci beaucoup pour ce rapport. Votre enthousiasme et vos compliments font chaud au cœur.

Quelques questions et remarques se sont immiscées dans mon cervelet pendant la nuit.

1. Mes racines suisses alémaniques me jouent des tours : ce sont des finesses positives (subtilité, élégance, sophistication raffinée, &c.) ou des finesses qui rendent les règles ambiguës ?

3 (et discussion qui s'ensuit). Ce côté minimaliste est peut-être un peu de ma faute. Pour moi, ce n'est pas un jeu de séduction, comme peuvent l'être Breaking the Ice, Hot Guys Making Out ou même S/lay w/me, et j'ai peut-être poussé un peu trop dans le sous-entendu. Sylvie a en effet le don pour tourner au moins un de ses petits trucs vers un geste de rapprochement envers l'autre personnage. Après, je me dis aussi que là encore, il y a une phase d'apprentissage en tant que joueur, et selon la manière dont on joue l'introduction, on va influencer la suite. Donc peu de feux d'artifice, peu de passion et donc plus de chances d'une séparation définitive ? On y réfléchit pour une prochaine mouture.

12. Mais Fréd'!.. Bien sûr que les personnages agissent dans notre jeu ! Ils agissent « au présent » dans la phase de rencontre et la dernière phase, « au passé » pendant les souvenirs (et même, parler c'est agir aussi, c'est choisir comment représenter le passé en l'occurrence). Ceci a de grosses implications sur le contenu fictif : il n'y a pas de version officielle pour l'histoire du couple, il n'y a que deux récits subjectifs, imprécis et peut-être même un peu manipulés. On est à 100 % dans le contenu fictif malléable de Romaric, et je pense que le jeu serait moins fort si c'était plus carré.
En revanche, si on réfléchit en termes d'enjeux, c'est assez flou. C'est quoi la résistance dans ce jeu ? Ce n'est en tout cas pas un cultiste, ni même un démiurge d'un autre courant philosophique, qui s'oppose à mon personnage et ses ambitions. C'est un jeu où on ne défend pas vraiment les intérêts de son personnage, en tout cas pas comme dans .ınnommable ou Démiurges. On doit se préoccuper de son personnage, de l'autre (c'est quand même quelqu'un de très spécial!) et de l'image qu'on veut donner du couple. En fait, les joueurs doivent créer une belle histoire de couple, alors que les personnages veulent justement la détruire ! Mais si on ne le fait pas, on ne comprend pas pourquoi les personnages voudraient s'effacer la mémoire. C'est un numéro d'équilibriste. La résistance se trouve peut-être dans le fait que la rupture est imposée par les règles. On ne peut pas juste dire que tout va bien pour « moi, toi et nous ». Pour avancer, il faut que les joueurs jugent sans cesse les personnages (c'est particulièrement flagrant quand on traite les questions après l'entretien).

15. Gaël, est-ce que tu ressentirais les choses de la même manière si la partie avait été plus courte ? 1h30 c'est beaucoup pour ce jeu, c'est plutôt 30 min à 1h d'habitude. Si ce n'est pas ça la question, est-ce que tu te sentirais capable de jouer une deuxième partie en faisant exprès de diversifier les problèmes ?

Merci encore les gars !
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Re: Les Petites Choses Oubliées | Marée haute et marée basse

Message par Frédéric » 29 Sep 2014, 22:55

Hello Christoph,

1. C'était bien un compliment.

12. Comprenons-nous bien, en effet il y a une certaine forme d'action dans LPCO, sans quoi ils ne m'aurait probablement pas plu à ce point.
Durant la deuxième phase (qui est le cœur du jeu à mon avis), la seule interaction se passe sur l'interprétation de faits passés. C'est en cela que je dis que l'on n'agit pas vraiment.
De plus, la prise de parole est formalisée en 1, ou 2 interventions max par joueur et par scène. On est loin du situation/décision/réaction en temps réel et en interaction libre d'un Innommable.

Tout ce que tu dis est très juste et je pense que ça soulève quelque chose de fondamental dans la construction de ce jeu et par rapport au JdR en général.

Les joueurs ne défendent peut-être pas strictement les intérêts de leurs personnages, mais il y a bien une forme de synesthésie à l’œuvre.
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Re: Les Petites Choses Oubliées | Marée haute et marée basse

Message par Gaël Sacré » 30 Sep 2014, 04:15

Concernant les "J'aime/J'aime pas", j'ai senti que ça pouvait avoir tendance à nous éloigner de la rencontre, mais personnellement ça m'a beaucoup aidé à concevoir mon personnage, et comme le dit Frédéric, ça a même semé des graines qui ont germés dans la deuxième phase : le fait qu'elle est son grain de folie quand ils se sont rencontrés, qui a ensuite évolué au fur et à mesure de leur relation. Donc je pense que cette mécanique est très intéressante et j'aime en plus sa poésie. Je suggérerai plutôt de trouver comment inciter les joueurs à se focaliser aussi sur la rencontre en elle-même : quelle approche? quels sensations? Peut être même que les personnages pourraient dire ce qu'ils ont ressentis ce jour là au psycho-chirurgien, puisqu'après tout, le souvenir de la rencontre, c'est un des grands moments qui doit être effacé dans le processus d'oubli.

Et pour répondre à ta question Christoph, il est effectivement possible que la durée de la partie ait joué dans le manque de diversité. Ajouté à cela que je ne pense pas que ce soit un vrai gros problème, je serai tout de même prêt à retenter en essayant de diversifier davantage. Peut être que simplement la partie que l'on a joué a été propice à développer le coeur du problème qu'on a trouvé passionnant, alors que dans une autre ce ne serait pas forcément le cas.
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Re: Les Petites Choses Oubliées | Marée haute et marée basse

Message par Frédéric » 30 Sep 2014, 13:45

Juste au passage : on a joué 1h30 parce qu'on lisait les règles en même temps.
Si on connaissait bien les règles et si on avait tout enchaîné, ça aurait pris 1h.
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Re: Les Petites Choses Oubliées | Marée haute et marée basse

Message par Romaric Briand » 01 Oct 2014, 17:18

7. 01 - Ce thread me fait l'effet d'un Tractatus !
Un personnage de fiction souhaitant s'incarner dans la réalité... Les rolistes sont mes proies...
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Re: Les Petites Choses Oubliées | Marée haute et marée basse

Message par Frédéric » 01 Oct 2014, 17:34

N'est-ce pas !
:D
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Re: Les Petites Choses Oubliées | Marée haute et marée basse

Message par Christoph » 01 Oct 2014, 21:07

Toll Freddy ! Merci bien pour le compliment alors ! (Avec l'accent idoine...)

Pour cette histoire d'agissements, ça m'intéresserait de décortiquer un peu encore, si tu veux bien. Effectivement, la granularité du jeu est assez grossière : Adam raconte un souvenir, puis Béatrice peut éventuellement compléter (ou demander un complément) ou donner une alternative. Ensuite c'est à elle de raconter un autre souvenir. L'action du passé avance à grands pas. Ceci dit, l'alternative permet de déconstruire et donner une autre interprétation des mêmes événements, ce qui permet grosso modo la même chose que des joueurs qui racontent pêle-mêle en une seule fois. En revanche, en cas de contradictions, il n'y a pas de résolution ; on ne saura jamais ce qui s'est vraiment passé. Le fait que ce soit raconté au passé le permet : on admet aisément que les souvenirs soient défaillants et les conséquences sur les autres souvenirs sont floues.
Le fait que ce ne soit pas un roman policier le permet : le déroulement des événements est secondaire, ce qui importe c'est le ressenti (décrit au présent) des personnages.
Le fait que ce soit un jeu à deux rend la chose gérable. Ça risquerait de devenir très vite très compliqué avec davantage de protagonistes. La brièveté de la partie facilite aussi les choses j'imagine.

Merci pour ces précisions, Gaël.
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Re: Les Petites Choses Oubliées | Marée haute et marée basse

Message par Frédéric » 01 Oct 2014, 22:38

C'est ça : les règles sont simples, mais créent indéniablement de la richesse : entre le contenu de ce qui est raconté et la situation dans laquelle se trouvent les personnages, il y a un va-et-vient.
Le contenu des souvenirs racontés crée un jeu avec la situation dans laquelle sont censés être les personnages au présent : il y a du "cette séparation, à qui la faute ?" mais comme tout passe par le jugement des joueurs et sans mécanique de victoire ou d'échec, on peut accepter une accusation portée sur son personnage, parce qu'on peut accepter que notre personnage soit en tort. Notamment si c'est pour de bonnes raisons.

On pourrait trouver sous cet angle de la "défense des intérêts de nos personnages" qui se joue sur leurs responsabilités dans la séparation (et la décision de s'effacer la mémoire), mais en même temps, sur le jugement que l'on porte sur eux et sur leurs actes : qui est le salaud (y en a-t-il vraiment un) ? Puis-je avoir poussé notre couple à l'éclatement pour de vraies bonnes raisons ? Est-ce que celui qui a rompu ne l'a pas fait pour se sauver lui (ou elle)-même d'un problème ? Et là-dessus, les règles qui permettent de développer une scène ou d'en donner une autre interprétation sont très intéressantes, car elles permettent au joueur de défendre l'image qu'ils ont de leur personnage (non, mon personnage n'est pas un tel salaud, il avait une bonne raison d'agir comme ça, la voici : ...).
En cherchant à me dédouaner de la rupture, est-ce que je ne risque pas de passer encore plus pour un salaud ? Et inversement.

Et là où c'est pervers, c'est que celui qui ne souffre pas passe souvent pour le méchant dans une histoire de divorce (les enfants prennent la plupart du temps la défense du parent qui souffre le plus).
Il y a donc des questions d'égoïsme et d'altruisme, mais aussi de bons et mauvais côtés qui viennent contrebalancer l'enjeu du "responsable". Au final, dans une relation, il n'y a rarement qu'un seul coupable.

Une question : avez-vous essayé de jouer en questionnant les joueurs sur les sentiments de leurs personnages à propos des souvenirs qui sont racontés ? Je ne sais pas du tout ce que ça donnerait dans ce jeu, c'est Clover de Ben Lehman qui me fait penser à ça, sauf que dans un jeu comme LPCO, ça aurait un côté plus psychanalytique.
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Re: Les Petites Choses Oubliées | Marée haute et marée basse

Message par Christoph » 03 Oct 2014, 18:45

Hello Fréd'

Ton développement me semble compatible avec ma vision du jeu, en effet. Je ne suis pas sûr de comprendre ta question : chaque souvenir doit être accompagné d'un événement et du ressenti du personnage qui raconte (le psychochirurgien est souvent une manière gentille de rappeler au narrateur qu'il a oublié de préciser un événement ou son ressenti). Donc a priori, je te dirais que oui, on joue toujours comme ça (du moins quand on joue juste... ce qui n'a pas toujours été le cas pour moi notamment!) Mais je me demande si j'ai bien compris ta question.

Pour des raisons non-rôlistes, je grince des dents à chaque fois que tu utilises le qualificatif « psychanaltique ». Freud, Jung et Lacan ne sont vraiment pas ma tasse de thé, et je crois que dans ce jeu, on est dans une toute autre réflexion. On ne dit jamais : « tu es comme ça parce que ta mère était trop froide avec toi » ou autres choses dans ce genre. Je trouve la psychanalyse extrêmement pessimiste, par son côté statique et le pouvoir déterminant du passé (où l'on est dépendant de ses parents). Comme si on ne pouvait pas acquérir sa propre autonomie ou se refaire par la suite, ou que difficilement. Or, ce qui ressort souvent de ce jeu, c'est que les problèmes de couples sont souvent un problème de communication, ou du moins d'ordre relationnel. On peut apprendre à communiquer mieux et faire plus attention à l'autre. C'est même pas très compliqué. On entre pas dans des théories sur le manque d'amour maternel ou paternel, ou du moins ce n'est pas ce qui ressort en premier. Ou même si c'est le cas, on ne s'y attarde pas et on réfléchit à comment construire, dans le présent, avec son partenaire. (Même si les personnages sont en rupture, les joueurs réfléchissent, eux, à comment elle aurait pu être évitée!)
Les Petites choses oubliées, avec Sylvie Guillaume, c'est arrivé !
.ınnommable: cuvées 2008-2010 en téléchargement gratuit.
Zombie Cinema, en français dans le texte.
Christoph
 
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LES JEUX DES ATELIERS IMAGINAIRES

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