[LPCO] Nos vies en couleurs

Pour le développement de vos jeux ou pour discuter de théorie

[LPCO] Nos vies en couleurs

Message par Sylvie » 24 Sep 2014, 18:33

Bonjour !

Voici une transcription de la fiction de la dernière partie des Petites choses oubliées jouée avec Christoph. Les photos sont de nous (sauf les chaussures, c'est de la belle-maman). Christoph est « elle », je suis « lui ».


Séance d'accueil pour les nouveaux habitants de la ville

Juste avant que le maire ne démarre son discours introductif, un homme, la trentaine entre dans la salle. Il est habillé de manière plutôt classique. Pourtant quand il s’assied tout au fond, on peut voir qu’il porte des chaussettes jaune fluo.

Au premier rang est assise une jeune femme, elle regarde par la fenêtre, note quelque chose sur un calepin, chiffonne la feuille, l’arrache et la pose à l’avant de sa table.

Le syndic commence son speech, il explique le fonctionnement de la ville, des institutions. Il demande au gens qui sont au bout des rangées de distribuer les feuilles d’information. L’homme se lève. Avant de prendre les feuilles, il aligne discrètement les paquets.

Plus tard, la femme s’approche de l’homme ; ils commencent à discuter. Ils sont tout deux dans cette ville pour des raisons professionnelles. Elle vient de terminer des études de politique internationale, mais maintenant elle travaille à faire de la pub pour les PME du coin, ça l’embête un peu, c’est pas terrible, mais c’est que pour un moment. Lui faisait du latin et de l’histoire de l’art, il y a longtemps déjà. Au début il bossait dans une collection d’art privé d’une banque, c’était horrible, des œuvres incroyables mais qui restaient cachées du public. Maintenant, il travaille comme graphiste indépendant, il fait des affiches pour des ONG. Elle voudrait bien travailler pour des ONG aussi.

Ils vont boire un café dans un bar branché. Elle fait des détours pas possibles pour y arriver. Il s’énerve un peu contre le serveur car il lui demande deux fois ce qu’il veut boire. Elle regarde par la fenêtre, voit une voiture verte passer et commande un thé au jasmin.


Dans le cabinet du psychochirurgien

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Elle : « Comme graphiste, il avait l’habitude de toujours avoir un petit carnet sur lui, il faisait des esquisses, il notait des idées. Une fois, il avait carrément dessiné tout le parcours qu’on a fait pour une promenade, il a noté les arbres devant lesquels on s’était embrassés, là où on a commandé une glace. Un parcours romantique. Ça me rassurait de voir que pour lui c’était important de consigner les souvenirs. Il m’avait écrit une carte en reprenant l’idée de ce plan. »


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Lui : « J’aimais son côté toujours positif, elle trouvait des solutions, elle avançait, elle était pas là à s’apitoyer sur son sort. Par exemple, une fois, on faisait une marche et la semelle s’est décollée de mes chaussures. J’ai un peu fait la tête, ça m'ennuyait, je voulais juste rentrer. J’ai pas eu le temps de me plaindre qu’elle avait déjà trouvé une ficelle pour recoller le tout et on était reparti. »

Il ajoute ensuite : « En plus, elle était contente d’avoir de la ficelle rouge, la couleur qu’elle associait à notre couple. »


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Elle : « Il prenait toujours son appareil photo avec lui. Une fois, on était allé dans une sorte de "ferme" à papillon. Il voulait absolument photographier un papillon bleu, il était complètement absorbé par cette idée, il ne pensait qu’à ça, il était complètement absent. On a du retourner pour qu’il l’attrape, il a utilisé la photo pour une de ses affiches. Mais il était tellement obnubilé par son idée qu’il n’a même pas vu quand un autre papillon – mais pas le bon – s’est posé sur son appareil. Du coup, quand je lui ai montré la photo il s’est trouvé bien bête. Il avait souvent des moments comme ça, complètement absent, obnubilé. Je ne sais pas ce qui se serait passé s’il ne l’avait pas eu... »

Lui : « Depuis le début de notre relation j’ai remarqué qu’elle était fascinée par les couleurs, qui avaient tendance à lui dicter sa vie. Une fois, juste avant son anniversaire, on est allé dans un endroit où il y avait des papillons. Je voulais photographier un papillon bleu pour lui faire un cadeau, parce que le bleu c’était sa couleur pour l’espoir, l’avenir ou le succès, je ne sais plus exactement. Je voulais tellement lui faire plaisir, mais elle me trouvait exaspérant. Bon, je l’étais sûrement. Puis elle s’est moqué de moi, parce que je n’ai pas vu un papillon qui s’est posé sur moi. Du coup, pour son anniversaire je lui ai fait un agrandissement de cette photo plutôt. »


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Lui : « Au début, j’aimais beaucoup aussi son côté chipie, elle aimait bien m’embêter. Une fois, alors que j’étais au téléphone j’ai inconsciemment aligné les trucs que j’avais sous la main, des trombones. C’est vrai que c’est une manie que j’ai. Je les ai laissés là, et quand elle est arrivée elle a tout bousculé mon petit ordre en mettant un trombone à l’envers. J’ai bien ri, c’était drôle. Mais le problème, c’est qu’elle se rendait pas toujours compte des sujets qui étaient importants pour moi et sur lesquels il fallait qu’elle me prenne au sérieux. Là c’était pas grave, mais des fois... »

Après un moment, il ajoute : « Elle m’a dit après coup que c’était une forme de thérapie pour elle, elle essayait de se soigner de ses propres manies et c’est pour ça qu’elle me taquinait sur ça. »


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Elle : « On a fait un voyage en Chine, on a pris un train très rapide. Quand j’ai vu sur l’affichage qu’on était à 302 km/h, ça m’a frappé à quel point tout avance tellement vite. Je me demandais si on aurait le temps de tout faire, si on était pas en train de passer à côté de quelque chose. Ce train, c’était comme le temps qui filait. Je sais pas si on était en train de faire les bonnes choses, ça file, ça va tout droit. »

Lui : « Elle était beaucoup dans son monde. Elle partageait pas ce qu’elle pensait avec moi. On était en Chine, dans un train incroyablement rapide et tout à coup, elle devient silencieuse. Impossible de relancer la conversation, impossible de la faire parler. Ce n’est que bien plus tard, quand on a rompu que j’ai compris qu’elle avait eu peur, de la vitesse à laquelle notre vie avançait, peut-être aussi un peu de la jeunesse qui s’en allait. Mais sur le coup, je n’ai rien compris. »


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Lui : « J’ai déjà dit que j’avais de la peine avec ses taquineries, mais ce qui m’énervait le plus, c’était son côté patchwork. Sa vie était comme cette armoire. Vous voyez, il y a des jeux, ça l’intéresse un moment et puis elle en a marre, elle y joue plus. Elle se dit qu’elle va se mettre à la muscu’, elle achète des haltères, mais au bout de trois semaines, elle en a marre et ils finissent dans l’armoire. Du coup, une fois, je me suis énervée contre elle, j’ai ouvert l’armoire et je lui ai dit ce que je viens de vous dire. Et j’ai senti qu’à ce moment, il y a quelque chose qui s’est cassé, elle était dévastée. On avait déjà eu des accrochages, mais là... »

Elle : « L’armoire était mon endroit secret. J’avais eu vraiment peur la fois où il m’a fait la morale devant, avec les portes grandes ouvertes, parce que j’y avais caché une surprise. Je ne l’écoutais pas. Je voulais juste qu’il ferme l’armoire. »


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Elle : « J’avais installé chez moi une boite à mots. L’idée c’était de mettre des idées, des mots gentils, etc. J’avais toujours l’espoir qu’il me laisse un petit mot doux, ou qu’il s’y intéresse, mais pas du tout. J’avais l’impression qu’il ne s’intéressait pas à mon petit monde, qu’il n’essayait pas d’y entrer. Il avait ses propres rituels, son carnet, etc. Mais je ne sais pas s’il a remarqué les miens, j’aurais voulu qu’on adopte les habitudes l’un de l’autre, pour souligner qu’on était un couple. Mais même avec des sous-entendus gros comme une maison, comme la boite à mots... »


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Lui : « Plus tard dans notre relation, son boulot lui pesait beaucoup. Je crois qu’elle n’en pouvait plus de bosser pour des PME. C’était bizarre, elle venait vers moi en espérant que je lui donne des réponses, que je lui balise le chemin. Mais c’était dur pour moi aussi, on avait les mêmes problèmes. Ce qui me rendait tellement triste, c’est que je voyais son énergie positive que j’aimais tellement chez elle qui se fanait. Je ne savais pas quoi faire pour elle, je me sentais nulle. J’essayais de faire des petites choses, mais j’étais toujours à côté. C’est vraiment dur quand quelqu’un compte sur vous et que vous vous sentez incapable de l’aider. »


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Elle : « Je crois que ce qui était difficile pour moi dans cette relation, c’est qu’il ne me voyait pas. Il me faisait des petits cadeaux, c’était chou. Mais, je sais pas comment dire, qu’il me prenne pour une personne ! Qu’on parle de projets d’avenir ou qu’on essaye de mettre des choses en place ! Là il me donnait un cadeau pour me consoler, mais il ne m’a jamais invitée pour qu’on fasse un truc ensemble. J’y pense aussi, parce qu’une fois, on était près d’une plage, on s’est arrêté dans un coin, je me suis couchée. J’espérais qu’il vienne vers moi. Il était fasciné par l’esthétique du lieu et il a préféré prendre des photos. Ok, c’est une belle photo, mais je suis cachée par une fleure fanée sous un ciel gris ; je suis au second plan. »

Lui : « Au bout d’un moment, la situation a carrément dégénéré. J’avais tellement l’impression de ne pas lui être utile, d’être nul, que j’évitais d’être avec elle pour avoir des discussions. Des fois c’était limite grossier. Une fois, on va se promener, elle s’assied, c’était romantique. Au début de notre relation, je me serais assis à côté d’elle, je l’aurais prise dans mes bras. Mais j’avais tellement peur qu'elle me pose des questions auxquelles je n’aurais pas su répondre que j’ai tout de suite sorti l’appareil photo pour avoir l’air occupé jusqu’à ce qu’elle en ai marre et qu’on parte. »


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Lui : « Depuis qu’on s’est quittés c’est l’angoisse. Ma vie est complètement grise. Il a fallu qu’elle ne soit plus là pour que je me rende compte de tout le soleil, la joie, l’espoir aussi peut-être qu’elle m’apportait. Un matin, je suis allé dans un endroit où on allait souvent. Un coccinelle s’est posée devant moi. Je m’attendais tellement à entendre sa voix, qui me dit que c’est un signe de voir un animal rouge. Toute ma vie, tout mon quotidien est beaucoup trop gris. »


Et il y a les petites choses que l'on oublie...


Un bar, quelques temps plus tard

Elle est assise à une table, elle griffonne quelque chose sur un bloc note. Elle regarde par la fenêtre et commande un thé au jasmin. Son ordinateur est allumé, elle surf sur un site d’offre d’emploi ; elle tape comme mot clé ONG.
Il pousse la porte d’entrée. Dans la main, il a une carte d’anniversaire ; c’est un plan de la ville dessiné à la main. Il y a un grand cœur qui indique l’emplacement du café. Il regarde autours de lui, il ne sait pas quoi faire, il a l’air stressé. Son regard se pose sur elle. Il s’assied vers elle, sur l’enveloppe figure son nom à elle. Il ne semble pas la reconnaître.
Elle jette un coup d’oeil, rigole et dit : « C’est sympa d’avoir pensé à moi ! Et c’est quoi votre nom ? »


Discussion

Voilà ! Suite aux premiers retours que nous avons eu sur notre jeu, nous sommes arrivés avec une nouvelle version de nos règles.
  • On encourage vivement à prendre des photos personnelles (l’oeil avisé remarquera d’ailleurs une touche de Chrysopée... Du jdr dans du jdr, quelle mise en abîme!)
  • On a rajouté une photo et on a changé l’ordre d’un certain nombre d’étapes. Par exemple, maintenant on s’échange les photos avant même de décider du lieu de rencontre et de créer les personnages. On pourrait aisément rater ça à la lecture si on ne fait pas gaffe, et ce serait dommage parce que ça nous semble quand même plus efficace comme ça.
  • Les questions de la troisième phase qui permettent de jouer la scène finale ont été reformulées. On est satisfaits du résultat. Durant cette phase, on essaye de comprendre ce qui les a poussé à la rupture et pourquoi ils faisaient la procédure d’effacement. C’est un passage dans le jeu où on sort complètement de nos personnages, mais qui est pourtant très touchante. On prend du recul, on essaie de mieux comprendre ces « gens », on dit ce qu’on pense d’eux et on précise nos espoirs pour eux. Vous devinerez peut-être ce que nous avons dit en lisant la dernière scène, qui concrétise nos réflexions.
  • Nous avons aussi précisé le contenu et la forme que doivent avoir les souvenirs. Chacun d’eux doit comprendre un exemple concret d’une situation donnée. On s’est rendu compte dans plusieurs parties que les souvenirs trop généraux, du type : « on aimait se promener dans la montagne, c’étaient de bons moments » étaient difficiles à gérer : comment raconter une version alternative d’un tel souvenir ?

Bref, notre petit jeu est bien avancé et on l’aime ! Brève préparation qui consiste à choisir des photos qui nous plaisent (et qui nous rappellent des souvenirs), et puis on entre rapidement dans une partie qui couvre vite une belle de tranche de vie. Et ça ne prend qu’une heure ! Après une partie, on est tout songifs, on réfléchit à ce qui vient de se passer, parfois ça nous apprend des choses sur nous ou nos proches. L’expérience à deux en jeu de rôle est très particulière : plus grande attention à l’autre joueur (il n’y en a qu’un!), complicité, échanges rapides.

Nous avons déjà fait six parties et sommes très contents du fait qu’elles sont toutes assez différentes. On a exploré les problèmes dus à des provenances sociales différentes (le couple se surnommait « Marx & Engels »), des couples homosexuels, etc. On a aussi assisté à toutes les fins possibles : un couple qui ne subit pas la procédure, un autre qui s'oublie définitivement – l'un des personnages a détruit une de ses peintures faite selon une idée de son ex, sans même s'en souvenir –, d'autres qui se retrouvent malgré des mémoires totalement ou partiellement effacées. Cependant, même si ça fonctionne bien pour nous, on aimerait bien s’assurer que les règles transmettent la bonne manière de jouer. Et c’est pour ça qu’on a besoin de retours externes, sur des parties jouées avec la dernière version des règles ! Ceux qui veulent les règles peuvent nous écrire un courriel ou un message privé. Ça doit pouvoir se jouer par skype ou hangout, mais on n’a pas encore testé.
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Re: [LPCO] Nos vies en couleurs

Message par Thomas Munier » 24 Sep 2014, 20:21

C'est vraiment un très beau compte-rendu de partie.

Les questions de la troisième phase qui permettent de jouer la scène finale ont été reformulées. On est satisfaits du résultat. Durant cette phase, on essaye de comprendre ce qui les a poussé à la rupture et pourquoi ils faisaient la procédure d’effacement. C’est un passage dans le jeu où on sort complètement de nos personnages, mais qui est pourtant très touchante. On prend du recul, on essaie de mieux comprendre ces « gens », on dit ce qu’on pense d’eux et on précise nos espoirs pour eux. Vous devinerez peut-être ce que nous avons dit en lisant la dernière scène, qui concrétise nos réflexions.


Quand on lit le compte-rendu, tout est à la première personne, on est vraiment dans l'intériorité. N'est-il vraiment pas possible (ou souhaitable) de présenter les règles de la troisième phase (je précise que je n'ai pas encore lu le jeu) pour que la dernière partie se déroule aussi à la première personne ? (i.e. qu'on ne soit pas en posture d'auteur) ?
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Re: [LPCO] Nos vies en couleurs

Message par Christoph » 24 Sep 2014, 21:47

Salut Thomas

Ton enthousiasme nous fait plaisir !

Je profite de ta question pour faire tout un développement, parce que c'est pile poil dans la réflexion qui sous-tend notre jeu. Cela ne s'adresse donc pas uniquement à toi et la longueur de ma réponse ne doit pas être interprétée comme une remontrance à l'encontre de ta question.

Le terme « posture d'auteur » a été galvaudé sur la Cellule. Voilà, je l'ai dit, en public en plus. Que le scandale s'ensuive. C'était un terme clairement défini par Ron Edwards jusque là : prendre des décisions pour son personnage, sans se limiter aux connaissances de celui-ci, mais néanmoins en les justifiant de manière vraisemblable. Depuis une discussion de vive voix avec Romaric, j'ai appris que ça voulait dire entre temps « ce qu'on fait quand on joue à une machine à saucisse, et qui est qualitativement différent de ce qu'on fait dans un jeu de rôle ». Je n'entrerai pas dans le débat de la machine à saucisse, mais je relève ce fait parce que ce qui se passe pendant la phase de discussion post-entretien dans notre jeu, c'est précisément lié à la posture d'auteur edwardsienne (tendance posture de metteur en scène, mais cette distinction me semble un peu caduque pour les jeux sans meneur). Chez Edwards, chaque posture est légitime.

En fait, le fait de réfléchir en méta-jeu au sein même du jeu est tout à fait volontaire et quelque chose que l'on voulait introduire dans un jeu de rôle pour en dégager la spécificité. Quand on regarde un film, à la fin Sylvie et moi on apprécie de discuter de ce qu'on a vu, ce qu'on a ressenti par rapport à la fiction. Or, dans un jdr, on a l'occasion incroyable de pouvoir avoir un discussion qui peut influencer le cours de l'histoire. La possibilité de faire ce qu'on a envie à partir d'un jugement de valeur.

Si on réfléchit maintenant à ce jeu spécifique, il y a une autre remarque à faire. C'est complètement débile cette histoire de se faire effacer la mémoire ! Personne ne le ferait. C'est probablement même pas possible, tellement les événements de la vie s'entremêlent. Enfin, je parle bien du monde tel que je le comprends moi, Christoph. Mais nos personnages vivent dans un autre monde, où cela a lieu. Je ne comprends pas leur monde et ses coutumes, je ne peux donc pas prendre la décision à leur place – elle est déjà prise d'ailleurs – et dois m'absenter un moment, le temps de l'ellipse entre la phase deux et la phase trois. D'ailleurs, on n'accorde que peu d'importance aux spécificités de la procédure. Ça nous échappe, et ça ne doit pas nous intéresser plus que ça.

La posture d'auteur selon Ron Edwards permet justement de réfléchir à nos priorités et de « s'arranger » pour que nos personnages fassent ce qu'il faut. Je noterais au passage que si on jouait toujours dans une focalisation interne (posture d'acteur de Ron), on ne pourrait pas raconter d'histoire d'amour : si je dois trouver une raison pour rencontrer un personnage que mon personnage ne connaît pas (en l’occurrence celui de Sylvie) selon les connaissances et perceptions de mon personnage... alors il n'y a aucune raison logique et rationnelle pour que cette rencontre se fasse en premier lieu ! Sylvie et moi, on doit inventer une coïncidence externe à la volonté des personnages pour qu'ils se rencontrent. Pour être précis, on commence la partie en posture de metteur en scène par la création des personnages et du contexte de la rencontre, et personne ne trouve ça bizarre. D'ailleurs, on va plus loin. Je disais que je ne comprends pas le monde de mes personnages. En fait, je ne connais même pas mon personnage. Je l'invente au fur et à mesure, dans un premier temps pour qu'il plaise à celui de Sylvie, puis pour sonder les raisons de la rupture. Même si je parle beaucoup au « je », je ne peux jamais vraiment me baser sur les connaissances et perceptions de mon personnage que je ne connais tout bonnement pas (encore moins que dans un jeu de rôle classique).

Ainsi, la discussion hors-personnage ne fait que formaliser nos priorités en tant que joueur, qui sont les seules qui peuvent justifier la fiction de la troisième phase : si on se basait sur les connaissances de nos personnages, ils ne pourraient pas trouver de raison de se retrouver, puisqu'ils viennent d'effacer tous les souvenirs pertinents ! Il faut donc que nous, les joueurs, voulions exprimer quelque chose, pour que les personnages puissent éventuellement se retrouver.

Il ne faut jamais dire jamais. Peut-être que quelqu'un écrira un jeu similaire qui se déroule à 100 % en focalisation interne, un jour. Ce que je peux dire, c'est que le jeu tel qu'il est écrit actuellement nous convient bien. Ce passage hors-personnage (qui, je le rappelle, est déjà la deuxième fois qu'on est hors-personnage, après la création de perso) est un moment où on peut creuser la relation sous un autre angle, externe, et réfléchir à ce qu'on veut dire dans cette partie. En tant qu'auteurs, justement.

Il doit aussi y avoir une réponse pragmatique, qui serait de l'ordre du « c'est vachement plus rapide et efficace comme ça », mais je n'y ai pas réfléchi sérieusement...
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Re: [LPCO] Nos vies en couleurs

Message par Thomas Munier » 25 Sep 2014, 07:31

Merci Christoph, c'est très intéressant comme développement !
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Re: [LPCO] Nos vies en couleurs

Message par Frédéric » 25 Sep 2014, 18:24

Hello, chouette CR !
Serait-il possible d'avoir accès aux nouvelles modifications, comme je compte jouer au jeu ce soir, si vous pensez que ça vaut le coup qu'on les teste ? (Par mail ou autre).

***

Le galvaudage de la posture d'auteur est un peu de ma faute au départ. Je parlais de jeux qui placent le joueur comme un auteur (cad sans vraiment lui permettre de défendre les intérêts de son personnage, un peu comme un auteur de roman) en référence à cet article de Eero Tuovinen : http://isabout.wordpress.com/2010/02/16 ... -rpg-play/

Eero distingue bien cette utilisation du terme auteur avec la posture d'auteur de Ron Edwards. Je le fais aussi dans le podcast où j'en parle.

Un jeu où le joueur peut défendre les intérêts de son personnage utilise fréquemment la posture d'auteur : Prosopopée, LCS ou Innommable v. 008 le font même beaucoup. Ça n'empêche en rien le joueur de défendre les intérêts de son personnage la majorité du temps, voire mieux, ça y participe (je pense notamment aux monologues d'Innommable et de LCS et dans Prosopopée c'est très entremêlé, c'est d'ailleurs plus de la posture de metteur en scène que d'auteur dans ces jeux).

En revanche, si un joueur tente de défendre les intérêts de son personnage dans un jeu comme Chronicles of Skin, ça ne le mènera probablement nulle part. Il risque de seulement faire semblant que ça compte. Chronicles est pour moi un jeu en mode auteur.
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Re: [LPCO] Nos vies en couleurs

Message par Thomas Munier » 25 Sep 2014, 18:42

Tu peux nous expliquer par exemple en quoi les choses sont différentes entre un jeu comme Prosopopée et un jeu comme Chronicles of Skin (que je ne connais pas ?). peut-être sur un autre sujet si on ne veut pas parasiter ce fil.
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Re: [LPCO] Nos vies en couleurs

Message par Frédéric » 25 Sep 2014, 19:43

Je passe en privé pour ne pas polluer le fil.
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Re: [LPCO] Nos vies en couleurs

Message par Christoph » 26 Sep 2014, 12:58

C'est moi qui ai rédigé l'essentiel de la réponse « théorique », mais la réflexion est 100 % commune et Sylvie a quand même tapé un des paragraphes intégralement (trouverez-vous lequel?). Pour le rapport, cependant, c'est Sylvie qui s'est tapé tout le boulot de réécouter la partie et de transcrire... Travail d'équipe classique : moi je contribue l'équipe, elle le travail, héhé.
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