[Terres de Sang] Playtest 03 - Version de travail définitive

Pour le développement de vos jeux ou pour discuter de théorie

[Terres de Sang] Playtest 03 - Version de travail définitive

Message par angeldust (Simon) » 19 Mai 2016, 10:57

Bonjour à tous,

Encore une fois, j'ai le plaisir de présenter un compte rendu de partie de mon projet Terres de Sang. Cette fois, c'est une version de travail plus ou moins figée. J'ai testé plusieurs fois et le jeu semble tourner. Je ne vais donc plus faire de modifications majeures sur cette version. Je vous présente donc une des sessions qui illustrent le mieux le projet, en espérant soulever la curiosité et l'intérêt. Je souhaite également montrer une démarche qui s'appuie sur les diverses discussions mener ici, sur les Ateliers Imaginaires; et poser quelques ultimes questions qui me brûlent les lèvres.

Code couleur:
- La fiction en bleu
- Les détails sur le système en vert
- Ce qui a changé de marquant depuis la dernière fois en violet
- Le retour des joueurs et mes analyses en noir
- Mes questions aux membres de l'Ateliers, mes interrogations, bref ce qui ouvre la discussion avec vous en rouge

Joué le 10/05/16
Nombre de Joueurs : 2
Pas de meneur
Durée de la partie : 1h

Image

0. Un mot sur le jeu
Dans Terres de Sang, vous jouez des explorateurs, des pionniers, qui arpentent les terres étranges, exotiques et dangereuses du Nouveau Continent. Envoyés par le Grand Royaume, et bénis des Dieux par le Saint Ordre, vous foulez un sol inconnu en quête de gloire, de connaissance ou de rédemption. Cartographier, pacifier et coloniser les terres sauvages: voilà votre mission. Mais votre chemin est long et semé d’embuches. La jungle torride trouble les sens. Pourquoi les feuilles semblent-elles murmurer à votre oreille d'anciens souvenirs oubliés ? Pourquoi l'atmosphère semble d'une langueur moite ? Qui sont ses indigènes hérétiques qui peuvent lire au plus profond de votre être ? Que sont ces ruines gigantesques et désolées qui parsèment la forêt ? Est-ce que les rumeurs sur l'incroyable Arbre de Vie sont vraies ?
Et si vous trouviez autre chose sur le Nouveau Continent ? Et si vous trouviez votre nature la plus profonde sur ces landes inconnues ?
Et si explorer ces terres sauvages, c’était explorer votre propre âme ?
Bienvenue sur une lande sauvage et inattendue. Bienvenue sur les Terres de Sang.


Ce qui a changé:
- Le pitch a légèrement évolué pour mieux refléter l'ambiance du jeu. Au départ, j'étais plutôt parti sur une ambiance d'aventure pure et au fur et à mesure des tests, il s'est trouvé qu'il était plus satisfaisant de donner un sens métaphysique à l'exploration. Je l'inscris donc dans le contexte du jeu afin que les joueurs sachent quel genre de partie sera produit.



1. Les Personnages
- Licia de Siffleval, une noble à la recherche de frissons et d'aventures.
Augures: Le Berger qui guide les égarés / Le Taureau inébranlable
Ancrage: Le monde est régit par les forts qui se doivent de guider les faibles. C'est ainsi que va le monde.

- La Borgne, une brute au grand coeur, suivante de Licia
Augures: Le Char qui change les saisons / Le Marteau qui bâtit le monde
Ancrage: L'artisanat et le travail des ressources de la terre sont les deux seuls témoins de la Civilisation. C'est ainsi que va le monde.

Un mot de la création de personnage:
- Les Augures sont tirés au hasard. Elles reflètent les aspects du personnage que les Dieux ont bénis le jour de la naissance.
- L'Ancrage est une maxime qui correspond au mode de pensée du personnage. L'Ancrage découle de l'éducation du personnage et des Augures qui lui ont été prédits.


Ce qui a changé:
- On ne décrit plus les Dieux dans la base. Le setting n'est plus que suggéré et non décrit longuement. Les Augures ne correspondent plus à un panthéon de Dieux. L'intitulé des Augures est laissé volontairement imprécis et sujet à interprétation.


Question:
Dans ce topic, Fabien énonce la difficulté de faire découvrir la cohérence interne d'un univers personnel.
La difficulté c'est que dans un univers que l'on découvre, comme le tien, cette cohérence n'est pas toujours claire, on peut même franchement chercher à la découvrir (j'ai eu le même problème dans Monostatos que j'ai cherché ensuite à résoudre dans Sphynx).

De manière très similaire, Frédéric dit dans ce topic:
J'observe des difficultés côté joueurs, avec tout type de jeu :
[...]
- Des jeux où l'on doit être parfaitement en phase avec le canon esthétique du groupe (j'en ai rencontré aussi).

A ce titre, j'aimerai avoir des retours plus détaillés sur vos expériences.

- En particulier, Fabien, comment et quand dans ton processus de développement as-tu pointé cette difficulté. Comment y as-tu remédié ? Quels sont les éléments qui te permettent de te dire que tu seras compris dans ta transmission de ton univers ? Quels outils peut-on utiliser (j'ai cru comprendre par exemple que Sur la route de Chrysopée utilise les illustrations pour suggérer plutôt que raconter) ?

- De même Frédéric, peux-tu donner des exemples de jeux/parties pour lesquels tu as ressenti cette contrainte forte ? Qu'est ce qui a produit cet effet ? Quel est l'influence de l'animateur ? Du support ?

- De manière générale: A partir de quel degré de finesse peut-on dire que l'on a transmis la cohérence du canon esthétique et comment s'assurer que la réception de celle-ci est satisfaisante ?


2.La Partie
Je ne relate que le début de la partie, pour illustrer comment la fiction se crée à partir des règles.

On joue sans meneur. Les joueurs sont chacun à leur tour Guide de l'expédition. Le Guide:
- Peut ajouter un élément marquant à l'univers: cet élément est vrai à partir de maintenant. Le Guide met en scène cet élément.
Puis, le Guide choisit:
- Soit il demande au joueur en face de lui de cadrer une scène de conflit. La scène de conflit permet de mettre le personnage face ses convictions et à tester jusqu'où il ira pour agir conformément à celles-ci. L'idée est de confronter l'Ancrage du personnage à une situation en demi teinte.
- Soit il cadre une scène intimiste (flash back ou moment intime) qui permet non seulement de se ressourcer et se guérir mais aussi d'approfondir la psychologie du personnage. Après une telle scène, un personnage peut modifier son Ancrage ou en écrire un nouveau.



Les personnages se réveillent sur la plage. Autour d'eux, des planches de bois explosés jonchent le rivage. Des corps déchirés colorent le sable en rouge. Licia et la Borgne se lèvent, meurtries, avec le constat amer qu'elles ont fait naufrage et qu'elles sont les seules survivantes de la catastrophe. Après avoir rassemblé leurs affaires et fait une prière aux Dieux, elles n'ont d'autres choix que de remplir leur mission: explorer les terres sauvages pour trouver un moyen de repartir. Peut-être qu'en trouvant l'Arbre de Vie, elles pourront trouver une solution. Si les rumeurs sont vraies, cet Arbre est capable de choses extraordinaires. Alors pourquoi pas les reconduire au Royaume, couvertes de gloire ? Décidées, les héroïnes se mettent donc en route.

Licia prend les devants s'enfonce dans la jungle à grand coup de sabre. Très vite, les exploratrices tombent nez à nez avec une tribu indigène. Les deux groupes se toisent un instant. Les membres de la tribu sont frêles et plutôt longiformes. Ils ne possèdent pas d'armes, ni d'outils en particulier. Ceci conforte Licia dans l'idée qu'avec son armure et son épée familiale, elle a l'ascendant car elle est la plus forte. Elle dégaine donc son épée et la pointe vers le ciel en ordonnant aux indigènes de se prosterner devant le fer. Les indigènes regardent Licia avec perplexité. Il faudra utiliser la force pour les faire plier car ils ne semblent pas comprendre que l'épée de Licia est dangereuse. L'un des indigènes touche la lame de Licia et se blesse. L'exploratrice enfonce le clou en tranchant une branche avec son arme. La tribu finit par s'agenouiller, terrorisée.

La Borgne, plus pragmatique, s'inquiète de la nuit qui commence à tomber. Aidée par Licia, elle emmène la tribu, toujours terrorisée, vers un endroit où elles pourront faire un feu de camp et se reposer. Bientôt, les exploratrices découvre une grotte où se réfugier pour la nuit. La Borgne regroupe de quoi faire du feu mais la jungle n'offre que du bois humide, dont la découpe est d'autant plus difficile que l'exploratrice ne possède qu'un sabre. Elle commence donc un dur labeur pour ramener de quoi s'éclairer et se chauffer la nuit. Cela lui importe peu: en effet, elle aime modeler les ressources de la terre. Aussi, après un long moment, elle revient les bras chargés de bois fins et le plus sec possible. En arrivant, elle retrouve une flamme qui ne brûle à partir d'aucun matériau, flottant au milieu de la grotte. Licia lui explique qu'un des indigènes a spontanément allumé un feu en pointant du bout des doigts l'espace, l'air, comme par magie. La Borgne lâche ses bouts de bois avec dépit et résignation.

La nuit tombe et des grognements féroces retentissent à l'extérieur de la grotte. Une pluie battante s’abat sur la jungle tandis que les exploratrices et les indigènes se massent autour du feu éthéré. Licia tente de communiquer avec les autochtones, en expliquant qui elle est et pourquoi elles sont là. Alors qu'elle raconte son histoire, et qu'un indigène la regarde intensément, les murs de la grotte semblent s'effacer. La mémoire de Licia prend forme autour d'elle. On y voit une séance d'entrainement avec son maître d'arme, dur, froid et mécanique. On voit Licia, encore adolescente, pleurer après son entrainement tant ce dernier a été difficile. Elle pense à toutes ces choses que les petites filles font, ce qu'elles ont. Elle n'y a jamais goutté, car elle est née parmi les forts, ceux qui sont fait pour guider les autres. On la voit enfin battre son maître d'arme, des années plus tard, avec un regard froid et déterminé. Elle était devenue plus forte. C'est pour cela qu'elle avait vaincu... au prix de son innocence perdue.


Ici, l'Ancrage de Licia a été changé:
- Le monde est régit par les forts qui se doivent de guider les faibles. C'est ainsi que va le monde.
- Le monde est régit par les forts qui se doivent de guider les faibles. Mais la force a un prix, parfois très douloureux. C'est ainsi que va le monde.
On n'efface jamais les itérations des Ancrages car à la fin de la partie, on doit pouvoir retracer le cheminement de pensée du personnage.


Lorsque les mémoires de Licia s'effacent et que la réalité se matérialise à nouveau, le soleil s'est levé. La Borgne et Licia se trouvent toujours dans la grotte, mais seules. Les indigènes ont disparu et il n'y a pas de traces d'eux. La pluie a effacé leurs pas. Il faut maintenant aller de l'avant. La Borgne, toujours aussi volontaire, s'engage dans la jungle à nouveau à grand coup de sabre.

Je passe le reste de la fiction car je pense que vous avez compris comment elle se déroule et comment les mécaniques de jeu la supportent.

3. Les Retours
La partie a été très agréable. La fiction créée est conforme à l'esprit que j'avais en tête. Nous sommes partis sur un trip plus onirique/contemplatif et j'en suis très satisfait.
La joueuse qui a participé avec moi est assez satisfaite également mais souligne la difficulté d'entrer dans l'univers. Le démarrage a été un peu compliqué car il n'est pas toujours aisé de trouver à la volée des situations qui questionnent l'Ancrage du personnage. Par ailleurs, il faut rendre la résolution du conflit intéressante et proposer des choix impactant, ce qui peut être difficile sur le moment.

Discussion:
- Dans des jeux comme Inflorenza Minima ou Polaris, la résolution est faite par compromis. Dans un cas, il s'agit d'un prix à payer. Dans l'autre, il s'agit d'avancer un élément de la fiction qui "handicap"/"désavantage" le personnage. Dans ces deux jeux, je n'ai jamais eu de soucis pour proposer des choix intéressants.

Pour Inflorenza, il y a les thèmes sur lesquels on peut se reposer. Il y a également le D.E.U.S. E.X.Machina qui présentent des techniques de maîtrise pour proposer des situations moralement difficiles.

Pour Polaris, je ne saurai pas vraiment dire: lorsque j'y ai joué, les "si et seulement si" sont venus très facilement, presque instinctivement. C'est le génie de Ben Lehman, je crois. L'univers est très porteur d'inspiration et le canon esthétique du jeu poussent les joueurs dans un certain type de proposition. Avez-vous une analyse plus satisfaisante que la mienne ? Quels éléments dans Polaris vous inspirent le plus pour la propositions des choix de résolution ?

Dans tous les cas, la satisfaction qu'on tire des jeux réside, je pense, dans la difficulté du choix, l'acceptation d'éléments défavorables, le sens du sacrifice. Cela ne pose-t-il pas un poids excessif sur les épaules de participants ? De manière plus général, avez-vous déjà ressenti une sorte de pression, d'exigence de qualité, au moment de proposer des choix de résolution dans ce genre de jeu ?


4. Conclusion
Il reste encore beaucoup de détails à régler et pleins de tests à effectuer. Je me pose maintenant la question de la transmission: faire jouer des gens qui n'ont pas les mêmes habitudes de jeu que moi. Cela sera le vrai test, l'épreuve de feu ! Nous verrons bien ce que cela donne.

Merci pour votre temps.
A bientôt.

Simon
angeldust (Simon)
 
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Re: [Terres de Sang] Playtest 03 - Version de travail défini

Message par Thomas Munier » 19 Mai 2016, 11:59

Salut Simon,

A. Content de voir que toi et Manon soyez aussi prolifique, après la sortie récente de ton jeu sur les vampires ! Quand tu dis que le jeu est figé, tu veux dire qu'il fonctionne dans ta tête, mais qu'il reste à le rédiger (règles et conseils) ?

B. La première question à te poser sur la transmission de l'univers, c'est : qu'est-ce qui est prescrit et qu'est-ce qui est émergent ? Quels sont les marqueurs que tu veux mettre en avant ? L'univers prescrit, c'est la lettre. Que faut-il respecter à la lettre ? L'univers émergent, c'est l'esprit. Quel est cet esprit ? Quelles sont les parts de l'univers que tu laisses entièrement libres à l'imagination des joueuses ?

C. Est-ce que la pression qu'on se met au moment de définir un sacrifice pour le personnage d'une autre joueuse est indésirable ou est-ce qu'elle fait partie du "serious fun" du jeu ? Est-ce que tu préfères baisser la pression, soit en donnant une liste complète d'exemples de sacrifices (Inflorenza Minima propose une table de sacrifices à six entrées), soit en laissant les joueuses définir elle-même les sacrifices pour leur personnage (par exemple, en perdant ou modifiant leur ancrage) ?
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Re: [Terres de Sang] Playtest 03 - Version de travail défini

Message par Frédéric » 19 Mai 2016, 12:22

Salut Simon, félicitations pour le développement de ton jeu !

Une petite question à la lecture du compte-rendu : est-ce que tu as eu l'impression que le rapport entre les indigènes et Licia questionnaient ou valorisaient cette notion de "faibles et forts" ?


Pour ce qui est des joueurs qui ont eu des difficultés avec le fait d'être en phase avec le canon esthétique du groupe :
  1. J'ai vu des joueurs dans l'incapacité de prendre part à la partie, comme si l'univers fictif que l'on abordait leur était inaccessible, comme si sa cohérence interne leur semblait illogique.
  2. Un truc plus fréquent, c'est la difficulté que l'on peut avoir à prendre la moindre décision dans un univers qui se veut rigoureux d'un point de vue historique, surtout quand le MJ est le seul garant de sa cohérence. Parfois de tels MJ nous reprennent sur la moindre de nos déclarations. Je parle d'aller chercher du vin à la cave, il me reprend sur le fait que telle population n'avait pas assez d'argent pour boire du vin (voire ne construisait pas de caves sous le bâtiment où nous nous trouvons), ou m'explique qu'un membre de la court ne questionnerait pas les désirs de son roi, y compris si une personne de notre époque les trouvait inhumains. Ça peut aller jusqu'à devenir injouable. Et l'impression du joueur de ne pas avoir les connaissances suffisantes me semble aussi importante que le côté étouffant du MJ tatillon.
  3. Quand j'étais ado, dans des parties de Starwars, alors que j'avais pourtant vu les 3 premiers films, j'avais un mal fou à comprendre la technologie du monde, ses possibilités, ce que je pouvais en faire... Est-ce qu'on entrait dans un vaisseau par un sas ? Est-ce qu'on pouvait en forcer l'ouverture de l'extérieur ? Est-ce que mon arme à feu pouvait servir à péter la "serrure ?" Encore une fois, je me faisais souvent reprendre par les autres spécialistes (MJ comme joueur) et la partie devenait rapidement frustrante à mourir.

J'aurais un paquet d'autres exemples dans ce style.
Le fait que l'on joue dans un univers que nos personnages sont censés connaître, mais que nous en tant que joueurs, ne connaissons pas, ou pas suffisamment, donne cette affreuse impression que l'on ne sait rien et que l'on est impotent, dans un monde complètement étranger voire incompréhensible.
Je crois que l'asymétrie des connaissances est en cause, le MJ étant le seul garant de la cohérence de l'univers et le seul à en savoir assez pour avoir une idée de ce qu'il est légitime et illégitime de faire, dire ou penser ; les joueurs eux ne sachant pas ce qu'ils peuvent dire, faire ou penser.

Pourtant, il y a plein de jeux où l'on joue pour célébrer et explorer un canon esthétique dans des univers inconnus ou exotiques qui ne me posent pas ce problème. Quand mon personnage est un outsider, et ne connaît donc vraiment pas le monde dans lequel il évolue (ou qu'il apprend à le connaître petit à petit) ou quand on a une marge d'erreur acceptable, ce qui vaut surtout quand les enjeux principaux de la partie ne sont pas "rendre l'univers absolument crédible".

Enfin, les jeux où l'univers n'est pas complètement écrit à l'avance et entièrement entre les mains du MJ me semblent éviter cet écueil, mais peuvent donne rune impression de flou ou d'intangibilité. Les joueurs qui avaient le plus de difficultés, je pense, avaient un problème bien plus fondamental que ceux que je détaille ici, de l'ordre du "je n'arrive pas à entrer dans votre bulle".
Quand je joue avec ma fille (depuis qu'elle a 5 ans), pour éviter ces problèmes, je ne joue que dans des univers de dessins animés ou de romans qu'elle connaît bien.

Est-ce que ça t'aide dans tes questionnements ?
Frédéric
 
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Re: [Terres de Sang] Playtest 03 - Version de travail défini

Message par angeldust (Simon) » 20 Mai 2016, 09:09

Bonjour !

Merci pour vos retours.

@Thomas:
A. Content de voir que toi et Manon soyez aussi prolifique, après la sortie récente de ton jeu sur les vampires !

Merci ! Avec une femme enceinte en congé mat', c'est plus facile d'être prolifique :D Mais ça, c'était avant. Maintenant, cela sera un peu plus difficile.

Quand tu dis que le jeu est figé, tu veux dire qu'il fonctionne dans ta tête, mais qu'il reste à le rédiger (règles et conseils) ?

Oui, tout à fait. Il "ne reste" (lol) plus qu'à réfléchir sur le moyen de transmettre. Et ce n'est pas chose aisée.

Pour le B., merci du conseil. Je pense utiliser les illustrations pour suggérer ce qui n'est pas prescrit.

C. Est-ce que la pression qu'on se met au moment de définir un sacrifice pour le personnage d'une autre joueuse est indésirable ou est-ce qu'elle fait partie du "serious fun" du jeu ? Est-ce que tu préfères baisser la pression, soit en donnant une liste complète d'exemples de sacrifices (Inflorenza Minima propose une table de sacrifices à six entrées), soit en laissant les joueuses définir elle-même les sacrifices pour leur personnage (par exemple, en perdant ou modifiant leur ancrage) ?

La pression fait effectivement partie du "serious fun", comme tu dis. Mais j'ai remarqué par ailleurs que la qualité de la partie repose beaucoup sur la qualité des sacrifices proposés. Un set d'exemples peut aider. Je me rends également compte de l'importance de la section "Conseils" d'une base de JDR. C'est presque ce qu'il y a de plus précieux lorsqu'on veut animer de manière satisfaisante une partie. Là encore, je réfléchis à un moyen de transmission.

@Frédéric:

Une petite question à la lecture du compte-rendu : est-ce que tu as eu l'impression que le rapport entre les indigènes et Licia questionnaient ou valorisaient cette notion de "faibles et forts" ?

Je dirais que le début de la partie se centrait sur le questionnement de la relation forts-faibles. En gros, Licia réussit à montrer sa force aux indigènes au prix d'une soumission forcée (blessure, terreur). On voulait montrer que la notion de "berger", bienveillant, était en contradiction avec la notion de force. Lors de la scène intimiste, on voulait montrer que Licia a subit cette violence lorsqu'elle était plus jeune.
A ce titre, le sacrifice proposé n'a peut être pas été à la hauteur de l'enjeu. Au final, la scène où un indigène se blesse sur son épée n'était peut être pas assez marquante (violente ?) pour montrer l'utilisation injustifiée de la force.

Est-ce que ça t'aide dans tes questionnements ?

Oui, beaucoup ! Merci. Cela donne de quoi réfléchir sur la transmission du jeu. J'ai l'impression que le fait de ne pas avoir de MJ dans Terres de Sang facilite l'accès à l'univers.
angeldust (Simon)
 
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Re: [Terres de Sang] Playtest 03 - Version de travail défini

Message par Thomas Munier » 20 Mai 2016, 11:20

Concernant l'intensité des sacrifices : est-ce que Terres de Sang est un jeu à séance unique ou un jeu à campagne ? Parce que la montée en puissance des sacrifices suivra alors un rythme différent.
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Re: [Terres de Sang] Playtest 03 - Version de travail défini

Message par angeldust (Simon) » 20 Mai 2016, 14:31

Thomas Munier a écrit :Concernant l'intensité des sacrifices : est-ce que Terres de Sang est un jeu à séance unique ou un jeu à campagne ? Parce que la montée en puissance des sacrifices suivra alors un rythme différent.


Le jeu fonctionne le mieux sur 1-2 séances max. Comment gères-tu l'intensité et la montée en puissance ? Dans Inflorenza Minima, si j'ai bien compris des parties, tu joues en général une séance unique où tu recherches l'intensité des choix moraux. Je me trompes ? Tu essaies donc de "taper" dur et fort le plus vite possible ?
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Re: [Terres de Sang] Playtest 03 - Version de travail défini

Message par Thomas Munier » 21 Mai 2016, 10:26

Oui, Inflorenza Minima est davantage taillé pour la séance unique, même si certains hacks (Arbre et Les Sels de Millevaux) sont au contraire taillés pour la campagne. Dans le cadre d'une séance unique, oui j'essaye de taper au plus fort au plus vite. Néanmoins, les séquences d'introspection me sont nécessaires pour que les joueuses s'identifient ou s'attachent davantage à leurs personnages, qu'elles l'étoffent, et que moi j'en sache plus sur les personnages afin de taper non seulement plus fort, mais dans les points faibles. Cela implique aussi que je fasse des offrandes aux personnages afin de les étoffer, de leur créer des attaches, d'affiner leurs échelles de valeur, choses qui seront également utiles pour atteindre une intensité dans les choix moraux qui vont suivre.
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Re: [Terres de Sang] Playtest 03 - Version de travail défini

Message par Fabien | L'Alcyon » 21 Mai 2016, 15:16

Salut Simon,

Content que ton projet avance bien. Viens demander de l'aide si tu as besoin de tests extérieurs !

Concernant la transmission de l'univers, j'ai peu de choses vraiment neuves à ajouter à ce qui a déjà été dit, ou les conseils que tu pourras trouver un peu partout: oui, c'est plus facile de transmettre un univers sur la durée et avec des personnages qui découvrent l'univers (amnésiques, jeunes, découvreurs...); oui, la cohérence de l'univers, même si tu prends du temps pour la transmettre en début de partie, est susceptible d'être réinterprétée très loin de ce que tu as en tête comme auteur/meneur, ce qui peut mener aux problèmes que décrit Fred.

Pour répondre plus spécifiquement à tes questions:
- En cours de jeu, tu sens que ton univers est bien transmis quand les créations des joueurs sont conformes à l'esthétique que tu portes en toi. Je sais, ça semble bateau comme réponse, mais en fait c'est une question de philosophie du langage: je sais que ce que je dis a du sens pour les autres, quand ce qu'ils disent a du sens pour moi, c'est-à-dire qu'ils émettent une réponse à laquelle je pouvais m'attendre (par exemple, quand je dis "bonjour", ils répondent "bonjour" et pas "oui, volontiers, avec un peu de sauce"). Cela veut aussi dire
- Pendant que tu écris ton univers, c'est beaucoup plus compliqué de savoir si tu seras bien compris. Il n'y a pas de recette miracle, il faut le faire lire aux autres et voir ce qu'ils en retirent. Ça dépend de tellement de facteurs ! Les références culturelles évidemment, mais aussi la « forme » de l'esprit de chacun (je comprends très bien les univers de Fred par exemple, tandis que ceux de Romaric me sont beaucoup plus hermétiques, alors que pour d'autres c'est l'inverse).
- Certains jeux, notamment Prosopopée, résolvent ces questions à l'aide de quelques règles simples ("on joue dans un Japon médiéval fantasmé et onirique", "il n'y a pas de noms propres, décrivez autant que possible", etc.) et de "briques" de construction de son univers (les Couleurs). C'est une excellente manière de faire, mais elle pose de nombreuses contraintes à la fois en termes de conception et de réception, la première étant que beaucoup de gens croient qu'il n'y a pas d'univers.

Dans Monostatos, je n'ai pas réussi franchement la transmission aux joueurs. On est obligé au début de faire une longue exposition de l'univers, et c'est pas toujours très fun. Pour la transmission au meneur, je crois m'en être mieux tiré (c'est peut-être ce qui est le mieux réussi dans ce jeu), en me concentrant sur ce qui est le plus important dans chaque lieu, en transmettant surtout une esthétique, un "sentiment", en laissant les meneurs compléter d'eux-mêmes le reste à partir de cet élément central.
Pour la transmission aux joueurs dans Sphynx, je m'en suis sorti d'une part en jouant des explorateurs contemporains (donc pas très différents des participants) et d'autre part en faisant de la découverte l'enjeu central du jeu: il n'y a pas d'autre enjeu qui vient parasiter la découverte, toute l'énergie des joueurs lui est consacrée. (Je ne parle pas de la transmission au meneur, il n'y a pas de contenu de ce type.)

Il y a quand même une réflexion vraiment neuve que je peux apporter sur cette question.
Lorsqu'on cherche à transmettre un univers personnel, avec un propos fort, ce qu'on cherche à transmettre en fait n'est pas un univers au sens classique du terme. On ne cherche pas à transmettre des informations (voilà pourquoi l'univers de Monostatos est tout sauf une encyclopédie). Ce qu'on cherche à transmettre c'est un sentiment. Je n'ai pas de meilleur mot pour désigner ce dont je veux parler, ça me semble vraiment être de l'ordre du sentiment poétique, c'est-à-dire de l'affect profond, maturé, raffiné par les rêveries. L'univers de Monostatos et celui de Sphynx en sont chacun porteur, chacun à sa manière. C'est complètement différent du propos, ce n'est pas un message, ça tient plus de l'esthétique.
Et parce que ça tient du sentiment poétique, toute la difficulté tient à le transmettre alors même que notre langage n'est pas fait pour y parvenir. Quand j'écris un univers (et je m'y emploie en ce moment), je ne cherche pas à décrire, mais à connoter des faits, c'est-à-dire à leur donner une saveur particulière. Cela suppose notamment de jouer avec le langage, de créer des effets de surprise, de jouer avec son lecteur idéal. Je travaille beaucoup à partir d'images et de symboles, qui souvent sont très efficaces pour exprimer l'inexprimable. Au fond, le texte décrivant l'univers est un grand poème pour exprimer ce sentiment qui ne peut être exprimé autrement que par cet univers. Le jeu devient alors l'apprentissage et l'exploration de ce sentiment.
Je sais que Romaric a aussi ses techniques d'écriture pour réaliser la même chose, mais il s'y prend différemment. Il est beaucoup plus adepte de la méthode ésotérique: il cache une bonne partie des informations importantes, toute en parsemant son texte de suffisamment d'indices pour reconstituer ces informations manquantes (et c'est encore vrai dans Sens Cosmo/Sens Chaos). Je comprends cette méthode, mais ce n'est simplement pas ma voie. J'indique qu'elle existe et semble fonctionner vu combien les sensiens arrivent à se parler entre eux.

Dans le cas de ton projet, il me semble que tu disposes déjà de tous les outils nécessaires pour bien t'en sortir: les personnages sont des explorateurs d'un lieu inconnu, donc tu peux transmettre facilement les informations ainsi. L'endroit d'où viennent les personnages peut être résumé par "un monde de fantasy" ou "un monde médiéval fantasmé", en ajoutant le panthéon dont tu parles (qui sert de ce point de vue à la même chose que les Couleurs de Prosopopée).
Donc je crois que tu es sur la bonne voie, je ne perçois pas de difficulté majeure de ce point de vue-là.

Je te l'avais déjà dit, je m'interroge sur la représentation des « indigènes » dans ton jeu et sur les présupposés qu'elle porte. Si la question t'intéresse, je t'invite à jeter un coup d’œil à ce projet de jdr: Ehdrigohr, qui cherche à s'émanciper de la fantasy européenne et proposer une approche post-coloniale, c'est-à-dire développé du point de vue des cultures autochtones (il a aussi l'ambition de parler de dépression, semble-t-il). C'est un jdr très traditionnel (univers + motorisation par le système FATE) mais avec un propos intéressant.
Fabien | L'Alcyon
 
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Re: [Terres de Sang] Playtest 03 - Version de travail défini

Message par Frédéric » 21 Mai 2016, 16:58

Un détail, par rapport à la transmission de l'univers aux joueurs :
Dans Polaris, je trouve toujours assez compliqué de transmettre tout ce qui est bien dans la trentaine de pages d'univers aux autres joueurs. Parce que c'est poétique et évocateur, et à moins d'apprendre par cœur le contenu ou le lire ou le faire lire à tous les joueurs, j'ai toujours l'impression qu'on passe à côté de quantité de choses importantes quand on joue.
Fort heureusement, ça n'a rien d'indispensable pour jouer ni pour passer de bonnes parties. Mais il y a quelques chose qui n'est pas optimal à mon goût. Un jeu avec MJ comme Monostatos fonctionne mieux, car le matériau de l'univers sert beaucoup au MJ pour préparer ses lieux, donc il n'y a pas ce sentiment de "perdre" ce qu'on n'utilise pas.
Frédéric
 
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Re: [Terres de Sang] Playtest 03 - Version de travail défini

Message par angeldust (Simon) » 22 Mai 2016, 09:28

Bonjour !

@Fabien:
Merci pour cette très longue réponse. Il y a à boire et à manger !

Viens demander de l'aide si tu as besoin de tests extérieurs !

Avec grand plaisir ! :)

Concernant la notion de sentiments:
J'aime beaucoup l'a comparaison. Cela souligne également toute la difficulté de l'exercice, puisqu'un livre de JDR tente également de transmettre des règles, des instructions, de manière précise et rigoureuse. C'est là qu'on voit qu'écrire un livre de JDR est une activité très littéraire. Beaucoup de gens dénigrent les "fioritures" (texte d'ambiance, effet de style...) dans les livres de JDR, voyant l'ouvrage comme encyclopédique. C'est amusant de voir les deux points de vue.


Je te l'avais déjà dit, je m'interroge sur la représentation des « indigènes » dans ton jeu et sur les présupposés qu'elle porte.

J'ai une réponse beaucoup plus claire à t'apporter par rapport à la dernière fois. Dans Terres de Sang, j'ai fait le choix de laisser une grande liberté aux joueurs concernant la description des indigènes. Il y a cependant 2 axiomes qui doivent être respectés:
- Il y a des indigènes qui vivent en tribus
- Ils peuvent communiquer avec le monde ésotérique
Les joueurs sont libres d'interpréter et d'amener leurs points de vue sur les indigènes. En général, la représentation des indigènes viennent soutenir le propos des scènes de conflit. Je sais que me dégage d'une certaine "responsabilité" en faisant ce choix. Je pourrai détaillé les raisons si tu le souhaites.

@Fred:
Je partage complètement ton ressenti. Lorsqu'on lit le texte d'introduction de Polaris, on imagine tout un tas de scènes, de décors, d'ambiances et de potentialités qui ne seront peut être pas tous joués et qui peuvent être en contradiction avec la vision des autres joueurs. Je reconnais cette force évocatrice du texte. Par contre, je ne suis pas sur qu'un jeu avec MJ fonctionne mieux dans ce sens. Tout dépend de combien les joueurs connaissent l'univers en fait. Si Polaris avait un MJ, et qu'il ne valorisait qu'une partie du texte de 30 pages, ne ressentirait-on pas ce même sentiment de perte ?

Merci pour vos réflexions et vos conseils (et surtout du temps que vous me consacrez).

Très cordialement.

Simon
angeldust (Simon)
 
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