[SPHYNX] Au plus haut des cieux

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[SPHYNX] Au plus haut des cieux

Message par Felondra (Emmanuël) » 12 Juin 2016, 17:12

Il y a une semaine environ, j'ai fait joué le scénario "Au plus haut des cieux" à 3 joueurs plutôt confirmés (surtout deux d'entre eux, dont Kamiseito). Première partie de Sphynx pour tous les trois, moi j'avais eu une précédente partie plutôt mauvaise mais réalisée dans des conditions qui à mon sens avaient pu biaiser l'expérience de jeu - fin de soirée, deadline très serrée, joueurs somnolents après un barbecue, ...

Cette fois, du coup, j'ai prévu le coup: rendez-vous à 16h un dimanche, on est resté jusqu'à 23h, avec une pause prévue en milieu de partie environ pour manger, etc. Tout était bien en place.

Mise en place:

Je commence par rappeler quelques évidences du système qui avaient fait défaut à la première partie - on va jouer beaucoup sur le métaphysique, l'introspection de vos personnages face aux ruines, on est clairement pas dans du "réaliste" parce que les ruines découvertes ont des dizaines de milliers d'années et ne correspondent à rien de connu, etc. Ensuite, j'explique le gros du système. Les joueurs sont sceptiques au sujet du conflit et je les comprends, j'y reviendrai. Deux aides de jeu aident les joueurs à intégrer, même si bien vite ils ne les regarderont plus vraiment.

Après quelques tours de questions-réponses (notamment: "est-ce que tout se crée en direct ou est-ce qu'il y a des secrets à trouver et que tu nous orientes vers eux?"), je lance la création de personnages. Je lis le petit paragraphe sur l'alma mater du livre aux joueurs. A chaque étape, je lis les exemples proposés et fais circuler le livre si besoin.

Les personnages:


Julien joue Daniel Pérez, Brésilien, anthropologue. Sa question métaphysique: existe-t-il une société idéale? Selon quels critères peut-on l'appeler idéale? Est-elle possible chez les humains?

Valentin joue Diego Sanchez Guardema, physicien quantique. Sa question métaphysique: Qu'est-ce que le moi? Peut-on le transférer? Est-il possible de quitter son corps?

Kamiseito joue Boris Kavetchine, linguiste. Sa question métaphysique: Qu'est-ce qu'un être humain? Y'a-t-il une destinée à l'humanité?


Relations entre eux et parmi l'expédition
Boris Kavetchine a une doctorante, Alexandra Pizinski. Kavetchine a beaucoup d'espoir pour elle. Kavetchine est d'ailleurs quelqu'un de très optimiste, bon enfant, très capable.

Diego Sanchez Guardema a un doctorant, Victor Dujardin, qui commence à être dégoûté de la recherche tant Sanchez le traite comme son larbin. En fait Sanchez est très content de lui, simplement il est froid et quand on est au boulot, on travaille, on ne sympathise pas. Sanchez ne s'intéresse absolument pas à des "sciences" comme l'anthropologie ou la linguistique, il apprécie quand des résultats dans ces domaines aident la physique mais ça s'arrête là.

Daniel Pérez a une relation sulfureuse avec Alexandra Pizinski, la doctorante de Kavetchine. Ils se voient régulièrement sur des sites de fouille ou autre, couchent, se déchirent, se recollent... Une relation passionnelle et destructrice pour eux deux, dont aucun ne parvient à se défaire complètement.


A ce stade, les joueurs se plaignent un peu du manque de consistance de leur explorateur. On verra bien vite que ce n'est pas un problème, ils l'investiront de ce qu'ils veulent y mettre et les joueurs sont assez à l'aise avec l'interprétation que pour les marquer et leur donner du corps. Encore quelques réglages - notamment, on établit que les explorateurs n'ont jamais encore été confrontés au surnaturel de quelque manière que ce soit - et on est partis.




La fiction

Toute la fiction est marquée par une bande-son qui dure 8h, du vent soufflant au pôle Nord, que je modulerai selon que les joueurs sont en intérieur, en extérieur, en haut du pic, etc.

Les explorateurs arrivent en hélicoptère sur un des plus hauts plateaux de l'Himalaya. On leur a envoyé par mail quelques informations de base sur la fouille qu'ils vont mener ici: découverte d'un escalier par une équipe d'alpinistes. Cet escalier disparait régulièrement sous la neige et la glace mais semble extrêmement long. Ils ont rebroussé chemin après deux journées à grimper et l'alma mater prend le relai. Photos d'une arche surplombant le départ de l'escalier, vues satellites supposant que l'escalier aboutit à une plate-forme au sommet du pic qui se jette dans le vide. Selon les premières estimations, ce serait l'un des plus longs escaliers au monde.

Ils arrivent sur un petit plateau situé à une heure de marche de l'arche. Il y a quelques énormes tentes qui abritent les équipes travaillant sur place. Rapidement ils voient le budget déployé, ils en ont l'habitude ce n'est pas la première fois qu'ils travaillent pour Alma Mater: ordinateurs dernier cri, carte tactile de quelques mètres de long, sondeurs, etc.

Ils rencontrent Alexandra Pizinski - Pérez flirte avec elle pendant qu'elle met Kavetchine au courant des dernières avancées de l'expédition. Des signes ont été retrouvés sur l'arche, on ne parvient pas encore à les identifier. Pérez croit reconnaitre des écritures apparentées à ce qu'on retrouve ailleurs dans la région, de la Chine à l'Inde, voire même ce qui pourrait se rapprocher de l'Indo-Européen.
Pendant ce temps, Sanchez envoie un Dujardin stressé sur site pour relever la qualité et la manière dont sont taillées les pierres de l'escalier.

Première "pause" prise par les joueurs, petit recul par rapport à la fiction puis va-et-vient qui permet à chacun de gagner un premier point de voyage pour exposition de leur question métaphysique. Je suis généreux et les joueurs très bons, ça tisse du lien, ça se blague ou se reproche des petites choses entre PJ, ça fait des suppositions, les pions pleuvent.

Finalement, tous vont sur site, guidés par Ram (un guide local qu'avait employée l'expédition qui a découvert l'escalier). Il les met en garde: à l'extérieur, ils le suivent, obéissent, un point c'est tout. Kavetchine parle un peu Népalais, il sympathise rapidement avec le guide.

Sur place, au milieu des équipes travaillant dur, les explorateurs découvrent une arche lisse, polie par le vent, qui marque le début d'un escalier large de six mètres et d'un nivèlement très doux. De nombreux écrits s'y voient, Kavetchine s'y absorbe, découvre qu'on parle du début d'un chemin, d'un culte aux morts de partout plutôt qu'à des ancêtres mythiques.
Sanchez est marqué par les matériaux utilisés: l'arche forme un arc parfait. Les marches sont lisses, à peine marquées par le temps, sans coups ni fêlures.
Les explorateurs demandent alors qu'on donne des coups de sonde dans le sol - la technologie Jurassic Park, s'amuse Kavetchine. Samuela Barro, une géologue de l'expédition, bougonne que tout a bien évolué depuis. Et tous découvrent, à quatre ou cinq mètres sous le niveau du plateau, pris dans la glace, des restes de bâtiments.


Le soleil se couchant, on rentre tandis que les membres de l'expédition bâchent l'arche et l'escalier.

Fin de journée riches de suppositions et de projets:
- Kavetchine et Pizinski planchent sur les écritures, parviennent à déchiffrer une suite: le chemin est une élévation qui nécessite de passer par cinq plateaux, cinq étapes. Lesquelles? Le plateau donnant dans le vide est visiblement le cinquième...
- Sanchez demande à Dujardin d'estimer une zone de chute possible si jamais des corps étaient réellement lâchés du sommet. Elle est très vaste, il propose de larguer des poids avec puces G.P.S. pour établir une zone de chute et voir si des restes humains s'y trouveraient.
- Pérez se pose des questions sur le rôle de tout ça: réelle cité? Temple géant? Il s'interroge sur un possible culte aux vents dans la région, voit que c'est très présent dans les mythes et civilisations antiques, même dans des zones de campagnes où le vent devrait être moins important.
- Kavetchine, de plus en plus excité, propose qu'ils entament dès le lendemain une expédition jusqu'au sommet. Pour lui, la clé se trouve dans ces cinq plateaux, ces cinq étapes décrites par les écritures. Sanchez est réticent mais se laisse convaincre. Ils emmèneront avec eux Ram, Victor Dujardin et Johnson, le technicien en charge de la sonde. Pizinski restera à la base comme relai-radio principal et aide à l'opération.
- Pérez tourne autour de Pizinski, qui le remballe gentiment. Elle a le sentiment qu'ils touchent quelque chose d'énorme et lui reproche son manque de professionnalisme. Ils passent la nuit ensemble.

Grosse pause-repas. Les joueurs sont tièdes: ça a l'air chouette mais ils attendent de voir...

Le lendemain, aux aurores, les explorateurs montent dans un hélicoptère qui les amène à l'arche. Kavetchine, en étudiant une dernière fois l'arche, remarque des symboles qui étaient pris dans la glace: en les étudiant, il complète la troisième révélation: les 5 plateaux représentent le renoncement aux possessions, à l'égo, aux relations, aux émotions et au corps. Frisson général à la lecture de ce dernier pallier. Sanchez tique au renoncement de l'égo - ce serait donc possible, au moins symboliquement? De là, ils se lancent sans plus tarder dans la montée, sous un vent violent. Ils sont lents, Ram attend souvent. Au bout de la journée, ils arrivent au premier plateau. Le vent souffle toujours sur cette étendue de neige et de glace. Ils mettent les tentes, décident avant de dormir de donner un coup de sonde dans la montagne. Repèrent comme un trou, une cavité. A un endroit, il n'y a en fait que quelques dizaines de centimètres de glace puis... une salle?
Ils parviennent à l'ouvrir, tombent sur un espace empli de niches sur les côtés, préservé par cette porte de glace qu'ils ont rompu. Pérez les examinent, y découvre des bijoux, des chaussures. Kavetchine, lui, observe la statue immense placée au bout de la salle: un aigle géant, ailes déployées, semble garder un bloc de cristal sur un piédestal. A ce moment, le coucher de soleil embrase la salle. La lumière se réverbère sur le bloc de cristal de façon étrange, comme si quelque chose bougeait dedans. Des écritures figurent sur le piédestal, parlant de vents criminels, d’enfermement, de possession. Il les envoie à Pizinski qui a lancé un programme de reconstitution et traduction à partir des bouts de texte qu'ils ont déjà. Il faut attendre pour avoir le reste de l'explication: ceux qui dépossédèrent les autres plutôt que de se déposséder sont enfermés ici pour leurs fautes. Qu'est-ce que tout cela peut bien vouloir dire?
Tous s'accordent sur un renoncement symbolique - il aurait été impossible de continuer la montée dans ce froid sans des vêtements, des chaussures, à boire et à manger. Peut-être, comme Alma Mater a prêté leur équipement aux explorateurs, les prêtres prêtaient à ceux qui faisaient l'ascension des tenues, pour qu'ils se dépouillent de ce qui leur appartenait?

Avant de dormir, Kavetchine profite de se croire seul pour déposer ce qui lui appartient - alliance, portefeuille, chaussettes, caleçon - dans une alcôve. Pérez, qui a observé la scène en silence, récupère tout derrière lui, marmonnant contre le vieux.

Le lendemain, nouvelle ascension sous un vent toujours plus violent. Pendant la journée, ils voient d'étranges oiseaux en vol stationnaire au-dessus d'eux. Vers la fin de leur montée du jour, à l'aide de jumelles, ils remarquent que ce sont des morceaux de squelettes attachés à des cerfs-volants... En fin de journée, ils arrivent au deuxième plateau. Le vent est tombé. Il n'y a ni neige ni glace sur le plateau, mais une pierre unie, noire, énorme. Sur la droite et le bord de l'a-pic, trois bites d'amarrage en pierre retiennent des chaines qui cliquètent doucement. Dans un vent que les explorateurs ne peuvent sentir, se balancent trois cerfs-volants, des squelettes y sont attachés. Quel genre de renoncement à l'égo est-ce là? Une autre punition?
Sanchez se penche sur ces bites, s'étonne de la perfection de leur rondeur. Il retire son gant et caresse les écritures qui les ornent. Un sentiment l'envahit, celui d'une humilité énorme.

Sur la gauche, une arche de pierre encadre une nouvelle salle. Ram veut repartir, pense à une malédiction. Tout ceci devrait être sous la glace! Kavetchine le rassérène dans sa langue, ce sont ses ancêtres, il devrait être aux premières loges! Et puis les radios fonctionnent. Ram est tout de même nerveux: quand les vents se taisent, c'est mauvais signe.

A l'intérieur de la salle, un nouvel aigle qui regarde cette fois en l'air, vers un plafond couvert de glace d'où tombent des stalactites. A nouveau le couché de soleil embrase la salle. Et révèle, dans le plafond, un ensemble de signes que Kavetchine ressent au plus profond de lui. Dans le bec de l'aigle, comme si il soufflait dedans, se trouve une flûte. Kavetchine s'en empare avec le simple sentiment que c'est ce qu'il doit faire et souffle les notes qu'il a senties. Il entend une douce réponse étonnée tandis que, pour les autres, un souffle entre et danse autour de Kavetchine. Il se met alors à converser avec les morts du lieu par la langue du vent. Et il acquiert la sensation que seul compte de continuer l'ascension. Ils étaient humains, ce sont maintenant des vents joyeux grâce à l'élévation.

Sanchez arrive dans la salle, voit Kavetchine, aux anges, et Ram, Johnson, Dujardin, Pérez qui le regardent, étonnés. Et tous ces vents qui soufflent autour de Kavetchine. Il demande à Kavetchine sa flûte et souffle. Un souffle qui durera dix minutes sans s'arrêter, car un souffle alimente les poumons de Sanchez, qui peuvent souffler une seule note sans fin tout ce temps. Lui dialogue avec les vents de ceux dont les corps sont dehors, sur les cerfs-volants. Des gens trop humbles, trop sages d'eux-mêmes que pour continuer l'ascension. Ils avaient compris qu'ils n'y arriveraient pas et préférèrent se laisser porter par le vent pour écouter la voix de ceux qui, plus haut, atteignaient l'élévation finale. Et il sent qu'il se lave de son égo tout à coup, que ses prétentions étaient vaines, que seul compte de continuer l'ascencion.

Pérez tente de ramener ses collègues à la raison. Que font-ils? Il faut s'arrêter là, il faut attendre l'expédition. Johnson, Ram et Dujardin l'appuient: ces ruines ne disparaitront pas, arrêtons-nous là, cessons la montée. Ils passeront la nuit et décideront au matin.


Au matin, Ram a disparu. Les explorateurs sont à moitié persuadés qu'ils le verront onduler avec les autres cerfs-volants si ils regardent mais ne trouvent pas trace du guide. Kavetchine et Sanchez s'équipent pour continuer. Dujardin et Johnson demandent à Pérez l'autorisation de les immobiliser - ils ont de la corde, ils peuvent les entraver jusqu'à l'arrivée de l'expédition. La radio n'émet plus, il faut attendre, continuer est de la folie. Pérez hésite, finalement dit aux deux assistants de rester là. Eux trois continuent.

En montant, ils trouveront un troisième plateau où la montagne est percée d'un étrange fût. Ils entreront dans une salle où un escalier à vis les mènera vers un observatoire où ils pourront disserter avec les morts d'entre les étoiles et de l'univers entier. Alors ils sauront...


Epilogue

Diego Sanchez sautera dans le vide - enfn, il laissera tout ce qui le retient tomber. Il voulait un impact sur le monde, marquer, laisser une trace. Futile. Maintenant, enfin, il est.

Boris Kavetchine aidera Diego Sanchez sur ce chemin. Il a compris dès le deuxième plateau, dans ce dialogue avec les vents, qu'il ne sauterait pas. C'est ainsi, il l'a accepté, certains sautent, d'autres aident. Il aidera Alexandra Pizinski sur sa thèse, qu'elle réorientera autour de cette langue première découverte par un beau matin en Himalaya. Mais il aura moins de feu qu'avant. Son centre sera devenu l'homme qui va dans les étoiles, et jusqu'où? Il parcourra le monde en quête de cette nouvelle question. Et depuis son retour de l'Himalaya, il saura parler aux vents.

Daniel Pérez montera avec les autres. Il aidera aussi Diego Sanchez, le relèvera si il chute, l'aidera si il flanche. Et, à l'ultime moment, saura que son ami prend la bonne décision. La société parfaite est donc une société bâtie autour de la mort? La forme parfaite de l'homme est à trouver dans la mort?
Cette expédition marquera un coup médiatique monstrueux et, assailli de questions, Daniel Pérez finira par parler, pour que la thèse des journalistes - folie, suicide ritualisé - ne soit pas celle qui passe à la postérité. Il défendra doucement le choix de son ami, dira qu'en tant que scientifique il faut d'abord accepter qu'on ne sait pas.
Face au matérialisme ambiant - livre, expéditions montées à tout va, vague de suicides du haut d'immeubles ou de montagnes pour rejoindre les vents - dégoûté des hommes, il ne pensera qu'à Alexandra, que cette expérience aura définitivement coupée de lui, comme il se sera coupé de l'humanité. Par moment, il n'aura qu'un regret: que ce matin-là, il n'ait pas sauté.




Retour sur la mécanique


Vous le voyez, la fiction est plus que satisfaisante pour tout le monde. On a tous passés une très bonne soirée. Mais on a eu le sentiment de le devoir plus au jeu des gens réunis qu'à une aide du système et d'ailleurs l'essentiel du plaisir a été éprouvé au dernier tiers de la partie, à partir de la découverte du deuxième plateau, de la flûte, etc. Donc quand le système n'entrait plus vraiment en compte, quand ils n'avaient "plus" qu'à claquer les points accumulés pour obtenir les révélations souhaitées. Je vais tenter un retour point par point.

Le système de création fonctionne bien: on va à l'essentiel, les trous sont vite couverts en jeu, on a assez de matière que pour jouer son explorateur (très rapidement, la spécialisation oriente l'interprétation, les suppositions, etc.). Très bon point.

Le système de jetons donnés puis dépensés n'a pas énormément convaincu. C'est un peu mou, ça manque de piquant. Ce qui est bien, c'est qu'au début ça pousse à faire des suppositions. Mais ça pousse à un jeu en deux temps: 1) on accumule et 2) on dépense. La logique de l'obtention des points va dans le même sens: dans un premier temps on découvre, on suppose, on explore. Puis on commence à trouver, on met le doigt où il faut et c'est le florilège. Peut-être ai-je été trop généreux mais il me semble avoir suivi les indications du livre.
Là où j'ai un problème, c'est qu'en fait le système ne sert à mon sens à rien. Les joueurs devaient s'orienter, faire des suppositions, avec ou sans jetons donnés. Puis, à partir de ces suppositions, ils allaient suffisamment dans le bon sens que pour obtenir des révélations. Et avaient toujours les points requis pour.

Le système de conflit, je n'arrive toujours pas à le comprendre. La mise de pièces pour faire perdre la moitié de son total au joueur et le ralentir mécaniquement tout en racontant en quoi son exploration est mise en péril dans la fiction, ok - même si rien n'indique ce qu'il arrive si plusieurs explorateurs sont confrontés à un même danger. Mais je trouve ça très artificiel, je trouve vraiment ça très faible. Après, à nouveau, comme je comprends mal comment le mettre en oeuvre, je l'évite. En lisant d'autres comptes-rendus, je n'ai pas encore trouvé d'utilisation qui me satisfasse...

Enfin, la préparation rend la tâche du meneur difficile. On donne à la fois beaucoup - dix révélations qui sont vraiment excellentes, j'ai envie de faire jouer 80% des préparations de ruines du livre de base parce qu'elles sont profondes, originales, intelligentes, ... Mais en même temps, il y a très peu - aucun plan, aucune spatialisation des lieux. Peut-être que je l'utilise mal. D'après l'article d'Akantor que tu renseignais, Fabien, il y a une démarche de co-création qui se met en place. Mais dans la pratique, c'est moi qui ai décrit, certes à partir des propositions des joueurs. Je ne sais pas si c'est moi qui l'ai causé mais ils ne faisaient que des suppositions sur ce que je leur disais.
J'ai vraiment l'impression que c'est ce qui est poussé dans les règles: les joueurs font une supposition à propos de ce qu'ils ont sous les yeux, le MJ la valide avec un ou deux points, voire une révélation, ou l'invalide par la narration. Mais je ne vois pas où est-ce que les joueurs sont poussés à proposer du contenu supplémentaire plutôt qu'à tenter une réflexion sur ce que le MJ leur a livré. Du coup le MJ est toujours locomotive et les joueurs toujours wagons.

C'est ça pour moi le noeud du problème: j'ai le sentiment que les joueurs sont placés par le système de récompense dans une dynamique de réaction: le MJ pose une situation, les joueurs font des suppositions sur le sens qu'à cette situation et le MJ récompense quand leur supposition est bonne. Alors forcément, en faisant leur supposition, ils poussent dans un sens mais c'est toujours le MJ qui amène l'élément neuf.
Exemple:
Devant l'arche, les joueurs se sont demandés si il y avait d'autres bâtiments que cette arche et cet escalier. Ils ont donc demandé si on disposait d'un équipement "genre Jurassic Park" pour sonder le sol. Je donne un jeton pour valider et décrit qu'avec l'équipement, ils découvrent les restes de grands bâtiments à quelques mètres sous le niveau du plateau de glace.
Est-ce que j'ai tort? est-ce que j'aurais du leur donner un jeton et leur laisser dire ce qu'ils trouvaient en sondant?
Je ne peux pas m'empêcher de me dire que le risque, en laissant les joueurs ajouter du contenu, c'est qu'ils aillent trop loin, qu'ils "cassent le scénario". Par exemple, dans le cas du coup de sonde, que faire si ils décident du coup de rester là et de déblayer les bâtiments avant de les explorer? On réinjecte les révélations dans la ville sous l'arche? Mais du coup, on perd toute la symbolique de l'escalier, de l'ascension, etc. ?



Conclusion

A l'heure actuelle, je ne sais pas si j'ai encore envie de jouer Sphynx ou pas. D'un côté, l'univers de jeu et la mise en place (la création de personnages, la qualité narrative des préparations) est vraiment géniale. Mais la majorité de la mécanique (les points donnés et reçus, le conflit) me parait inutile ou artificielle. Comme si elle n'était pas adaptée à ce que propose le jeu, qui est vraiment super...

Si tu pouvais éclairer ma lanterne, Fabien, ce serait vraiment bien :)
Felondra (Emmanuël)
 
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Re: [SPHYNX] Au plus haut des cieux

Message par Fabien | L'Alcyon » 12 Juin 2016, 18:23

Salut Emmanuël, merci de ton retour !
Pardon, je pars pour quelques jours où je serai loin de mon ordinateur. Je fais mon possible pour te répondre dès mon retour ! :)
Fabien | L'Alcyon
 
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Re: [SPHYNX] Au plus haut des cieux

Message par Felondra (Emmanuël) » 12 Juin 2016, 20:03

Pas de problème, ça peut tout à fait attendre, de toute façon pas de partie prévue dans l'immédiat ;)
Felondra (Emmanuël)
 
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Re: [SPHYNX] Au plus haut des cieux

Message par Fabien | L'Alcyon » 14 Juin 2016, 21:28

Salut Emmanuël,

Merci pour ces critiques. Je n'ai pas de réponse toute faite, mais je te propose d'y réfléchir ensemble.

Tu me diras si je saisis bien les problèmes que vous avez rencontrés, n'hésite pas à me les repréciser.

Je crois que pour saisir Sphynx, il faut comprendre que je cherchais plus à refaire intelligemment un jdr traditionnel qu'à créer un jdr à large partage d'autorité. Mon but était de travailler l'expérience intérieure des joueurs et de les faire réfléchir à un problème (mais plutôt esthétiquement qu'intellectuellement).
Donc dans cette optique, je voulais effectivement que le meneur soit moteur et que les joueurs « suivent », mais le vrai but du jeu n'est pas dans cette dynamique-là, il est dans l'expérience qu'en retirent les joueurs.
C'est un contre-sens que de prendre le jeu comme une co-création des ruines (j'aurais effectivement dû le préciser dans l'échange avec Akantor). L'effort des joueurs n'est pas tourné vers la création des ruines, mais vers le fait de les deviner, et ce faisant, de réfléchir à la question métaphysique de ces ruines, en regard de leur propre questionnement.

Est-ce que le système te paraît plus cohérent ainsi ? Je précise aussi que pour moi, il n'y a pas de problème à ce que tu sois généreux et que les joueurs aient tout le temps suffisamment de jetons et obtiennent assez facilement les révélations. Le but n'est pas de les « bloquer » avec les règles, mais d'orienter l'effort général de la partie dans une certaine direction.

De ce point de vue, ce n'est pas aux joueurs de raconter les découvertes qu'ils font (et pour avoir essayé, ça devient vite un sacré casse-tête), même s'ils peuvent sous-entendre et orienter les réponses qu'ils souhaitent.

Si le meneur a une place centrale, il a moins de difficulté à présenter les révélations de la préparation tel qu'elles sont. Elles ne sont pas organisées entre elles (ou du moins assez peu) pour laisser de la souplesse au meneur et lui permettre de les présenter comme ça l'arrange le mieux suivant les comportements des explorateurs. Dans le livre, je les présente dans l'ordre idéal d'apparition, mais c'est plus un conseil qu'un ordre à suivre.
Si tu as besoin de plus visualiser les révélations, il est toujours possible de faire des cartes durant la partie (mais je ne suis pas sûr que ce soit le problème que vous avez rencontré).

Donc peut-être qu'en prenant Sphynx par ce bout-là tu pourrais éprouver moins de frustrations vis-à-vis du système. Dis-moi si le problème est bien là, je n'en suis pas sûr mais je pense qu'il y a au moins un élément de réponse.

Maintenant, je peux aussi comprendre que tu souhaites conserver ce que tu vois dans le jeu. Dans ce cas-là il faudrait expérimenter et peut-être se débarrasser du système de jetons. En tout cas, je t'invite à ne pas donner trop de liberté créatrice aux joueurs, Sphynx n'est pas fait pour ça, ou alors il faut mettre la préparation complètement au second plan et on commence à créer un jeu entièrement différent.

Je t'accorde volontiers que la mécanique de conflit aurait pu être plus travaillée. Je n'ai pas de bonne réponse à ça.
En même temps, tu peux tout à fait t'en passer, j'ai souvent joué sans l'utiliser parce que je n'en avais fictionnellement pas besoin. La mécanique s'est plutôt présentée comme un besoin dans certaines parties où les ruines étaient particulièrement dangereuses.

Je suis en ce moment dans une réflexion où je me dis qu'il faut que je travaille ma patience en tant qu'auteur et que je ne me rue pas trop vite vers la publication. Même si le reste du jeu était abouti, un an de développement en plus aurait permis d'affiner cette question-là et sans doute d'éclaircir le texte pour que la proposition du jeu soit claire.
Je pense que c'est un vrai enjeu, parce qu'on a envie d'échanger avec les autres, on a envie que le projet aboutisse enfin. Mais la vraie sagesse est de parvenir à faire maturer longtemps ses jeux et à ne surtout, surtout pas se précipiter. C'est sans doute une maladie de jeune auteur, quand on a le sentiment qu'il faut qu'on fasse ses preuves.
Certains auteurs américains proposent des ashcans, c'est-à-dire des versions de leur jeu payantes, moins chères mais inachevées, dans le but d'enclencher les échanges avec les joueurs, mais avant la publication définitive. J'y réfléchirai pour mes prochains jeux.
Je ne veux pas détourner ce sujet, juste de signaler que je réfléchis à ces questions et que si parmi les lecteurs il y en a qui développent des jeux, cette réflexion peut les intéresser.

J'espère que ça répond au moins partiellement à tes questions, n'hésite pas à approfondir la question.
Au plaisir de te lire.
Fabien | L'Alcyon
 
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Re: [SPHYNX] Au plus haut des cieux

Message par Thomas Munier » 15 Juin 2016, 08:26

La version playtest de Sphynx omettait justement de mécaniser l'adversité. Lors de ma première séance avec cette version, j'ai trouvé ça inhabituel mais on s'en est sorti et ça a donné une excellente partie : Cocons.

J'ai refait une deuxième partie avec cette version (CR à venir) et j'avais alors complètement assimilé que la gestion des périls de la ruine n'était pas un enjeu : on pouvait perdre autant de "red shirts" qu'on voulait, et les personnages quant à eux étaient intouchables à moins qu'ils ne se sacrifient de leur plein gré. On a fait une mémorable partie, et ce même si les ruines étaient fort dangereuses.
Énergie créative. Univers artisanaux.
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Thomas Munier
 
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Re: [SPHYNX] Au plus haut des cieux

Message par Felondra (Emmanuël) » 18 Juin 2016, 14:34

Ok, je pense donc en effet que mon interprétation du système était la bonne: ce n'est pas de la création partagée, c'est bien le meneur qui a les clés pour la création et les autres joueurs ne font "que" supposer, proposer, orienter.

De là je maintiens mon questionnement sur la pertinence des mécaniques; pourquoi les jetons? Pour pousser les joueurs à faire des suppositions, à chercher ce qui pourrait se cacher derrière les ruines, à explorer la question métaphysique du perso, etc. ? Si c'est ça, je comprends l'intérêt comme incitant à la mise en route du jeu mais je répète; ça pousse à un jeu en deux phases, une pour mettre en selle et une pour la cavalcade (où on claque les points, ça roule, on a ce qu'il faut et on kiffe à fond parce que purée ces ruines sont superbes!).


Je te rejoins du coup Thomas sur le conflit, je pense que pour mes parties prochaines (parce que oui, je veux rejouer à ce jeu tant que je n'aurai pas fait au moins une fois les 7 ou 8 ruines que j'aime) je laisserai tomber le conflit sauf si vraiment ça se met: je ferai monter la pression avec des PnJ morts, de l'équipement endommagé, en isolant les PJ, tout ça tout ça.



Du coup reste une question, que j'ai mentionnée plus tôt: pourquoi une préparation si faible? En tant que meneur, j'ai dû passer par des CR pour avoir des exemples de mises en pratique de ruines qui me plaisaient: les "fiches" en tant que telles ne me suffisent pas. Peut-être que c'est une trop grande hâte de ta part à publier, c'est dommage parce que je trouve que ça fait suer le MJ. Et c'est marrant, je viens d'écouter le superbe cadeau qu'est le podcast sur Monostatos diffusé la semaine dernière, où tu dis vouloir aller à l'essentiel pour que les joueurs ne suent pas en prépa et passent plus de temps à jouer. Et je me dis qu'ici, t'as peut-être simplement poussé le vice trop loin, qu'à force de chercher la ligne pure ça devient trop abstrait, trop pointilliste. En tout cas je n'arrive parfois pas à me faire une image du "reste" des ruines, de tout ce qui n'est pas explicité dans les révélations. Peut-être un court descriptif, une carte, une image de chaque ruine aurait facilité ça.

Bref, merci pour ce beau jeu. Moi j'adore. Je déplore simplement un manque de finition qui gâche un peu, voire pourrait décourager à mon sens des joueurs plus paresseux de découvrir toutes les richesses qu'il a dans le ventre :)
Felondra (Emmanuël)
 
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Re: [SPHYNX] Au plus haut des cieux

Message par Thomas Munier » 18 Juin 2016, 14:59

Le jeu parfait sera une chimère tant que chacun ou chacune de nous aura des attentes divergentes : pour ma part, je suis beaucoup plus à l'aise du fait de l'absence d'images ou de cartes qui viendraient figer mon imaginaire, brider mon improvisation sur les ruines ou orienter le jeu vers de l'exploration tactique. Le fait que les ruines soient résumées en une page me fait gagner du temps plutôt qu'en perdre : il me faut juste dix minutes pour prendre connaissance des ruines et improviser dessus, contrairement à, mettons, un scénario de L'Appel de Cthulhu avec des ruines à explorer qui ferait dans les trente pages.

Je me souviens mal du contenu de la base de Sphynx en matière de conseils d'improvisation, sur comment Fabien explique comment tirer parti de ces ruines simples et modulaires pour créer à la volée. Si la base actuelle comporte ce genre de conseils, alors Sphynx serait plutôt adapté à mon profil en tant que MJ.
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Re: [SPHYNX] Au plus haut des cieux

Message par Fabien | L'Alcyon » 19 Juin 2016, 14:21

Felondra (Emmanuël) a écrit :De là je maintiens mon questionnement sur la pertinence des mécaniques; pourquoi les jetons? Pour pousser les joueurs à faire des suppositions, à chercher ce qui pourrait se cacher derrière les ruines, à explorer la question métaphysique du perso, etc. ? Si c'est ça, je comprends l'intérêt comme incitant à la mise en route du jeu mais je répète; ça pousse à un jeu en deux phases, une pour mettre en selle et une pour la cavalcade (où on claque les points, ça roule, on a ce qu'il faut et on kiffe à fond parce que purée ces ruines sont superbes!).

Oui, c'est à peu près ce vers quoi je voulais tendre avec ce jeu: à la fois la recherche mais aussi la jouissance des ruines et la progression relativement rapide.
Ce qui te gêne, précisément, c'est le différentiel de rythme, c'est ça ? Que dans un premier temps on cherche beaucoup et ensuite ça passe tout seul (dans mon expérience, c'est plutôt qu'il y a des rythmes différents au cours de la partie, parfois lents, parfois rapides). Si c'est le cas, tu peux tenter une partie avec une échelle de difficulté plus grande, qui obligera tes joueurs à chercher plus longtemps.

Si j'ai bien compris, ce qui te gêne concernant la préparation de ruines c'est le manque d'aide à la création, c'est-à-dire que le jeu demande de créer beaucoup alors qu'il donne peu d'aides pour y parvenir, c'est ça ?
Sur ce point précis, je trouve un peu dur de dire que le jeu n'est pas suffisamment affiné, il me semble qu'elle est assez aboutie et ouvre beaucoup de possibilités. C'est vrai que le questionnaire demande pas mal d'imagination (et sans doute de ruminer un peu les ruines en amont), et je peux comprendre que ça puisse être rebutant dans le sens où ça demande en fait d'avoir déjà une idée de ce qu'on veut faire (à piocher dans les Inspirations ?) et ensuite de la développer avec les règles, lesquelles ne te donnent pas d'idée de départ, ou alors quelque chose de très abstrait (la réponse à la question métaphysique). Mais en même temps si on a beaucoup d'imagination (Thomas en témoigne) je pense que plus de règles brimerait la créativité.
Mais j'entends ta critique, je ne peux pas laisser trop à l'imagination des meneurs, il faut qu'ils s'appuient sur quelque chose.

Merci vraiment pour ton intérêt, je pense que tes prochaines parties devraient être moins frustrantes, n'hésite pas à en reparler (qu'il s'agisse d'une réussite ou d'un échec!).
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Re: [SPHYNX] Au plus haut des cieux

Message par Felondra (Emmanuël) » 19 Juin 2016, 21:57

Oh, pardon si ma dernière observation t'as paru dure. J'ai écrit la fin du message un peu vite vite, j'ai pas pris le temps de me relire et le mot dépasse un peu la pensée (d'autant que j'avais en tête le podcast avec Romaric où tu disais que peut-être, Sphynx avait été sorti trop vite).

Je voulais simplement pointer un manque que j'ai ressenti pour la préparation, et la nécessité que j'ai eu d'avoir recours aux CR d'autres. Mais somme toute je suis un jeune meneur, et surtout j'ai pratiqué essentiellement du scénario au sens classique du terme, on me mettait tellement d'info sous les yeux que j'en écartais certaines pour faire ma popote, je n'ai pas encore l'habitude de créer à partir de pointillés mis par l'auteur :)

Je reviendrai avec plaisir parler de mes prochaines parties en tout cas!
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Re: [SPHYNX] Au plus haut des cieux

Message par Fabien | L'Alcyon » 20 Juin 2016, 10:04

Pas de problème, je ne l'ai pas pris aussi fortement. J'essaie d'être critique quand je trouve que mes règles ne sont pas assez abouties mais je défends aussi mes créations quand j'ai l'impression de ne pas m'être trompé ! :)
Fabien | L'Alcyon
 
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