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[Sphynx] Au commencement était le Verbe

13 Juil 2014, 08:23

Bonjour,

Voici le rapport de partie (en retard !) suite à la proposition de faire des parties de découverte sans support de l'auteur pour voir comme ça marche. Bonne lecture !

Préparation
J’ai parlé du concept général du jeu bien en amont de la partie. D’une part, parce que pratiquant beaucoup de Cthulhuries, il m’apparaissait important de bien indiquer que ce n’en était pas. D’autre part, pour faciliter la prise de parole créative des joueurs.
Donc : lecture ou relecture de Rendez-vous avec Rama pour tout le monde, et j’ai fait circulé le dvd de The Ruins. De mon côté, j’ai lu Des Martiens au Sahara, qui m’a donné des bonnes pistes pour faire des révélations qui sont « naturellement mal interprétées » par les joueurs.
Avec mes joueurs, je n’avais pas de crainte particulière, on pratique depuis pas mal de temps le genre exploration en sans-règles. La création de personnages s’est faite par mail dans les semaines qui ont précédé la partie.
Le déroulement de la soirée : on a fait Les Jardins éternels en version écourtée, à la manière d’un tutoriel. Puis on a joué Au commencement était le Verbe en mode normal.

Les personnages
Murnay, historien écossais. « Quelle est la nature de l’âme ? » (il n’a jamais donné son prénom)
Patricia « Trish » Jefferson, paléontologue américaine. « L’humain est-il sacré ? »
Georges Saint-Hilaire, archéologue français. « Quelle est la finalité de l’Homme ? »
Les personnages étaient à peine esquissés, leurs relations inexistantes et les questions métaphysiques assez génériques. Vu que je souhaitais faire un tutoriel, ça ne m’a pas trop dérangé – et eux non plus.
La relation avec Alma Mater a été assez difficile. Le concept même leur paraissait trop beau pour être vrai (du pur mécénat intellectuel, sans rien attendre en retour, forcément, c’est louche). Ils ont d’ailleurs passé une partie des deuxièmes ruines à soupçonner l’Alma Mater de les droguer en douce – ce qui expliquait alors rationnellement leurs perceptions des vies antérieures. Un cuisinier et une infirmière ont été observés et mis à l’épreuve pendant quelques jours d’expédition… On mettra ça sur le compte du stress…

Les Jardins éternels
Comme indiqué plus haut, l’exploration de ces ruines devait constituer un tutoriel pour les règles. J’ai enlevé les éléments relatifs aux habitants actuels des ruines, ainsi que le laboratoire (je voulais le conserver pour le deuxième scénario) et l’histoire de la guerre – pour gagner du temps.
Pas grand-chose à dire, ils ont rapidement abandonné la gestion du camp pour être imprudents et visiter les ruines de manière assez décomplexée. Il y a eu du flottement au début sur le rôle des jetons (voir ci-après dans les commentaires). Après ça a bien tourné, ils ont montré de bonnes capacités d’être force de proposition, même si ça ne devait pas aboutir au final.
Les interactions entre eux ont permis de construire leurs relations – ce qui n’avait pas été fait pendant la création des personnages. Ça a beaucoup servi pour la deuxième partie.

Au commencement était le Verbe
Au niveau des adaptations :
• Au lieu d’une tour, je suis parti sur cet exemple d’une « tour inversée », une tour creusée plutôt qu’érigée. Une version colossale de ça : http://pikdit.com/i/an-overgrown-spiral-staircase/
• Même groupe de personnages, sans gain d’expérience avec l’aventure précédente.
• Les propositions du groupe ont été dans l’ensemble plus proches du « rêve brisé » que de la destruction par le chaos et les pulsions humaines.

Les personnages arrivent sur le lieu des Ruines en Irak, accompagné par des agents de Blackwater, qui repartent en laissant tout le matos sur place. Le message est passé que le pays est en état de guerre civile et si Blackwater a bien un contrat pour venir les rechercher, ça ne se fera pas non plus d’un claquement de doigt. Une partie de l’expédition est sans doute musulmane, mais les personnages sont dans l’incapacité d’en connaître les obédiences (sunnites ou chiites).

Saint-Hilaire prend la direction des opérations en main, en faisant jouer pour lui le fait qu’il ne peut pas être confondu avec un Américain et qu’il est croyant d’une religion du Livre. Trish se voile (et c’est la seule femme de l’expédition), Murnay avait pris la précaution d’interdire tout alcool dans l’expédition. Bref, ça commence avec une certaine ambiance lourde qui n’est pas liée aux Ruines elles-mêmes. Devant les découvertes, ça sera oublié rapidement. Mais en fin de scénario, ces éléments extérieurs vont être de nouveau utilisés.

Première révélation : la tour inversée. Les joueurs sont emballés par la possibilité d’un lien entre les ruines et des épisodes bibliques. Le symbole est assez fréquent, j’ai refusé de le décrire autrement que de manière vague, les joueurs ont rapidement conclu qu’il s’agissait d’un nom caché de Dieu. Pourquoi pas ?

Une partie de l’exploration se fait donc dans des dédales souterrains, connexes avec la tour inversée. Il y a donc largement de quoi créer des adversités et il y a finalement une grande liberté pour moi pour accompagner les créations des joueurs.

Autant les premières Ruines ont été explorée de manière décomplexée, autant cette exploration a été plus sérieuse, plus studieuse. Comme le réflexe a été pris d’inclure la dimension émotionnelle dans les propositions, c’est quasiment systématiquement le cas. Il y a eu beaucoup de propositions autour de la symbolique biblique, de retrouver des éléments connus dans ces ruines qui indiquerait l’origine de différents mythes bibliques ou antiques.

La révélation la plus importante a été celle concernant le laboratoire avec les premières expériences ratées de création par le Verbe. Quelques créations étaient encore en vie (quelques plantes, et une espèce de sanglier vaguement dangereux). Ils y ont passé pas mal de temps, finissant par achever le dernier animal qui y vivait depuis 8 000 ans, par pitié.

La bibliothèque a permis à St-Hilaire de faire une scène avec sa vie antérieure. Il y a étudié « un table de pierre où le symbole était gravé de flammes vivantes ». Oui, pas de honte à introduire des tables de la Loi… Je lui accordé un pouvoir de création par le Verbe. Il ne maîtrisait pas parfaitement ce pouvoir, n’en avait qu’une connaissance empirique de ce qu’il était prêt à expériementer. Il en a très peu fait usage, moins par la crainte du sacré que par peur d’être vu par les autres membres de l’expédition.

Une salle qui paraissait consacrer les mariages. Murnay et Trish y ont mimé une union… Le niveau d’Eveil était déjà élevé, j’ai joué dessus pour 1/ faire un parallèle avec leurs vies antérieures (ils s’y étaient unis en secret) et 2/ faire qu’ils renforcent leur attraction respective. Ils avaient déjà construit sur le thème dans les Ruines précédentes, un voile pudique a été jeté sur l’expérience mystico-sensuelle qui a suivi.

Scène classique de l’éboulement avec Trish qui se retrouve coincée dans une fosse, la moitié du corps bloquée par un pilier, l’eau qui monte… Sauvetage « dans un calme ouatée » par St-Hilaire qui engage tout son pouvoir de création pour la sortir de là. Perte du pouvoir, ambiguïté triangulaire…

Final très ambiguë. Les propositions des joueurs des événements passés étaient moins sombres que celles des Ruines, j’ai accompagné. Le final se pose donc sur une catastrophe inouïe qui fait sombrer cette civilisation. Le doute subsiste quant à l’origine de cette catastrophe : interne (le peuple lui-même qui se détruit par trop de puissance) ou externe (intervention divine). La réflexion du groupe est ensuite allée dans la direction « responsabilité de transmettre de telles connaissances à un monde dans un tel chaos ».

Générique de fin : Evacuation en Chinook devant l’avance des djihadistes irakiens.

Retour
Personnages
Les joueurs ont bien accroché au concept de Sphynx, surtout dans les perspectives de continuer avec les mêmes personnages ou dans une version complètement SF assumée, genre les Fils de Fondation qui découvrent planète après planète les secrets de la civilisation interplanétaire déchue.
La grande liberté autour des personnages, de leurs interactions, de leurs rôles respectifs a été appréciée.
L’introduction d’une récompense pour la proposition fictionnelle autour des sentiments a été très appréciée.

Rôle du meneur, récompenses en jetons
Il me paraît important d’indiquer de manière explicite dès le début que toutes les révélations seront découvertes pendant la partie et que les jetons ne sont pas des récompenses et des sanctions. Le premier réflexe était de voir le meneur comme un arbitre qui distribue des bons points, ce que je voulais éviter (par ma lecture, j’ai interprété que le rôle du meneur dans les règles était plus un animateur qu’un juge).
C’est arrivé à la première fois où je n’ai pas donné de jeton. Ça a été interprété comme une punition pour le mec qui n’est pas assez intelligent pour jouer (je caricature). J’ai fait une pause dans la narration, j’ai explicité mon intention (animateur, pas juge) et j’ai insisté sur la dimension émotionnelle qui pouvait être mise en avant. A partir de là, ça a été libérateur pour les deux parties. Par conséquent, dès que les joueurs n’avaient plus trop de ressorts pour créer des éléments des ruines, ils créaient au niveau des émotions de leurs personnages.
J’ai aussi utilisé un artifice en plus. Je n’ai pas pris des jetons, j’ai utilisé des galets, des coquillages, un morceau d’ambre, une vieille pièce de monnaie, bref, des petits trucs qui pourrait « faire archéologique ». C’était mignon.

Pouvoir
j’ai pris le parti pris d’en faire un pouvoir avec des limites. Dans l’exemple, le personnage a cramé tout son potentiel en une seule fois. J’étais plutôt parti sur des limitations du type durée ou spatial. Je suis mal à l’aise avec la remise en liberté dans le monde d’un personnage avec un pouvoir. C’est peut-être lié à l’accent qui a été mis sur les objectifs ambigus d’Alma Mater.

Notes diverses
Dans le résumé des règles pour les joueurs, il manque la partie Recherche. Ça m’a paru important, j’ai rajouté ce paragraphe, notamment pour aborder de manière naturelle les vies antérieures.
Il reste quelques scories des anciennes versions de règles (on parle de gagner des dés plutôt que des jetons, par exemple). Pas gênant, il faudra faire quelques relectures attentives. Bon courage !
Peu d’accompagnement sonore, quelques interludes avec le site http://www.ambient-mixer.com et les 4 pistes préhistoriques de Civilization IV.

Re: [Sphynx] Au commencement était le Verbe

13 Juil 2014, 18:38

Salut Guillaume et merci pour ce retour de partie !

Dans l'ensemble, j'ai l'impression que ça a bien marché non ? Faut dire aussi que t'as fait une bonne préparation et que tes joueurs avaient l'air au top.
Je note le fait que le meneur doit être perçu comme un animateur et pas comme un juge ou un maître d'école. Je reconnais volontiers que c'est compliqué avec cette mécanique de retours qui ressemble beaucoup à de la « récompense ». Je vais le mentionner dans les règles.

Encore merci. Est-ce qu'il y aurait des éléments supplémentaires à améliorer ?

Re: [Sphynx] Au commencement était le Verbe

14 Juil 2014, 13:57

Bonjour,
Oui, dans l'ensemble ça s'est très bien déroulé.
La jauge d'Eveil est bien perçue comme indicateur de l'avancement dans le scénario.

Pas grand-chose à rajouter : il y a suffisamment de Ruines pour jouer un bon moment... Le reste me paraît clair. Peut-être, pour faciliter la création de Ruines, renforcer la partie de conseils avec des listes pour aider à l'inspiration : 30 objets qu'on peut trouver dans des Ruines, 15 lieux souterrains... Il y en a déjà, j'ai tendance à croire qu'il ne peut pas y en avoir trop. En tous cas, je trouve ça inspirant (c'est exploité dans Inflorenza et Dragon de Poche notamment).

Ah, et des illustrations :)

Bon courage pour la publication !
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