[Soupirs] Baron Aquilain et Soufre 2

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[Soupirs] Baron Aquilain et Soufre 2

Message par Fabien | L'Alcyon » 08 Jan 2017, 14:01

Salut ! Voici la suite du projet Soupirs avec le rapport de notre deuxième partie, faisant suite à celui-ci.

Depuis la dernière fois, j'ai tenté d'atteindre mon objectif d'une mécanique de résolution plus "diffuse", c'est-à-dire avec un conflit moins évident et moins frontal que dans Les Cordes Sensibles, pour rendre l'atmosphère feutrée et subtile de la Cour.
Pour cela, j'ai cherché à mettre en place un système où les conflits de LCS serait résumés, c'est-à-dire qu'à chaque action d'un personnage, son joueur peut jouer une carte pour gagner de l'influence sur l'autre personnage, lequel peut répondre en jouant une autre carte. J'avais prévu tout un système où le personnage risquait de prendre des retombés de multiples sortes et puisse mobiliser ses traits.
Cependant, à l'usage, ça s'est révélé lourd et laborieux, bien plus que le système de LCS, et moins riche en conséquences et en comportements possibles.
Pour autant, cette partie n'a pas été entièrement décevante et m'a permis de comprendre certains besoins de mon jeu plus clairement. Je repas aussi avec de nouvelles idées que je développerai en conclusion.

La partie
Nous avons joué samedi après-midi chez moi, avec Clément et Philippe, les mêmes joueurs que la dernière fois.
Je vous invite à vous référer au précédent rapport de partie pour les personnages et leurs relations. Ce qui est intéressant ici ce sont les situations, leur esthétique et leurs résolutions.

Scène 1
Le Commandeur Viride félicite Soufre pour son action auprès de la Princesse des Perles et lui demande de la surveiller et de s'assurer qu'elle tienne bien son engagement, pour que leur mariage se fasse.
Il lui répète qu'il lui donnera un titre lorsque ce mariage sera fait.

Scène 2
Philippe veut exprimer la culpabilité de son personnage (le Baron Aquilain) envers le Chevalier Nébuleux et va le voir. Celui-ci est en train de choisir un cadeau pour sa future fiancée.
Le Baron Aquilain lui révèle après bien des détours que la Princesse des Perles ne va pas se marier avec lui, mais qu'il y a deux autres prétendants: le Commandeur Viride et le Baron Aquilain lui-même. Philippe s'empêtre un peu et hésite; Clément se moque en souriant: "tu vois le tourbillon dans lequel ton perso est pris ?".
Là on passe au mode de résolution que j'avais prévu. C'est long, Philippe tire de bonnes cartes et moi de mauvaises et tout ce que je peux faire c'est essayer de multiplier les retombées alors que lui assène les succès jusqu'à en avoir assez pour imposer sa volonté au Chevalier Nébuleux. Avec cela, il choisit de faire que le Chevalier Nébuleux abandonne son mariage avec la Princesse (plutôt que de garder sa confiance envers son "ami").
Philippe a explosé sa jauge de Sentiments, mes ajustements de règle précisent que c'est moi qui décide de son "acte irréparable", je commence à y réfléchir.

Scène 3
Soufre va prendre des informations auprès d'une amie au sein de la Maison d'Albâtre, un personnage que nous inventons à la volée: la palefrenière Absinthe (avec laquelle il entretient une sorte de complicité amoureuse).
Il apprend d'elle que le Baron Aquilain vient de rencontrer la Princesse des Perles et il compte bien en profiter.

Scène 4
Soufre demande audience à la Dame d'Encre et lui révèle les actes du Baron Aquilain, qui fait capoter le mariage de son arrière-petit-fils, le Chevalier Nébuleux. Malgré son dédain elle reconnaît qu'il lui a rendu service.

Scène 5
Je décide que l'"acte irréparable" du Baron Aquilain est de se montrer ivre en public et ainsi de se tourner en ridicule. [OK, ce n'est pas très grave, mais comme il s'agit d'une Cour où les apparences sont tout, ce débordement a quand même du sens.]
Des hommes de main de la Dame d'Encre l'arrêtent et l'amènent devant elle. Elle lui propose de s'expliquer, il explique qu'il agit par amour, qu'elle ne peut pas comprendre parce qu'elle est trop enfermée dans la politique.
[Je cherche un levier de la Dame d'Encre sur le Baron Aquilain, mais j'ai du mal:] La Dame d'Encre menace d'empoisonner la Princesse des Perles si elle n'épouse pas son petit-fils et de ruiner la vie du Baron Aquilain. Le Baron répond que si elle épouse le Commandeur Viride, il empoisonnera le Commandeur.
Cette dernière possibilité intéresse la Dame d'Encre (que le Commandeur Viride soit empoisonné par son frère permet de se débarrasser de deux membres importants de la Maison Viride) et décide de le libérer. Lorsque le Baron rentre chez lui, il trouve une fiole d'un liquide noir et poisseux.

Scène 6
Soufre demande audience à la Princesse des Perles qui lui renouvèle son engagement auprès du Commandeur Viride. Soufre lui propose d'accepter des soldats d'élite du Commandeur Viride auprès d'elle pour la protéger.

Scène 7
Cette scène est intéressante parce que, fatigué de la précédente utilisation de la mécanique de résolution, je cherche à m'en passer le plus longtemps possible et ça marche relativement bien:
Le Baron Aquilain demande audience à la Princesse des Perles, il lui demande de céder à son amour et de vivre avec lui. Mais elle lui répète qu'ils n'ont aucun avenir politique.
La conversation évolue et je cherche à la faire progresser: la Princesse des Perles fait remarquer au Baron Aquilain que mariage et amour ne sont pas liés et qu'elle peut épouser le Commandeur et qu'il reste son amant (ce qui me semble une issue plausible à la "négociation"). Grâce à son mariage, elle disposera du pouvoir politique de vivre son amour avec le Baron en secret - et elle s'arrangera facilement avec son mari, qui ne se fait pas d'illusion sur les sentiments de son épouse. Concrètement, elle lui propose un mariage à 2+1.
Le Baron rejette cette idée: il ne veut pas vivre une relation cachée. La Princesse des Perles lui reproche de n'aimer que l'aspect "publique" de leur relation et pas d'être réellement amoureux, au point de la protéger et d'accepter ce compromis.
Philippe fait alors quelque chose que je trouve intéressant et dont je reparlerai dans la conclusion: le Baron se lève ("si possible au milieu d'une phrase de la Princesse") et quitte la pièce excédé. Je décide que la Princesse cède et le suit, et l'embrasse en public, à la sortie de sa salle de réception.
Soufre, qui attendait là avec les hommes de main mis au "service" de la Princesse des Perles et leur ordonnent de se saisir du Baron Aquilain. Moment déchirant où il est arraché aux bras de la Princesse.
Le Baron à Soufre: "Traître, n'as-tu pas de cœur?!"
Réponse de Soufre (destiné à la foule des courtisans): "Est-ce ainsi que tu protèges les fiançailles du Chevalier Nébuleux avec la Princesse des Perles ?" (rappelons que le Baron était officiellement l'ami du Chevalier). [Clément éclate de rire et s'exclame: "J'adore ça !"]
Clément et Philippe commentent aussi les actions de leurs personnages, en particulier celui de Clément (Soufre), dont Philippe rappelle souvent l'ambition.

Scène 8
Le Baron est traîné devant le Commandeur Viride, alors que Soufre triomphe. La rencontre prend une allure de procès.
Le Baron se défend: son frère le Commandeur ne lui a pas donné les bonnes informations et il ne pouvait donc pas savoir qu'il voulait se marier avec la Princesse.
Le Commandeur met son frère à l'épreuve une dernière fois: s'il est vraiment fidèle à la Maison Viride il lui suffit de le prouver en refusant publiquement les avances de la Princesse et en soutenant son mariage avec le Commandeur Viride. [Là aussi, je cherche une solution intéressante à la situation, en proposant une sortie de négociation qui me semble intéressante et plausible.]
Je rappelle aussi que selon les règles de ce monde, le Patriarche d'une Maison (comme l'est le Commandeur Viride pour la Maison Viride) peut déchoir quelqu'un d'un titre et le chasser de la Maison. Dans ce cas-ci, le Commandeur demande à Soufre si un titre de Baron lui plairait...

Scène 9
Devant le palais d'Albâtre, le Baron Aquilain est ramené devant la Princesse. Elle va à sa rencontre, elle le prend dans ses bras. Il lui explique tout bas la situation et... dégaine la dague qu'elle portait à la hanche pour la pointer face aux hommes de main du Commandeur Viride, commandé par Soufre, en déclarant haut et fort que jamais il n'abandonnera son amour pour la Princesse.
Là on fait à nouveau appel à la mécanique de résolution que j'avais préparée, afin de départager Soufre et le Baron dans le combat qui les oppose. A nouveau, la mécanique rend les choses longues et laborieuses. Clément et Philippe commencent à discuter, sans passer à l'action. Finalement, les cartes tirées par Clément montre que c'est lui qui l'emporte. Je résume: le Baron Aquilain est jeté en prison par le Commandeur, qui le chasse de sa Maison et lui retire son titre, qu'il confie aussitôt à Soufre.

On se dit qu'il y aurait encore beaucoup de choses à jouer (l'évasion de la prison, le possible mariage de la Princesse, l'intervention de la Dame d'Encre, du Duc Blenheim ou du père de la Princesse), mais on préfère passer au débriefing.

Nous avons joué environ 2h30.

Conclusion
J'ai déjà exprimé clairement ma déception quant à la mécanique de résolution que j'avais proposée. Laborieux, moins riche dans ce qu'il révèle des personnages. En plus, je me suis rendu compte que le premier joueur à jouer une carte gagne toujours.
Je pense que, comme souvent, j'ai pris le problème de manière trop abstraite, quitte à créer une usine à gaz, qui demande trop d'attention et de savoir du système pour le faire bien fonctionner.
Bref, il faut autre chose.

Pour cela, on a beaucoup discuté avec Clément et Philippe, ce qui a fait émergé beaucoup de choses intéressantes. Je vais maintenant tenter une idée que j'avais derrière la tête depuis un moment: toutes les interactions se déroulent de manière "libre", c'est-à-dire qu'il n'y a pas (directement) de règles pour les structurer. Les joueurs discutent et, idéalement, négocient intelligemment (je reviendrai sur ce que j'entends avec ce terme) pour leurs personnages. Mais l'interaction n'est pas entièrement désarticulée. A tout moment, un joueur et son personnage peuvent faire ce que nous avons nommé entre nous un "table-flip" (retourner la table de négociation). C'est le même type de mécanisme que le coup de théâtre à Les Cordes Sensibles ou l'escalade vers la violence à Dogs in the Vineyard: c'est le moment où, pour arrêter de tourner en rond et de discutailler, pour ne pas s'enfermer dans une négociation à sens unique, on renverse la donne. Ça a un coup pour le personnage qui le fait, mais au moins les choses avancent (c'est un mécanisme qui m'a souvent manqué dans des jeux où les interactions sociales sont importantes mais ne sont pas structurées).
Dans mon idée, cette mécanique de "table-flip" encadre la négociation en amont: elle donne une porte de sortie claire à chacun si la négociation échoue et pose ainsi clairement le rapport de force. Pour autant, il n'est pas nécessaire d'y faire appel (c'est le genre de règle qui influe sur le jeu sans devoir être directement utilisée, simplement parce qu'on pourrait l'utiliser).
Plus précisément, le table-flip est un choix qu'un joueur donne à l'autre à un moment: soit tu fais les choses comme je le souhaite, soit il arrive ça (ce qui peut être à la fois fictionnel et chiffré).
Par ailleurs, il y a différent types de "table-flip": ceux reposant sur l'autorité ou le rang d'un personnage (je suis plus puissant que toi, donc je peux t'imposer tel décision: si tu ne le fais pas, je peux te faire déchoir), ceux reposant sur les émotions (si tu ne fais pas ça, je peux te faire honte), ceux reposant sur la violence (si tu ne fais pas ça, je te défie en duel). Peut-être que j'en rajouterai d'autres avec le temps.
Je garde en plus le système de jauge de Sentiment de Les Cordes Sensibles, qui me semble essentiel. J'aime en particulier la liste de Sentiments qu'on accumule de conflit en conflit et qu'on peut exprimer ensuite, ça donne de la "solidité" à la vie intérieure des personnages.
Instinctivement, j'ai l'impression que ça peut aussi marcher pour la séduction, mais de manière assez viciée: si tu fais appel à un "table-flip" (y compris par les émotions) pour séduire quelqu'un, c'est que la relation est vraiment malsaine.

Donc je crois avoir une bonne idée générale de ce que je veux faire, maintenant il faut encore que je précise tout ça.

En dehors du travail de rédaction, une des difficultés que j'entrevoie est le fait de donner des outils aux participants (et en particulier au MJ) pour négocier "intelligemment", c'est-à-dire arriver à proposer des résolutions à la situation qui conviennent à tout le monde, malgré les compromis de chacun. Je pense que cela va supposer des règles de comportement général pour le MJ du genre "Les PJs cherchent à réaliser leurs propres objectifs (souvent contradictoires), mais sont ouverts à la discussion". C'est ce que j'ai essayé de faire durant cette partie, voir les différents exemples ci-dessus.
J'aimerais inciter les joueurs à accepter les compromis pour leurs personnages, ce qui sur le long terme enrichit le jeu en créant de situations ambiguës, et ne pas s'enfermer dans un idéal de pureté. C'est facile de jouer toujours celui qui ne cède jamais, c'est gratifiant à court terme (de la même manière qu'un personnage qui abuserait de son autorité serait tout aussi problématique), mais ça ne crée que rarement des histoires intéressantes.
Toute proportion gardée, c'est ce que je crains pour la suite de notre histoire: le Baron Aquilain refuse les compromis et va ainsi au clash, mais je ne sais pas s'il restera toujours intéressant; de même, Soufre fait le salaud ambitieux, mais va-t-il pouvoir évoluer ? (sans doute faudra-t-il exploiter sa relation avec la palefrenière Absinthe)

Plus généralement, cette partie m'a plu aussi par les situations qui étaient dramatiques à souhait. Sentiments, intrigues politiques, tout y était. Donc le fonctionnement général du jeu marche bien de ce point de vue-là.

Voilà, comme d'habitude vos réflexions sont les bienvenues !
Fabien | L'Alcyon
 
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Re: [Soupirs] Baron Aquilain et Soufre 2

Message par Frédéric » 09 Jan 2017, 01:17

C'est intéressant de voir en effet à quel point les enjeux se sont résolus pour beaucoup dans la fiction, par des négociations.

Il existe des jeux qui utilisent une résolution (ou plutôt des transactions) à base de jetons : Hillfolk de Robin Laws ou The Clay that Woke de Paul Czege.
Dans Hillfolk, pour résumer, si tu accèdes à une demande, tu gagnes un jeton. Si tu veux obtenir quelque chose quand quelqu'un te le refuse, tu peux dépenser 2 jetons et s'il répond par 3, tu n'obtiens pas ce que tu veux, mais tu récupères tes 2 jetons. Je ne l'ai pas encore testé, mais j'en ai entendu beaucoup de bien (et ça a l'avantage d'être très léger).

The Clay that Woke, j'ai pas encore eu le temps de m'y pencher en détail, mais il utilise un type jeton pour chaque type d'interaction dans le jeu.
Pour Soupirs, tu peux imaginer des jetons d'autorité, des jetons d'émotions, des jetons de pacte, des jetons de violence, etc. (Et quelqu'un avec beaucoup d'autorité peut avoir simplement beaucoup de jetons dans ce domaine, on peut peut-être imaginer que les joueurs demandent de l'aide à quelqu'un de puissant pour obtenir quelque chose, mais à un certain prix).
Les règles de TCtW sont brièvement expliquées dans le chapitre "Mechanics that inspire" de ce lien : https://www.kickstarter.com/projects/25 ... rs?lang=fr

Je ne sais pas si c'est LA solution pour ton jeu, mais c'est ce que m'inspire ton CR. ;)
Frédéric
 
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Re: [Soupirs] Baron Aquilain et Soufre 2

Message par Fabien | L'Alcyon » 12 Jan 2017, 14:26

Merci pour ton retour et pour ces références ! Je vais aller voir le jeu de Paul Czege, l'idée que tu présentes me plaît bien.
Fabien | L'Alcyon
 
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