Ante Scriptum : Bon je blablate beaucoup mais il s'est passé cette année dans le monde rôliste anglosaxon plein d’éventements à la fois intéressants et difficilement résumables. Vous pouvez passez à mon bilan perso si vous vous en fichez ! Il n'est pas si facile que ça de faire le bilan de mon année rôliste à bien des égards paradoxale.
Par où commencer ?
Tiens on va commencer par un événement parfaitement anecdotique mais symboliquement amusant : en juillet dernier Vincent Baker a offert
un enterrement en petites pompes au Big Model sur le forum Story-Games. RIP le GNS (enfin le "Right to Dream", "Step on up" et le "Story Now") et surtout RIP l'approche théorique qui consiste à se demander
a priori ce qui ne fonctionnera pas et provoquera des "dysfonctionnements".
A bien y réfléchir on aurait du sortir le champagne parce que cet enterrement tombait pile au bon moment et confirmait ce dont on se doutait depuis quelques temps : Vincent Baker est le plus cool d'entre nous !
C'est assez cool parce que sortir du Big Model c'est d'abord s'ouvrir à d'autres pratiques et à d'autres corpus théoriques.
C'est Vincent Baker qui publie
un supplément OSR pour Lamentation of the Flame Princess, c'est les jeux d'Emily Care Boss et de Jason Morningstar qui s'inspirent de la scène indie nordique et donc des milieux GNistes qui
produisent des textes théoriques à la fois beaucoup plus abondants et beaucoup plus variés que les rôlistes.
Mais c'est aussi un recentrage sur une démarche de game-design positive qui s’appuie sur ce qui marche déjà et sur la pratique. C'est la généralisation de la logique de hack, l'Apocalypse System servant outre Atlantique (et bientôt ici puisque le Libreté que prépare Mangelune est propulsé par l'Apocalypse), qui permet de prendre conscience que la récupération de gros bouts de système n'interdit pas la créativité et facilite la création de jeux au système solide (mes tests de
Libreté et de
World Wide Wrestling étaient probablement mes meilleures parties de l'année).
Paradoxalement le milieu indie US est aussi traversé par une révolution centrée autour du concept de nano-game. Des jeux simples, courts et ne cherchant pas forcément à être rejoué. La pratique me semblait jusqu'à peu exagérément expérimentale, les contraintes de formes produisant souvent des jeux trop simplistes et sans grand intérêt.
Mais à la réflexion cette idée de jeu offrant une situation initiale et des mécaniques simple peut se voir différemment. On peut rapprocher la logique du nano-game à celle, plus classique, du scénario. Il y a là invitation à innover mécaniquement (et pas simplement dans les aspects narratifs) dans l'écriture des scénarios.
C'est comme ça que je vois certains jeux publiés dans
Worlds without Master dont le récent
Dread Geas of Duke Vulku mais c'est aussi ainsi qu'on peut lire certains scénarios de jeux que l'on voyait, peut-être à tort, comme classiques. C'est le cas des scénarios de
Sombre (dont je viens de lire la gamme qui m'a fait forte impression) et même certains scénario du Grümph pour
Dragons de Poche 2 qui sont souvent prétextes à des expérimentations mécaniques.
En tous cas je ne peux m'empêcher de me dire que la logique de nano-game peut nous permettre de jeter une lumière nouvelle sur le scénario et de flouter les frontières entre préparation de partie et création de jeu.
Vu les réflexions que je viens de vous exposer, et sur l'enterrement du Big Model et sur le floutage de la préparation d'une partie et de la création d'un jeu, il est clair qu'un autre événement de l'année s'est avéré parfaitement timmé :
le blog d'Eugéniequi permet à la fois de rajouter de la diversité dans nos approches du JDR et qui a le mérite de venir de quelqu'un qui n'est pas game-designer et ne se préoccupe pas tellement des mécaniques (je suppose que "Je ne suis pas Game-Designer mais..." n'était pas un titre très catchy).
C'était presque aussi cool que Vincent Baker : super giga mega cool !
Sur les tendances plus décevantes outre Atlantique je ne peux pas m'empêcher de me dire que la réutilisation de l'expression
storygame(qui n'a jamais rien voulu dire de très clair) a amené un courant de jeux qui pullulent dans les concours de création de jeux, sont très peu joués et reprennent tous les mêmes idées de gameplay (nécessité d'être constamment dans la collaboration entre les joueurs même dans le cas de conflit inter-PJs, absence de préparation, déroulement hyper scripté du jeu...).
La découverte, un peu ennuyante, de ces jeux pose cependant pas mal de questions intéressantes notamment sur la volonté de conserver un aspect défi ludique dans nos jeux et de souhaiter avoir des véritables confrontations (entre les joueurs et encadrées par les mécaniques) et l'impact de ce choix sur la sensation de densité de la fiction.
Notons qu'une réflexion sur la question s'était en partie ouverte suite
aux articles d'Eugénie et avait notamment donné lieu à
un message très intéressant de Vivien(qui mériterait développement).
Même si je ne m'étais pas impliqué personnellement dans cette discussion, elle a pas mal irriguée mes réflexions et j'avais été un peu déçu que l'on abandonne les échanges sur le sujet (comme je suis déçu qu'on écarte le concept d'
Immersion qui est certes flou mais qui a le mérite de s'intéresser au ressenti des joueurs). Je me suis rendu compte qu'une des mécaniques d'un jeu que je coécrits, que l'on espère publier en début d'année dans un magazine, étaient en quelque sort une réponse aux articles d'Eugénie. Comme le disait Vincent Baker la création de JDR est d'abord une conversation entre rôlistes et les jeux sont des réponses, j'espère que la notre sera intéressante (bien que modeste).
Un bilan plus personnel maintenant Je ne peux pas trop me plaindre de mon rythme de jeu puisque j'ai eu pas mal d'occasion de jouer cette année. Pas mal mais pas assez : c'était une année riche en réflexions partant dans tous les sens, en rencontres (formidables Utopiales qui furent l'occasion de refaire le JDR avec plein plein plein de beau monde), en podcast (le passage en ligne des enregistrements de Radio Rôliste m'ayant permis de réintégrer l'équipe) et bien-sûr en écriture/publication de jeu, j'ai ainsi pu publier plusieurs jeux :
*
Les Remémorants un jeu qui s'inscrit dans la mythologie Millevaux publié dans
le dernier numéro du Maraudeur*
Before You Leave un jeu freeform co-écrit avec Khelren
*
Une vérité universellement reconnue qui a atteint la finale du GameChef
*trois jeux co-écrits pour le décevant mais formateur concours
ThreeForged*
Breaking the Glass et
Those who rot beneath my feet, respectivement pour la Fast and Furious Jam et le Shit Chef^^
Du coup forcément, par rapport à tout ça j'ai encore l'impression qu'il faudrait encore multiplier les parties pour éprouver toutes ces nouvelles idées sur le JDR !
Et 2016 ?Je m'associe pas mal aux vœux de Thomas notamment ceux sur le fait d'inciter les joueurs à prendre le contrôle des jeux, le rapprochement entre scènes OSR et
indie francophone (d'ailleurs vendredi prochain la librairie Charybde reçoit Manuel Bedouet, un auteur dont les jeux ont le grand mérite d'aller chercher des idées à droite et à gauche) et le fait d'inciter à la récupération pour permettre de créer son complexe.
A titre personnel j'espère avoir toujours l'occasion d'intervenir dans des médias rôlistes et de continuer à publier des jeux. Notamment j'aimerai bien avoir d'autres occasions d'écrire des jeux à n mains (ou n>2) ou d'écrire pour d'autres univers. Dans les deux cas les expériences furent formatrices et agréables.
Du côté des parties j'espère parvenir à jouer encore davantage et à explorer des trucs laissés de côté cette année. Notamment me plonger dans la logique et les productions OSR pour voir ce qui peut m'intéresser dedans. De même revenir à quelques scénarios pour voir ce que les productions récentes peuvent receler d'innovations ludiques (je n'ai masterisé que deux parties
à scénario cette année mais je place l'une d'elle, celle de
La Lune et 12 Lotus, comme une de mes meilleures expériences de l'année).