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[Crash-test] Haikus de la dernière guerre

09 Jan 2014, 20:14

PREMIER PLAYTEST DU JEU DE ROLE "HAIKUS DE LA DERNIER GUERRE"

Joué le 27/10/13 aux 24 H du Jeu 11 avec Maxime (le seigneur), Catherine (le fils du seigneur) et moi-même (l'émissaire).

En convention, j'ai pris très récemment l'habitude de faire des démos de jeu de rôle flash (un quart d'heure à une demi-heure) sur mon stand à l'intention des curieux qui peuvent se présenter à moi. Ainsi, j'ai fait des démos de Millevaux Sombre Zero, Marins de Bretagne et Inflorenza. Maxime, qui avait participé à une démo d'Inflorenza la veille, est assez motivé pour remettre le couvert le dimanche. Je décide alors, avec la complicité de Catherine, une joueuse récurrente de mes tables qui se joint à nous pour l'occasion, je proposer une démo d'un jeu qui me trotte dans la tête depuis quelques mois que je n'ai jamais eu l'occasion de tester. Nous allons donc jouer une séance complète en une demi-heure

La partie a été assez intéressante et m'encourage pour la suite. Si je n'ai pas l'intention de me remettre sérieusement sur ce jeu avant un moment, ayant d'autres priorités, je ne serais pas contre ouvrir une première réflexion sur le sujet à l'occasion de ce compte-rendu de partie. Mes premières questions : le propos du jeu semble-t-il suffisant pour offrir une jouabilité ? L'autorité sur la narration, ici très libre (c'est un hack d'Inflorenza, chacun cadre sa scène à tour de rôle, avec un contre-pouvoir des autres joueurs seulement possible pendant les conflits.), mérite-t-il d'être révisé ? Enfin, ce jeu se veut un jeu sur la violence et la vérité ? Ces thèmes vous paraissent-ils apportés par les mécanismes. Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi ?

Le concept est le suivant : à l'instar de Poison'd de Vincent Baker, chaque séance de Haikus de la Dernière Guerre démarre de la même façon. Dans le japon médiéval, les seigneurs vassaux de l'empereur se font une guerre perpétuelle. C'est alors qu'un émissaire (un PJ) de l'empereur se présente devant un seigneur (un autre PJ) et les autres personnes présentes dans le château du seigneur (les autres PJ et les PNJ). Il apporte ce message secret de l'empereur à la connaissance du seigneur :

" Par ordre de l'empereur,
pour faire régner la paix
tout seigneur doit mourir"


En revanche, la différence avec Poison'd, c'est qu'aucun évènement n'est prévu à la suite de ça : tout ce qui va suivre est à la discrétion de la table de jeu. De même que la "backstory" des personnages, le background est entièrement à la discrétion de la table de jeu. Ainsi, c'est au joueur de l'émissaire de déterminer si le message de l'empereur est écrit ou oral, comment l'émissaire l'apporte à l'empereur (en le disant à haute voix devant toute l'assemblée ou en le laissant lire discrètement), si le message est un vrai ou un faux, si l'émissaire est véritablement un envoyé de l'empereur ou s'il est un imposteur, quel est le véritable but de l'empereur, si le message a été envoyé à un seul seigneur où à tous les seigneurs.

Les autres joueurs répondent à une série de questions pour décrire le château du seigneur et son pays. Le château est-il petit ou grand ? Et son pays ? Le château est-il riche ou pauvre ? Et son pays ? Le château est-il peuplé ou abandonné ? Et son pays ? Le château est-il en ordre ou en désordre ? Et son pays ? Y a-t-il des combats dans le château ? Et dans le pays ? Quels types de combats ? Batailles de chevaliers, assassins, empoisonnement, joutes verbales, joutes juridiques ?

Le joueur du seigneur a ensuite toute latitude pour déterminer comment est son seigneur.

Les autres joueurs ont ensuite toute latitude pour créer leurs personnages, héritiers du seigneurs, concubins, serviteurs, chevaliers, paysans, adversaires martiaux...

Il est en revanche impossible de jouer l'empereur ni même de le faire intervenir en PNJ (afin de rendre ses motivations les plus opaques possibles, et de faire d'une tentative d'assassinat sur sa personne un challenge absurde ouvert à toutes les spéculations, tel atteindre le château dans Le Château de Kafka)

Pour finir, j'ai dit que c'était un hack d'Inflorenza, mais l'idée est d'être fondamentalement plus simple. Ainsi, j'ai supprimé le concept d'inflorescence, qui donnait une contrainte de couleur à chaque conséquence des conflits ou création de traits. J'ai également supprimé les essences, qui étaient des traits magiques. Je veux que ce soit un jeu simple et poétique, et c'est aussi pour ça que j'évite les termes techniques même les plus basiques. Ainsi, je dis chevalier au lieu de samouraï, assassin au lieu de ninja...

En tant qu'émissaire, je décide d'être un chevalier en armure. Je suis blessé et sale pour avoir dû braver la guerre pour venir jusqu'ici, je porte la bannière de l'empereur, déchirée et maculée de sang. Le message est calligraphié sur un parchemin. C'est un vrai message et je suis un vrai émissaire.

J'arrive dans le château de l'empereur, grand château aux murs en papier de riz pour un grand pays, riche château pour un pays pauvre. Le pays est mis à sac par les chevaliers ennemis . Le château est presque abandonné, il ne reste plus que le dernier carré de chevaliers, de proches, de courtisans et de serviteurs. Il y a de nombreux assassins ennemis infiltrés dans le château. Les chevaliers du seigneur luttent pied à pied contre les assassins pour protéger leur seigneur.

Maxime joue un seigneur arrogant et mégalomane, dans la force de l'âge.

Catherine joue son fils, un jeune chevalier adulte ambitieux, héritier direct de son père.

Pour comprendre la fiction qui va suivre, il faut savoir que les divers points de protocole (la transmission du sabre symbolisant la transmission de la charge de seigneur) ont été improvisés en jeu.

L'émissaire (joué par moi)

+ (barré) Je veux à tout prix que l'ordre de l'empereur soit appliqué.
0 Je fais d'abord tout pour transmettre et faire appliquer l'ordre de l'empereur. Je précise au seigneur que je dois rentrer vivant auprès de l'empereur pour lui dire quelle a été la réponse du seigneur à son ordre. Je réaliserai ensuite l'absurdité de l'ordre impérial en voyant les luttes intestines de succession qu'il peut engendrer.
+ Je ne fais pas confiance au seigneur.
0 Je laisse lire le message au seigneur mais il ne me le rend pas et ne dévoile à personne son contenu. je comprends alors qu'il ne compte pas appliquer l'ordre.
+ J'ai tué un courtisan.
0 Alors que je me suis cloîtré dans une chambre pour méditer sur la suite des évènements, je surprends un courtisan qui m'espionne et je le tue de mon sabre. Je me retrouve à devoir être jugé par le seigneur pour mon crime. Je ne suis pas emprisonné avant d'être jugé, car en ma qualité de chevalier, on compte sur mon honneur pour me mettre à la disposition du seigneur dès lors qu'il voudra prononcer mon jugement. Ce que je fais. Quand le seigneur abdique en faveur de son fils, je soupçonne un coup fourré.
Mais le procès n'aura pas lieu car je vois le fils du seigneur fondre sur son père et le tuer avec le sabre qu'il venait de lui donner en lui transmettant sa charge. Le fils retire le sabre du corps de son père, mais réalisant ce qu'il vient de faire, laisse tomber le sabre au sol, abdiquant à son tour.
C'est alors plus fort que moi. Je m'approche du corps du seigneur ensanglanté. Et je ramasse son sabre.

Le fils du seigneur (joué par Catherine)

+ Je veux que mon père me lègue son royaume au plus vite.
+ Mon fidèle serviteur sera mes oreilles.
0 Ignorant la teneur du message de l'émissaire, j'envoie mon serviteur l'espionner mais il se fait tuer. J'accuse alors l'émissaire de meurtre puis viens le trouver pour lui tirer les vers du nez et m'attirer les faveurs de l'empereur en échange de mon appui lors de son procès. Entre temps, mon père a abdiqué en ma faveur et m'a donné son sabre, symbole de son pouvoir. C'est alors qu'il m'explique la teneur du message. Je comprends que mon père compte que ce soit moi qui obéisse à l'ordre de l'empereur en me donnant la mort, et qu'ensuite il reprendrait sa place comme si rien n'était. Peut-être même projette-t-il de m'assassiner.
Je pars le trouver pour avoir des explications. Une dispute éclate. Je le vois sortir son sabre court, je pare ses coups avec le sabre qu'il vient de me donner et je le tue. Je comprends alors toute l'horreur de la situation. J'enlève le sabre du corps de mon père. Et je le laisse au sol. Je voulais ce royaume mais je n'ai jamais voulu tout ce sang.


Le seigneur (joué par Maxime) (mort)

+ Je veux acquérir du pouvoir.
+ Je découvre la vérité sur l'émissaire et son message et qu'il doit rentrer vivant.
Quand je lis le message de l'émissaire, je le range sans lui rendre. Pour temporiser, j'annonce publiquement que l'ordre de l'empereur sera obéï. Mais je réfléchis comment je peux tirer cette situation à mon avantage. Je ne veux certes pas mourir. Surtout si le même message a été envoyé aux autres seigneurs. Ce serait l'occasion rêvée de s'emparer de leurs pays et d'enfin gagner cette guerre. Mais les choses seraient plus simples si je pouvais assassiner le messager. Cependant, s'il ne revient pas vivant apporter son message à l'empereur, j'aurai des problèmes. Aussi, je décide d'abdiquer publiquement en faveur de mon fils. Je pars du principe que l'ordre de l'empereur ne doit être obéï qu'une fois, et non une infinité de fois. Aussi, une fois le seigneur mort, son héritier peut vivre. Peu après avoir transmis mon sabre de seigneur à mon fils, je tente de l'assassiner avec mon sabre court, mais il est plus fort que moi et m'enfonce mon propre sabre dans le ventre. Alors que ma vue devient rouge, mes pensées sont enfin claires. Sot que je suis ! A quoi me servait-il de calculer pour demeurer le seigneur de ce pays et de tous les autres sous le ciel si je n'avais nulle descendance pour faire ensuite régner mon nom dans l'éternité ?


Si je suis relativement satisfait de la fiction obtenue (surtout en une demi-heure) et enthousiaste au sujet des ramifications possibles de mon intrigue de départ, je reste sceptique sur mon système de résolution et sur le partage des responsabilités en jeu. Le fait qu'on ait cadré nos scènes à tour de rôle, en un temps court, nous a invité à surtout jouer des conflits les uns contre les autres. Résultat : très peu de PNJ mis en scène (à part ce serviteur espion très cosmétique). Nous avions convenu que le château était infesté de ninjas mais en réalité, ils ne sont pas intervenus en jeu. Dois-je faire le deuil de la possibilité d'exploiter tous les détails inventés avant de jouer ou compter sur le fait que les choses aillent mieux avec plus de joueurs ou sur une durée plus longue ? Y a-t-il le moindre intérêt pour un joueur à rejouer ce jeu ? Est-il envisageable d'y jouer en campagne ? Sur ce point, je suis très sceptique mais ça ne me dérange pas dans l'absolu, considérant que les jeux de rôle dédiés aux one-shots sont tout aussi légitimes que ceux dédiés aux campagnes.

Merci de votre attention, je vous promets d'être attentif à tous vos commentaires.

Re: [Crash-test] Haikus de la dernière guerre

09 Jan 2014, 23:46

Bonjour Thomas
Avant tout, je ne connais pas poison'd, donc je ne vais pas pouvoir comparé et peut être dire des évidences.
Ensuite, la seule preuve que le joueur soit obligé de faire des choix qui pèseront sur l'histoire et que 2 parties à des tables différentes produiront une fiction différente est suffisante pour moi pour justifier l'appellation jeu de rôle.

Je vais essayer de répondre à quelques unes de tes questions, mais pas point par point parce que ce que j'ai ressenti à la lecture de ton post est assez différent de tes préoccupations.

D'abord, j'ai très bien ressenti l'aspect pièce de théâtre dramatique japonais. Alors mettons tout de suite les choses au point, je n'ai jamais vu de théatre no, mais certains films (japonais je précise) et certains passages des suppléments de L5A montrent juste un extrait de pièce, le drama, pour nous faire ressentir toute l'émotion et souvent l'ambiguité de la situation. Et évidemment, ces extraits sont très courts (à se demander si les 4 heures précédentes ne sont pas là pour poser le décor et laisser croire à de fausses pistes).
Alors je fais le lien avec sombre zéro, ou plutôt ma seule expérience qui était le scéno en 15min chrono. Je retrouve ce stress de la situation close (non, on ne va pas traverser les terres du milieu et il n'y aura pas de PNJ pour venir nous aider ou faire rebondir l'histoire, tout est entre nos mains, démerdez vous) et le stress de l'ultimatum (et oui, même si ce n'est pas 15 min dans la fiction, il faut une réponse, et vite). En fait, dès la lecture du message, le seigneur doit déjà prendre une décision, en temps réel. Peut être même dès la création, quand le joueur tire son personnage et tombe sur l'émissaire, il doit décider si le message est vrai et si lui-même est vrai. Et si on regarde les règles de partage de narration de sombre zéro, voilà...

Le thème de la vérité : oui, et même celui du mensonge. Le thème de la violence, il est bien servi par la situation, ou peut être celui des décisions lourdes à prendre. Je me dis que la situation qui ferait tomber la sauce, c'est que le seigneur lise le message à voix haute, annonce qu'il ne suivra pas l'ordre et renvoie le messager. A priori, moins de 5 minutes de jeu pour un gros flop, et pourtant, pour moi, ça serait une invitation énorme pour que le 3ème joueur tente sa chance en assassinant le seigneur pour montrer que le clan est fidèle à l'empereur. Et si le message n'est pas lu à voix haute ? le 3ème joueur voudra forcément savoir.

Alors Est-ce que j'y rejouerai ? et bien c'est là que je vais avoir un regard très différent du tien. Haiku de le dernière guerre n'est pas pour moi un jeu, mais une situation du jeu que tu proposes, comme deep space pour sombre zéro n'est pas un jeu mais un scénario de jeu. Donc si tu arrives à trouver plusieurs situation de départ, et même pas forcément au japon (la scène finale de réservoir dogs marcherait très bien aussi, toute situation militaire où tu reçois un ordre à la con, une situation d'urgence, la scène des bateaux piégés dans dark night 2...), alors oui, je rejouerais à ce jeu là.

Du coup, ça risque de te donner une raison de plus de le ranger dans un tiroir vu le taf que je te demande !

Re: [Crash-test] Haikus de la dernière guerre

12 Jan 2014, 19:13

Merci Shiryu pour tes réflexions !

En y repensant, il y a un autre exemple de jeu de rôle avec une situation de départ unique : Lady Black Bird, de John Harper.

Je crois que je ne saurais pas te dire s'il y aurait intérêt à faire de Haikus un jeu basé sur une thématique ("Maudit soit le messager" sur fond de guerre civile, en gros) qu'on puisse décliner dans différents univers et avec différentes situations de départ. En fait, mon système n'est pas assez rôdé pour le savoir. J'avais pour vague projet de remplacer les dés par quelque chose de plus typé japonais, comme le jeu de go ou le koi-koi
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