[Crash-test] Ipono et les sacs de douleur

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[Crash-test] Ipono et les sacs de douleur

Message par Thomas Munier » 23 Jan 2014, 20:09

IPONO ET LES SACS DE DOULEUR

LA FABRIQUE DE CHARBON


Joué le 30/12/2013 avec Claire (Ipocras) et Abder (Ipopotame)

Comment parler de la souffrance avec les plus jeunes ? Peut-on le faire par le conte ? Peut-on le faire par le jeu ?
Quand ma sœur, Claire Munier, a commencé à dessiner le conte Ipono et les sacs de douleur avec la scénariste Morgane Miltgen, j'ai senti qu'une adaptation en jeu de rôle était possible.

J'ai longtemps traîné cette idée sans élaborer de mécanique. La publication du conte et L'occasion de revoir ma sœur pendant les fêtes m'a donné un prétexte pour une séance de brainstorming en voiture, qui a rendu ce premier playtest possible.

Dans le conte Ipono et les sacs de douleur, une petite créature verte, Ipono, quitte sa vallée pour retrouver des êtres attachants qui lui avaient jadis rendu visite : les humains. Mais quand Ipono atteint le premier village, il découvre que les humains sont tristes. Leurs maisons sont remplies d'un curieux chargement : les sacs de douleur. Doté d'une grande compassion, Ipono va tenter de les aider, au risque d'être lui-même empoisonné par la douleur.

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Pour l'adaptation en jeu de rôle, j'ai voulu que les joueurs interprètent des frères et sœurs d'Ipono dans des aventures fidèles à l'esprit du conte. Dans leur vallée natale, les fleurs de lumo leurs procurent le bonheur dont ils ont besoin. Jusqu'au jour où elles cessent de produire des graines. Si les Iponos ne font rien, l'an prochain il n'y aura plus de fleurs de lumo dans leur vallée ! Ils partent vers une montagne habitée par des humains, les seules créatures qui peuvent leur donner de nouvelles graines de lumo. Mais pour obtenir ces graines, il faudra aider les humains à résoudre leurs problèmes.

Inspiré de Mouse Guard, de Dogs in the Vineyard, de Prosopopée et des Petits Chasseurs d'Emotions, ce jeu de rôle propose de jouer une campagne au cours de laquelle les Iponos découvrent 4 villages humains. Dans chaque village, parmi la population, il y a 3 humains qui peuvent offrir des graines de lumo si on les aide à prendre conscience de leurs problèmes et à les résoudre. La campagne s'articule en 4 saisons : printemps, été, automne, hiver. Chaque saison est divisée en jours et on change de saison à chaque fois qu'on a résolu 3 problèmes. Au terme des 4 saisons, on a donc résolu tous les problèmes et on peut rentrer dans sa vallée natale.

Dans le conte, les sacs de douleur symbolisent la souffrance. Les humains produisent de la douleur tous les jours. Au lieu de lâcher prise, ils emmagasinent cette douleur dans des sacs qu'ils entassent dans leurs maisons. Les humains demandent à Ipono de les aider à gérer leurs sacs de douleur mais ils se montrent assez ingrats en retour et il est très difficile de faire évoluer leur point de vue.

Toujours dans le conte, on voit que les humains d’un autre village ont trouvé une autre façon de gérer les sacs de douleur. Mais leur bonheur apparent ne permet pas de savoir si leur méthode est la meilleure, et on ne les voit pas aider les autres villages...

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Pour le jeu de rôle, je savais que les sacs de douleur devaient avoir une place de premier choix dans l'univers et dans les règles.

Je voulais aussi qu'on puisse faire une lecture critique du conte et fournir un univers un peu plus étoffé afin qu'on explore des situations inédites autour du même thème.

J'ai donc basé le système sur la gestion de 4 ressources d'énergie : la douleur en premier lieu, mais aussi le bonheur, la nourriture et la chaleur. Toutes ces ressources sont gérées par des pions de couleur et font l'objet de consommations et de transactions. Elles sont aussi l'objet des problèmes des humains qu'il faut résoudre en échange de graines de lumo. Pour résoudre les problèmes des humains, il faut leur en faire prendre conscience et leur proposer des choix de vie différents. C'est là où je veux placer la principale résistance du système. J'utilise alors deux types de jetons de ressource, le bonheur et la douleur. Ils sont mis dans un pot pour un tirage pour une série de tirages aléatoires sans remise.

Quand on veut convaincre un humain, le MJ place dans le pot des jetons de douleur et de bonheur en fonction du type d'humain :
Humain normal : 1 bonheur + 1 douleur
Humain à problème 1 : 1 bonheur + 2 douleurs
Humain à problème 2 : 1 bonheur + 3 douleurs
Humain à problème 3 : 1 bonheur + 4 douleurs

Pour convaincre un humain, il faut tirer un jeton au hasard dans le pot. Si on tire un jeton de bonheur, c'est une réussite définitive et on récupère le jeton de bonheur. Si on tire le jeton de douleur, c'est un échec temporaire et on récupère le jeton de douleur.

Lors du playtest, il m'est venu l'idée suivante : en cas d’échec, il est possible de faire une nouvelle tentative le lendemain. Si l'on n'a pas cherché à convaincre quelqu'un d'autre entre temps, le contenu du pot n'est pas renouvelé. Ainsi, à chaque échec, puisque c'est une série de tirages sans remise, on accroît ses chances de tirer un jeton de bonheur, puisqu'on épuise les jetons de douleur. Le système récompense donc la persévérance.

Une mécanique, surtout si elle conserve une interaction sociale, ne serait pas intéressante si le roleplay et la tactique des joueurs ne pouvait pas l'influencer.
Ainsi, à chaque tentative, si les joueurs fournissent des arguments convaincants, le MJ peut rajouter dans le pot un jeton de bonheur issu de la réserve. Mais les PJ peuvent également rajouter dans le pot des jetons de bonheur issus de leur propre réserve.
Ceci simule les marques d'affection, l'empathie, la compassion, le don de soi des PJ. C'est là le principal emprunt à Dogs in the Vineyard, mais dans une logique presque inverse.
Dans Dogs in the Vineyard, escalader dans la violence permet de gagner les conflits sociaux. Dans Ipono le jeu de rôle, c'est escalader dans le don de soi qui permet de gagner les conflits sociaux.

La symétrie n'est pas totale puisque dans Dogs in the Vineyard, les PNJ escaladent également. Dans Ipono le jeu de rôle, les PNJ n'escaladent pas puisqu'on part d'un niveau de départ, qui a même plutôt tendance à baisser à chaque tentative.

Je voulais donner des choix informés aux joueurs. J'ai toujours annoncé le nombre de jetons de bonheur et de douleur dans le pot avant les tirages, afin d'inciter les joueurs à rajouter des jetons de bonheur ou à passer leur chemin pour l'instant.

Création de personnage :

J'ai demandé à ma sœur de dessiner un prototype de feuille de personnage. Je l’ai voulu très graphique, approchant un idéal de zero notes obligatoires pour le joueur. En gros, c’est le dessin d’un Ipono avec des compartiments pour stocker des jetons.

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La création de personnage était simple et enfantine.
J'ai donné des crayons de couleur pour que les joueurs personnalisent leur Ipono. Je leur ai demandé d'imaginer un nom commençant par "Ipo" ou finissant par "No". Abder a choisi Ipopotame, Claire Ipocras.

J’ai posé ensuite trois questions à chaque joueur. Les réponses à ces questions vont être des traits, en quelque sorte.

+ Qu'y a-t-il dans ton baluchon ?
L'idée, c'était de créer un premier objet à stocker dans le baluchon. Problème = Abder a choisi un "stylo" et ça m'a posé problème. 1° = Il a fallu que je colle une étiquette "stylo" sur un jeton pour le gérer. ça dépasse un peu la complexité du matériel désiré pour ce jeu. 2° = le stylo n'a été d'aucune aide pour le jeu et je réalise que les objets qui ne sont pas des ressources d'énergie (bonheur, douleur, chaleur, nourriture) poseront le même problème.

+ Qu'est-ce qui te fait sourire ?
Cette question visait à savoir ce qui pouvait être source de bonheur pour les PJ. Histoire que le MJ fasse intervenir ces sources quand il a besoin de "recharger les PJ".
Problème = Je n'ai pas eu l'occasion de tester, car je n'y ai pas pensé. Il ne faut pas que ce soit noté sur la feuille des PJ, mais sur celle du MJ. L'autre souci, c'est que le joueur invente quelque chose qu'il peut générer à volonté où faire générer par un autre PJ.
Ainsi, Ipopotame avait choisi "les chatouilles". Il lui aurait suffi de demander à Ipocras de le chatouiller en boucle pour faire le plein de bonheur. Soit je trouve le moyen de brider ce trait, par exemple : 1 seule utilisation par jour ou une demi-journée pour l'activer, soit je le supprime.

+ Quel est ton plat préféré ?
L’idée était de définir un type de nourriture qui apportait +1 bonheur quand l’Ipono la mangeait. Claire a optimisé en plaçant d’emblée son plat préféré dans son bâluchon, et en commandant le jour où ils sont arrivés dans une auberge. C’est sympa, mais ça pose un problème : pour identifier le plat, il m’a fallu coller un autocollant avec son nom sur un jeton nourriture. Le principe de coller des autocollants sur mes jetons ne me convient pas. Ça fait trop de matériel.

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Résumé de la partie :

Quand on commence la partie, tout va bien, c’est le printemps, les oiseaux chantent, le cœur des Iponos génère +1 bonheur chaque matin. Cool. Les Iponos quittent leur vallée et arrivent dans la montagne des humains. Ils voient des pancartes qui indiquent les chemins des quatre villages : Montjoie, Bourgfroid, Fort Miam et Pied-Cuit.
Ce que je ne révèle pas aux joueurs, c’est que chaque village se caractérise par la gestion abusive d’une ressource : Montjoie pour le bonheur, Bourfroid pour la douleur, Fort Miam pour la nourriture, et Pied-Cuit pour la chaleur.

Les Iponos optent pour le village de Montjoie, au nom plus engageant. J’ai découpé chaque village en 10 zones. En cours de test, j’ai déterminé qu’on peut explorer trois zones par jour, et qu’en volant on peut avoir un aperçu des zones adjacentes. Quand on débarque dans un village, on ne voit que la zone d’entrée, le reste étant couvert par un sorte de « brouillard de guerre ». Avec la feuille de personnage graphique, ça renforce le côté jeu de plateau / jeu vidéo que je voulais pour améliorer l’accessibilité du jeu (on peut facilement imaginer un plateau dessiné pour chaque village dans la version finale). On voit sur mon dessin que j’avais écrit à l’avance les emplacements des paysans à problème. C’est une erreur. A l’avenir, j’écrirais juste le quartier d’arrivée.

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Première zone, les Ipono tombent sur un champ de Lumo. Plutôt cool. Ils peuvent en manger (+1 un bonheur ou + 1 repas, au choix) ou en récolter (+1 jeton lumo qui correspond à un bonheur/repas qui se conserve). Ça tombe bien, midi arrive, les Iponos doivent se restaurer, c’est-à-dire consommer indifféremment un jeton de bonheur, de nourriture, de chaleur… ou de douleur. Le truc spécial, quand on mange de la douleur, c’est que le jeton de douleur, au lieu d’être défaussé, est placé sur le cœur de l’Ipono jusqu’au matin suivant, où il empêche le cœur de générer un jeton de bonheur, avant d’être finalement défaussé.

Deuxième zone, ils tombent sur un humain à problème, le Moissonneur. C’est un humain à problème 3, le plus sérieux qu’on puisse rencontrer. Le Moissonneur récolte les champs de lumo pour faire de la chaleur, menaçant de faire disparaître cette plante fragile. Les Iponos tentent de le raisonner… Cela va être difficile : dans le pot du Moissonneur, il y a un jeton de bonheur et trois jetons de douleur. Claire trouve un argument vantant une gestion raisonnée des champs de lumo, du coup je rajoute un jeton de bonheur dans le pot. Je demande aux joueurs s’ils veulent rajouter d’autres jetons de bonheur dans le pot, depuis leur réserve personnelle. Mais ils n’ont chacun qu’un jeton de bonheur dispo et préfèrent économiser. Abder se dévoue pour piocher dans le pot… Et pioche un jeton de douleur ! Le Moissonneur n’est pas convaincu et il chasse les Iponos sans ménagement. On peut comprendre que cet échec chagrine l’Ipono d’Abder et lui ait rapporté un jeton de douleur !

Dégoûtés par cet échec, les Iponos dorment à la belle étoile dans le champ de lumos et le lendemain matin, partent vers un autre village. Je constate à la fois que c’était une bonne idée de permettre d’aller et venir à son gré entre les villages (plus de liberté) et que les échecs de négociation et les gains de jeton de douleur ont un impact fort sur le moral des joueurs et des PJ.

Je propose aux joueurs d’aller au village de Bourgfroid parce que je l’avais préparé. Manque de bol, le nom du village… refroidit les joueurs… qui préfèrent aller à Fort Miam !

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J’avais préparé mon scénario dans l’optique de ne faire jouer que deux villages, avant de penser qu’il valait mieux permettre aux Iponos de butiner de village en village. Me voilà bien embêté ! Qu’à cela ne tienne, je sais déjà qu’à Fort Miam, on gère abusivement les ressources en nourriture. En gardant çà à l’esprit, j’improvise d’abord mes trois villageois à problèmes, puis le reste zone après zone.

Première zone, l’entrée du village. Un garde demande de payer une taxe d’entrée : un jeton de nourriture ! C’est mon premier humain normal, c’est-à-dire « sans problème ». Dans ma première idée, les villageois sans problème étaient tous identiques et très simples, un peu comme des figurants de jeu vidéo. En jouant, je me suis vite aperçu qu’il était préférable que chaque villageois soit unique. Cela amenait la variété chère au jeu de rôle, et surtout cela amène les Iponos à s’intéresser à chaque personne qu’ils rencontrent, fusse-t-elle ou non un villageois à problème porteur de graines de lumo. Qu’on se le dise : les humains normaux ont quand même des problèmes, mais ce sont de petits problèmes, et les résoudre ne rapporte pas de graine de lumo.

Deuxième zone, l’auberge du village. Les Iponos y entrent avec un autre villageois. L’Aubergiste, un villageois à problème 1, leur propose à chacun le repas de leur choix. Les Iponos choisissent leur plat préféré : très astucieux, puisqu’en plus de faire leur plat du midi, ce repas va leur rapporter + 1 bonheur. A la fin du repas, l’Aubergiste demande en paiement « le sourire de ces convives ». En fait, il attrape vraiment le sourire de ces convives. Le convive PNJ repart avec une mine déconfite, triste d’avoir fini son repas. Les Iponos comprennent qu’il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark, et tentent de convaincre l’Aubergiste de changer ses « tarifs », mais c’est un échec : Abder tire à nouveau un jeton de douleur ! L’Aubergiste, gavé de bonheur, arborant un sourire narquois, leur explique qu’il se trouve très bien ainsi, ce qui l’intéresse c’est d’être heureux grâce à son commerce, pas de rendre ses convives heureux. Il les met carrément à la porte de l’auberge !

À nouveau, les Iponos abandonnent et partent explorer le reste du village. Ils découvrent une maison abandonnée, remplie d’une suie bien particulière : la douleur. Ils découvrent ensuite la maison verte, qui est habitée par un villageois qui y entasse des sacs de douleur. La douleur, qui prend la forme d’une suie, déborde des sacs et commence à tapisser les murs et les vitres.
J’improvise une question gimmick : « Vous regardez par la fenêtre ou vous frappez à la porte ? ». Si les Iponos regardent par la fenêtre, ils peuvent observer sans être vus. En l’occurrence, ils regardent par la fenêtre et découvrent le villageois, très malheureux, qui vit au milieu de ses sacs de douleur.
Les Iponos frappent ensuite à la porte. Ils veulent convaincre le villageois de stocker ses sacs de douleur ailleurs. C’est une scène intéressante car elle reproduit la scène majeure du conte, et aussi parce que les joueurs s’investissent au point de vouloir convaincre un villageois bien qu’une réussite ne leur rapportera pas de graines de lumo. Malheureusement, ma mémoire me fait défaut, je ne sais plus comment cette scène se termine.

Les Iponos passent la nuit dans un champ de lumo, puis vont à la maison de l’Ogre. L’Ogre est un villageois à problème 2. Il s’empiffre du soir au matin, il n’arrive pas à être heureux autrement. Les Iponos parviennent à le convaincre d’essayer de manger moins et plus lentement, de savourer chaque bouchée. Ils mettent des arguments (un jeton de bonheur rajouté par le MJ dans le pot) et y mettent aussi du leur (De tête, Abder et Claire rajoutent tous deux un jeton de bonheur dans le pot). Abder pioche dans le pot… et tire un jeton de bonheur ! Ça y est, les Iponos ont convaincu leur premier villageois à problème ! Comme c’est un villageois à problème 2, ils leur donnent deux graines de lumo.

Les Iponos ont pris goût à l’exploration. Plutôt que de s’attaquer au reste du village, ils décident de se rendre à Bourgfroid. C’est parti pour celui que je considère le plus dur des villages. Si mécaniquement, il ne diffère pas des autres (trois villageois à problème 3), en termes de fiction il est plus dur, puisque les villageois de Bourgfroid font une gestion abusive… de la douleur.

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Alors que nous sommes au milieu du printemps, Bourgfroid est couvert de neige, et des morceaux de glace flottent dans la rivière. Les Iponos croisent d’abord un autre villageois encombré de sacs de douleurs, dans la maison grise. Pour lui rendre le sourire, ils sèment une graine de lumo au pied de sa maison. Aussitôt, des dizaines de fleurs de lumo poussent autour de la maison : la zone est désormais une source permanente de fleurs de lumo. Cette bonne action leur rapporte un jeton de bonheur dans le pot du villageois, et les Iponos arrivent à le convaincre de gérer autrement ses sacs de douleur, en les faisant fondre dans le lumo (puisqu’un jeton de bonheur annule un jeton de douleur).

Les Iponos ont déjà eu l’occasion de récolter de nombreux jetons de douleur. Ils ont la possibilité d’en défausser un s’ils défaussent un jeton de bonheur, et jusqu’à présent c’est ce qu’ils font. Mais ils réalisent que les jetons de bonheur sont une ressource cruciale pour convaincre les villageois, et commencent à les économiser plutôt que de s’en servir pour soulager leur douleur. Un effet du système très intéressant.

Enfin, les Iponos s’attaquent au villageois à problème 3 de Bourgfroid : Mr Malodo rachète les sacs de douleur des autres villageois contre une pièce d’or. Au départ, les Iponos croient que Malodo fait là un acte de compassion. Ils essayent de le convaincre que ce n’est pas une bonne chose de prendre la misère des autres sur son dos, mais échouent. Malodo leur claque la porte au nez.

Comme on ne peut tenter de convaincre une personne qu’une fois par jour, ils continuent à explorer le village. J’explique aux joueurs (en fait, c’est à ce moment que j’improvise cette règle) que leur persévérance finira par payer. S’ils retournent voir Malodo le lendemain, le contenu de son pot n’aura pas varié. Autrement dit, il contiendra un jeton de douleur de moins que la veille puisque les Iponos en ont déjà pioché un. Et ainsi de suite, chaque échec rapproche de la victoire. Mais si les Iponos abandonnent Malodo et tentent de convaincre un autre villageois, le pot de Malodo reviendra à son contenu de départ ! Autre chose : Nous en sommes alors à une heure et demie ou deux heures de jeu, et Claire et Abder montrent des signes de fatigue. Ils me demandent si le jeu s’arrête bientôt et je leur propose d’arrêter dès qu’ils ont auront aidé un villageois à problème. Ça me paraît une bonne façon de négocier la fin d’une partie. Ces deux arguments finissent par convaincre Claire et Abder de se concentrer sur Malodo jusqu’à l’avoir « guéri ».

Les Iponos décident donc d’explorer le village avant de revenir voir Malodo le lendemain. Ils découvrent une fabrique à charbon. Ils regardent par la fenêtre et découvrent que la fabrique appartient à Malodo. Il transforme les sacs de douleur en charbon. Techniquement, il convertit un jeton de douleur en un jeton de chaleur. Des villageois font la queue devant la fabrique, emmitouflés dans des écharpes. Ils achètent des sacs de charbon pour se chauffer. Et Malodo leur vend un sac de charbon… dix pièces d’or !

Les Iponos vont voir les villageois et leur révèlent le trafic de Malodo. Les villageois arrêtent alors de se fournir chez lui. Les Iponos retournent voir Malodo et celui-ci se lamente. Il accuse les Iponos d’avoir ruiné son commerce. Les Iponos lui expliquent que c’est mal d’exploiter les gens de la sorte. Malodo leur dit qu’il ne voit pas d’autre moyen de se chauffer que de transformer la douleur en chaleur ! Les Iponos tentent de le convaincre à plusieurs reprises, misant de nombreux jetons de bonheur dans le pot.

Au bout de trois ou quatre tentatives au rythme d’une tentative par jour, ils piochent enfin un jeton de bonheur dans le pot ! Ils parviennent à convaincre Malodo de chauffer les villageois avec des fleurs de lumo (séchées, elles deviennent une paille qu’on peut faire brûler dans la cheminée), et de le faire pour moins cher afin de gagner l’affection des villageois, qui jusqu’à présent le détestaient.

Pour conclure, un playtest vraiment sympa. Claire connaît bien le jeu de rôle pour m’en avoir vu faire, mais a très peu joué auparavant car les thématiques habituelles du jeu de rôle ne la séduisent pas (j’ai réussi à lui faire franchir le pas cet été avec le très mignon « Les Petits chasseurs d’émotions » de Saladdin). Abder était complètement débutant.

Ils ont un peu ramé au départ, car je me concentrais sur ma propre réflexion liée au playtest et j’avais tendance à changer certaines règles à la volée, et je ne leur expliquais pas bien les fondamentaux du jeu de rôle. Mais au bout d’une demi-heure de jeu, même Abder était bien dans le bain. J’ai apprécié qu’il se dévoue fréquemment pour piocher dans le pot, au risque de récolter de la douleur, et qu’il se dévoue également pour mettre des jetons de bonheur dans le pot. Dans l’ensemble, convaincre les villageois tenait beaucoup à cœur à mes deux joueurs, et l’aspect exploration a aussi semblé les séduire. Ce jeu de rôle Ipono n’est pas mon projet prioritaire, je vais sans doute le laisser reposer quelques mois avant de le reprendre, mais je suis d’ores et déjà à l’écoute de tous vos commentaires concernant ce premier crash-test.


Note pour le prochain playtest :

+ C’est inélégant de dire « un villageois à problème 1, 2, 3 ». Il vaut mieux que je dise « un villageois avec un petit, un moyen, un gros problème ».
+ À plusieurs reprises, Ipopotame a stocké de la douleur dans ses ailes ou sur sa langue. Abder m’a fait remarquer que ça ne se traduisait pas par un véritable handicap. J’avais prévu que la langue permettait de guérir et les ailes de voler, comme dans le conte. Dans mon idée, quand on stockait de la douleur dessus, la langue et les ailes s’atrophiaient et n’étaient plus fonctionnels. Mais comme ça avait une traduction fictionnelle et pas de traduction mécanique, l’impact était faible. Dorénavant, si on stocke de la douleur sur sa langue, on ne peut pas guérir les gens à problèmes. Autrement dit, on ne peut pas piocher dans le pot. Et si on n’a pas d’ailes, on ne peut effectuer un survol pour connaître le contenu des zones adjacentes.
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Thomas Munier
 
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