[Wonderland] La Salle de Rencontres de la Reine de Coeur

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[Wonderland] La Salle de Rencontres de la Reine de Coeur

Message par Thomas Munier » 02 Juil 2014, 15:29

LA SALLE DE RENCONTRES DE LA REINE DE COEUR

Joué le 28/06/2014 avec Kevin (l’Enfant-Porc), Namik (Jules), Anna (Philippe) et moi-même (la Cuisinière)

Cette partie est le premier test d’un jeu de rôle que j’avais en tête depuis deux ans : Wonderland.

Dans Wonderland, on incarne des personnes qui explorent un réseau de réalité virtuelle appelé Wonderland. C’est de l’anticipation, autrement dit ça se passe de nos jours, avec un saut technologique et sociétal en ce qui concerne internet : Wonderland est devenu le réseau social dominant, supplantant Facebook, G+ et consorts. Ce réseau social ne fonctionne pas comme un site internet mais comme un jeu en ligne massivement multi-joueurs, à ceci près qu’il regroupe plus d’un milliard d’usagers. Le réseau s’inspire graphiquement de l’univers de Lewis Caroll et de ses romans, Alice au Pays des Merveilles et De l’autre côté du miroir. C’est un site englobant car tout ce qu’on peut faire sur internet, on peut le retrouver dans Wonderland, juste relooké : consulter ses mails, utiliser des services bancaires, faire ses achats en ligne, aller sur un site de rencontre, faire des jeux en ligne. Wonderland est censé être le réseau le plus sécurisé (comprendre, censuré) au monde : la violence y est impossible, ou alors circonscrite à certaines zones du monde de Wonderland (notamment, des champs de bataille qui correspondent à l’activité des jeux massivement multi-joueurs), et quant au sexe, il est limité aux baisers et aux câlins. C’est pour cette raison qu’il n’y a pas de limite d’âge pour s’inscrire : enfants et adultes se côtoient sur Wonderland.

Image
illustration : Sir John Tenniel (domaine public)

Technologiquement, Wonderland est juste un immense jeu en ligne aux graphismes impeccables. Mais du point de vue de l’expérience, les gens qui s’y connectent ont l’impression d’être dans une réalité virtuelle totale : ils sont coupés de leur corps réel et ressentent totalement le monde de Wonderland : par la vue, par l’ouïe, mais aussi par l’odorat, le goût et le toucher. Tout ça, c’est ce que les initiés appellent la Face Blanche de Wonderland. Parce que les initiés savent qu’il y a une Face Noire. Niveaux cachés, backdoors de hackers, sites pirates, microcosmes craftés échappés au contrôle, bugs de la matrice, coursives de développeurs ou véritable service occulte pensé par la société mère, il y a tout un monde, ou plutôt des grappes de mondes auxquelles on accède par des portes dérobées depuis la Face Blanche. Si la Face Blanche est aseptisée, bien-pensante , cartoonesque et colorée, la Face Noire est une réplique sombre de la Face Blanche. Elle suit toujours les thèmes d’Alice au Pays des Merveilles ou en fait une lecture adulte. Dans la Face Noire, tout est permis : violence, pornographie, extrêmisme politique et religieux. La Face Noire est vraiment étrange : il semblerait qu’on peut aussi y accéder directement depuis le réel par des logs pirates, ou en rêvant, en hallucinant ou en se droguant.

Wonderland est un jeu sur la réalité virtuelle, sur internet, les réseaux sociaux, les addictions, la perte de notion du réel, l’identité, les métamorphoses, la solitude, la transgression et la subversion, la perte de l’innocence. Les joueurs incarnent des habitants d’une même grande ville, des proies, des prédateurs ou des protecteurs dans toutes les dimensions du réel : la vraie vie, la Face Blanche, la Face Noire, les rêves, les trips psychotropes et les hallucinations. Pour finir avec mes intentions de jeu, je dirai que c’est plutôt du jeu en campagne, que le contenu (sexe, violence) sera adaptable au public et qu’il y aura deux modes de partage des responsabilités (un partage serré et un partage large).

J’avais donc l’univers en tête depuis deux ans, mais il me manquait le système. J’avais bien participé à l’écriture d’une soirée enquête sur le thème d’ Alice au Pays des Merveilles il y a quelques années, mais ça n’était quasiment qu’un travail sur l’univers, pas sur le système. Alors que j’ai bouclé quelques playtests décisifs d’Arbre qui m’ont permis de finaliser son système, il s’est libéré de la place dans mon cerveau (il faut croire que j’y ai une partie dédiée aux systèmes de jeu de rôle) et en quelques jours, les grandes lignes du système de Wonderland, hack des Cordes Sensibles de Frédéric Sintes, d’Inflorenza et d’Arbre, me sont apparues. Le fait d’avoir participé au Podcast Outsider sur l’onirismem’a également fourni les billes qui me manquaient en terme d’univers et de thématiques.

Deux semaines plus tard, je trouve un créneau pour faire un premier test. Joie !

Comme vous pourrez le lire plus bas, le système est encore complètement en chantier. Si on a pu jouer une vraie partie (2h3/4 environ), il reste plein de choses dysfonctionnelles. Je serai heureux de collecter vos remarques, vos questions ou vos suggestions !


Création de personnage :

Wonderland se joue avec un jeu de cartes classique (y compris les jokers), des post-it (à coller sur les cartes) et des crayons.

On commence par définir ensemble le niveau de sexe et de violence maximal qu’on peut accepter durant la partie. Les joueurs me répondent qu’on n’a pas besoin de se censurer (nous sommes un groupe d’amis qui ont une longue expérience de jeu commune). Donc, en gros on joue en Je ne t’abandonnerai pas.

On met les figures dans une pile à part (roi, dame, valet et as sont considérés comme des figures) et chacun en tire une. A chaque figure du jeu correspond un personnage d’Alice au Pays des Merveilles dont on peut s’inspirer, légèrement, lourdement ou pas du tout pour designer son perso. Kevin tire l’Enfant-Porc, Namik l’Infant (c’est le nom que je donne au jeune damoiseau en armure qui vainct le Jabberwocky), Anna le Lièvre de Mars et moi la Cuisinière. On colle sur chaque carte un post-it pour désigner le personnage, et on prévoit d’y ajouter plus tard le nom du personnage, qui peut être différent (ainsi, Namik appelera son perso Jules et Anna son perso Philippe). Kevin et moi nous nous bornerons à l’Enfant-Porc et la Cuisinière.

Ensuite, on tire une première carte qui va définir la chose qui lie tous les persos. On tire le Roi de Pique, c’est une figure. Personnage de De l’autre côté du miroir, le Morse est un glouton enjôleur qui berne des huîtres, se prétend leur ami et leur chante une berçeuse qui les endort. Quand elles sont endormies, il les dévore. Dans mon interprétation, le Morse est un social, un prédateur qui s’attire la confiance de ses proies avant d’abuser d’elles. Il peut tout aussi bien être un arnaqueur, un prédateur sexuel ou un tueur en série.

On définit qu’on est tous liés au Morse, mais on fait l’économie de préciser comment [faille du système, à corriger].

Ensuite, chaque joueur crée son personnage en tirant 5 cartes. Les figures tirées sont des PNJ alliés. Les autres scores, de 2 à 10, sont appelés des arcanes. On choisit une arcane de chaque couleur qui devient une caractéristique. Cœur correspond à la carac Charnel, Pique à Mental, Trèfle à Social et Carreau à Réél. Comprendre : Charnel = santé physique, combat, sexe, désirs. Pique = santé mentale, volonté, objectifs, manipulation mentale, psychisme. Social = réputation, influence, baratin, charisme, extraversion, secrets, solitude, faire « popper » des personnages. Réel = capacité à influer sur le réel (réaliser des choses) et sur le virtuel (crafter les univers virtuels, faire « popper » des objets, manipuler le virtuel).
Plus une carac est élevée, plus on est en meilleure santé de ce point de vue-là. Plus une carac est faible, plus on est puissant de ce point de vue-là. Si une carac tombe à 1, on meurt.

Si on a plusieurs arcanes d’une même couleur, on choisit une pour sa caractéristique.

Si on n’a pas pioché toutes les couleurs, et bien on n’a pas toutes les caractéristiques (ainsi, sans carac Réel, on ne peut pas crafter l’univers virtuel de Wonderland).

Une carac peut être utilisée dans un conflit pour annuler une carte adverse de valeur supérieure ou égale à la carac. Dans le playtest, c’était le MJ qui validait l’usage de la carac. Je devrais tester ultérieurement si ce n’est pas plus intéressant de laisser le joueur décider de quelle carac il utilise (en partant du principe qu’on peut résoudre un problème en utilisant indifféremment une des quatre carac, et de modifier sa description en conséquence. ).

Si on veut développer les carac qui nous manquent ou augmenter une carac, ça doit faire l’objet d’une quête pendant le jeu.

Sur chacune de ses cartes caractéristique, on colle un post-it avec le nom de la carac.

S’il reste des arcanes, elles peuvent servir pour créer des lieux, des objets, des sentiments, des objectifs, des liens avec d’autres PJ/PNJ. Pour créer ces arcanes, on peut s’inspirer un peu, beaucoup ou pas du tout des thèmes associés à chaque couleur : cœur Charnel, pique Mental, trèfle Social et Carreau Réel. Idem, on colle des post-it avec le nom de l’arcane (« mon nounours fétiche », « mon amphi d’université », « j’ai peur de Jack »…). On peut aussi s’inspirer de la valeur de l’arcane pour la rédiger, sachant que 2 est la plus faible valeur et 9 la meilleure, mais c’est pas obligé (quelque chose peut être important pour notre personnage et finalement peu puissant dans la fiction). On peut éventuellement affecter une arcane à un de ses PNJ. [A tester : dans l’éventualité où les PNJ sont peut-être des avatars surnuméraires de son PJ, je me demande ce que ça donnerait de dire que le PNJ peut utiliser les arcanes du PJ][et aussi, créer une arcane pour un de ses PNJ, et permettre ensuite au PJ de l’utiliser ?]

On peut aussi laisser ses arcanes vierges, pour pouvoir les décrire à la volée, n’importe quand en jeu. Si on décrit une arcane à la volée, il faut que ça soit cohérent avec ce qui a été dit dans la fiction = pas de création « magique » ou « deus ex machina » ou « ex nihilo » de nouveau élément du genre : « au fait, je vous ai pas dit, mais j’ai une hache ». [On s’est demandé si on pouvait permettre des créations « ex nihilo » dans le cas des arcanes de Carreau (Réel). Mais pas testé. A voir si je ne préférerais pas une confrontation de la carac Réel contre la valeur du décor pour permettre des écritures d’arcanes ex nihilo.][Je réalise que je pouvais aussi laisser la possibilité de décrire les figures à la volée. A tester next time]. [Je me demande s’il faudrait permettre de pouvoir créer n’importe quelle arcane « ex nihilo » en disant, comme dans Arbre, qu’il ne s’agit pas forcément de la réalité, mais de la vision que le personnage a du monde. Est-ce à dire que le décor pourrait déclarer nulle la valeur d’une arcane quand elle lui paraît impossible ? Ne devrait-il pas plutôt tempérer la déclaration du joueur au sujet de son arcane et surenchérir avec une nouvelle mise d’arcane de son côté ? Grosse question. A tester pour voir si la table se régule elle-même ou si cette permission de créer des arcanes « ex nihilo » entraîne des problèmes de positionnement et de crédibilité.]

La carte Joker est spéciale : elle permet d’imposer à tout moment à un groupe de personnages réunis dans le même lieu une confusion de réalité : le lieu s’avère être en fait la Face Blanche alors qu’on croyait que c’était la Face Noire, la vraie vie alors qu’on croyait que c’était un rêve, un cauchemar alors qu’on croyait que c’était la réalité… On peut tenter la même confusion avec une arcane, mais le joker est incontrable. Une fois utilisé, il est remis à la pioche.

On peut décrire son personnage dès le départ, ou attendre de voir comment le jeu évolue pour le décrire plus tard. Mais dans ce playtest, tous les joueurs ont décrit leur personnage de suite.

+ Kevin joue donc l’Enfant-Porc, un jeune homme qui a subi une ablation du tube digestif dans sa jeunesse. Depuis, il ne peut pas manger autre chose qu’en perfusion sous peine de devoir tout régurgiter, et surtout il a perdu le sens du goût. Pour le retrouver, il s’aventure dans la Face Sombre où le Loir, un dealer, lui vent une drogue qui permet de tester le goût des aliments. En théorie, cette drogue ne fonctionne que sur la Face Sombre. [Kevin ouvre une porte phénoménale : on peut imaginer des aveugles, des sourds-muets ou des handicapés qui vont dans Wonderland pour expérimenter leurs facultés perdues.]. Son avatar dans Wonderland est à son image.

+ Namik joue Jules (figure : l’Infant), un enfant qui est battu par son père. Il utilise Wonderland pour fuir la réalité désastreuse où il vit. Son avatar dans Wonderland est à son image.

+ Anna joue Philippe (figure : le Lièvre de Mars), un cinquantenaire. Il a deux fils et deux filles, tous de jeunes adultes qui ont tous quitté le foyer et ne lui donnent pas souvent de nouvelles. Quand ils lui offrent un ordinateur pour le distraire de sa solitude, il sombre dans la dépendance à internet, et Wonderland devient vite le lieu privilégié de ses compulsions. La dépendance de Philippe a commencé avec quelques recherches sur Wikipédia, et aboutit aujourd’hui sur des requêtes pédopornographiques. Philippe est prêt à découvrir des choses de plus en plus extrêmes pour tromper son ennui et sa solitude. Avatar : lui-même, mais habillé en lord anglais excentrique.

+ Je joue la Cuisinière. J’ai la vingtaine, je suis jolie, rousse, 1m 60, ambitieuse et passionnée par la cuisine. Pour gagner ma vie, je donne des cours de cuisine en ligne dans Wonderland. C’est une société anonyme qui me paye et donne la charte graphique du cours : je dois avoir un avatar de vieille mégère hystérique, et avec mes couteaux, je dois trancher les membres des apprentis qui ratent leur recette. En parallèle de ce travail, je participe à un grand concours de cuisiniers télévisé dans la vraie vie. Cumuler mon travail et ce concours impitoyable commence à peser sur mon mental et sur ma fatigue. Je suis à bout de nerfs. Avatar : le personnage de la Cuisinière dans Alice aux Pays des Merveilles, c-a-d une vieille mégère ultraviolente.


Scènes, résistance et conflits :

Dans ce jeu, la fiction est découpée en scènes qui mettent alternativement chaque personnage sous le feu des projecteurs. Les scènes sont séparées par des ellipses dont on ignore le contenu, et démarrent souvent in media res, pour simuler le fait que les usagers de Wonderland perdent la notion du temps. Quand une scène commence, un joueur se désigne pour que son personnage soit le héros de la scène (c’est au feeling, pas d’ordre préétabli), et pioche une carte. Cette carte pourra être une nouvelle figure ou une nouvelle arcane, il peut la décrire tout de suite ou plus tard dans le jeu (cf règles de création de personnage).

Une fois que le joueur héros s’est désigné (ou avant), un joueur se désigne pour décrire le décor et les figurants : on l’appelle le joueur du décor et c’est un peu le MJ de la scène (même si les autres joueurs peuvent aussi contrôler des PNJ). Le joueur du décor pioche 5 cartes qu’il va pouvoir utiliser pour son décor : les figures seront des PNJ, les arcanes seront des lieux, des pièges, des portes, des objets ou des traits « lootables ». Il peut échanger certaines des figures piochées contre des figures de sa main, et certaines des arcanes piochées contre des arcanes de sa main de valeur supérieure ou égale. S’il a pioché un joker, il peut s’en servir, tout comme un joueur, pour introduire une confusion de réalité. [J’avais prescrit qu’on ne puisse pas mettre le joker dans sa main, mais je vais tester de le rendre possible. Car le joker pioché par le décor était aussitôt utilisé, remis dans la pioche, et comme la taille de la pioche diminuait en cours de jeu, le joker revenait trop souvent.]

Lors de ce playtest, j’ai prescrit une utilisation assez rigide des cartes de décor : il fallait toutes les poser dès le début de la scène, de sorte à constituer un mini-portes monstres trésor avec les cartes. Le visuel avait beaucoup d’importance, les cartes de lieux servant de « cases » pour localiser les personnages, les portes étant placées face cachée, et tous les pièges et objets lootables étant glissés sous les lieux. [Les testeurs m’ont fait remarquer que c’était difficile à comprendre et contre-intuitif. Next time, je proposerai aux joueurs d’utiliser les cartes de décor comme bon leur semble, en gardant à l’idée que ce sont des figures et des arcanes, et qu’ils sont invités à jouer avec le visuel : posé sur la table / caché dans la main, posé face visible / posé face cachée, cartes uniques / empilées). ] J’ai proposé que le joueur du décor décrive chaque arcane dès le départ, mais en jeu on s’est vite rendu compte que c’était trop lourd, et les arcanes étaient décrites à la volée, et on n’utilisait les post-it que pour les figures et les arcanes de lieux.

Pour bien comprendre le système, expliquons d’abord comment fonctionne une arcane de lieu. Un lieu est une zone de la vraie vie, de la Face Blanche, de la Face Sombre, d’un rêve ou d’un trip psychotrope. La valeur du lieu représente une difficulté à atteindre en cas de résistance du lieu. En gros, dès qu’un joueur veut faire quelque chose dans le lieu et que le joueur du décor estime qu’il y a résistance, il utilise la valeur du lieu. Si un PJ affronte une figure dans un lieu donné, la valeur de la figure correspond à la valeur du lieu. S’il y a plusieurs figures, chaque figure possède la valeur du lieu. On peut glisser des arcanes sous un lieu pour booster sa valeur sur un certain critère : sécurité, piège, épreuve à l’intérieur du lieu… Et enfin, on peut glisser sous le lieu des arcanes à looter.

On peut remplir un lieu de PNJ même si on n’a pas de figure. Ces PNJ ne peuvent pas quitter le lieu (contrairement aux figures), on considère en fait qu’ils en font partie (ils sont indifférenciés du lieu en cas de conflit). [Je n’avais pas prévu ce qu’on pouvait faire si un PNJ incorporé à un lieu prenait de l’importance dans la fiction. Je suppose qu’on pourrait autoriser le décor à piocher une figure pour le représenter]


La résistance se gère ainsi : on joue des conflits entre deux coalitions, une coalition pouvant comprendre des PJ, un lieu et des figures. On définit l’objectif de chaque camp lors du conflit, et ensuite chaque camp empile les arcanes qu’il peut utiliser dans le conflit ou impose l’adversaire de remettre une arcane face cachée en utilisant une caractéristique, ou plusieurs arcanes en concédant des blessures sur une caractéristique. [NB : au départ, j’avais défini qu’on pouvait utiliser une arcane si elle était une motivation ou une ressource dans le conflit, mais en cours de jeu, j’ai admis qu’il était aussi intéressant d’utiliser une arcane si elle était un handicap, comme dans Inflorenza.]

Au final, c’est le camp avec la valeur la plus élevée qui gagne, ou le camp du PJ héros en cas d’égalité.


A tout moment de la scène, un joueur peut intervenir en incarnant son PJ ou certaines de ses figures (il peut incarner plusieurs figures à la fois mais pas à la fois son PJ et des figures). Ces figures peuvent entrer dans un conflit, elles clonent la valeur faciale du lieu + la valeur d’arcanes que leur joueur peut leur affecter.

Entre joueurs, on peut se transmettre des arcanes vierges ou déjà décrites durant une scènes.

Si à un moment donné, il y a deux joueurs de plus dans le camp du décor que dans le camp du héros, alors le joueur du décor peut piocher une carte supplémentaire, et ainsi de suite si d’autres joueurs viennent encore s’ajouter au camp du héros.

Quand la scène est terminée (et cette échéance est à l’appréciation de la tablée), les figures et les arcanes de lieux sont stockées dans une réserve. Le prochain joueur du décor pourra ainsi échanger ses cartes contre des cartes de la réserve (de valeur inférieure ou égale en ce qui concerne les arcanes). [A tester = cette réserve sert à limiter le nombre de figures et de lieux rencontrés, pour avoir une certaine cohérence. Le problème, c’est que la taille de la pioche diminue drastiquement avec le temps de jeu. En 2h de jeu, on l’avait presque entièrement bouffée. A tester : à la fin de la scène, le joueur du décor ne met dans la réserve que les lieux et les figures qu’il juge importants.]



Fiction :


Scène 1 (décor joué par moi):

Jules fête son anniversaire dans Wonderland. Comme il n’a pas d’amis dans la vraie vie, il a invité plein dans Wonderland (invitation massive dans le style des évènements facebook). Son anniversaire se passe dans un parc d’attraction. La fête est animée par un lapin blanc géant (un mob ? – aka les créatures de Wonderland qui sont des intelligences artificielles et non des avatars – un avatar salarié ?). Il y a beaucoup d’enfants, mais quand Jules leur demande quel cadeau ils leur ont apporté, les enfants (ou les gens avec des avatars d’enfants) protestent que ce n’était pas prévu, que pour eux l’évènement était gratuit. Les enfants disparaissent un à un (ils se déconnectent du lieu). Il ne reste plus que l’Enfant-Dodo, un enfant avec un masque de dodo. Il offre à Jules un cadeau. Quand Jules le déballe, c’est un chat mort et visiblement il a été roué de coups. Jules veut refuser le cadeau, l’Enfant-Dodo se fâche. Tweedle-Dee et le Loir (deux figures de Kevin) se joignent à la fête ratée. Tweedle-Dee prétend vouloir être l’ami de Jules. Il l’entraîne dans le parc d’attraction désert, la nuit tombe. Ils entrent ensemble dans un Tunnel de l’Amour. [J’avais prévu un deuxième lieu, la chambre de Jules dans la vraie vie, où serait intervenu son père violent, mais l’intervention des figures de Kevin m’en a dissuadé.]


Scène 2 (décor joué par Anna) :

L’Enfant-Porc se balade dans la Face Blanche, dans une magnifique roseraie. Il entrevoit une fleur magnifique, qui a l’air délicieuse, mais elle est au sommet d’un buisson de ronces.

L’Enfant-Porc rencontre la Cuisinière dans la roseraie. Elle a entendu parler de son handicap et souhaite le recruter comme goûteur pour son émission de cuisine. L’Enfant-Porc veut goûter la fleur d’abord. Avec ses couteaux, la Cuisinière l’aide à escalader les ronces. La fleur s’avère être une fleur en bonbons de gélatine, colorée, gourmande. Avant de dévorer la fleur, Jules a besoin de consommer la drogue qui lui donne le goût. Il appelle son dealer, le Loir [le joueur héros a le droit de faire intervenir ses figures pendant sa scène]. Le Loir lui passe la drogue, c’est en fait un biscuit Oreo qui « glitche », comme s’il était mal scripté. Le Loir essaye de refourguer d’autres cames à la Cuisinière, mais elle veut juste goûter un Oreo. Comme elle n’a pas perdu le sens du goût, le biscuit fonctionne différemment pour elle. Elle se met à saliver abondamment. L’Enfant-porc dévore la fleur avec délices.


Scène 3 (décor joué par Namik) :

Philippe, dans sa recherche de visions toujours plus extrêmes, se retrouve perdu dans la Face Sombre. Il est dans une boîte de strip-tease où se produisent femmes et transgenres de 7 à 77 ans. La Cuisinière se retrouve dans le même endroit. Elle a goûté à la fleur et ça l’a transporté dans la Face Sombre. Avec Philippe, ils cherchent une issue. Il y a justement une issue de secours, mais en la passant, ils découvrent derrière le Roi de Cœur, un énorme sado-masochiste tout harnaché de cuir qui visiblement veut ajouter Philippe à son tableau de chasse. La Cuisinière le massacre à coup de couteau de cuisine, persuadée qu’il s’agit d’un mob, qu’il n’est pas réel, et que les coups de couteau ne le tuent pas mais annulent sa réalité. Derrière, il y a un hangar désaffecté puis un ascenceur par lequel Philippe et la Cuisinière prennent la fuite.


Scène 4 (décor joué par Namik) :

Dans la vraie vie, c’est la finale du concours de cuisine. C’est le moment pour la Cuisinière de tout donner. Mais c’est difficile, elle est vraiment à bout de nerfs. L’épreuve est complètement absurde : le jury du plat sera constitué de personnes privées du sens du goût. C’est l’Enfant-Porc qui dégustera le plat de la Cuisinière. Elle essaye de lui envoyer un sms tout en cuisinant, mais les caméras sont partout, alors elle doit y renoncer. Alors qu’elle veut goûter son plat, elle constate qu’elle a aussi perdu le sens du goût ! Surement un effet pervers du biscuit Oreo consommé sur la Face Blanche ! [je viens alors d’improviser une arcane « perdu le sens du gout », que j’utilise dans le conflit comme handicap].
Je tente de me ressaisir, la victoire est proche (matérialisée par une arcane de valeur 9 posée par Namik). J’utilise mon agueusie subite comme un atout : j’avais mis plein d’épices dans mon plat, mais je réalise qu’aussi relevé le plat soit-il, l’Enfant-porc n’en sentira pas le goût. Je décide alors de tout miser sur le visuel : je fais une choucroute qui éveille des souvenirs de gourmandise, de rusticité, de temps ancien. L’Enfant porc la dévore avec gloutonnerie et je remporte le concours.

Mais Namik utilise sa carte Joker : ce n’était qu’un rêve !
[Je réalise que cette prestation aurait pu être récompensée par un don d’arcane. A voir si je permet au joueur du décor de piocher une arcane pour en faire un don d’approbation à un joueur.]

Je me réveille en sursaut dans mon lit, en nage, salivante. Ma trousse à couteau est posée sur ma table de chevet (elle est posée là car j’ai peur de l’oublier en partant au concours le matin). Je me saisis d’un couteau et je lacère l’air avec hystérie.


Scène 5 (décor joué par moi) :

Philippe a été appelé par Guillaume, un de ses fils. Il n’a pas le temps d’aller le voir en vrai, mais veut bien lui accorder un peu de temps dans la Face Blanche de Wonderland. Il lui donne rendez-vous au salon de thé, il a « une grande nouvelle à lui annoncer ». Le salon de thé est la table de jardin où le Chapelier Fou et le Lièvre de Mars prennent le thé dans Alice au Pays des Merveilles. Curieusement, le Loir et Tweedle-Dee sont présents aussi.

Philippe reçoit un coup de fil, c’est une de ses deux filles, La Cuisinière [il me semblait important de resserrer les liens avec ce perso], qui l’appelle pour lui dire qu’elle n’a pas le temps de le voir avec le concours, mais plus tard, elle pourra.

Guillaume n’est pas au rendez-vous. En revanche, Philippe fait la rencontre de Jules. Jules lui explique qu’il cherche une famille de substitution, une famille qui l’aime. Philippe lui dit qu’il veut bien être son père, qu’il l’adopte. Ils se serrent dans les bras l’un de l’autre.

Le Chapelier Fou est probablement un mob. Il a un sourire narquois et il « glitche », comme le biscuit Oreo. Il apporte un téléphone style 1900 posé sur une assiette. Un coup de fil pour Philippe. C’est Guillaume : il lui demande de le rejoindre à la Salle de Rencontres de la Reine de Cœur. Il veut lui présenter quelqu’un.

Philippe s’y rend. Jules, le Loir et Tweedle Dee lui emboîtent le pas. C’est une salle souterraine dont l’entrée est dans un tronc d’arbre. Un escalier et un videur portant la livrée de Cœur. En donnant le nom de Guillaume, Philippe et ses « amis » peuvent rentrer.

La Salle de Rencontre de la Reine de Cœur est un grand salon éclairé en rouge par des lustres en forme de cœur. Tentures rouges, tables en forme de cœur rouge, convives humains et furries alanguis, achèvent de donner au lieu un air de club échangiste. Mais ce n’est pas le cas : nous sommes dans la Face Blanche où le sexe est censuré ! C’est un bar à câlins : ici, si on prend une conso, on donne tacitement le droit à toutes les personne présentes de vous faire des câlins.

Philippe n’apprécie pas du tout l’ambiance, il tâche de se dérober aux câlins. Guillaume est là. Il lui explique qu’il a enfin rencontré la personne qui fera son bonheur et veut la présenter à Philippe. Philippe est enthousiaste. La personne est derrière une tenture. Guillaume la dévoile.

C’est le Roi de Pique. Le Morse. Nous avons défini au départ que le Morse était la figure qui nous liait tous. Ici, c’est un homme élégant, cinquantenaire, les cheveux longs et attachés, poivre et sel. Il est bedonnant et arbore un sourire enjôleur. J’explique à Anna que sans le connaître, Philippe comprend que c’est un prédateur. Il se présente à Philippe : il s’appelle Mörs. Un prénom néerlandais. Il profite du bar à câlins pour faire une chaleureuse accolade à Philippe.

Philippe fait alors une scène à Guillaume. Il refuse qu’il fréquente Mörs, sans dire ses raisons (l’âge de Mörs ? Son sexe ? le fait que Philipe le soupçonne d’être un prédateur ?). Mörs proteste doucement, il avance des arguments de raison pour prouver qu’il fera le bonheur de Guillaume, que l’apparence, l’âge, le sexe n’ont pas d’importance. Mörs ne triche pas. Guillaume et lui n’ont pas d’avatar, même à Wonderland ils sont présents sous leur vrai jour. Philippe n’a-t-il pas le même âge que lui ? Devrait-il pour autant renoncer à l’amour ? Ne vient-il pas d’adopter un enfant dans Wonderland, s’apprêtant lui aussi à affronter les foudres des bien-pensants ?
Le Loir montre une caméra et sous-entend subtilement qu’il aurait déjà filmé les ébats de Mörs et de Guillaume.

Philippe renonce à gagner par les arguments. Il décoche une droite à Mörs, il veut littéralement lui casser la gueule. On joue un conflit, mais Philippe tombe à court d’arcanes, il perd. Pour expliquer sa défaite, je me rappelle que la violence est censurée dans Wonderland : quand il frappe Mörs, c’est comme si son poing était en mousse.

Les autres convives de la Salle se ruent sur Mörs et sur Philippe et les rouent de coups, tout aussi indolores. Bientôt, la salle devient un gigantesque pogo inoffensif. Mörs et Guillaume en profitent pour s’éclipser, laissant Philippe, seul, persuadé d’avoir laissé son fils tomber dans les mains d’un prédateur.



Conclusion :

Cette première partie me semble une réussite du point de vue de la fiction (l’esthétique et les sujets traités correspondaient à ce que j’imaginais) et du partage des responsabilités (aussi fluide qu’anarchique).

En revanche, la fiction n’était valable que si on la poursuit dans le cadre d’une campagne. Je me vois mal jouer à Wonderland en one-shot, de toute façon. Ça me semble un jeu à campagne, comme Arbre.

La partie était moins réussie du point de vue du système ! Je ne suis pas certain d’être bon du côté du positionnement, et la mécanique des arcanes et du décor ont paru hermétiques à mes joueurs. Besoin d’injecter de la fluidité et du freeform dans tout ça.

Namik a également fait remarquer l’absence d’enjeu au départ, que je devrais patcher par l’obligation de décrire une arcane d’objectif personnel lors de la création de personnage. Ce playtest portait sur le mode de partage de responsabilité large, je vais encore le tester cette semaine, je testerai le mode serré plus tard.
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Thomas Munier
 
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Re: [Wonderland] La Salle de Rencontres de la Reine de Coeur

Message par shiryu » 02 Juil 2014, 18:11

très intéressant.
J'ai une remarque sur le côté campagne : s'il est vrai que la fiction nécessite plus qu'un one-shot pour faire évoluer les personnage set pas juste raconter une nouvelle qui présenterait des personnages très "particuliers", je ne me vois pas non plus jouer une campagne très longue (jouer un perso aussi dérangé, ça peut m'amuser et présenter une expérience intéressante mais le tenir sur plus de 10 parties, j'ai peur que ce soit usant, voir dérangeant).
A voir comment les personnages évoluent (et comment le système va les amener à évoluer).
dernier article : mon premier jeu à venir
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shiryu
 
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Re: [Wonderland] La Salle de Rencontres de la Reine de Coeur

Message par Thomas Munier » 02 Juil 2014, 18:44

je manque de recul pour te répondre. mais à mon échelle, 10 séances, c'est déjà une très longue campagne, surtout avec un jeu en structured freeform où la fiction se déroule très vite ! Mes deux dernières campagnes avec des jeux structured freeform ont duré respectivement 3 séances (Inflorenza) et 5 séances (Arbre).
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Re: [Wonderland] La Salle de Rencontres de la Reine de Coeur

Message par Thomas Munier » 02 Juil 2014, 19:30

Je reviens sur ta remarque, Shiryu, au sujet des personnages "dérangés" que tu ne souhaiterais pas incarner sur une longue durée.

L'idée avec Wonderland, c'est de proposer, même dans le mode de partage de responsabilité large, un jeu qui offre de plaider pour son personnage. Rien ne te contraint à créer un personnage "dérangé" ou à le faire se comporter de façon bizarre. C'est le monde de Wonderland qui est bizarre, pas ton perso. Le mode de partage de narration fait que quand tu interprètes ton personnage, tu n'interprète que la volonté et les propriétés de ton personnage (et éventuellement des PNJ alliés de ton personnage, mais tu peux les voir comme un prolongement des propriétés du personnage, puisque ce sont des alliés, ou tu peux éviter de les interpréter en même temps que ton personnage, voir ne jamais les interpréter du tout, en les laissant interpréter par le joueur du décor) [Note à moi-même : je devrais peut-être proposer de pouvoir défausser les figures pour retirer des arcanes], tu ne contrôle pas l'adversité en même temps, tu n'as pas à faire des choix d'auteur (tu peux en faire si tu veux, mais tu n'es pas obligé).

Partant du principe que c'est un jeu où l'on défend les intérêts de son personnage, tu peux incarner un personnage sain d'esprit si c'est ce que tu veux. Tu dois remarquer que lors du contrat social, on avait voté pour du Je ne t'abandonnerai pas. C'est un signe fort que la tablée avait envie d'incarner des personnages borderline, et je crois que tout le monde l'a fait en défendant les intérêts de son personnage. Si tu analyses ces persos, tu verras aussi qu'ils avaient avant tout des problématiques humaines : renouer avec un sens perdu pour l'Enfant-Porc, trouver l'amour et la sécurité pour Jules, tromper la solitude et protéger ses enfants même s'ils l'ont abandonné pour Philippe, vaincre l'adversité pour trouver la reconnaissance et vivre pleinement de sa passion pour la Cuisinière. ça me paraît des arcs narratifs tout à fait intéressants à développer en campagne.
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Re: [Wonderland] La Salle de Rencontres de la Reine de Coeur

Message par Thomas Munier » 02 Juil 2014, 19:48

Pour dire les choses comme elles me viennent : la responsabilité du caractère dérangeant d'une partie vient aussi du joueur du décor. Le joueur du décor ne doit pas se sentir obligé de constamment maltraiter le héros. Il peut utiliser son rôle pour permettre au héros des scènes de repos où le héros développe son personnage : aucune obligation de jouer un conflit pendant une scène.
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Re: [Wonderland] La Salle de Rencontres de la Reine de Coeur

Message par Fabien | L'Alcyon » 04 Juil 2014, 22:06

Salut Thomas,

C'est cool que tu te lances dans ce projet ! J'aime beaucoup l'esthétique générale et je trouve intéressant d'utiliser Alice au Pays des Merveilles, qui est effectivement très dérangeant: à la fois un univers destiné à des enfants, et en même temps très perturbant, au moins d'un point de vue logique, si ce n'est éthique !

En revanche, j'ai le sentiment que ton système et notamment la mécanique de résolution pourraient être encore bien améliorés. Je te propose trois axes de réflexion en les reliant à Les Cordes Sensibles puisqu'il s'agit de ton modèle de départ (ce qui ne veut pas dire qu'il faille y coller, juste que c'est un jeu mature, donc ça vaut la peine de comprendre quels sont les choix que Fred a fait).

1. Je crois que les objectifs des personnages mériteraient d'être plus construits: quels sont-ils ? il y a-t-il des étapes pour y parvenir ? qu'est-ce qui les empêche d'y parvenir ? qui veut les empêcher d'y parvenir et pourquoi (pour les protéger, parce que ça interfère avec leurs buts, etc.) ? qui les soutient dans leur quête ? Il n'est pas nécessaire que la préparation réponde à toutes ces questions, mais si elle en aborde, ça peut être intéressant.
Dans LCS, le Problème du personnage contient son objectif et quelque chose qui le retient (puis-je parvenir X alors que Y ?). Les obstacles internes et externes touchent à ce qui le limite. On sait qu'il y aura au moins 3 ou 5 étapes pour le résoudre (et c'est le joueur lui-même qui décide si une scène a permis au personnage d'avancer ou pas). Au moins un autre personnage est lié au Problème parce qu'il veut aider ou contrecarrer le personnage.
Dans ton jeu, le personnage central qui lie tout le monde pourrait être un Antagoniste intéressant pour donner du relief à l'ensemble, mais attention à lui donner de bons motifs d'action sous peine d'en faire un méchant d'opérette. Lier les personnages les uns aux autres est également un truc éprouvé mais toujours intéressant (je te suggère de revoir ce que Fred propose dans LCS comme types de relations).

2. La deuxième piste est liée à la première: dans les conflits, qui s'oppose au personnage et pour quelle raison ? Dit autrement: qu'est-ce qui résiste dans ta résistance asymétrique ?
Dans LCS, ce sont les autres personnages qui ont un point de vue différent de celui du protagoniste sur son problème qui s'opposent à lui - c'est d'ailleurs pour ça que LCS est résolument un jeu à proposition créative narrativiste: on confronte des positions éthiques divergentes.
Résister parce que le jeu le demande n'est absolument pas intéressant et c'est le propre de beaucoup de machines à saucisse. Il faut que les joueurs ou les personnages aient une bonne raison de le faire.
Si par exemple l'Antagoniste envoie des subordonnés (sous-programmes, laquais...) pour tenter/affronter/tester les personnages, là ça devient beaucoup plus intéressant et on sait pourquoi résister à l'autre. Ca devient passionnant parce qu'il y a un vrai enjeu pour chacun !

3. Mais il y a une autre raison pour laquelle LCS est un jeu à proposition créative narrativiste: on s'intéresse au choix que font les personnages et à leurs conséquences. Cela suppose donc que les choix des personnages aient des conséquences et pas seulement des conséquences fictionnelles.
Ici, ces conséquences ne sont pas très claires pour moi. C'est d'autant plus problématiques que c'est souvent là que se trouve l'enjeu principal du jeu !
Dans LCS, les conséquences sont soit fictionnelles (bien sûr, toujours) et quand elles sont transcrites sur la feuille de personnage portent sur son état affectif (jauge de Sentiments et liste de sentiments) ou sur son identité (les Traits, avec notamment ses relations aux autres et ses croyances).
Comme Wonderland porte sur la perte de l'innocence et la construction de l'identité, peut-être que ça vaudrait la peine que les conséquences "mécaniques" portent là-dessus. Par exemple on pourrait trouver une manière élégante pour qu'à chaque conflit la perte de l'innocence soit une option (positive ou négative) ou une conclusion (positive ou négative) ou un enjeu (positif ou négatif). Par exemple si la perte de l'innocence permet de grandir et donc de devenir plus fort, ça peut être intéressant - mais alors que vont dire les ami-e-s qui ne te reconnaissent plus ? pourras-tu encore compter sur eux ? Si la perte de l'innocence est quelque chose que recherche l'Antagoniste, ça peut également être intéressant, ça peut être pour lui une motivation valable et fertile.

T'engager vers une proposition créative narrativiste peut être intéressant, d'autant que par expérience elle marche bien avec les thèmes de la perte de l'innocence et de la construction de soi - grandir, c'est faire des choix douloureux, y'a qu'à voir Dogs in the Vineyards. Mais il faudrait alors renforcer les buts des personnages et les conséquences des conflits pour que les choix moraux soient clairs pour les joueurs (sans être forcés).

Bon, mais que ces suggestions critiques ne te désarçonnent pas ! Ton projet est vraiment passionnant, ça vaut la peine de le développer à son plein potentiel ! Bon courage !
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Message par Thomas Munier » 05 Juil 2014, 12:01

Merci Fabien pour toutes ces suggestions ! ça me donne indéniablement du grain à moudre !

Je suis tout à fait d'accord que la mécanique en est encore à ses balbutiements ! Toute remarque est bonne à prendre à ce stade.

1. Problèmes, obstacles, schémas relationnels

J'aime beaucoup en effet le fait que dans LCS, le joueur déterminé un Problème pour son personnage et un Obstacle qui s'oppose à la résolution du problème. Les schémas relationnels de LCS me plaisent beaucoup aussi (à part peut-être le fait de devoir lier tous les personnages entre eux. C'est un truc que Fred fait aussi avec Démiurges, c'est riche, mais à la limite je trouve ça trop riche, je préfère certains liens se créer en cours de jeu plutôt que de lier tout le monde tout de suite. mais je ne sais pas encore si c'est le fait de lier ou tout le monde ou de tracer tous les liens dans la mécanique qui m'ennuie, et je ne sais pas encore exactement pourquoi je n'aime pas ça.).

Je playteste à nouveau ce soir, je vais essayer la chose suivante :
- Etape 1 : on tire le Problème commun (une figure ou une arcane) et on explique un peu c'est quoi.
- Etape 2 : chacun tire une figure pour son personnage (c'est sans doute mieux de savoir quel est le Problème commun avant de commencer à imaginer son perso).
- Etape 3 : chacun tire 5 cartes, pour déterminer ses arcanes et ses figures. Exit les caractéristiques, je veux voir si je peux m'en passer. Une des arcanes doit être une description du Problème personnel du PJ (lié au Problème commun ou pas). S'il n'y a pas d'arcane dans la main, on défausse une figure et on repioche jusqu'à avoir une arcane. Une autre carte (arcane ou figure) doit être un lien entre le PJ et autre PJ, de préférence en lien avec le Problème.
- Etape 4 : chacun tire une carte, qui sera l'Obstacle qui s'oppose à la résolution de son problème personnel (du coup, çà peut être une arcane ou une figure, et si on veut précisément que ce soit l'un ou l'autre, on peut repiocher jusqu'à obtenir satisfaction. Une fois décrits, ces obstacles sont placés dans la réserve, à la disposition du joueur du décor.

2. Résistance asymétrique

Tu as raison de souligner que la résistance est mal définie dans mon prototype. Plusieurs joueurs m'ont demandé à plusieurs reprises quel était le but du jeu. Dans l'idée, ce sont des PJ, des PNJ ou le décor qui résistent contre un PJ, mais la raison de cette résistance est encore au bon vouloir des joueurs, et essentiellement liée à des notions de crédibilité plutôt que d'enjeu, comme dans les bons vieux jeux classiques. Le fait de connaître le Problème commun, les Problèmes et Obstacles personnels devrait déjà beaucoup mieux orienter le jeu de ceux qui endossent l'adversité (joueur du décor, et les autres joueurs qui peuvent utiliser leurs PJ ou leurs PNJ pour créer de l'adversité).

3. Choix et conséquences

Encore une fois, tu vises juste, le prototype gère mal les conséquences. Pour mon prochain playtest, j'ai prévu la chose suivante : on ne pioche plus de carte au début d'une scène, on pioche une carte quand se termine un conflit auquel on a participé, et cette carte peut servir à décrire les conséquences du conflit sur le personnage. Déjà, en terme de positionnement, c'est bien mieux, j'imagine.
Egalement, maintenant que j'ai dégagé les carac, l'idée c'est que pour remporter un conflit, on puisse twister en sacrifiant une arcane (mettons que sacrifier une arcane permette de masquer une somme de cartes adverses au moins égale à deux fois la valeur de l'arcane sacrifié). Le sacrifice volontaire d'arcane fonctionne super bien dans Démiurges (de Frédéric, toujours), c'est un point fort du système je trouve. Et çà repose plus sur le choix du joueur que la mécanique de gamble d'Inflorenza.

Motifs d'action du méchant.

Là, je sais pas ce que dois faire. Soit en effet on décrit plus les motivations du méchant dès le départ, soit on laisse volontairement dans le flou. Dans le playtest, j'ai bien aimé qu'on ne sache pas trop qui était le Morse, ce qu'il voulait, quels liens il avait avec les personnages. Son ombre a plané sur le jeu, et c'était passionnant de commencer à lever le voile sur la scène. Mais peut-être que ça laisse trop de responsabilité sur les joueurs, moins sur les mécaniques ?

propos large ou serré

là aussi, je suis embêté. Tu dis que le jeu porte sur la perte de l'innocence et sur l'identité, mais je sais pas encore s'il porte uniquement sur ça. En fait, je ne sais pas à quel point je veux serrer mon propos. Je sais que tu affectionnes les propos serrés, mais moi je ne sais pas si j'aime ça, si je veux ça pour ce jeu. Il y a pas mal d'autres thématiques, comme le vertige logique, la confusion entre le réel et l'irréel, la perte de la vie privée, et autres, qui m'intéressent. Sans doute que ces thèmes se recroisent bien, au final. Je me dis finalement que les carac seraient un bon moyen de soutenir un propos serré (comme la jauge de sentiments dans LCS) mais justement, je ne me résoudrai à mettre ça en place que si je veux reserrer mon propos. Je sais déjà que je veux lister très clairement les problématiques possibles, mais je ne sais pas encore à quel point je veux techniquer le traitement de ces problématiques, ou sélectionner certaines de ses problématiques.

Démarche narrativisite ou simulationniste

En fait, le coeur de mon problème, c'est que je ne sais pas encore si je veux soutenir une démarche créative narrativiste ou simulationniste. Le fait que je hacke à la fois LCS, Inflorenza (narr) et Arbre (sim) est symptomatique de cette tension. Je ne sais pas si j'ai plus envie d'élaborer et d'explorer l'univers de Wonderland avec les joueurs, ou si je préfère en faire le théâtre pour des dilemmes moraux. (bon, je crois que la démarche sim permet d'amener des dilemmes moraux, mais ils sont émergents alors que dans la démarche narr, ils sont le but du jeu)

Préparation vs émergence

Question sûrement liée à la précédente, mais je ne sais pas si je veux blinder trop ma préparation, par exemple en scriptant autant les Problèmes et les Liens que dans LCS. J'ai aimé que les situations émergent lors du playtest (mais mes joueurs n'ont pas forcément aimé, puisque justement ils voyaient pas où était le but du jeu), et que les motivations des uns et des autres se dévoilent petit à petit. Le fait que les cartes décrivent au moins des objets, des lieux et des PNJ que des sentiments participe de ma volonté aussi de créer un monde cohérent. Bref, je suis sans doute le cul entre deux chaises et je ne sais pas dans quel sens aller. Peut-être que je devrais une fois tester avec le système de LCS, une fois avec le système d'Arbre, pour voir vers où mon coeur balance (mais le risque est que je fasse deux parties différentes mais tout autant satisfaisantes).

Quand j'avais playtesté Démiurges, la créa de perso cadrait tellement (bien) les enjeux que ça donnait un peu l'impression que 50 % de la fiction était écrite avant qu'on commence à jouer. Même impression avec les soirées enquêtes. On a un script lâche, et on n'a plus qu'à le jouer. D'un côté, ça donne des parties intenses, mais de l'autre je crois que j'attends plus de surprise dans Wonderland.

problèmes gradués, conséquences scriptées vs freeform

Sans doute encore une question liées aux précédentes. Le fait de graduer les problèmes, de les découper en étapes, de faire valider ou non les étapes par le joueur, le fait aussi de scripter les conséquences, je ne sais pas si ça me plait. J'ai envie d'un jeu en structured freeform, et opérer tous ces découpages, même si ce sont des découpages dramaturgiques plus que des mécaniques de simulation, ça me paraît contre-intuitif. Je souhaite une pratique du jeu intuitive. Je n'arrive pas à savoir si la quantification (jauges, étapes, jetons) est compatible avec l'intuitivité. Après, je coupe les cheveux en quatre : Sphynx utilise des jetons, et c'est à mes yeux un excellent jeu structured freeform.
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Re: [Wonderland] La Salle de Rencontres de la Reine de Coeur

Message par Fabien | L'Alcyon » 09 Juil 2014, 21:12

Une manière intéressante de résoudre plusieurs de tes problèmes serait que l'Antagoniste central soit construit petit à petit, par les créations des joueurs durant la résolution d'un conflit (en gardant à l'esprit que le principe de Czege voudrait que dans la scène du joueur A ce soit plutôt le joueur B qui réponde à cette question, en lien avec le problème du personnage de A). Là aussi je suggère différentes catégories à remplir et compléter au fur et à mesure: buts, motivations, faiblesses, alliés, forces, etc.

Je t'invite à être circonspect quant au principe de "tirer une carte et s'en inspirer". Dans mon expérience, ça coupe un peu la chique ces joueurs. Pour rendre la création plus facile tout en restant proche de ce que tu veux faire, on peut imaginer que toutes les cartes soient retournées face découvertes (ou en tout cas, qu'un nombre conséquent de cartes le soient) et que le joueur prend la carte qui l'inspire le plus, crée à partir de ça et la met de côté ensuite.

Enfin, petit élément de réflexion: la communauté des bronies (= les fans hommes de My Little Pony: Friendship is Magic) sont depuis quelques temps sous le feu de la critique féministe qui leur reproche d'avoir transformé le fandom et le matériel de MLP:FiM en produisant des oeuvres jouant sur les codes de l'horreur ou du porno dans cet univers. Ainsi, ils ont corrompu un univers destiné à des petites filles en le rendant dangereux pour elles. Je trouvais que ça va exactement dans le sens de ton jeu !
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Re: [Wonderland] La Salle de Rencontres de la Reine de Coeur

Message par Thomas Munier » 10 Juil 2014, 07:45

Pour la construction de l'antagoniste, je vois bien un truc comme ça aussi. D'habitude, à la fin de chaque scène, on met de côté certaines des cartes utilisées par le décor dans une réserve, qui peut être réutilisée. Compartimenter cette réserve en fonction de l'Antagoniste ou du Problème central pourrait être une façon élégante d'utiliser ton idée sans trop formaliser la chose.

En fait, ce que tu dis est tellement intéressant que je pourrais faire la même chose pour les persos : faire une feuille de personnage, comme dans Arbre, pour ranger ses cartes : Lieux, figures, traits... Ce serait du hackage d'Arbre, mais ça pourrait être intéressant.

Concernant le tirage de cartes, je te promets d'y réfléchir. En playtest, ça ne fonctionne pas aussi bien que les thèmes d'Inflorenza. Je crois que ce principe de thème m'est cher parce que j'ai une grande aisance créative, mais je dois garder à l'esprit que ce n'est pas le cas de tout le monde.

Ce qui est important pour moi, c'est d'amener que les thèmes et le canon esthétique soient traités par la table. Mais je peux le faire de façon plus incitative qu'obligatoire de la façon suivante : transformer les thèmes et les éléments qui me sont chers en compartiment sur la feuille de personnage pour ranger ses cartes : Innocence, Réalité, Influence, Chair (et rajouter d'autres compartiments comme Lieux, Figures, Problèmes...). Et tu mets tes cartes dans le compartiment que tu veux, quelque soit leur couleur. Je m'éloigne d'Inflorenza (narr) pour me rapprocher d'Arbre (sim). Ce qui est sûr c'est qu'en faisant comme ça, j'ai beaucoup moins de problèmes de positionnement.

Je crois que je me suis mécaniquement senti obligé d'utiliser les couleurs des cartes. Mais c'est peut-être une erreur. Ou du moins je n'en propose pas la meilleure des utilisations. J'ai aussi une liste de Figures (ainsi, Alice est l'As de Carreau, le Morse est le Roi de Pique...) dont on peut s'inspirer (lourdement, légèrement ou pas du tout) pour créer ses figures, mais cette liste pose moins de problèmes que les significations des couleurs pour les arcanes. Dans ma version actuelle, j'avais Coeur = Innocence, Pique = Chair, Trèfle = Influence, Carreau = Réalité. En fait, j'avais très envie de m'inspirer de la symbolique du Val, de Romaric Briand. Mais c'est peut-être une erreur. Ou alors, vraiment garder cette symbolique en toile de fond, comme une inspiration et non un exercice imposé. Dessiner les symbole des couleurs au niveau des compartiments sur la feuille de perso peut être une bonne façon d'en garder trace sans que ça soit obligatoire.

En fait ma problématique, c'est une problématique de souffleur comme au théâtre : je veux qu'il y a ait un souffleur pour souffler les thèmes, mais je veux pas que les acteurs se sentent contraints de jouer le texte du souffleur, puisque, fondamentalement, ce sont des acteurs de théâtre d'impro. En impro, il y a l'arbitre, qui donne un thème de départ. Mais je crois pas que c'est ça que je veux non plus. Bon, il faut que je teste l'idée que je viens de vous présenter (la feuille de perso avec des compartiments à thème).

Merci, Fabien !

Sinon, le détournement de My Little Pony cadre en effet complètement avec l'ambiance de Wonderland. D'autant plus que Wonderland est un détournement d'Alice au Pays des Merveilles ! Le fait que le détournement de MLP se fasse sur un lieu (internet) où enfants aussi bien qu'adultes ont accès (et donc où les adultes doivent savoir que s'ils produisent du contenu porno, les enfants peuvent aussi bien y avoir accès). Je pense aussi pas mal au mouvement furry pour Wonderland. Et à l'idée que les amateurs de Wonderland fassent du cosplay IRL (imagine un adulte libidineux costumé en lapin blanc !) pour introduire la confusion entre le monde de l'adulte et le monde de l'enfance. (et potentiellement amener une réflexion : est-ce que pour préserver l'enfance, les adultes doivent s'interdire d'exploiter pour eux-mêmes les codes de l'enfance ?)
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