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[Inflorenza] Eteindre le Soleil

Message Publié : 11 Mars 2015, 20:14
par Thomas Munier
ETEINDRE LE SOLEIL

Premier test d'Inflorenza A Capella : une variante sans matériel : ni feuille, ni crayons, ni dés !

Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 11/01/15 sur google hangout avec Arjuna Khan (l'enfant sans mère) et moi-même (l'enfant albinos)

Image

crédit photo : diana_robinson, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com


Contexte :

Nous choisissons un petit théâtre, qui s'appelle Donjon Noir. Le décor est dark fantasy, la technologie est médiévale. A cause de l'épaisseur des arbres et du ciel, et d'une conjonction astrale funeste, il fait de plus en plus nuit, même en plein jour.

Les Horlas hantent les ruines de l'ancien monde, sous la terre.


Les personnages :

L'enfant albinos.

Il est considéré comme sacré, comme le porteur de lumière. On croit que ses membres peuvent régénérer. On lui a coupé un bras pour en faire un talisman, et vendu ce bras au Roi Sorcier, qui veut l'utiliser pour répandre les ténèbres sur le monde une bonne fois pour toutes.
L'enfant a fui sa tribu pour échapper à d'autres sévices, et pour se venger du Roi Sorcier.
Symboles : Vengeance, sorcellerie.

L'enfant sans mère.

Son père a été corrompu par le Roi Sorcier, il est devenu son bras droit et a commis les pires atrocités en son nom. Il a tué sa mère avec brutalité. L'enfant sans mère est à la recherche de son père, pour que justice soit faite.
Symboles : Justice, vérité.


L'histoire :

L'enfant albinos, première instance :

Les deux enfants, tous les deux à la recherche du Roi Sorcier, étaient faits pour se rencontrer. L'enfant albinos dit qu'il faut d'abord trouver une arme capable de tuer le Roi Sorcier. Ensemble, ils s'enfoncent au cœur de la forêt pour trouver la pythie, qui vit dans une grotte. Elle a un corps de jeune femme mais tremble comme si elle avait cent-vingt ans. Les enfants lui demandent quelle arme peut tuer le Roi Sorcier, elle répond : "allez trouver le Père des Ogres, encore plus profondément dans la forêt. Il m'a outragée par le passé et fait de moi le monstre que je suis. Tuez-le pour moi, et prenez son épée. Un seul humain ne peut la porter à lui seul, mais si vous vous en servez à deux, vous pourrez tuer le Roi Sorcier."

L'enfant sans mère, première instance :

Les enfants trouvent un vieux chêne immense et difforme. Une maison de pierre est perchée dans ces branches, c'est l'antre du Père des Ogres qui y dort. Seul un petit enfant peut monter dans les branches sans les briser. L'enfant sans mère est trop grand pour cela, il laisse l'enfant albinos monter seul. L'enfant albinos trouve le Père des Ogres endormi. Il lui fourre son bras valide dans la gorge pour l'étouffer. Le Père des Ogres meurt mais sa chair acide et verruqueuse corrompt le bras de l'enfant albinos. L'enfant descend de l'arbre avec l'épée du Père des Ogres. Il dit à l'enfant sans mère que si la corruption continue à ronger son bras, il va le perdre. Il sera manchot, incapable d'aider l'enfant sans mère à porter l'épée. En tant qu'albinos, s'il n'a pas les pouvoirs que lui confèrent la légende, il en a quand même certains. Il propose à l'enfant sans mère de lui confier sa corruption, pour équilibrer les handicaps. L'enfant sans mère accepte, il prend la corruption. Le bras de l'enfant albinos guérit aussitôt. L'enfant sans mère ne change pas d'apparence, mais sans le savoir, il s'apprête à vieillir prématurément.

L'enfant albinos, deuxième instance :

Les enfants gagnent la pyramide où officie le Roi Sorcier et ses séides. Cet édifice colossal est le seul qui dépasse les cimes des arbres. Ils profitent de leur petitesse pour déjouer la surveillance des gardes et atteignent le sommet de la pyramide où brûle un grand feu. Le Roi Sorcier est couvert d'une robe noire, faites de pièces de tissu, qui cache son corps et son visage. Des corps humains suppliciés achèvent de se consumer dans le brasier au-dessus duquel le Roi Sorcier brandit le bras de l'enfant albinos. Autour de lui, ses séides, dont le père de l'enfant sans mère. Dans le ciel, la nuit, non pas comme une nuit normale, mais comme une frondaison céleste de branches mortes qui masquent les étoiles. Une grosse étoile blafarde au zénith ; c'est tout ce qui reste du Soleil. Et le Roi Sorcier est un train d'achever le rituel qui l'éteindra tout à fait.
Les deux enfants pourfendent le Roi Sorcier avec l'épée.
L'enfant albinos a eu sa vengeance. Mais cela ne l'apaise en rien. Au contraire, il veut se venger du monde entier, maintenant. Il enfile la robe du Roi Sorcier et brandit à son tour le cadavre de son bras blanc. L'enfant sans mère veut l'en empêcher, mais les séides, dont son père, le maîtrise.

L'enfant albinos hurle à la mort. Il jette son bras dans le feu, puis il jette sa robe et ses vêtements. Et enfin, il se jette à son tour dans le feu.

Le feu grandit dans une ardence surnaturelle.

Et le soleil, petit à petit, de s'éteindre, s'éteindre, s'éteindre !


Commentaires sur les règles :

Ce playtest est très important. C'est le premier d'une nouvelle variante des règles, qui s'appelle Inflorenza A Capella.

Inflorenza A Capella est elle-même une variante de l'Inflorenza sans phrases testé précédemment. Elle est conçue pour se jouer sans matériel : ni feuille, ni crayons, ni dés. Il n'y a pas de points de vie comme dans Inflorenza sans phrases, aussi on n'a que des détails de fiction à mémoriser, pas de détails de mécaniques.

Nous avons testé cette variante ici en version Carte Rouge, nous avons joué une grosse demi-heure. Le playtest a souffert de la précipitation (on ne pouvait pas jouer plus longtemps car j'avais des impératifs), ce qui fait que j'ai mangé quelques règles, mais ça reste un grand souvenir. L'envie de tester cette version intensivement est là : le jeu de rôle sans matériel est un Graal personnel que je cherche à atteindre depuis longtemps. Bien sûr, il en existe déjà certains, je pense à Qu'est-ce que le jeu de rôle ? d'Epidiah Ravachol, ou encore Sombre Zero si on mémorise les points de vie et qu'on remplace le dé par pierre-feuille-ciseaux, mais je voulais inventer le mien, et je voulais que le jeu ait une vraie profondeur. Produire une variante pour Inflorenza, même simplifiée, est l'aboutissement de ces objectifs.

Je crois même que cette version possède une meilleure cohérence mécanique / fiction qu'Inflorenza classique !


Détails de la version A Capella :

On peut y jouer en mode Carte Blanche (le Confident contrôle le décor et les figurants) ou en Carte Rouge (chaque joueur contrôle le décor et les figurants lors de son instance), avec ou sans instance, avec ou sans pouvoir.

Il n'y a ni phrases ni points de vie.

Création de personnage = On annonce un objectif (en lien avec un des personnages déjà créés) et deux symboles qui correspondant au personnage.

Les symboles :

A la création, chaque joueur annonce deux symboles pour son personnage, tiré du tableau des symboles ou inventés (par exemple : corps + esprit, nature + science, animal + mécaniques, clan + folie...). Les symboles sont connexes, opposés ou n'ont rien à voir entre eux. On peut changer de symboles en cours de séance, si la narration s'y prête.

Quand on doit raconter une fierté ou un revers, on raconte quelque chose en rapport à l'un de ces symboles. (ainsi, quand l'enfant sans mère prend la corruption du bras de l'enfant albinos, c'est un revers dans son symbole Justice).

Conflit

On définit le gain, le risque et le forfait. Puis le joueur en conflit annonce des actions / motivations / ressources / handicaps, chacune de ces déclarations lui rapporte un point de mise, à l'exception des faits qui ne sont ni des réactions à la scène, ni des rappels de ce qui a déjà été dit. Par exemple, si l'enfant albinos avait annoncé posséder un flingue au moment du conflit, cela ne lui aurait pas rapporté de point de mise, car cela vient de nulle part, c'est une invention sur le pouce. En revanche, on acte que le flingue existe, et il pourra rapporter des points de mise lors de prochains conflits. Si on est en panne de choses à dire pour collecter des points, on peut demander aux autres joueurs ce que font leurs personnage, le décor ou les figurants, et décrire ses réactions pour glaner des points supplémentaires.

En Carte Blanche, le Confident doit valider les points de mise.

On mise de 1 pt min à 6 pts max.

Puis le joueur en conflit définit à l'avance le sacrifice possible en cas de victoire avec sacrifice : il est proportionnel à la mise. (Si la mise de 6, le sacrifice comprend au moins l'élimination du personnage).

Le Confident ou un autre joueur frappe trois coups puis compte de 1 à 6 dans sa tête. Il n'est pas obligé de compter à partir de 1, ou de compter dans l'ordre.
Exemples : 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6...
3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 1 2...
6 5 4 3 2 1 6 5 4 3 2 1...
4 3 2 1 6 5 4 3 2 1 6 5...

A tout moment, le joueur en conflit dit "action !". Le Confident révèle le chiffre auquel il était en train de penser.

On peut aussi jouer avec 1d6 si l'on en a un sous la main. Mais cette variante est conçue pour s'en passer.

Si le chiffre est inférieur ou égal à la mise, le joueur emporte le gain.
Si le chiffre est supérieur à la mise, il emporte le risque.
Si le chiffre est égal à la mise, il emporte le gain mais avec le sacrifice annoncé !
Si le chiffre = mise - 1, il gagne avec un revers, qu'il raconte.
Si le chiffre = mise + 1, il perd avec une fierté, qu'il raconte.

Conflit duel :

On définit l'attaquant puis chacun mise. Chaque duelliste tire un chiffre, celui qui obtient un chiffre inférieur ou égal à sa mise l'emporte. En cas d'égalité, le chiffre le plus élevé gagne. En cas d'égalité, avantage à l'attaquant. On applique les éventuelles fiertés et revers et sacrifices.

Instance sans conflit :

On conclut son instance par une fierté ou un revers.

Pouvoir :

Si on gagne un conflit avec sacrifice, on peut choisir de perdre pour obtenir un pouvoir en échange, lié à un de ses deux symboles. Quand on utilise son pouvoir dans un conflit, le sacrifice défini n'est plus proportionnel au score misé, mais proportionnel au gain. Une fois le résultat obtenu, le joueur peut choisir de troquer son résultat contre une victoire avec sacrifice.

Accomplissement :

On s'accomplit si on atteint son objectif initial. On peut renoncer à l'accomplissement, il faut alors se choisir un nouvel objectif.


Commentaires sur le jeu :

L'enfant albinos, première instance :

conflit simple, alliance avec l'enfant sans mère. Gain : la pythie dit quelle arme peut tuer le Roi Sorcier. Risque : la pythie nous ment. Forfait : la pythie ne nous répond pas, nous ne saurons jamais quelle arme peut tuer le Roi Sorcier. On perd le conflit. Fabrice propose que l'arme qu'elle nous suggère soit bien capable de tuer le Roi Sorcier, mais qu'elle ne nous dit pas tout. Je valide.

L'enfant sans mère, première instance :

Fabrice veut jouer une instance sans conflit. Je lui annonce qu'il va clôturer son instance en annonçant une fierté ou un revers, lié à un de ses symboles. Fabrice annonce à l'avance qu'il choisira un revers. Puis il raconte que mon bras est corrompu par la bouche de l'Ogre. Je réalise que nous nous sommes mal compris : comme c'est son instance, c'est lui qui doit subir un revers, pas moi. Plutôt que d'exercer mon véto (Fabrice avait dit quelque chose concernant mon personnage), je valide quand même mais j'ai cette idée de transfert de corruption pour que Fabrice encaisse bien un revers finalement.

L'enfant albinos, deuxième instance :

On a testé un conflit simple, je veux tester un conflit duel. Comme nous sommes tous les deux d'accord pour tuer le Roi Sorcier, je décide de ne pas en faire le conflit de l'instance, on décrit sa mort en narratif pur. C'est vraiment cool qu'Inflorenza nous permette un truc pareil, alors qu'un jeu traditionnel nous aurait imposé de jouer le combat contre le Roi Sorcier.
J'ai alors l'idée du revirement de l'enfant albinos. On aurait joué sur du long, ou sans test, j'aurais fait autre chose, mais là, c'était la chose à faire.
Gain de l'enfant albinos : achever le rituel du Roi Sorcier. Gain de l'enfant sans mère : tuer l'enfant albinos et empêcher toute réincarnation future du Roi Sorcier et de son rituel. Je parviens à miser 4 points (je jette mon bras dans le feu, je jette la robe dans le feu, je me jette moi-même dans le feu, et j'annonce, profitant que je contrôle le décor et les figurants, j'annonce aussi que le père de l'enfant sans mère se rue vers lui avec un couteau). Fabrice manque d'idées pour décrire ce qu'il fait, et ne récolte que deux points à miser. Je pense qu'il aurait voulu pouvoir miser davantage au vu de l'enjeu. Une règle le lui aurait permis, que j'ai oublié d'énoncer : il aurait pu me demander plus de détails sur mes actions ou celles du décor et des figurants, et glaner de nouveaux points et décrivant ces réactions à celle-ci, ce qui aurait contribué à la richesse de description de cette scène climatique.

A deux contre quatre, même en position d'attaquant sur le duel, ces chances étaient faibles de l'emporter, et c'est effectivement moi qui ai eu le dessus.


Commentaires sur les règles :

Fabrice se demande si l'accumulation de détails pour obtenir un gros score de mise n'est pas une porte ouverte au power gaming ou au gonzo. Je ne crois pas. Le power gaming est équilibré par le risque accru d'obtenir un gros sacrifice : on continue donc de faire des mises faibles quand le gain n'est pas élevé. Quant au gonzo, je crois que ce style de jeu vient d'une surenchère cumulée avec le fait qu'on ignore ce qui a été dit avant (par exemple : je me fais trancher un bras dans le tour précédent, je décrète qu'il repousse dans ce tour-ci). Or, dans a capella toute narration qui ignore ce qui a été dit avant ne peut rapporter de mise. Je crois au contraire que toute mise supplémentaire enrichit le jeu. Quand je demande aux autres joueurs ce que font les autres personnages, le décor et les figurants, dans le but de décrire ma réaction et d'obtenir des mises supplémentaires, en fait je suis en train de jouer, je suis même en train de détailler ce qui se passe pendant le conflit, chose qui pouvait être passée sous silence dans Inflorenza classique.

Re: [Inflorenza] Eteindre le Soleil

Message Publié : 17 Mars 2015, 18:18
par Romaric Briand
Éteindre le Soleil, tu peux toujours rêver.

-> Ok, je sors