[Dragonfly Motel] La nana, le frère et le caddy

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[Dragonfly Motel] La nana, le frère et le caddy

Message par Thomas Munier » 03 Sep 2015, 15:28

Réinterpréter les mêmes scènes inlassablement, un compte-rendu par Eugénie.

Initialement apparu sur le blog Je ne suis pas MJ mais.

Image

crédit photo : Thomas Hawk (CC BY-NC 2.0), galerie sur flickr.com


[quote = Eugénie sur JenesuispasMJmais]
Oui, mais j’avais prévenu que ça serait festival… Voici donc un compte-rendu d’une nouvelle partie de Dragonfly motel, un jeu de Thomas Munier.

2 joueurs : je joue Le Narrateur, un personnage qui n’a pas été nommé de toute la partie. L’autre joueur joue Paul.

Environ 1h15 de jeu.

Aménagement des règles pour le jeu à deux : on peut prendre un papier Décor quand on veut, sans donner de papier Parole. Si on assume un décor et qu’on veut prendre la parole comme pj, on repose le papier Décor et on avance un papier Parole.

Je n’ai pas enregistré cette fois-ci, c’est donc un récit de mémoire et à la 3e personne, même si nous parlions systématiquement à la première personne quand nous étions en jeu (sauf quand nous jouions Décor).

La partie :

Le Narrateur roule alors que Cindy lui raconte sa vie. Elle parle sans s’arrêter depuis 4h déjà. Il ne voulait pas la prendre en stop mais Benny a insisté. Benny dort maintenant sur la banquette arrière. A un moment de la nuit, le Narrateur finit par prendre une bretelle et s’arrêter devant un motel. Cindy lui fait savoir que c’est pas la peine de rêver, elle fera chambre à part. Ça tombe bien. Il charge Benny sur son dos, et il prend une chambre pour eux deux, entre mecs.
Le Narrateur est en train d’enlever les bottes de son pote quand la gérante vient frapper à la porte. Elle demande s’ils prendront un petit déjeuner. A 4h du matin ? En réalité, il fait grand jour.

Paul entre dans le motel à la recherche de Marc. Il a éclusé tous les lieux ordinaires, il n’y a plus que le Dragonfly… il en a marre des disparitions de Marc, il se demande s’il ne passe pas sa vie à le récupérer dans des motels Dragonfly.
Paul écrase la sonnette sur le comptoir, un réceptionniste (ou le gérant ?) finit par arriver. Paul lui demande s’il a vu son frère, photo à l’appui. Il lui montre aussi le tatouage de tulipe qu’il a sur le dos de la main et signale que Marc a un tatouage en chardon au même endroit. L’homme regarde sous son propre comptoir et demande à l’homme caché dessous de sortir, son frère est venu le récupérer.

Paul a raccompagné son frère à sa chambre. Il l’a bordé dans son lit quand ça frappe à la porte. C’est un camé qui cherche Marc. Paul le chope et le secoue, mais le camé veut juste donner à Marc ce qu’il lui avait promis en échange de sa dose. C’est un livre. Paul jette le livre et le camé dans le couloir et claque la porte. Quand il se tourne vers le lit, Marc a disparu.

Le Narrateur roule alors que Cindy lui raconte sa vie. Elle farfouille dans la boîte à gants et en sort la photo de sa sœur. Le Narrateur la lui fait ranger. Elle a pété les plombs pendant le braquage, elle aurait jamais dû faire ce coup-là avec eux. Mais ils sont sur la route, avec deux sacs de sport pleins de billets aux pieds de Benny, à l’arrière, et ils roulent. Au milieu de la nuit, le Narrateur prend une bretelle et s’arrête sur le parking d’un motel. Cindy et Benny s’engouffrent dans une chambre, et le Narrateur s’allonge dans la sienne, les yeux au plafond. Le motel commence à résonner de la partie de jambes en l’air de Cindy et Benny.
Ça toque à la porte. C’est la gérante qui demande au Narrateur de faire taire ses amis. Ce qu’il essaye de faire. Mais Benny se fout de lui et repart prendre son pied. Le Narrateur descend fumer une clope tout seul sur le parking.

Paul voit ce mec tout seul sur le parking et lui demande s’il a vu Marc. Apparemment non, juste un camé qui courait dans l’escalier. C’est étrange, il n’y a qu’une seule voiture sur le parking alors qu’il y a manifestement d’autres clients. Le Narrateur reconnaît la sienne, mais il ne peut pas le prouver parce que c’est Benny qui a les clefs. Paul est sûr que c’est la sienne, mais il a laissé les clefs dans sa chambre.

Paul s’en va à la réception et demande à voir le registre. Le gérant arrive en pyjamas et bonnet de nuit. Il sort un énorme grimoire, avec une serrure ouvragée, qu’il ouvre grâce à la clef suspendue à son cou. Il souffle sur la poussière entre les pages et le tend à Paul. Lequel le feuillette mais ne trouve rien d’utile, la chronologie ne correspond à rien et des dates de siècles précédents côtoient celles des mois derniers. Paul demande si d’autres chambres sont prises, mais sur le tableau des clefs derrière le gérant, il n’y a qu’une seule clef manquante : la sienne.

Le Narrateur roule alors que Cindy fait un barouf de fou dans le coffre. Benny et lui ont bien fait de la faire taire, c’était pas possible de continuer comme ça. Ils finissent par prendre une bretelle et s’arrêter devant un motel désaffecté. Tant pis, ils dormiront dans la bagnole, ils sont trop crevés.
Ça toque à la vitre de la voiture. Une vieille clocharde avec un caddy rempli de saloperies, des poupées amputées, des ours en peluche abîmés, etc. Elle veut que les deux types la ramènent en ville. Elle insiste pour mettre ses affaires dans le coffre. Le Narrateur lui explique qu’ils n’iront pas plus loin ce soir, elle n’a qu’à se démerder. Elle insiste. Ils tirent à pile ou face. Tant pis pour elle. Benny sort un flingue et ils se dirigent tous les trois vers le coffre. Quand le Narrateur ouvre le coffre, Cindy est inanimée, elle a dû finir par s’asphyxier. La clocharde demande si elle peut la prendre. Le Narrateur saute sur l’occasion et la cale sur le caddy.

Paul est dans une église où il s’était endormi. Il explore la ville fantôme qui est proche du motel. Il cherche son frère. Il fouille le presbytère. Il ne trouve rien. Il passe sa vie à chercher Marc, à veiller sur lui, depuis que leur père, puis leur mère, les ont abandonnés. Disparition.

Paul est devant un supermarché abandonné. Il cherche son frère. Une dame sort du supermarché avec un caddy plein. C’est sa mère. Le caddy est bourré de saloperies, de poupées cassées, d’ours en peluche abîmés, etc. et un corps de pompom girl grandeur nature et désarticulé trône sur le tas. La mégère l’engueule parce qu’il n’a pas trouvé son frère, et que c’est lui qui en responsable maintenant. Elle lui file une bouteille à moitié vide, pour lui donner du courage. Paul ne veut pas devenir comme son père, il sait où cette demi-bouteille peut le mener.

Le Narrateur se réveille au motel Dragonfly, Benny ronfle à côté de lui, il fait jour depuis longtemps. Ils ont raté le petit déjeuner. Disparition.

Le Narrateur se réveille au motel Dragonfly alors que Benny et Cindy sont en train de remettre ça à côté, en faisant trembler les murs. Disparition.

Le Narrateur se réveille avec un torticolis et un sacré mal de crâne pour avoir dormi dans la voiture, sur le parking d’un supermarché. Il voit un type en train de parler avec une grosse femme qui a un caddy effarant, sur lequel trône une poupée géante, ou un corps humain.
Cindy tape à la vitre. Elle pose un bidon de lait et un paquet de céréales sur le capot. Le Narrateur essaie de lui dire que c’est pas le moment, mais elle lui rappelle que la nuit passée tous les deux était superbe. Benny désapprouve. Le Narrateur essaie de lui dire qu’elle n’aurait pas dû s’incruster dans le voyage, qu’il voulait partir avec Benny, prendre l’air un peu.

Paul est dans un jardin, il pousse son frère sur une balançoire. De plus en plus haut. Une des attaches de la balançoire lâche brusquement. Disparition.

Paul casse la bouteille que sa mère lui a donnée et sort sur le parking du supermarché. Il voit sa voiture quitter le parking laissant derrière elle une fille assise par terre en train de pleurer. La fille dit qu’elle vient de se faire larguer par le type avec qui elle voyageait. Il s’appelait Marc. Paul lui demande où va ce Marc qui lui a tiré sa caisse, mais sa voiture est là, plus loin sur le parking désert. Il embarque la fille, qui dit s’appeler Cindy, et s’en sert comme d’une boussole. Elle le guide jusqu’à une bretelle qui descend devant un motel désaffecté.

Sur le parking désert, il y a un livre. Paul s’en empare et le feuillette : c’est un livre de tatouages, il y a le sien et celui de Marc parmi les photos. Cindy et lui font rapidement le tour, à un endroit les parpaings tagués ont été démolis à la barre à mine par de probables squatteurs. Ils entrent dans une piaule et un homme les rembarre : c’est pas des façons d’entrer chez les gens. Paul va pour lui faire cracher où est Marc mais l’homme voit le livre qu’il a dans la main et pense avoir affaire à un fan qui veut une dédicace. Il signe un truc dans le livre, et le lui rend. Paul en a marre de toujours chercher Marc. Il se demande s’il n’est pas temps qu’il s’occupe de sa vie.

Le Narrateur avait de grands projets pour Cindy et lui : piquer la part de Benny, partir dans le soleil couchant, changer d’identité, se marier, avoir des enfants quelque part… avec l’argent du braquage. Il débite ça debout sur le parking de ce motel désaffecté avec deux gros sacs de sports à ses pieds, bourrés de billets. Mais Cindy l’a quitté. Il se dit qu’il va retaper le motel. S’installer ici. Devenir gérant. Ou réceptionniste.

Paul est dans le bureau de son père, qui le fait asseoir sur son fauteuil. Pendant qu’il lui fait un tatouage, son père lui dit qu’il est un adulte maintenant, qu’il doit veiller sur Marc. Paul se demande si le tatoueur du Dragonfly Motel n’est pas son père… et il se rend compte qu’il a lui-même un tatouage de chardon sur son autre main.


Les pj :

Le Narrateur
Attache : la photo de ma sœur
Question : où est l’école ? (déchiré)
Destin : pile ou face
Beauté : un coucher de soleil (déchiré)
Motivation : me marier, avoir des enfants
Blessure : Cindy t’a quitté

Paul
Beauté : un chardon tatoué (déchiré)
Motivation : la famille avant tout (déchiré)
Attache : maman n’aurait pas dû nous abandonner (déchiré)
Blessure : l’alcoolisme, c’est génétique ? (déchiré)
Destin : se poser, enfin
Question : es-tu sûr que Marc existe ?


Débrief :

Très, très chouette partie. Avec une narration plus éclatée et des scènes moins articulées au niveau du sens que la dernière fois. Mais des prises de parole plus spontanées, des instances plus fluides, des pnj plus présents. On a enfin utilisé la règle de « Disparition » et ça fonctionne bien.

Pour être très honnête, nous devions jouer à trois. Un des joueurs a annulé au dernier moment et nous nous sommes retrouvés face à face, alors que nous sommes les joueurs les plus disparates de notre table (dans nos goûts, nos attentes, notre façon de jouer et d’envisager le jeu). Nous pensions tous les deux que ça ne marcherait pas bien. Nous avions tort. Nous nous connaissons néanmoins très bien, et nous nous faisons mutuellement confiance pour faire attention l’un à l’autre. Ça aide.

Note de l’autre joueur :
Les règles expliquent au joueur comment jouer, comment se comporter. Cela limite énormément les incompréhensions, les ambiguités… Cela rejoint ton propos quand tu dis qu’un jeu « tradi » explique rarement au joueur ce qu’il doit faire à une table, du coup chaque joueur vient avec sa façon de jouer, tacite, ce qui, sans contrat social, provoque inévitablement des frictions. Contre-partie : il faut accepter de « jouer le jeu » et je comprends que le jeu puisse brusquer des joueurs qui n’aiment pas qu’on leur dise comment jouer, ou qui ont besoin de « consistance » autour de leur perso. Il faut accepter de lâcher prise, de perdre pied.


On a ressenti une difficulté à savoir ce qui relevait de la responsabilité de qui (puisqu’à deux, même en narration à la 1ère personne, le joueur qui joue son perso décrit quand même le décor, les réactions d’éventuels pnj, le passage du temps, etc.). Mais ça n’a pas causé de réel problème, juste de l’inconfort et un besoin d’écoute accru par moments.

Note de l’autre joueur :
Ça mériterait d’être explicité dans les règles. Par exemple : le décor du joueur « décor » prime sur le décor du joueur « perso ». Autre remarque sur le décor : il semble important au départ du jeu de décrire un minimum le décor, le genre de motel. On s’est rendu compte en milieu de partie qu’on ne voyait pas le motel pareil (des chambres en extérieur ou en intérieur notamment).


Aucun de nous deux ne maîtrisait la playlist (proposée par un joueur finalement absent). On l’a laissée tourner sans s’en préoccuper mais sans être réellement portés par elle.

Contrairement à la dernière fois, nous avons peu utilisé le support des papiers Parole pour la fiction, même si nous avons été plus attentifs à bien les donner pour prendre la parole :
– nous avons arrêté le jeu à un moment où ça paraissait logique plutôt qu’après avoir déchiré tous nos papiers.
– ayant moi-même peu d’inspiration pour les papiers Parole, j’ai beaucoup remis d’éléments déjà évoqués en jeu. Ça a incité le joueur à les approfondir, mais ça ne l’a pas envoyé dans des directions inattendues.
(Note de l’autre joueur : cela fonctionne uniquement car on jouait à 2 joueurs et que tes papiers m’étaient destinés.)
– en même temps, j’ai utilisé mes propres papiers Personnage pour des détails ou des anecdotes plutôt que pour des éléments importants, mais nous avons quand même repris des motifs d’une scène à l’autre, même s’ils n’étaient pas sur les papiers. C’est ce qui a fait que ça a marché, je pense.
(Note de l’autre joueur : les papiers « parole » sont faits pour « relancer », donc libre au joueur qui les joue de leur donner plus ou moins d’importance, et à celui qui les écrit de jouer dans les traces des autres ou de partir ailleurs. Cela donne une grande rejouabilité au jeu.)

Recommencer 3 fois la même scène a cet avantage incomparable qu’on ne se pose pas la question de ce qu’on va dire, la première phrase est toute trouvée. Je n’ai eu qu’à me laisser porter sur ce que m’inspirait un roaddtrip avec deux hommes et une femme pour brosser trois arrivées différentes au motel et jouer avec ces différences pendant le reste du temps.

Note de l’autre joueur : j’ai joué en mode « Silent Hill ». Dragonfly Motel se prête très bien à jouer des ambiances de ce type.

Et enfin, nous rejoignons Epiphanie (sur les Ateliers imaginaires) sur sa poposition de faire une liste de mots avant de commencer à jouer, notamment pour s’accorder sur la couleur et le genre d’étrange qu’on va essayer d’impulser. La liste pourrait être rédigée en amont par un joueur ou ensemble juste avant de jouer. Et décrire le motel au préalable (cf plus haut). On essaiera de tester ça la prochaine fois.[/quote]
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Thomas Munier
 
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