[Inflorenza] La Carlingue

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[Inflorenza] La Carlingue

Message par Thomas Munier » 18 Oct 2015, 14:00

LA CARLINGUE

Test du théâtre sous-marin et passionnel d'Arjuna Khan, où l'on découvre le besoin de simplifier Inflorenza minima.

Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 06/04/15 sur google hangout
Personnages : Dimitri, Jaan


Enregistrement disponible sur ma chaîne youtube

Image

crédits image : arnaud abadie, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com


Le théâtre :

Estonie. Les inondations successives ont transformé le pays en une gigantesque mare de boue. Constructions, cités et monuments ont été avalés par marécages et tourbières.
Survivants, rois, poètes, guerriers ou monstres ont tous perdu quelque chose de valeur et se sentent privés d’un élément essentiel. Fruit de leur songe, une obsession les nourrit et les affame en l’image d’une vieille carlingue rouillée vestige des vaisseaux plongeant jadis sous les eaux. Nuit après nuit, une idée se forge en eux ; ils ont la conviction que ce sentiment de vide, d’absence peut être comblé au-delà de leurs espérances, s’ils retrouvent ce vaisseau enfoui.

Ce théâtre a été écrit par Arjuna Khan pour le webzine Les Chroniques d'Altaride


Les personnages :

Dimitri
Objectif : détruire, dompter ou repousser la nature.
Symboles : Science, folie
Ce qu'il recherche dans la Carlingue : une arme de destruction massive, pour détruire la nature.
Lien affectif avec Jaan : j'aime l'idéalisme de Jaan. Je n'aime pas son sens de la priorité car il me rend vulnérable.

Jaan
Objectif : connaître le secret de ma femme.
Symboles : Amour, mémoire
Ce qu'il recherche dans la Carlingue : ma femme.
Lien affectif avec Dimitri : j'aime l'idéalisme de Dimitri car il a un but contrairement à moi qui suis cynique et individualiste.


L'histoire :

Le réveil. Dimitri et Jaan ont installé leur campement sur la digue de béton qui traverse la tourbière comme une sclérose. Le vent claque dans les toiles de leurs tentes et de leurs corps. La tourbière, rouge, jaune, verte, à perte de vue.

Une troupe s'avance. Hommes et femmes en manteaux noirs, déchirés, bras et jambes couverts de pansements, armés de fusils bricolés et d'appareils saugrenus, des masques à gaz pour certains. Les Liquidateurs, ceux qui se battent pour lutter contre la radioactivité et ses méfaits.
Ils se présentent à eux. Jaan reconnaît leur cheffe. Elle est à la fois vieille et comme sans âge. Le vent bat ses cheveux blancs drapés contre son manteau noir. C'est Irina, cheffe des liquidatrices, et mère de Mare, la disparue, la femme de Jaan.

Irina leur explique que les Liquidateurs se rendent à la Carlingue, au bout de la digue, qu'il y a là-bas une menace radioactive à éradiquer. Ils veulent bien faire la route avec eux, mais elle les invite aussi à rejoindre leurs rangs, à prêter le Serment des Liquidateurs. Jaan refuse le Sacrement, mais Dimitri l'accepte de bon cœur. Les Liquidateurs associent l'emprise à la radioactivité et Dimitri, combattant l'emprise, se sent proche de leurs convictions. Irina lui fait manger la Prosphora, l'hostie sacré, et le voilà maintenant un des leurs.

Irina explique alors une chose à Dimitri : en tant que Liquidateur, il doit assurer la transmission de sa tâche. Aussi, il devra impérativement transmettre sa charge à son premier né. Dimitri n'a, ni femme, ni enfant. Qu'à cela ne tienne, il lui faut en concevoir un, dit Irina. Elle lui présente Poudre, une femme de seize ans parmi les leurs. Ils devront faire un enfant ensemble. Elle rappelle aussi à Jaan que son propre enfant devra devenir Liquidateur un jour, puisque sa mère a prêté le Serment.

Dimitri, Jaan et les Liquidateurs voyagent ensemble pendant des jours. Des liens se créent. Dimitri comme Jaan sont plus que jamais déterminés dans leurs quêtes respectives. Le groupe s'arrête pour déjeuner, près d'un bunker construit près de la digue, à quelques mètres dans la tourbière. Les Liquidateurs leurs tendant des poissons qu'ils ont pêché dans des eaux sans emprise. Ils le "prouvent" en passant leur compteur Geiger dessus, pour montrer que ça ne crachote pas trop. Ils leurs offrent des poissons et leur déconseillent de pêcher dans la tourbière, où les animaux sont trop empreints.
Poudre aborde Jaan. Elle est sale et hirsute, et pourtant belle, innocente. Il voit la détresse dans son regard. Poudre lui demande :
"Je vois que tu as des tatouages sur tout le corps.
- Oui, c'est pour conserver la mémoire des instants précieux.
- Tu as de quoi faire des tatouages sur toi ?
- Oui.
- Je veux que tu me tatoues un nom sur la nuque : Sergueï."

Jaan sait que Sergueï est un autre des Liquidateurs, un jeune de vingt ans, plutôt timide.
"Tu sais que les tatouages, c'est pour la vie ?
- Si ce n'était pas pour la vie, je ne te le demanderais pas."

Prétextant une ronde de reconnaissance, Jaan et Poudre traversent prudemment les quelques mètres de tourbière qui les séparent du bunker et entrent dans la construction. L'intérieur est tapissé de graffitis d'amoureux : un lieu chargé d'égrégore. Jaan tente une dernière fois de lui faire changer d'avis. Poudre lui explique qu'elle a demandé à Irina d'épouser Sergueï, mais Sergueï est stérile, alors Irina a refusé. Jaan reconnaît bien là les manières de sa belle-mère. Cela le convainc d'accepter de faire le tatouage, même s'il sait que l'égrégore que produira ce geste, fera que Poudre sera liée à Sergueï pour la vie. Jaan lui dit même : "Je vais te faire un beau tatouage.". Il sort son aiguille, Poudre écarte ses cheveux, et il commence le tatouage sur sa nuque.

Une tête émerge de la tourbière, c'est une Sirhaine, un Horla qui se nourrit des passions humaines. Elle a le visage de Mare, mais pas n'importe quel visage : le visage de Mare tel qu'il était dans le meilleur souvenirs de Dimitri. Elle se glisse vers Poudre et Jaan, elle a faim, elle dit : "Laisse-moi juste lui manger un bras.". Poudre semble déterminée à se laisser manger un bras si la Sirhaine laisse Jaan terminer le tatouage : il n'y aura pas d'autre occasion et le tatouage doit absolument être fait d'un seul trait.

Dimitri prend conscience du danger, il ramasse un fusil et entraîne Sergueï vers le bunker. Jaan réfléchit à toute vitesse. Il sait que s'il agit de façon à ce que sa femme soit fière de lui, la Sirhaine lui dira où trouver sa femme. Jaan continue à faire son tatouage, concentré sur le trait, et il tend son autre bras à la Sirhaine pour qu'elle le dévore au lieu du bras de Poudre. La Sirhaine lui dévore le bras, elle lui dépose ensuite un baiser sur la nuque : la trace qu'il laisse, c'est le plan de la Carlingue, avec l'emplacement de sa femme, et elle replonge dans la tourbière avant que personne n'ait pu lui tirer dessus.

Quelques jours après cette mésaventure, ils arrivent enfin à la fin de la digue. La mer n'est pas encore là, où alors elle se confond avec la tourbière. Des masses métalliques noires émergent des eaux turbides : ce sont des parties de la Carlingue. Les Liquidateurs disposent seulement de quatre équipements de plongée : Irina en prend un, en attribue un à Dimitri, un à Jaan, et le dernier à Poudre.

Ils plongent et rentrent dans un sas. Une fois qu'ils sont dans le sas, une Sirhaine plaque son visage contre le hublot. Elle a le visage du fils de Jaan. Ils l'ignorent et passent dans un autre sas.

Irina dit qu'ils ne sont pas sûrs de tous remonter vivants. Il est temps de prendre des dispositions pour la survie de la lignée. Elle ordonne à Dimitri et Poudre de procréer, maintenant. Elle brandit la Prosphora, pour symboliser le Serment qu'ils ont tous les deux juré. Dimitri accepte, pour qu'Irina ait une dette envers lui, et il fait l'amour avec Poudre, dans le sas, sous leurs yeux.

En suivant le plan sur la nuque de Jaan, ils arrivent ensuite à la salle des machines. Des cubes noirs au fonctionnement mystérieux en constituent le cœur. Ils y trouvent Mare, en robe noire de Liquidatrice. Elle révèle son secret, pourquoi elle est allé dans la Carlingue sans rien expliquer à Jaan : c'est la plus grande scientifique parmi les Liquidateurs, elle savait qu'une arme d'holocauste nucléaire était confinée dans la Carlingue, et c'est pour ça qu'elle s'y est rendue. À force, elle a fini par comprendre le fonctionnement des cubes noirs. Elle est la seule capable de savoir comment déclencher l'arme. Cette arme va tout détruire et seulement après l'humanité renaîtra.

Irina, évidemment opposée à l'idée de déclencher un holocauste nucléaire, essaye de tuer Mare avec son couteau. Dimitri retourne contre Irina le Serment de la Prosphora : il la force à épargner Mare et à la démettre de ses fonctions. Mais Irina enjoint Mare à oublier son secret. Mare promet d'essayer.

Mare tombe sa robe, elle est nue et prend la main valide de Jaan. Il est temps de repartir. Leur enfant les attend, un enfant qui ne sera plus obligé de prêter le Serment à son tour. Poudre et Dimitri les suivent.

Irina, quant à elle, s'assoit dans la salle des machines, avec un fusil. Elle va rester ici. Monter la garde. Jusqu'à la fin de ses jours.


Commentaires sur le jeu :

La partie a été intense et belle, pour autant elle a souffert de désagréments techniques. Le système de choix actuels d'Inflorenza minima est complexe. Une seule personne dans le conflit donne un choix entre risque+pouvoir ou forfait+fortune ou gain+sacrifice, chacune de ses options devant être énoncée à l'avance par le Confident. Si quelqu'un aide dans le conflit, on rajoute un gain+sacrifice pour l'assistant dans la grille de choix.
Par exemple, pour le conflit contre la Sirhaine, le joueur de Jaan devait choisir entre ses trois options :

1° Jaan et Dimitri tuent la sirène mais du coup Jaan ne ne reverra pas sa femme
2° Jaan et Dimitri tuent la sirène mais Dimitri sera mis au ban des Liquidateurs pour complicité dans le tatouage.
3° La sirène mange le bras de Poudre et dit à Jaan où trouver ta femme
4° Jaan et Dimitri mettent en fuite la sirène et Jaan ne saura jamais où retrouver sa femme.

Le pire, c'est que le joueur de Jaan a finalement proposé une autre option :
5° Jaan se laisse manger le bras par la Sirène pour épargner Poudre, et la sirène lui dit où trouver sa femme.

C'est le joueur de Jaan qui a mis le doigt sur cette complexité, vous pouvez lire nos échanges ici.

Il m'aura fallu encore quelques tests pour trouver comment affiner la formule jusqu'à l'épure actuelle.
Mais le véritable déclic s'est produit ici. Inflorenza diceless est le produit des paradigmes d'Inflorenza diceful que j'ai progressivement expurgés des dés et des chiffres. Mais il me restait encore une logique de choix informés trop complexes, et il m'a fallu encore quelques tests pour comprendre que la mécanique, pour fonctionner sans dés et sans chiffre, devait être la plus narrative et organique possible, et l'épure maximale n'était pas cette orgie d'options, mais seulement proposer un choix mortel (un choix entre deux mauvaises solutions), quitte à faire des choix mortels gigognes en cas de conflit duel / conflit avec assistance. Présenter les conflits de façon narrative permet par ailleurs de laisser émerger les propositions des joueurs, et donc conserver une meilleure agentivité qu'en proposant une batterie de choix informés sans laisser entrevoir de possibles alternatives à ces choix.
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Thomas Munier
 
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Re: [Inflorenza] La Carlingue

Message par Khelren » 19 Oct 2015, 14:18

Pour un retour plus personnel, la partie a malgré tout été très bonne, très chargée émotionnellement :)
D'autant que c'était ma première partie via hangout, et ma première partie depuis un bon bout de temps.
Content que mes remarques aient pu te servir. Je ne me souviens plus si ça se ressent sur la vidéo, mais j'étais assez gêné d'ainsi "démolir" ton système (quand on prend 30 minutes pour décortiquer, analyser et critiquer en profondeur un système, on commence à le démolir, oui).

Khelren/Jaan
Khelren
 
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Re: [Inflorenza] La Carlingue

Message par Thomas Munier » 19 Oct 2015, 14:28

Merci pour ces précisions !

Si tu as été gêné parce que tu faisais beaucoup de remarques sur le système et que tu craignais que cela te fasse passer pour un père fouettard, je tiens à te rassurer en précisant que :
a. Du moment que je demande aux joueurs de faire des remarques, c'est que j'en attends, même si elles peuvent constituer des critiques.
b. Cela m'a été très utile ! Je te suis reconnaissant d'avoir émis ces remarques, et d'avoir mis des mots sur des problèmes que j'avais constatés moi-même pendant la partie, sans réussir à les nommer.
c. Je désigne en m'auto-hackant, c'est-à-dire que je repars d'un de mes anciens systèmes, que je modifie avec en tête de nouvelles intentions de jeu. Mais en procédant ainsi, il reste toujours des scories de l'ancien système qu'il me faut identifier et éliminer au fur et à mesure. Les tests me servent à identifier ces scories. Et en règle générale, pour une conception de système, je pars d'un bloc de marbre que je taille au fur et à mesure jusqu'à obtenir l'épure finale, cela se fait avec du temps et, oui, un peu de sueur.
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Thomas Munier
 
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