[Les Remémorants] Naturalisme paysan à Millevaux

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[Les Remémorants] Naturalisme paysan à Millevaux

Message par Steve J » 03 Nov 2015, 17:57

La récente tenue des Utopiales m'a permit de recroiser quelques compères rôlistes parisiens et de leur faire tester mon récent Les Remémorants (que je ne prendra pas le temps de présenter ici).
Voici donc le compte rendu d'une partie d'un peu plus d'une heure réunissant votre serviteur, Guylène, Arnaud et Vivien.

Image
crédits image : Bob Jagendorf, eric schepers, road less trvled, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com

Je prenais le rôle de la Grande Forêt et les trois autres joueurs créaient rapidement leur personnage.

I) Création de personnage
Vivien est le seul à avoir choisi de prendre le rôle d'un vagabond quand Guylène et Arnaud créaient deux membres d'une même communauté. La création de personnage des Remémorants est simpliste (deux choix de traits par personne) et je ne suis même plus certain que nous ayons pris le temps de les présenter à la table.
On le verra, tout ce que je retiens des personnages vient des descriptions de leur passé. C'est en partie volontaire de ma part (l'idée est que les personnages sont constamment en création, que ce n'est qu'en pouvant explorer leurs souvenirs qu'ils peuvent savoir qui ils sont) mais rend du coup les passages joué dans le présent trop abstraits.

II) L'entrée dans la forêt
Nous n'avons presque pas décrit de passages se passant dans la forêt.
Dans ses CRs, Thomas avait fait part de cette nécessité pour lui de jouer des scènes au présent. Même en ayant cette idée en tête j'ai joué le jeu de la façon la plus épurée possible.
Je conseille quand même de prendre plus exemple sur Thomas que pour nous : ne pas décrire le présent fait disparaitre toute articulation entre le présent et le passé (joué de façon parfaitement minimaliste le jeu se conjugue entièrement au passé).

C'est le personnage de Guylène qui, la première, veut "se rappeler de sa sœur".

III) La grande sœur
Guylène commence à décrire. "Je me souviens avoir été témoin d'un discussion agitée entre ma grande sœur et mon père". Elle commence à parler à la place de sa grande sœur (comme un PNJ puisque Guylène est en un sens "MJ") en reprochant à son père de privilégier sa petite sœur.

J'écris sur un bout de papier "La grande sœur" et prend le contrôle de la grande sœur (face au père toujours incarné par Guylène). Je joue sa détresse, il n'y a que sa petite sœur qui a le droit de se reposer quand tous souffre de la faim, du froid et de la maladie.

Le père répond que ce sont les médecins qui ont insisté pour que le personnage de Guylène se repose ce que -en tant que Grande Forêt- je conteste. Guylène choisit d'accepter de douter et nous continuons la scène comme si de rien n'était (1).

Le père ajoute que la mère est d'accord avec lui. Vivien note "La mère" sur un bout de papier en vient jouer la scène avec nous. La dispute continue, la grande sœur fond en larme. Elle finit par accepter, manifestement terrassée par la douleur d'aller au champ. Comme un automate elle va chercher les outils, sort de la maison, passe devant la fenêtre du personnage de Guylène à qui elle jette un regard vide.

Toute l'après-midi Guylène verra sa sœur travailler au champ, sans s'arrêter, jusqu'à ce que cette dernière se saisisse d'une bêche et se la plante dans le cœur.

IV) La perte d'émotion
Vivien enchaine et propose de se souvenir du moment où il a cessé d'éprouver des émotions (tout le monde sait qu'il s'agit du début de Sens Mort). J'accepte.

Il est bucheron et rentre chez lui après une journée de dur labeur. Il raconte comment il ouvre la porte et aperçoit sa femme en train de cuisiner. Il ramène la carcasse de deux beaux lapins.
Je prends un bout de papier et écrit "le compagnon" dont je prend le rôle. Il loge chez eux pour faire face à l'hiver mais il est dévasté par la récente mort de sa femme.
Guylène prend le rôle de la femme du personnage de Vivien.

J'incarne le compagnon et cherche à troubler cette scène de retrouvailles. Je jette un froid en insultant le personnage de Vivien et ses lapins, ne sont-ce pas des lapins qui ont tué ma femme (tombée malade) ?
En tant que Grande Forêt je conteste les gestes d'affection entre le personnage de Vivien et sa femme.

Vivien finit par gueuler au compagnon d'aller retrouver son fils dehors (Arnaud prend le rôle du fils). Le compagnon sort.
Le personnage de Vivien et sa femme discutent, ils souhaitent mettre le compagnon et son enfant dehors. Sa femme rechigne, attristée.

Finalement le compagnon revient et, dans un accès de rage il piétine le lapin préparé par le personnage de Guylène.
Le personnage de Vivien le frappe et le force à abandonner la maison avec son fils.

Le compagnon part en amenant son fils (qui se débat et veut rester dans la maison). Il maudit le lapin écrasé et disant qu'il fera disparaitre toutes les émotions des habitants.
La femme pleure, le personnage de Vivien regarde le compagnon d’éloigner dans les bois (avec peu d'espoirs de survie).

A la fin du souvenir la Grande Forêt tue la compagne du personnage de Vivien.

V) Le premier amour
Arnaud enchaine. Il veut se souvenir de son premier amour. OK.

Il introduit plein de personnages dans la maison où il vivait. Sa mère, sa tante (qui n'aime pas sa mère), une cousine éloignée et malade (sa première amour), le mari de sa cousine.

Je décide d'intégrer le récit par la bande, j'incarnerai le mari de la cousine. Guylène prend le rôle de la mère, Vivien de la cousine.
Le mari de la cousine veille sur elle la plupart du temps. Il est médecin et dépense son énergie à la soigner. Le personnage d'Arnaud est déjà, de longue date, secrètement amoureux de sa cousine.

Cette situation initiale se met en branle quand le mari de la cousine va voir le personnage d'Arnaud. Il lui demande de lui rendre un service : accompagner sa cousine à l'extérieur, aux champs, pour améliorer son état de santé.
Le mari explique qu'il ne peut continuellement s'occuper de sa femme car il doit aussi prendre soin de la tante, tombé malade il y a quelques jours.

Le personnage d'Arnaud accepte et se réjouit de ses sorties avec celle qu'il aime secrètement.

Bien sûr c'est sans compter l'imagination cruelle de Vivien : incarnant la cousine il demande lui aussi un service au personnage d'Arnaud, qu'il accepte de l'accompagner au puits et de l'y noyer. Elle est devenu une charge pour son mari et pour sa famille, elle en souffre trop et ne veut pas connaître une lente déchéance physique avant de mourir.
La cousine a compris que le personnage d'Arnaud l'aimait et invoque cet amour pour qu'il accepte. Elle lui dit aussi n'avoir plus aucun souvenir heureux, s'ils ont peut-être existé ils ont disparu.

Le personnage d'Arnaud vient reparler au mari, sans révéler la demande de sa cousine il cherche à comprendre qu'elle est son état véritable. Au silence du mari on comprend que la cousine est condamnée.

Le personnage d'Arnaud l’amènera au puits le lendemain. Il devra porter sa cousine et le trajet lui semblera durer une éternité.
Arrivé au puits il cherche à la convaincre de rester parmi eux, de peut-être sa créer des souvenirs heureux.
Vivien et lui décrivent un baiser langoureux.

En tant que Grande Forêt je met en doute le souvenir. Je lance les dés et obtient le droit de l'annuler.
En enlaçant sa cousine le personnage d'Arnaud l'a en fait fait physiquement souffrir, il finit par la lâcher et elle s'effondre sur place. Sa tête heurte le puits et c'est son cadavre que le personnage d'Arnaud jette dans le puits.

Il revient affronté le regard de sa famille (il n'avoue pas le meurtre). Sa mère le regarde avec horreur mais le mari de sa cousine le prend dans ses bras, il le remercie d'avoir fait ce qu'il fallait.

Fin du souvenir.

VI) Conclusion
Je me trompais sur la dynamique de mon jeu. Les joueurs ne jouent pas vraiment contre la Grande Forêt, tout le monde créé collectivement un souvenir et même les joueurs en ajoutaient dans la noirceur.
Plus qu'un jeu d'horreur, Les Remémorants est un jeu triste. Si je regrette un peu que les histoires créées ne soient pas aussi folles et aussi étranges que celles d'autres déclinaisons de l'univers de Millevaux (en clair on est plus chez Maupassant que dans Mad Max), cela fonctionnait très bien et les histoires racontées étaient poignantes (le seul fait d'écrire ce CR me rappelle l'efficacité et l'intensité dramatique de la partie).
On s'est demandé si c'était une affaire de connaissance de l'univers. Est-ce que nous osions pousser le jeu et son univers dans ses retranchements (par exemple Vivien a fait remarquer que dans son souvenir il aurait été amusant que quelqu'un se saisisse du "personnage" du civet) ?

Le défaut principal du jeu, ou en tous cas de ma façon de le jouer, était l'absence d’articulation entre le présent et le passé. Il y a un effort particulier (de la Grande Forêt) à faire pour rendre le présent cohérent.
Autre point embêtant la possibilité d'accepter de douter ne produit pas grand chose autour de la table de jeu. Il est toujours plus intéressant de prendre le risque de voir la Grande Forêt impacter sur l'histoire.

Un truc que j'aime énormément, et que je dois à Un Dernier Verre, le jeu de Guylène (téléchargez-le iciet jouez-y !!!), c'est la logique d'interaction qui permet au joueur d'entrer dans le récit en prenant le contrôle d'un personnage. Mon jeu n'est jamais que la version dépressif de celui de Guylène (voila qui ne va pas arranger ma réputation de Stromae du JDR).

Au passage ce jeu est l'occasion pour moi de sortir de la logique où l'on plaide pour son personnage et c'est vraiment rafraichissant. Je suis assez fier du fonctionnement général des Remémorants.

(1) Même si en théorie je trouve ce doute intéressant, dans les faits il annule un peu le pouvoir de la Grande Forêt et ne compte pas beaucoup. Comme à la table de Thomas cette logique de doute ne marchait pas complètement.
Steve J
 
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Re: [Les Remémorants] Naturalisme paysan à Millevaux

Message par Guylène » 03 Nov 2015, 21:58

Steve J a écrit : Bien sûr c'est sans compter l'imagination cruelle de Vivien


Il me semble que cette phrase pourrait faire office d'avertissement à toute production rolistique de Vivien.

Nous avons donc un Stromae et un Droopy. Quoi d'autre?? :D

Plus sérieusement, j'étais très contente de cette partie, qui était certes triste, mais très jolie.
En effet, rajouter la présence de séquences au présent dans la forêt serait une bonne chose je pense, pour lier les joueurs entre eux et générer une interaction chargée d'émotions.

Steve J a écrit : Mon jeu n'est jamais que la version dépressif de celui de Guylène

J'aime beaucoup cette idée.

Clairement un très bon potentiel pour Les Remémorants, j'espère que ce jeu aura de beaux jours devant lui !!
Guylène
 
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Re: [Les Remémorants] Naturalisme paysan à Millevaux

Message par Mangelune » 03 Nov 2015, 23:31

Guylène a écrit :Clairement un très bon potentiel pour Les Remémorants, j'espère que ce jeu aura de beaux jours devant lui !!


Tu veux dire de tristes jours de pluie, il faut adapter l'adage à l'âme noire et tortueuse de son concepteur !
Contes et histoires à vivre, un site pour parler des Errants d'Ukiyo, de Perdus sous la pluie et du reste.

Pensez aussi à la page Facebook officielle de Perdus sous la pluie.
Mangelune
 
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Re: [Les Remémorants] Naturalisme paysan à Millevaux

Message par Thomas Munier » 04 Nov 2015, 10:50

Salut Steve, Guylène, Vivien,

Steve, je t'avais proposé de faire un CR sur le ton de la boutade, je sais le temps que ça prend et ne veux contraindre personne à en faire, mais néanmoins je te remercie de l'avoir fait, car je suis toujours très heureux de lire un CR dans Millevaux.

A. Concernant la dynamique de jeu, j'ai moi aussi constaté qu'en général le remémorant plaide pour son personnage, mais ceux qui incarnent des figurants ne se privent pas pour incarner de l'adversité (bien qu'ils n'y soient ni incités, ni récompensés). En général, quand ils incarnent un figurant neutre ou favorable au personnage remémorant, c'est qu'ils ont en tête qu'ils incarnent leur propre personnage, sans le nommer. Il y a une dynamique proche de Polaris, la formalisation en moins. Mais j'ai aussi vu en jeu des remémorants faire exprès d'invoquer des souvenirs ultra tristes, du genre "je veux me rappeler quand ma famille est morte" (je ne pourrais te dire si ces personnes le faisaient en mode auteur où si c'était une façon de plaider pour leur personnage).

B. Le "naturalisme paysan" de cette partie me plait beaucoup, j'aurais aimé être présent. C'est une autre facette de Millevaux, elle vient je pense du fait que ton jeu présente une situation initiale minimaliste et se concentre sur un seul des six marqueurs de Millevaux : l'oubli, elle vient de ta maîtrise où tu ne transmets pas d'autres connaissances que tu pourrais avoir de l'univers, et elle vient bien sûr des participant.e.s. Je trouve qu'on reconnaît Millevaux par la cruauté des situations, notamment le comportement suicidaire de deux des figurantes, qui relève presque du surnaturel.
La couleur serait bien sûr différente si les participant.e.s connaissaient davantage l'univers ou avaient déjà un certain nombres de parties des Remémorants dans les pattes. Ce naturalisme paysan me rappelle aussi une partie des Cordes Sensibles que j'ai jouée dans l'univers de Millevaux.

C. Concernant le jeu au présent, beaucoup de questions. Si on se dit que jouer le présent peut être fertile, alors comment le jouer ? Qu'est-ce qu'on doit raconter ? Quelle place ça doit prendre par rapport au jeu au passé ? Est-ce qu'on joue les conséquences des souvenirs précédents, est-ce qu'on joue les sacrifices que les remémorants doivent faire pour accéder leur souvenirs, est-ce qu'on joue les relations entre les remémorants ? Quel est le rôle de la Grande Forêt ? Les personnages ont-il accès au contenu des remémorances des autres ? Est-ce qu'on joue vraiment où est-ce qu'on répond juste à des questions comme : "Que penses-tu de ce souvenir ?" ou "Comment évolue ta relation avec elle maintenant que tu as découvert cette partie de son passé ?"

D. Concernant le doute, on dirait en effet que ça manque d'impact sur l'histoire. Tu dis que c'est plus intéressant de prendre le risque de voir la Grande Forêt impacter sur l'histoire, en tant que joueur si je plaide pour mon personnage, je pense que préférerais douter à chaque fois, parce que c'est ça qui nuit le moins à mon image.
Faut-il renforcer l'impact du doute et comment ?
+ Si le doute mettait fin à la remémorance ? (avec bien sûr un dé de séquelles à lancer juste aussitôt, alors que pour limiter l'attrition, le remémorant a intérêt à avoir des souvenirs longs)
+ Si le doute permettait à la Grande Forêt de remettre le souvenir en cause dès la prochaine remémorance, et sans jeter le dé au début ?
+ Si le doute engendrait une conséquence dans le présent, comme la découverte d'un indice qui semble signifier le contraire ?

E. Tu dis que le jeu permet de sortir de la logique de plaider pour son personnage. En quoi le remémorant ne plaide-t-il pas pour son personnage ? Dans cette partie, par exemple, je trouve que même lorsqu'ils manipulent des figurants, les joueur.se.s remémorant.e.s jouent en faveur de leur personnage. (par ex. le père du personnage de Guylène qui explique à la grande sœur que le personnage de Guylène est malade). Mais je parle sans avoir accès à la totalité des dires et des pensées de la partie.

F. Je vais faire une news pour annoncer le CR, avec sans doute un photomontage dédié. Seras-tu d'accord pour que je l'ajoute dans ton premier message ?
Image
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Thomas Munier
 
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