[Systèmes Millevaux : Les Cordes Sensibles] L'Angelus

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[Systèmes Millevaux : Les Cordes Sensibles] L'Angelus

Message par Thomas Munier » 10 Nov 2015, 16:49

L'ANGELUS

Un peu de drame intime dans un monde de brutes dans l'entourage paysan, souterrain puis spectral des ruines de Paris.

Jeu : Les Cordes Sensibles, un jeu de rôle d'histoires dramatiques par Frédéric Sintes. (version 01.5, inédite à ce jour. Voir la version 1 (assez proche) ici.

Joué le 17/10/15 au Festival de l'Oeil Glauque à Rennes
Personnages : Le Vieux Ben, Kochi, Randavarkus, Eliane


Image

crédit : "L'Angelus" de Millet (domaine public)


L'histoire :

Autour de l'ancienne ville de Paris, il y a une zone de forêt peu dense. Les paysans vivent dans les clairière et cultivent céréales et tubercules, qu'ils troquent aux habitants des souterrains de Paris en échange d'équipement. Au-delà, c'est la forêt profonde, dangereuse. On ne va pas à la Surface de Paris, car elle est réputée être hantée par des fantômes qu'on appelle les Fomores, on prétend aussi qu'il y aurait un portail vers une autre dimension et aussi qu'il y neige des fragments de papier qui sont reliés à la vie intime de celui qui les voit, et qu'on peut être victime de l'obsession de les rassembler. Dans les souterrains de Paris, les gens crèvent de faim, surtout les pauvres amassés dans les étages supérieur, les galeries du métro, les catacombes, les égouts. Ils sont aussi martyrisés par la Caste des Nihilistes, des psychopathes qui pensent que l'humanité doit expier et qui prennent ça comme prétexte pour commettre des meurtres. Les gens des souterrains vivent aussi dans la peur de la Surface, et quand quelqu'un dérange ou commet un crime, la coutume veut qu'on l'exile à la Surface. Et plus bas, dans les tombeaux souterrains, il y a les nobles, qui gouvernent la ville, bien à l'abri.

Dans les clairières, il y a une communauté de paysans, une vingtaine de familles qui grattent la terre pour subsister. Parmi eux, le Vieux Ben, l'ingénieur qui entretient les machines agricoles. Il se fait vieux et le matériel qui arrive de Métro est de plus en plus de mauvaise qualité. Il craint de devenir inutile. Il y a un autre "savant" dans la communauté, mais ils ne communiquent pas ensemble : c'est Randavarkus, l'érudit. Il dispose de savoirs scientifiques qu'il a exhumés dans les livres, mais il ne sait pas comment les mettre en application au service de la communauté. Il y a quelqu'un qui l'admire, même si Randavarkus ne le voit pas. C'est Kochi, un jeune paysan. Kochi est en train de se transformer, victime de l'égrégore, sans doute. Il devient hypersensible. Chacun de ses sentiments est démultiplié, et cela lui rend la vie difficile au sein de la communauté. Quelqu'un lui a dit que migrer vers la Surface serait la solution, que là-bas il s'épanouirait. La personne qui dit autant bien de la Surface (et c'est bien la seule), c'est Eliane, une jeune paysanne. Elle est lassée de la vie sans merveille de la communauté, et pense qu'à la Surface, on peut parler aux fantômes de son passé et que ceux-ci pourront nous apaiser. Cette histoire de fantôme est un sujet de clash avec le Vieux Ben, qui a vraiment peur des fantômes.

Eliane rêve. Elle marche à la Surface. Elle danse sous les fragments de papier qui tombent comme des flocons. Elle aperçoit une silhouette, elle la suite à travers les ruines de Paris couvertes de végétation. Elle la poursuit dans les ruelles de Montmartre. Elle arrive au pied du Sacré-Coeur, dont la coupole crevée laisse passer les arbres et les oiseaux. Elle rattrape enfin la personne, elle lui aggrippe l'épaule. La personne se retourne. C'est son père. Le fantôme de son père. Il ne dit rien et les expressions de son visage sont indéchiffrables. Il y a un bruit de fond. Comme un tremblement de terre.

Le Vieux Ben essaye de réparer son tracteur. C'est le premier tracteur qu'il bricolé, il a une grande valeur sentimentale, il lui a même donné un petit nom : Robert. Ben peste parce qu'il n'a plus de bonnes pièces de rechange sous la main, les dernières que les paysans lui ont ramenées de Métro sont rouillées, trop graissées ou défectueuses. P'tit Marcel, un orphelin, lui tourne autour, il insiste pour l'aider ou pour aller lui chercher des pièces, il lui propose même de retourner à Métro pour qu'il choisisse lui-même les pièces, mais le Vieux Ben l'éconduit. P'tit Marcel s'en va en maugréant. Il rêve de devenir l'apprenti du Vieux Ben mais il ne sait pas comment lui dire. La mort dans l'âme, le Vieux Ben va solliciter l'aide de l'érudit Randavarkus. Randavarkus daigne lui donner des indications techniques, mais il ne retourne pas voir le tracteur avec lui. Le vieux Ben doit faire avec des conseils oraux, sans avis basé sur l'observation de la machine. Il tremble, il fait tomber ses outils. Son cour lui fait mal. Il se dit qu'il n'en a plus longtemps, et il n'est même pas cabale de réparer cette foutue bourrique de Robert. C'est comme si Robert était fatigué de vivre. Le Vieux Ben est fatigué, lui aussi.

Depuis quelques temps, le système d'irrigation est défaillant. La rivière qui l'alimente doit être bouchée ou détournée. Randavarkus va voir le chef du village, Bastien. Il a fait des plans et leur demande de faire des travaux. Bastien lui demande d'aller sur place. Mais Randavarkus décline. Il dit qu'il n'est pas un homme de terrain et ne sait pas travailler de ses mains : il veut juste que les paysans fassent comme il dit (et de partir dans de laborieuses explications). Louis, le fils du chef, un rude gaillard, rougeaud, les mains calleuses, traite Randavarkus de poule mouillée. Il dit qu'il ne veut pas aller à la rivière car elle est proche de la forêt profonde, qu'il y a des fantômes. Randavarkus va chercher de l'aide, il en trouve chez Kochi et chez Eliane, qui pense que les fantômes ne sont pas malfaisants, qu'ils sont juste des ancêtres en peine qui ont des messages à nous transmettre, mais comme il refuse toujours d'aller sur le terrain, le chef refuse d'entamer des travaux sous sa supervision.

Le chef Bastien demande au jeune Kochi d'aller ramasser des pommes de terre, mais presque aussitôt après il lui fait comprendre qu'il ne compte pas sur sa collaboration, que Kochi est devenu trop sensible pour être bon à rien. Piqué au vif (évidemment, d'une façon excessive), Kochi insiste au contraire pour se rendre utile. Il rejoint les femmes paysannes qui ramassent les pommes de terre. Il fait chaud, ce sont les derniers jours d'été. Il voit Eliane penchée à ramasser les tubercules, les joues roses, de la sueur sur sa peau. Kochi est pris dans un nouvel étage de son ascenseur émotionnel, cette fois-ci il éprouve, sinon de l'amour, au moins une curiosité ardente pour Eliane. Elle en profite pour lui dire qu'elle veut partir demain à la Surface, qu'il devrait l'accompagner, parce qu'elle a peur d'y aller seule, et parce qu'il pourra lui être utile sur place, grâce à son "don" qui devrait attirer les fantômes. Pour ce qui est de parler aux fantômes, Eliane en fera son affaire. Kochi proteste, mais Eliane lui signifie que s'il refuse, elle ira toute seule, à ses risques et périls, et finalement il accepte de participer à l'expédition. Eliane parvient aussi à convaincre le Vieux Ben et Randavarkus de se joindre à eux : on fera une escale à Metro, où tous deux pourront voir des choses qui les instruiront, et puis à la Surface il y a des carcasses de véhicules que le Vieux Ben pourra désosser et des phénomènes paranormaux que Randavarkus pourra étudier. Randavarkus se moque de la crédulité d'Eliane. Il ne croît pas aux fantômes, mais accéder aux savoirs de Métro l'intéresse.

Le lendemain soir, au crépuscule. Hommes et femmes sont dans les champs à récolter les épis de blé. Au loin, un tocsin résonne. C'est l'Angelus. Hommes et femmes s'arrêtent pour prier. L'une d'elle est la mère d'Eliane. Elle prie pour le salut de son mari, le père d'Eliane qui est disparu. Eliane lui demande de les accompagner à la Surface, elle pourra revoir son père et lui parler. Mais la mère refuse, elle trouve que c'est trop risqué et doute des hypothèses d'Eliane. P'tit Marcel vient voir la mère d'Eliane et lui demande si elle lui a fait une tarte pour ce soir, comme d'habitude. Depuis qu'il est orphelin, P'tit Marcel est sous la garde de la mère d'Eliane, c'est devenu un fils par substitution. Elle ne veut pas l'abandonner pour cette aventure périlleuse. Eliane convainc P'tit Marcel de se joindre à l'expédition pour accompagner le Vieux Ben, et la mère d'Eliane rejoint alors l'équipe à contrecœur.

L'expédition est arrivée dans la ville souterraine de Paris. Ils sont dans le Dernier Metro, c'est-à-dire la seule rame encore en activité. Ils sont chargés de pomme de terre qu'ils ont prévu d'échanger contre du matériel. Serrés contre eux dans la rame surchargée, les crève-la-faim de la ville les regardent avec envie. Un type de la mafia fait la sécurité. Eliane dit au Vieux Ben et Randavarkus qu'ils devraient aller voir le conducteur de la rame. Il n'y a pas de porte close entre le wagon et la tête de rame, alors ils peuvent en effet le voir. Le conducteur, c'est Raymond Lagagne, un gars dans une blouse bleue pleine de cambouis qui fume une éternelle vieille clope. Il leur explique comment il a retapé la rame, du wagon jusqu'aux circuits du tunnels, leur montre son tableau de bord rafistolé et les baroques amas de fils électriques dans la cabine. Randavarkus est fasciné. Il trouve enfin quelqu'un qui parle le même langage technique que lui. Raymond leur explique qu'il est tout seul, il aurait besoin de monde pour restaurer l'éclairage dans les stations, faire des relais, peut-être ouvrir une deuxième rame. Randavarkus et le Vieux Ben acceptent de travailler pour lui. Ils se sentent tous les deux plus utiles ici qu'au village. P'tit Marcel est en revanche très attristé que le Vieux Ben abandonne ainsi le tracteur Robert et tous les villageois à leur sort.

L'expédition monte ensuite à la Surface, comme elle l'a promis à Eliane. Ils montent une échelle dans un conduit d'égout, et arrivent à la surface. Il n'y a aucun son sinon celui du vent. Kochi ramasse des bouts de papier, ce qu'il y a écrit dessus le bouleverse. Eliane est radieuse, elle danse sous les flocons de papier, elle montre à P'tit Marcel comment en attraper avec sa langue.
Elle ramasse un des papiers et le lit :
« Sous le Pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours faut-il qu'il m'en souvienne »

Le Vieux Ben voit un pont de métal rouillé qui enjambe la Seine, il est couvert de carcasses de voitures. Il s'y rend, mais il fait face à la déception ; rien dans ces épaves ne semble encore utilisable.

Kochi sent que des fantômes l'observent et utilisent son hypersensibilité pour prendre son contrôle. Il s'y abandonne, et sous la dictée des fantômes, il entraîne Eliane pour la conduire jusqu'à eux. Sous le charme, elle se laisse faire, et tous deux courent si vite qu'ils abandonnent le reste du groupe.

Randavarkus voit bien qu'il n'y a rien d'intéressant à la Surface, sinon des contes à dormir debout. Il redescend travailler avec Raymond sur le métro. Mais déjà il rêve d'autre chose : approcher les nobles et leurs savoirs...

Le Vieux Ben l'a rejoint. Mais assez vite, son travail sur le métro se fait sans entrain. Il regrette d'avoir abandonné le village.

Kochi a entraîné Eliane, main dans la main, jusqu'aux ruines de Notre-Dame. Ils sont entrés dans la cathédrale. Vitraux brisés, statue et colonnes à bas, végétation, toit éventré devenu un puits de lumière, vol d'oiseaux. L'endroit avait vraiment quelque chose de sacré.

Ils ont vu le père d'Eliane dans l'allée.

Eliane s'est approchée.

Elle allait enfin pouvoir lui parler.

Et puis il y a eu ce bruit de fond.

Comme un tremblement de terre.

Et ce bruit venait de Kochi.


Feuilles de personnage :

Le Vieux Ben, ingénieur dans la communauté

Problème : actuel 0, seuil 3 : Peur de devenir inutile

Obstacle interne : Je deviens de plus en plus maladroit avec la vieillesse
Obstacle externe : les matériaux se font rares et dysfonctionnent

Sentiments ; actuel 0, seuil 10, Cartes 2
Honte (non exprimé), Tristesse (exprimé), Gaité (non exprimé)

Traits
Croyance interne : je vais bientôt mourir 3
Croyance externe : Je suis terrifié par les fantômes 3
Lien : J'ai du mépris pour Randavarkus, il ne se mouille pas 3
Lien : différend avec Eliane au sujet des fantômes 3
Lien : Robert le Tracteur a une grande valeur sentimentale 3
Lien : Regrets vis-à-vis de l'abandon du village 3


Kochi, paysan

Problème : actuel 2, seuil 3 : Sous l'égrégore ou l'emprise, je suis atteint d'hypersensibilité extrême (un seul sentiment à la fois)

Obstacle interne : mon problème est pernicieux ; j'aime ça.
Obstacle externe : Je rencontre l'incompréhension ou la peur

Sentiments ; actuel 0, seuil 10, Cartes 2
Amour/curiosité (exprimé), Doute (non exprimé), Exaltation (non exprimé)

Traits
Croyance interne : je vais dépasser une limite 3
Croyance interne : Personne ne peut accepter mon problème 3 -> Seule Eliane peut accepter mon problème 3
Croyance externe : J'ai un but à la Surface 1
Lien : admiration envers Randavarkus 3
Lien : influence d'Eliane 3
Lien : Au moment où Eliane voit son père approcher et entend le bruit, je me rend compte que je provoque le bruit 3

Randavarkus, érudit

Problème : actuel 2, seuil 3 : Comment transmettre mes connaissances pour le bien de la communauté ?

Obstacle interne : Pensée trop théorique
Obstacle externe : Les autres ne sont pas réceptifs à mes connaissances

Sentiments ; actuel 4, seuil 9, Cartes 3
Colère (exprimé), Déception (non exprimé), Dépit (exprimé), Joie (non exprimé), Motivation (non exprimé)

Traits
Croyance interne : Mes connaissances sont utiles ! 4, puis 3
Croyance interne : Peur du terrain 1 -> J'apprendrai des choses si je vais sur le terrain 2
Croyance externe : Mes connaissances ne peuvent pas être comprises par n'importe qui 3

Lien : Pas de reconnaissance pour le Vieux Ben 3
Lien : admiré par Kochi 3
Lien : Reconnaissance par Raymond 3
Lien : Je veux que ma mère fasse son deuil 3
Lien : j'irais bien à la rencontre des nobles 3

Éliane, paysanne

Problème : actuel 1, seuil 3 : Je suis lassée de la vie sans merveille de la communauté

Obstacle interne : J'ai peur d'aller à la Surface toute seule
Obstacle externe : Personne ne veut m'accompagner

Sentiments ; actuel 1, seuil 9, Cartes 2
Peur (exprimé), Espoir (non exprimé)

Traits
Croyance interne : je suis née pour parler aux fantômes 3
Croyance externe : les paysans sont englués dans une vie misérable et ne veulent pas en sortir 3
Lien : La Surface est la solution pour Kochi 3
Lien : clash avec le Vieux Ben au sujet des fantômes 3
Lien : je recherche mon père disparu 3
Lien : Je veux que ma mère fasse son deuil 3
Lien : je ne sais pas ce que va dire mon père 3


Décor et figurants :

Décor découpé en quatre zones : les clairières des paysans, la forêt profonde, la Surface, Métro.

Robert le Tracteur (Je suis fatigué de vivre 3)
P'tit Marcel (je veux prendre la suite de Vieux Ben 3)
Bastien le Chef (ennuyé par la situation 3)
Louis le fils du Chef (pense que Randavacus est un baltringue 3)
Le Barman
Mère d'Eliane 3
Raymond Lagagne


Commentaires sur le jeu :

J'ai défini le cadre avec les joueurs, j'avais l'Atlas de Millevaux comme aide de jeu. On s'est d'abord fixé sur la France pour être plus à l'aise avec le contexte, j'ai alors énuméré les lieux de France de l'Atlas, et les joueurs ont opté pour Métro. J'ai résumé les forces en présence, et nous avons opté pour une communauté de paysans.

Contrat social : on est parti sur l'idée que le sexe et la violence étaient possibles, mais ne seraient pas décrits en détail.

Mise en scène à MJ tournant lors des scènes de développement : Les joueurs avaient très peu d'expérience en jeu de rôle, et aucun n'avait jamais maîtrisé. Ils se sont néanmoins prêtés à l'exercice de mise en scène. J'ai juste cadré leur mise en scène de plusieurs façons : au début de la scène, je demandais au joueur Protagoniste s'il avait une envie pour la scène, je redonnais les obstacles internes et externes du Protagonistes au joueur Metteur en Scène pour qu'il les potasse, et si le Metteur en Scène peinait à introduire une adversité, je le faisais moi-même par le biais de mon personnage ou de figurants.

On a joué les deux premiers conflits cartes visibles pour mieux expliquer, et après ça a roulé cartes cachées sans problème.

Sauf incompréhension ou oubli de ma part, je pense avoir joué les règles à la lettre. De mon côté, c'était totalement concluant. Ma mécanique préférée c'est la collecte et l'expression de sentiments, qui amène sur un jeu très empathique. J'avais beau ne pas connaître les joueurs, et eux ne pas avoir beaucoup d'expérience, on a vraiment joué sur l'émotion, donc à mes yeux la promesse du jeu est bien tenue. Je serais curieux de voir ce que ça donnerait entre des personnes qui se connaissent très bien, comme c'est conseillé dans les règles.

Le mix avec Millevaux a bien fonctionné, même si j'ai sans doute modéré l'aspect crade ou dangereux de l'univers, pour laisser de la place aux moments intimistes. Comme l'a dit Frédéric, il est aussi possible que jouer dans un univers fictionnel, de surcroît avec du fantastique, a mis les joueur.se.s plus à l'aise que si on avait joué dans notre univers contemporain avec des problématiques de type cancer, coming-out... Même si les problématiques du Vieux Ben, de Randavarkus, et dans une moindre mesure de Kochi, auraient pu s'appliquer dans un univers contemporain !

Je me suis fait un plaisir de mise en scène quand j'ai joué une scène de développement en Protagoniste (Eliane). Ce n'était pas moi le metteur en scène, mais j'ai juste décrit l'intro : une reproduction du tableau L'Angelus de Millet. C'était vraiment troublant de se dire, ça y est, on joue les personnages de ce tableau célèbre.

On n'a pas eu le temps de jouer jusqu'à une résolution de problème. Sur les cinq dernières minutes de jeu, j'ai demandé à chacun de faire une scène d'exposition (c'est à dire un monologue) où il racontait une fin en cliffhanger pour son personnage.


Retour des joueurs :

Joueur du Vieux Ben :
+ Super sympa
+ Le jeu à MJ tournant permet de contrôler l'histoire qu'on veut veut amener
+ Point faible : on ne peut pas faire progresser son problème pendant la scène d'un autre. [note de Thomas : alors que ça a pu arriver au Vieux Ben de faire des progrès pendant la scène d'un autre, mais mécaniquement il n'avait pas le droit de faire progresser son problème]
+ Quand on est MJ tout seul, peut-être qu'on peut s'essoufler, mais là on est quatre à avoir des idées.
+ C'est bien que le hasard soit maîtrisé.
+ Bien équilibré entre les actions et les sentiments
+ C'est bien qu'on ait le choix de sa personnalité.
+ Millevaux est un bon terreau pour inventer des histoires où les persos sont obligés de se disputer.

Joueur de Randavarkus :
+ C'est désarmant de jouer le MJ.
+ Si on l'habitude d'être MJ et qu'on se retrouve à être joueur, on est moins frustré avec ce type de jeu.
+ J'aime l'idée des scènes d'exposition.
+ C'est un roleplay un peu supérieur, on n'interprète pas un nain radin.

Joueur de Kochi :
+ Dans ce jeu, s'il y avait qu'un MJ, ce serait rigide, c'est mieux que chacun puisse apporter ses idées.
+ J'aime le fait qu'on est dans le personnage, dans ce qu'il ressent, on est pas dans résoudre une mission.
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Re: [Systèmes Millevaux : Les Cordes Sensibles] L'Angelus

Message par Frédéric » 12 Nov 2015, 00:52

Cool, merci pour ce compte-rendu ! Ces commentaires positifs font vraiment plaisir !

C'est très intéressant de voir les spécificités du jeu dans un univers si particulier.
Plusieurs moments sont touchants : le vieux Ben et son tracteur, Eliane et le fantôme de son père, etc.

Je suis un peu circonspect face à l'impression de "groupe de PJ" qui se constitue, autour de l'expédition, qu'est-ce qui a orienté le jeu dans cette direction ? Dans notre mini-campagne à la Buffy, c'est arrivé deux ou trois fois, mais sur la durée d'une scène, pas plus.

Le fait que les PJ ne puissent pas progresser face à leur Problème dans les scènes des autres est important : quand on joue une scène centrée sur un Protagoniste, c'est lui qui doit être au centre des événements. Si un autre joueur explore son Problème, c'est soit qu'il a tiré la couverture à lui (et donc il s'accapare le devant de la scène qui est censé revenir à un autre), soit c'est par contingent et dans ce cas c'est exceptionnel et ça ne devrait pas se produire souvent.

J'ai remarqué que les Problèmes des personnages ne suivaient pas la formulation et la structure qu'ils sont censés avoir : une question à propos de quelque chose à accomplir ou à résoudre, (en dehors de Randavarkus). Est-ce délibéré ? En tout cas les thématiques de vos personnages sont intéressantes.

Le fait de jouer dans un univers précis peut poser des soucis avec un jeu comme LCS, en effet, le jeu repose sur le fait que les joueurs sont responsables des actes de leurs personnages, ce qui n'est possible que si l'on est parfaitement libre de nos décisions, les paradoxes sont fertiles pour l'histoire, les personnages insaisissables sont plus intéressants que les personnages monolithiques. Dès que l'on se bride pour respecter la logique du monde, ça nuit au jeu, comme par exemple dans cette partie (quand le jeu s'appelait encore Psychodrame) dans l'univers de Vampires de White Wolf. Les pouvoirs de domination, le rapport de forces entre vampires de différentes générations et entre vampires et humains affaiblissaient l'expérience du jeu, rigidifiait le Positionnement en quelque sorte. Si un joueur est amené à se dire à un moment : je suis un samouraï, donc je dois respecter le bushido, point. Le jeu est brisé, car il ne permet plus de transgression morale si celle-ci est figée en tant que "loi" de l'univers. SI tu ne peux rien faire contre un autre vampire parce qu'il est bien plus vieux que toi, ou si tu fais ce que tu veux d'un humain parce qu'il est bien trop faible en comparaison de ton personnage, le jeu perd de son intérêt.

Le fait aussi de devoir définir une magie et ses effets à la volée peut être assez compliqué, ou s'il y a un vampire (ou tout autre monstre), quel "canon" du vampire va-t-on utiliser ? Est-ce qu'il craint l'ail ? A-t-il besoin d'une invitation pour entrer chez un mortel ? Peut-il contrôler la volonté d'un mortel ? Ça peut donner lieu à de longs échanges pesant parfois sur la partie. Dans notre partie "Buffy", il y a eu des échanges de cette nature, surtout dans les premières parties, après ça allait mieux (c'est pourtant un hack très réussi).

Il y a aussi le fait que dans LCS, le monde est censé se plier aux exigences dramatiques : si un joueur a besoin d'une rivière pour agir dans le sens qu'il veut (pour boire, pour se faire baptiser ou pour noyer quelqu'un), il y a une rivière (à moins que cette possibilité soit verrouillée en amont : on vit en plein désert, par exemple). Le fait de jouer dans un lieu trop prédéfini peut gêner cette fluidité nécessaire au jeu, car la volonté des personnages et la responsabilité de leurs actes est ce qui compte le plus. Empêcher un acte riche dramatiquement pour une raison du type : ce n'est pas écrit dans la description du lieu, c'est un peu de l'anti-jeu. Le problème intervient surtout quand un participant possède des informations sur le lieu que les autres n'ont pas et qu'il les invoque par souci de cohérence en cours de partie.

As-tu ressenti ce genre de "gênes" ou de "difficultés" pendant la partie ? Je ne veux pas dire qu'il ne faut pas hacker LCS, je le fais moi-même, mais je me demandais si vous aviez rencontré ce genre de difficultés que j'ai déjà rencontrées, ton avis m'intéresse là-dessus.

***

Une question pratique : avez-vous utilisé les Questions pour construire les relations et l'histoire des personnages pendant la partie ? Si oui, comment ça a fonctionné ?
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Re: [Systèmes Millevaux : Les Cordes Sensibles] L'Angelus

Message par Thomas Munier » 12 Nov 2015, 10:06

Je suis content que ce compte-rendu te fasse plaisir et j'espère qu'il te sera utile !

A. Je pense que c'est le problème d'Eliane qui a orienté le jeu vers la constitution d'un groupe de PJ. J'avais écrit que je voulais visiter la Surface, et de surcroît, mon obstacle c'était que j'avais peur d'y aller seule. Par conséquent, mon personnage a poussé à la roue pour que les autres PJ l'accompagnent, c'était l'un de ses enjeux lors de la partie (de même qu'elle essayer d'entraîner des figurants, comme sa mère). C'est peut-être un tic inconscient de MJ de ma part d'avoir fait un tel perso, ou en tout cas d'avoir défini comme obstacle la peur d'aller seule à la Surface, sans doute que je souhaitais vraiment qu'on reste un groupe de PJ, parce que je ne me sentais pas de raconter des histoires séparées à la Magnolia ou à la Babel. Pour autant, je pense qu'il y a une dynamique dans le jeu qui tend à former un groupe de PJ : le fait de pouvoir demander l'aide d'un autre PJ (c'est certes guère plus puissant que de demander l'aide d'un figurant, mais quand tu cherches à monter ta mise, tu va aller solliciter l'aide des autres PJ, on l'a beaucoup fait).

B. Le fait qu'un joueur avait le sentiment que son problème avait progressé pendant la scène d'un autre était peut-être un corollaire du fait que les PJ étaient groupés, surtout vers la fin. Quand Randavarkus rencontre Raymond Lagagne qui lui propose de rester travailler avec lui, c'est assez naturel que Randavarkus et Lagagne invitent le Vieux Ben à se joindre à eux, et en quelque sorte ça fait progresser le problème du Vieux Ben, même si ce n'est pas sa scène. Le fait que Randavarkus et le Vieux Ben avaient une relation problématique et des problèmes finalement très proches faisait que leurs destins étaient assez liés, leurs problèmes progressaient de concert. Je sous-entends que la mécanique de liens me paraît encourager ce genre de situations. Si c'était à refaire, on aurait pu décider de faire progresser de 1 le problème du Vieux Ben lors de sa prochaine scène, même si pendant sa scène, les choses n'avancaient pas, juste pour tenir compte de ce qui s'était produit pendant les scènes des autres.

C. Je pense qu'on avait formulé verbalement la Question mais on ne l'a pas écrite, et ce pour une raison simple : le terme Question n'apparaît pas sur la feuille de personnage 01.5.

D. Le fait de jouer dans un univers imaginaire ne nous a pas posé les problèmes que tu décris, pour plusieurs raisons :
+ on a choisi de jouer des personnages humains, sans pouvoirs surnaturels (hormis peut-être celui de Kochi, mais qui était très limité, finalement, la seule chose qu'il fait de vraiment surnaturelle, - juste avoir une aura qui fait un bruit sinistre - survient dans sa dernière scène d'exposition).
+ En tant qu'univers émergent, Millevaux n'est pas un ensemble de canons esthétiques codifiés, le problème de savoir si on respecte l'esprit de Millevaux dans ses descriptions ne me semble pas exister.
+ J'ai joué Millevaux comme je le fais toujours, comme un univers émergent. Les choses ne sont pas très codifiées et on peut tout trahir à volonté, notamment les paysages. On voit bien avec la scène de l'Angelus et celle de Notre Dame que je manipule les lieux à loisir (on prend une bouche d'égout, n'importe laquelle, et paf on arrive à Notre Dame), je pense que les autres joueurs l'auraient fait aussi s'ils avaient eu plus de pratique. C'est finalement plus libre pour la narration que si on jouait dans le monde réel.
+ Il n'y a pas de codes de conduites ou ce genre de choses dans Millevaux qui puisse contraindre le roleplay des personnages. Si un joueur choisit que son personnage suive un code de conduite stricte, comme par exemple, celui de la chevalerie, c'est son choix, et ça ne pose pas plus de problème que si jouait dans le monde réel et qu'il avait choisi d'incarner un militaire.
+ S'il avait dû y avoir de la magie, je pense qu'on l'aurait géré comme un trait.


E. Quand tu demandes si on a utilisé les Questions pour construire les relations et l'histoire des personnages pendant la partie, je dirais que oui, simplement parce que c'est un élément narratif, donc qui a des conséquences. Par exemple, la question d'Eliane, de tête, c'était : "Vais-je pouvoir arriver à la Surface ?", forcément elle en parlait beaucoup aux autres PJ, elle spéculait sur ce qu'elle pourrait y trouver, et comme son Obstacle, c'était qu'elle avait peur d'y aller seule, elle essayait d'entraîner PJ et figurants dans l'aventure, leur vantant les mérites supposés d'aller à la Surface, ou dans le pire des cas, au moins à Métro. Elle se servait des questions des autres PJ pour les convaincre (elle disait à Kochi qu'il serait heureux à la Surface, à Randavarkus qu'il pourrait y étudier des phénomènes passionnants...)
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Re: [Systèmes Millevaux : Les Cordes Sensibles] L'Angelus

Message par Frédéric » 12 Nov 2015, 17:08

Merci pour ces réponses !
Pour l'effet "groupe de PJ", je ne pense pas vraiment que le jeu y incite : chaque scène étant centrée sur un PJ, ça ne signifie pas que les autres PJ ne doivent pas être présents, mais ça signifie qu'on décide qui est présent et qui n'y est pas à chaque fois PJ comme PNJ. C'est le Metteur en scène qui décide qui est là en fonction du type de situation et d'enjeux qu'il veut créer. D'ailleurs, quand je joue avec mes amis de Poitiers, personne n'impose la présence de son personnage (je devrais peut-être ajouter ça dans les règles). Entre chaque scène, la possibilité de l'ellipse fait qu'on n'a pas besoin de continuité avec la scène précédente, donc on peut réorganiser complètement la situation ou en créer une tout à fait nouvelle.

L'aide fonctionne quand deux PJ (ou plus) sont présents dans la même scène. Mais ça ne veut pas dire que tout le monde doit y intégrer son PJ à chaque fois. Le fait que chaque joueur puisse jouer un PNJ dans la scène d'un autre fait que si on ne joue pas son PJ, on a quelque chose à faire (ou être spectateur et participer tout de même dans le conflits en soutenant un personnage). En fait, le fait de garder les PJ groupés en permanence peut empêcher de découvrir l'intimité de chaque PJ, son quotidien, ses proches, en dehors du cercle des PJ. Une série comme Six Feet Under fonctionne comme ça : on suit la vie de chaque membre de la famille Fisher : de temps en temps ils se réunissent ou se croisent, mais le reste du temps, ils sont avec leurs amis, au boulot, avec leurs compagnons, etc.

Après, ce n'est pas non plus un problème de garder les PJ groupés. Ça offre un peu moins de diversité dans le type de scènes et ça limite le fait de garder chaque scène centrée sur un PJ.

Encore merci pour ce compte-rendu. ;)
Frédéric
 
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Re: [Systèmes Millevaux : Les Cordes Sensibles] L'Angelus

Message par Thomas Munier » 13 Nov 2015, 11:00

Quand tu dis que c'est le Metteur en scène qui décide qui est là en fonction du type de situation et d'enjeux qu'il veut créer, je réalise que ce n'est pas une chose que j'ai comprise comme ça à la lecture. Je pensais que les autres joueurs pouvaient librement faire intervenir leurs Personnages Principaux ou des Personnages Secondaires dans la Scène de Développement sans avoir besoin de demander la permission au Metteur en Scène.
Après, je reconnais que j'ai pu être influencé par ma pratique habituelle, puisque par exemple, quand il y a une possibilité mécanique d'aider un personnage dans un jet de dés, je demande toujours aux autres joueurs s'ils donnent un coup de main ou pas, du coup dans cette partie, il arrivait qu'un Personnage Principal intervienne dans la Scène juste au moment du conflit, pour apporter son aide.
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Re: [Systèmes Millevaux : Les Cordes Sensibles] L'Angelus

Message par Frédéric » 13 Nov 2015, 12:05

Je vois !
En fait le Metteur en scène décrit quel personnage est présent (PJ et PNJ), il propose aux joueurs dont le PJ n'est pas présent s'ils veulent jouer un PNJ (dès que le PNJ intègre la scène). Ou un joueur peut se proposer pour jouer un PNJ.
Un joueur peut intégrer son PJ à tout moment dans la scène si sa présence peut se justifier (Edit : et le Metteur en scène doit être d'accord, pour ne pas que ça foute en l'air son projet pour la scène). En revanche, une fois le conflit engagé, l'aide n'est que pour les personnages présents (par contre un joueur peut soutenir le joueur de son choix si son personnage n'est pas présent).
Mais bon, ça relève du détail.

Et lors des scènes d'Exposition, c'est pareil : le Metteur en scène est le Protagoniste.
Dernière édition par Frédéric le 13 Nov 2015, 14:25, édité 1 fois.
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Re: [Systèmes Millevaux : Les Cordes Sensibles] L'Angelus

Message par Thomas Munier » 13 Nov 2015, 13:08

OK ! En effet, on ne peut pas dire que je l'ai joué comme tu dis là.
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Re: [Systèmes Millevaux : Les Cordes Sensibles] L'Angelus

Message par Frédéric » 13 Nov 2015, 14:29

Pas de souci : ça a pu affecter la dynamique des scènes et la possibilité pour chaque joueur d'être au centre de ses scènes, mais je ne pense pas que ça "casse" le jeu.

P.S. : j'ai corrigé la 4e phrase où j'avais malencontreusement écrit PNJ à la place de PJ :
Un joueur peut intégrer son PJ à tout moment dans la scène si sa présence peut se justifier
Frédéric
 
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