[Odysséa] 3/3 : Ithaque ou l'éternel retour

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[Odysséa] 3/3 : Ithaque ou l'éternel retour

Message par Thomas Munier » 07 Fév 2016, 15:49

ITHAQUE OU L’ÉTERNEL RETOUR

Dernière journée de la campagne d'Odysséa, où tout se dénoue, où tout recommence.

Jeu : Odysséa, revivez l'Odyssée dans une mer en ruines envahie par la forêt.
Peut être vu comme un jeu à part entière (à paraître prochainement) ou comme un théâtre pour Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 31 octobre aux Utopiales à Nantes

Personnages :
Le protecteur, l'incertaine, le vengeur, le déserteur, la justicière, Athléos, Alistène, Achille, Andréas, Inos, Clélia, Emera, Ulysse 1, Thésias, l'enfant, Circé, Ulysse 2, le mycénien, le père de famille, le frère, l'oracle de la mer, celui qui ne voulait pas souffrir, Callisto, Hélène, Ulysse 3, le charpentier, l'oracle de la guerre, Télémaque, Énée


Image
illustration (c) : Thibault Boube, pour le jeu Odysséa


L'histoire :

C'est l'heure du départ d'Ulysse pour la Guerre de Troie, sur le port d'Ithaque, le plus beau royaume du monde. Le ciel est d'un bleu immaculé, les familles couvrent les marins de fleurs, le vin coule à flots. Pénélope se rend auprès d'Ulysse et lui présente Callisto, son homme de confiance. "La famille de Callisto sert ma famille depuis des générations. Je veux te confier à sa garde pour qu'il te protège durant tout ton périple avant que tu reviennes et reprennes le royaume d'Ithaque en mains. Je vous demande de prêter tous les deux serment de mutuelle protection. Faites-vous mutuelle offrande d'un objet qui vous est précieux."

Callisto se rappelle de sa jeunesse. Sa mère lui confie une épée. "C'est l'épée de notre famille, elle est au service des héritiers d'Ithaque depuis des générations. J'ai protégé Pénélope pendant toutes ces années, maintenant il est temps que je te transmette cet honneur et cette charge. Voici mon épée. J'ai fait un pacte avec les dieux, sache qu'elle peut porter un coup fatal à coup sûr, une seule fois. Utilise-là à bon escient."

Callisto donne son épée à Ulysse.

Ulysse se rappelle quand il a sculpté son lit dans le bois d'un olivier. Avec un morceau de souche qu'il avait détourné, il sculpte un taureau. Télémaque, son fils adoré, est à ses côtés, ce n'est encore qu'un enfant. Ulysse lui apprend à poncer le bois. Il sait qu'un jour, il léguera ce taureau à son fils, Télémaque, et alors il ne sera plus attaché au royaume d'Ithaque, il pourra voyager et vivre sa vie en homme libre.

Ulysse donne le taureau à Callisto.

Sur les récifs qui entourent l'île de Circé, le charpentier ramasse des morceaux d'épaves, pour reconstruire le bateau. L'oracle de la guerre vient le voir, il lui propose des aménagements pour le futur bateau. Le charpentier l'écoute. Il fabrique un véritable navire de guerre, avec une corne de fer sur l'avant, avec des renforts de métal, avec des balistes.

Ulysse, Callisto et le charpentier s'entretiennent de la direction à prendre avec les oracles. L'oracle de la guerre propose de passer par le territoire du Kraken, c'est plus court mais bien sûr c'est dangereux, mais bien sûr c'est glorieux. L'oracle de l'amour leur conseille de passer par le territoire des Sirènes. Leur chant peut faire couler le navire, mais si suffisamment de marins se bouchent les oreilles, il n'y a aucun danger, et pour ceux qui écoutent le chant, les Sirènes leur révéleront les secrets nécessaires pour accomplir leur quête.

Le charpentier brûle d'éprouver son navire de guerre en affrontant le Kraken, mais Ulysse et Callisto préfèrent faire voile vers les Sirènes. Ulysse demande à l'oracle de l'amour de lui permettre d'atteindre Ithaque sans souci. L'oracle lui prend l'amour d'Hélène en échange : désormais Hélène sera amoureuse d'elle et non plus d'Ulysse. C'est le prix à payer pour atteindre Ithaque sans souci.

Ulysse est désespéré : ce qu'il voulait vraiment, c'était atteindre Ithaque, mais pas trop vite, car il voulait profiter le plus longtemps possible de l'amour d'Hélène, et voilà qu'il l'a perdu.

La nuit, il fait irruption dans la cabine de l'oracle de l'amour, il porte l'épée que lui a offerte Callisto, il veut tuer l'oracle pour lui reprendre l'amour d'Hélène.
Il y a deux personnes qui surveillent les agissements d'Ulysse. Callisto, pour le protéger, et Alistène, le porteur de guerre, car il sait que s'il peut y avoir une nouvelle guerre après la guerre de Troie, c'est à cause d'Ulysse qu'elle arrivera. Alistène s'est tenu tranquille pendant la traversée, mais alors qu'Ithaque semble se rapprocher, il redevient actif.

Callisto et Alistène s'interposent, alors Ulysse blesse simplement l'oracle. De cette blessure, l'amour d'Hélène en coule : Hélène n'aime plus l'oracle, mais elle n'aime pas non plus Ulysse en retour.

Le navire traverse la région de la mer hantée par les Sirènes. Les eaux sont grosses de tempête, au loin on entend une rumeur semblable à des pleurs. L'oracle de l'amour a fait fondre toutes les bougies du navire. Il est temps que les volontaires se bouchent les oreilles avec de la cire pour manoeuvrer le bateau alors que d'autres se feront ligoter aux mats pour écouter le secret que les Sirènes ont à dire. Alors que Callisto s'apprête à se faire ligoter à un mât (il a grand besoin de savoir comment mener Ulysse à Ithaque sans encombre), Silas le marin vient le voir. Il veut revoir ses parents. S'il n'entend pas les sirènes, alors il y a eu peu de chance qu'il les revoit. Il demande à Callisto de prendre sa place à la manœuvre, ou alors de lui offrir une contrepartie. Qu'il prenne le sort de Silas en pitié où qu'il craigne le prix de la contrepartie, on ne le sait pas, mais Callisto cède à la demande de Silas : il se bouche les oreilles avec de la cire, prend son poste à la manoeuvre du bateau et encorde Silas au mât.

Le bateau progresse en plein territoire sirène. Des brumes lèchent la coque. Les Sirènes, femmes sensuelles, écailleuses, à corps de faucon ou de pieuvre, approchent leur visage de ceux qui sont encordés.
Le charpentier, encordé, demande aux Sirènes d'arriver à bon port avec son bateau mais les cruelles Sirènes demandent un prix de chair humaine, et le charpentier refuse de payer un tel prix : le bateau arrivera à Ithaque après le passage des Sirènes, mais il sera détruit.

Ulysse, encordé, demande aux Sirènes d'arriver à bon port mais le plus tard possible. Une Sirène lui explique ce qui se passera alors.

Sept ans plus tard. Ulysse et ses compagnons sont sur une plage qui semble ne pas avoir de fin. Des bénitiers immenses montent la garde. Le bateau n'est plus. Il n'en reste que des planches de bois éparses, léchées par les vagues.
Ulysse est allongé sur la plage, Hélène est à ses côtés, la tête penchée contre la sienne. Avec le temps, il a pu la reconquérir, un peu, ils sont encore dans une relation d'amour-haine. Énée est mort du scorbut.

Pendant ce temps, à Ithaque. Les prétendants au trône d'Ulysse perdent patience. Ils disent qu'Ulysse est mort en mer, ils pressent Pénélope de prendre un nouvel époux, de désigner un nouvel héritier au royaume d'Ithaque. Pénélope a jadis annoncé qu'elle choisirait un nouvel époux le jour où elle aurait fini de coudre le suaire de son père. Mais le suaire n'était jamais terminé. Les prétendants ont fait pression sur les servantes de Pénélope pour qu'elles l'espionnent. Ils ont harcelé la plus fidèle d'entre elles, la sœur de Callisto, jusqu'à ce qu'elle craque, et qu'elle dénonce Pénélope. Dans le palais ravagé par les prétendants, où brûle le méchoui des meilleures bêtes du royaume, elle a désigné Pénélope, et elle a déclaré qu'elle défaisait le suaire chaque nuit, et que par cette entremise magique, les prétendants croyaient être toujours le même jour.
Un prétendant, fort et gras, s'empare du bras de Pénélope. Télémaque s'emporte et se jette sur lui avec son épée pour défendre l'honneur de sa mère, mais le prétendant est plus fort et enfonce son épée dans le ventre de Télémaque.

Voilà l'avenir dont rêvait Ulysse, et en voilà les conséquences. Ulysse demande à la Sirène comment il peut éviter un tel avenir. La Sirène lui dit qu'il lui suffit de se presser de rentrer à Ithaque, mais ce faisant, en rentrant dans son royaume, il mourra dans son lit, le lit qu'il a taillé de ces mains dans le tronc d'un oliver. Ulysse accepte un tel prix, pour sauver Télémaque.

Alors le bateau franchit le passage des Sirènes. Il navigue encore, et à la nuit tombée, s'échoue sur une crique cachée du royaume d'Ithaque. Comme les Sirènes l'avaient prédit, le bateau, comme fatigué par une telle traversée, se disloque en touchant le large. Le bel ouvrage du charpentier est détruit.

Avant que quiconque descende du bateau, Alistène achète à l'oracle l'amour d'Hélène. Une passerelle est jetée sur la plage. Alistène s'apprête à débarquer, avec Hélène à son bras.

Dans le futur. Sparte a déclaré la guerre à Ithaque pour reprendre Hélène, et les autres nations du monde pour s'emparer du royaume d'Ithaque, le seul qui a survécu au crépuscule des dieux.

Des navires de guerre propulsent des boules de feu sur l'île. Tout le pays est la proie de la coalition, seul le palais résiste encore. Des guerriers-monstres dans des armures de bronze envahissent le palais.

Au coeur du palais, autour de Pénélope et de Télémaque, Callisto, Énée, Alistène et le charpentier, au milieu des corps ensanglantés de leurs proches, forment le dernier carré. Ulysse est mort dans son lit, comme c'était écrit. Le fracas des combats résonne dans tout le palais. Une odeur épouvantable prend le charpentier aux tripes : l'odeur des oliviers d'Ithaque, qui brûlent. Alistène est en proie à la furie guerrière.
Les guerriers-monstres investissent le cœur du palais. A leur tête, Ménélas, gigantesque, aussi gras que musclé, son visage couvert d'un masque de fer à la barbe aiguisée.

Alors qu'Hélène descend la passerelle au bras d'Alistène, le charpentier et Ulysse se précipitent sur elle pour la tuer, mais Callisto s'interpose. Ulysse use alors du pouvoir mortel de son épée et tue Callisto, son protecteur. Avec sa propre épée. Ulysse reprend sur le corps de Callisto le taureau qu'il avait sculpté dans le même bois d'olivier que son lit, et qu'il avait promis de remettre à Télémaque pour lui rendre sa liberté d'adulte, ce taureau qu'il avait offert à Callisto en gage de mutuelle protection.

Le charpentier ne veut pas qu'Hélène débarque sur cette crique en catimini. Se sachant impuissant à franchir la protection d'Alistène, il s'immole par le feu sur le pont de son cher navire.
Le brasier attire l'attention de Pénélope, Télémaque, et des prétendants qui se rendent sur la crique avant qu'Ulysse, Énée, Hélène et Alistène n'aient pu se cacher. Ulysse sort le taureau de bois de sa besace, il s'apprête à le remettre à Télémaque pour lui rendre sa liberté d'adulte, pour le libérer de son obligation de rester à Ithaque, pour lui permettre de voyager et de prendre femme où il voudra, pour le délivrer de la pesante destinée d'être l'héritier d'Ithaque.
L'un des prétendants, celui qui est fort mais a le visage gras, accuse Ulysse de n'être pas Ulysse. Télémaque veut le frapper pour le punir de son impiété. Ulysse voit déjà le prétendant répliquer, et tuer son fils, alors il empêche le combat, mais ce faisant, il perd l'occasion de remettre le taureau à Télémaque. Pour calmer les prétendants, Pénélope annonce qu'elle mettra tout le monde, y compris cet homme qui prétend être Ulysse, au défi de bander l'arc d'Ulysse et de tirer une flèche entre sept haches.

Dans le passé, pendant la Guerre de Troie. Alistène a subi son baptême de sang. L'oracle de la guerre et Ménélas sont auprès de lui. Ensemble, ils discutent des différents scénarios de guerre possible en fonction de qui pourrait gagner le défi des haches. Une guerre des prétendants si Ulysse échoue, une guerre pour reprendre Hélène si Ulysse gagne, une guerre pour conquérir Ithaque si Hélène meurt.

La discussion se poursuit dans le futur, quand Ménélas investit la cour du palais et qu'ils tiennent le dernier carré. Une discussion de fer et de sang.

Le défi des haches prend place le lendemain. C'est l'occasion pour Ulysse et ses camarades de constater l'incurie dans laquelle les prétendants ont laissé le palais. Le sol est jonché d'ordures, on a fait un méchoui des meilleures bêtes d'Ithaque dans le cœur même du palais, le vin coule à flot, et l'oracle de Dionysos, le dieu des orgies et de la fertilité, tient pour ainsi dire cour dans le palais, hirsute, barbu, toujours ivre au dernier degré, vomissant et harcelant les servantes.

L'un après l'autre, les prétendants tendent de bander l'arc d'Ulysse, sans y parvenir. L'un des prétendants, un homme fielleux, parvient à tendre l'arc un instant, mais avant de pouvoir encocher une flèche, il se prend la corde en pleine figure.

Le prétendant au visage gras s'avance vers l'arc. Il a fait un pacte avec l'oracle de Dionysos pour favoriser sa fortune. Il parvient à bander l'arc, ses muscles sont gonflés, les veines saillent à en craquer... Il encoche une flèche... et tire !
Mais ce n'est pas la flèche qui part, mais son bras. Le prétendant se roule à terre en hurlant, son moignon expulse du sang et asperge les personnes les plus proches.

Télémaque murmure à Ulysse : "Je brûle de massacrer tous ces fumiers.". Il est en proie à l'hubris, l'orgueil guerrier. Déjà il porte sa main à son fourreau. Ulysse lui fait le serment qu'une fois le défi des haches remporté, ensemble ils tueront les prétendants et les servantes, innocentes, mais suspectes, si Télémaque lui conserve son amour.

Ulysse va voir l'oracle de guerre. Lui même n'est pas assuré de remporter la prouesse que représente le défi des haches, sans la faveur des dieux. L'oracle de la guerre jubile. Il le favorisera pour le défi des haches, si Ulysse s'engage à provoquer une guerre. Ulysse accepte, la mort dans l'âme.

Il empoigne l'arc et tire entre toutes les haches, du premier coup. Puis il encoche de nouvelles flèches et embroche les prétendants un par un. Avec Télémaque, il les massacre, ainsi que les servantes, comme la sœur de Callisto, qu'il empale avec les cornes du taureau de bois, la sœur de Callisto, servante fidèle. Sa seule défaillance, elle l'aurait commise un jour, dans sept ans, dans un futur déjà révolu.

Ulysse, couvert de sang, prend sa couronne des bras d'une Pénélope dévastée, il s'en ceint le front et s'assied sur le trône aux côtés de son épouse.

Ulysse a accompli son destin.

L'oracle de la guerre crie. Il n'entend plus son dieu ! L'oracle de l'amour se jette du balcon, tous les oracles de l'île mettent fin à leurs jours. C'est le crépuscule des dieux, ainsi donc les dieux sont morts car Ulysse est rentré chez lui, mettant fin à la dernière légende.

Reste l'oracle de Dionysos, qui ricane. Qui ricane.

Un grondement ébranle l'horizon. Par les balcons du palais, on voit des branches et des troncs surgir de la mer. Une immense forêt pousse dans la mer et menace de la combler.

Ulysse, fourbu de toute sa traversée, va se coucher avec Pénélope dans le lit en olivier. Il sait qu'il va mourir, cette nuit, dans ce lit. Il convoque Télémaque. Il lui demande de passer le reste de sa vie à pourchasser Énée, afin de signaler sa position à ses poursuivants, afin que perdure la guerre de Troie, ainsi Télémaque remplira la promesse qu'Ulysse a faite de déclencher une guerre. Télémaque refuse. Il veut être libre ! Ulysse lui avait promis qu'il le libérerait de son destin ! Maintenant que les dieux sont morts, les hommes devraient être affranchis, et Ulysse lui imposerait cet esclavage éternel ! Télémaque n'en peut plus, son visage est rouge de colère et d'incompréhension. "Je refuse, je refuse !". Il étrangle Ulysse, et Ulysse se laisse faire, et il meurt ainsi, dans le lit qu'il a fait de ses mains, dans le tronc d'un olivier.

Il se rappelle quand il fabriquait le lit, et qu'il montrait à Télémaque, alors un tout jeune enfant, comment poncer dans le sens du bois. Et ce soir, il meurt dans ce même lit, des mains de son propre fils, comme l'avait dit la prophétie.


C'est le lendemain de cette triste nuit. Télémaque veut se consacrer à la protection de Pénélope. Ithaque est encerclée par la forêt.

Énée, quand à lui, fait des plans pour reprendre la route et fonder la nouvelle Troie. Ensemble, ils vont voir l'oracle de Dionysos, puisque c'est le dernier oracle qui ait un quelconque pouvoir. Il conseille à Télémaque de partir avec Pénélope et d'accompagner Énée dans son exil. Télémaque comprend alors que si Pénélope meurt ou quitte Ithaque, alors la forêt contaminerait aussi le royaume, et que c'est exactement ce que veut l'oracle. Qu'Ithaque se referme.

Ils veulent tuer l'oracle mais il les arrête en disant que s'il meurt, alors Ithaque se transformerait en désert. Ils décident alors de l'enfermer. Il leur confie une fleur de lotus, matière spongieuse qui ressemble à une chair de mollusque, et leur dit qu'en consommer serait la seule façon de vivre aux côtés de Pénélope et la protéger pour toujours. En effet, le lotus permet de se plonger dans un de ses meilleurs souvenirs. Télémaque et Énée emportent le lotus, mais ils refusent d'en consommer.

C'est alors qu'ils se rappellent de la journée entre l'arrivée d'Ulysse et le défi des haches. C'était un moment de trêve, les prétendants étaient trop occupés à préparer le défi pour leur nuire. Ulysse marche aux côtés de Télémaque et d'Énée. Il n'y a qu'eux, et puis les oliviers, les cigales, le ciel et la mer. Ulysse leur dit de prendre le lotus, de les rejoindre dans ce souvenir, dans ce moment où ils sont ensemble et heureux en sécurité, et qui n'arrivera plus, puisque ce soir Ulysse sera mort et la mer va disparaître.

Il dit : "C'est ça, l'éternel retour. C'est ici, maintenant, à Ithaque, ensemble, avec les oliviers, les cigales, le ciel et la mer". Énée rétorque : "Je ne peux pas rester ici, je dois partir, fonder la nouvelle Troie." Ulysse lui tend les bras : "Ici, c'est ta maison si tu veux."

Alors Énée et Télémaque consomment le lotus.


Après la défection de Télémaque, Pénélope est seule au palais pour gérer les affaires courantes. Ithaque n'est plus qu'une oasis de nature harmonieuse au milieu d'une forêt sans limite. Les gens qui ont débarqué du navire d'Ulysse n'ont pas été reconnus par leurs familles : c'est comme si la corrosion atteignait déjà Ithaque, par la mémoire.

Mentor, le sage qui a élevé Télémaque, va voir l'oracle Dionysos en prison. Il lui demande de rendre leurs souvenirs aux familles. L'oracle demande du vin pour entrer en transe et parler à son dieu. Au sommet de l'ivresse, il entend la voix putride de Dionysos. Il lui explique comment préparer un vin qui rendra des souvenirs aux familles concernant les marins qui leurs étaient proches, mais seulement les pires souvenirs. Les familles se sentiront coupables vis-à-vis des marins.

L'oracle sort de sa transe et dit à Mentor qu'il peut préparer un vin qui rende la mémoire, mais en échange il dit que son dieu exige la mise à mort de Pénélope. Ceci, bien sûr, est une invention de l'oracle, pour que Pénélope meure et qu'ainsi la forêt envahisse Ithaque.

Mentor convoque tous les habitants dans la cour du palais, là où il y avait eu le défi des haches. L'oracle est suspendu dans une cage. Mentor explique les exigences de l'oracle pour obtenir le vin du souvenir : sacrifier Pénélope.

C'était au départ des marins d'Ithaque pour la guerre de Troie. Le jour où Pénélope a demandé à Ulysse et Callisto de prêter serment de mutuelle protection. Celui qu'on appelle le marin dit au revoir à sa famille. Sa femme, qui mourra pendant son absence, sa fille de 8 ans, son enfant de 4 ans. Celui-ci chante pour lui, sa fille lui donne un bracelet de cuir qui se détachera quand les côtes seront en vue.

On fait une fête pour le départ Ulysse. La nourrice d'Ulysse sermonne Pénélope : la nourrice a veillé sur le héros de son enfance à son mariage et aujourd'hui elle a le sentiment de le confier entre de mauvaises mains.
Ulysse dit au revoir à Pénélope. Il lui promet de revenir lui faire un nouvel enfant.

C'est la dernière nuit d'Ulysse. Il va voir l'oracle de Dionysos pour qu'il favorise la fertilité de Pénélope. L'oracle lui demande en échange de lui laisser servir un vin d'oubli aux familles qui sont massées dans le palais pour fêter son retour. Ulysse hésite à accepter un tel prix. Il retourne voir Pénélope pour lui demander son avis. Pénélope refuse de répondre, elle lui fait couler un bain pour le faire patienter. Il repart. La nourrice arrive et donne du raisin empoisonné à Pénélope, mais Pénélope comprend ce qui se trame et refuse d'en manger. Ulysse revient pour lui dire qu'il a pris la décision lui même : l'oracle est déjà en train de servir le vin d'oubli aux convives. Pénélope lui dit alors que ce n'était pas le fait de servir du vin d'oubli qu'elle refusait. En réalité, elle refuse de lui refaire un enfant. Ulysse a permis l'empoisonnement de son peuple pour rien !

De retour à la cour du palais, avec tout le peuple d'Ithaque réuni, marins fourbus comme familles oublieuses, avec Mentor et l'oracle dans sa cage, la nourrice et Pénélope sur son trône. La nourrice laisse Mentor ouvrir la cage de l'oracle. L'oracle et le marin tuent Pénélope.

Alors que Pénélope s'écroule sur les dalles de la cour, un grand tremblement secoue toute l'île.

Ithaque se referme.

Adieu les oliviers,
Adieu les champs de blé,
Adieu les cigales.


Personnages :

Le protecteur
Quête : protéger les civils

L'incertaine :
Quête : trouver la meilleure attitude dans la guerre

Le vengeur :
Quête : venger l'honneur des grecs en remportant la guerre

Le déserteur :
Quête : fuir la guerre

La justicière :
Quête : protéger les innocents

Athléos :
Quête : sauver Cassandre pour lui poser des questions

Alistène :
Quête 1 : perpétuer la Guerre de Troie
puis Quête 2 : provoquer la guerre entre Sparte et Ithaque

Achille :
Quête 1 : Se venger d'Ulysse
puis Quête 2 : protéger Briséis

Andréas :
Quête : rétablir Troie
Symbole : loyauté

Inos :
Quête : faire honneur à sa famille
Symbole : famille

Clélia :
Quête : sauver Inos des enfers

Emera :
Quête : S'assurer que Troie soit détruite pour mieux en sauvegarder la légende

Ulysse 1 :
Quête : ramener la science de Troie à Ithaque

Thésias
Quête : rejoindre sa famille
Symbole : le retour

L'enfant :
Quête : voyager et découvrir le monde

Circé :
Quête : se protéger des agresseurs

Ulysse 2 :
Quête : reprendre la mer pour se rendre à Ithaque

Le mycénien
Quête : revoir sa famille à Mycènes sans sacrifier personne

Le père de famille :
Quête : retrouver sa famille

Le frère :
Quête : se venger d'Énée qui aurait tué son frère.

L'oracle de la mer :
Quête : permettre l'avènement de la Nouvelle Troie et la fin d'Ulysse

Callisto :
Quête : protéger Ulysse

Hélène :
Quête : ne plus être le prétexte d'une guerre.

Ulysse 3 :
Quête : arriver à Ithaque... mais pas trop vite.

Le charpentier
Quête : rentrer à Ithaque... avec son bateau en bon état.

L'oracle de la guerre :
Quête 1 : ramener Hélène à Ithaque pour provoquer la guerre de Sparte
puis Quête 2 : provoquer la guerre des prétendants

Télémaque :
Quête : protéger Pénélope

Énée :
Quête : fonder la Nouvelle Troie


Contexte :

En 2014, j'ai animé aux Utopiales une séance d'Inflorenza, le jeu de rôle des héros, des salauds et des martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux. C'était une séance de trois jours, en table ouverte. Le thème était Les Chemins de Compostelle et nous avions joué avec les règles d'Inflorenza première édition. J'avais pour matériel :
+ douze d12
+ deux tableaux des thèmes
+ un tableau de 144 exemples de phrases d'historique de personnage
+ un tableau de 144 exemples de phrases de pouvoir de personnage
+ un scénario de 2 pages
+ des feuilles et des stylos pour les joueur·se·s

L'expérience m'a tellement plu que je souhaite la renouveler pour 2015. J'ai refusé un stand pour me focaliser à nouveau sur cet exercice de la table ouverte, éprouvant mais combien riche.

L'idée pour 2015 est de tenter un challenge dans le challenge : jouer sans matériel.

Je m'explique. Lors de ma table ouverte en 2014, j'ai très largement improvisé à partir d'un vague scénario de situation. J'avais cependant de nombreux supports matériels pour cette improvisation. Les feuilles de personnage sont une suite de phrases sur l'histoire du personnage, elles fertilisent la narration. La résolution par dés amène beaucoup de conséquences imprévues aux conflits, le tableau des thèmes et les scénarios sont une source d'inspiration pour moi et pour les joueur·se·s.

Depuis, j'ai conçu une variante, Inflorenza minima, qui se joue sans matériel, sans écrit, sans chiffre et sans hasard. Dans cette variante, chaque personnage est défini par sa quête, et chaque fois qu'il veut progresser dans sa quête, il devra en payer le prix fort ou renoncer pour l'instant. Ma contribution personnelle au jeu de rôle freeform (formes de jeu de rôle sans modélisation mathématique). J'ai testé Inflorenza minima sur une vingtaine de parties, il est complètement rôdé, en revanche je n'ai jamais dépassé les 3 heures de jeu consécutives sur le même scénario, parce que jouer en freeform accélère la narration et parce que c'est le format habituel de mes parties.

Jouer Inflorenza minima en table ouverte aux Utopiales me met au défi de jouer en impro, sans matériel, sur une partie d'une vingtaine d'heures cumulées. C'est un défi à ma capacité d'impro et une démonstration de jeu freeform. Pendant trois jours, le public des Utopiales assistera et participera à une table d'un jeu de rôle basé uniquement sur la conversation.

Le défi posé, il me fallait choisir un thème, un scénario de situation. Un jeu en table ouverte, qui plus est sur une telle durée, se base sur une quête de longue haleine et implique des arrivées et des départs de protagonistes : en bref, un voyage. Le parcours de Nantes à Compostelle avait bien fonctionné dans ce sens en 2014.

Dans le jeu en table ouverte, l'entrée des joueur·se·s dans l'aventure doit être immédiate : on réduit au minimum les informations nécessaires pour commencer. Les Chemins de Compostelle faisaient le boulot : je disais juste qu'on refaisait le pèlerinage de Compostelle dans un futur obscurantiste où la forêt a tout envahi. Dans ma réflexion pour cette nouvelle table ouverte, j'ai hésité entre deux voyages : L'Enfer de Dante ou l'Odyssée.

J'ai écarté L'Enfer de Dante. Le thème était trop sombre et n'aurait pas parlé à tout le monde. Peu de personnes connaissent les péripéties de cette œuvre, encore moins l'ont lue. Tandis que presque tout le monde connaît l'Odyssée, au moins son héros Ulysse ou ses principales péripéties : le Cheval de Troie, le Cyclope, Circé, les Sirènes. De plus, il y a un passage aux Enfers dans l'Odyssée, donc je pourrai donc recycler mon envie de descente au domaine des morts. Et ne serait-ce qu'avec Ulysse 31, on se fait bien à l'idée que le mythe de l'Odyssée soit retravaillé selon les codes d'un autre genre, ici l'horreur forestière de Millevaux.

Le résultat à été Odysséa, qui de théâtre pour Inflorenza minima, est finalement devenu un jeu-campagne à part entière (on dirait un burst, vu sa durée), une nouvelle porte d'entrée dans l'univers de Millevaux.


Commentaires sur le jeu :

J'ai bien rempli mon défi de jouer toute une campagne sans matériel. J'avais élaboré des tables aléatoires à destination des personnes qui voudraient jouer Inflorenza avec un livre et des dés, mais pour ma part je les ai apprises par cœur, et donc j'ai joué sans dés et sans texte, et les joueur·se·s n'ont pas utilisé de stylo, à part quelques irréductibles de la prise de notes.

Ce fut un souvenir de jeu très intense, et j'espère que les joueur·se·s ont pris autant de plaisir que j'en ai eu à les accompagner dans cette traversée. J'imagine que ça n'a pas été optimal pour tout le monde, soit parce que le lieu de jeu était bruyant, soit parce que les personnes ne pouvaient pas rester assez longtemps pour être bien investies dans le jeu, mais j'espère au moins que les personnes qui n'ont souffert ni de l'un de l'autre ont passé un bon moment.

Au final, j'ai dû utiliser moins de 50 % des règles, j'ai notamment zappé les pouvoirs (l'épée d'Ulysse est juste une réminiscence de cette règle, elle fonctionnait comme un pouvoir), et il est très rare que j'ai demandé aux joueur·se·s de définir des symboles, et dans ce cas-là, je n'en demandais qu'un au lieu de deux. Je pense que ces règles auraient été utiles si j'avais joué sur la même durée mais avec un groupe de joueur·se·s persistant. En table ouverte, je me devais d'aller à l'essentiel, et les joueur·se·s en restaient pas longtemps, de 5 minutes à 3 heures, je dirais.

De même, je suis loin d'avoir utilisé tout l'univers, il faut dire que certains éléments avaient beaucoup de potentiel (le fait de devoir sacrifier un être cher pour faire partir un bateau, par exemple), et donc sur une période de jeu de 15 heures, ce qui est au final assez court pour une campagne, on pouvait zapper un certain nombres d'éléments. Le système de choix cornéliens fait aussi qu'on zappait forcément des rencontres (ainsi, le Kraken, ainsi les Cyclopes, ainsi Charybde et Scylla.). Et puis les joueur·se·s amenaient leurs propres connaissances de l'Iliade et de l'Odyssée (Cassandre, le lit d'Ulysse en bois d'olivier...), ça faisait des éléments en plus à exploiter, et qui pour moi avaient la priorité sur les éléments que j'avais préparés, puisque le jeu suit les quêtes que les joueur·se·s ont imaginées pour leur personnage.

On a certainement fait des entorses à la mythologie grecque, mais ça ne me pose aucun problème. D'une parce que c'est un jeu de rôle uchronique, de deux parce que tant que ça ne gêne personne à la table et que ça crée du jeu, c'est acceptable.

J'espère que ce compte-rendu de partie est agréable à lire, pour autant j'ai conscience qu'il ne rend pas complètement honneur à l'aventure qu'on a joué. Avec mes règles de choix cornéliens, 30% du temps de jeu était consacré à des cogitations de joueur·se·s pour choisir la moins pire issue, je pense que c'était central dans le fun du jeu, et on le retrouve très peu dans le compte-rendu de partie, il aurait fallu que je retranscrive toutes les pensées des personnages que les joueur·se·s vocalisaient, ce qui n'est pas la chose que je mémorise le mieux. Idem, on a parfois l'impression dans le compte-rendu que certains personnages agissent tous seuls ou en tout cas tirent la couverture à eux, mais en réalité, il y a eu beaucoup de conflits duels pour trancher des litiges, qui souvent impliquaient tous les joueur·se·s à la table.
Une partie de jeu de rôle, c'est une aventure et un jeu, pas une histoire, et donc l'histoire qu'est le compte-rendu de partie ne peut restituer tout le sel de cette aventure et de ce jeu.

Enfin, la chose dont je suis le plus fier, c'est d'avoir expérimenté des règles qui imbriquent des choix cornéliens et des allers et retours dans le passé et dans le futur. Ces voyages dans le temps potentialisent énormément les choix cornéliens : les flash-back montrent aux joueur.se.s à quel point ils tiennent à telle ou telle chose, et les flash-forwards leur font expérimenter les conséquences des choix qu'ils s'apprêtent à prendre.

Et par moment, ces voyages dans le temps étaient si fréquents que ça donnait un côté mindfuck à l'expérience de jeu, que j'ai personnellement adoré.

Enfin, la combinaison des choix cornéliens et des voyages dans le temps (dynamiques, les joueur.se.s avaient un grand pouvoir d'action pendant ces voyages) m'a révélé qu'Odysséa était, avant tout, un jeu sur le combat entre l'essence et l'existence. Les joueur.se.s avaient un pouvoir de choix absolu et pourtant, une fois sur deux ils reproduisaient le destin qu'on avait prédit pour leur personnage, alors qu'ils voulaient au départ tout faire pour l'éviter.
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Thomas Munier
 
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LES JEUX DES ATELIERS IMAGINAIRES

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