[Inflorenza Minima] Pompéi

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[Inflorenza Minima] Pompéi

Message par Thomas Munier » 21 Mai 2016, 10:15

POMPÉI

Vivre le dernier jour de Pompéi, à travers le temps, encore, toujours.

Jeu : Inflorenza minima, le jeu de rôle des contes cruels dans les forêts de Millevaux

Joué le 27/11/2015 chez l'habitant lors de la tournée Paris est Millevaux 2

Personnages : Rufius, Sura, Marcus

Image
crédits : kaveman743, lacylouwho, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com


Le théâtre :

On joue dans l'empire romain, transposé dans Millevaux : c'est l'empire romain à son apogée avant les invasions barbares, les révoltes des gladiateurs, des esclaves ou de la plèbe (ruines), alors que la forêt le menace de toute part, que la mémoire se fane (oubli), que la décadence corrompt les mœurs (emprise). Tous les cultes sont autorisés (égrégore) hormis celui des chrétiens car ils refusent l'autorité de César, mais les dieux ne répondent plus aux prières et aux sacrifices. Parmi les cultes autorisés, on voit émerger les cultes de démons infernaux et sauvages, les horlas, fruits de l'emprise et de l'égrégore.

Les personnages habitent à Pompéi. Ils se réveillent un matin, à la suite d'un rêve prémonitoire, avec la certitude qu'ils ne survivront pas jusqu'à l'aube prochaine. Dans ce théâtre, on joue donc le dernier jour de la catastrophe de Pompéi. Avec la certitude que les personnages des joueurs ne survivront pas jusqu'à la prochaine aube, mais sans savoir à l'avance dans quelles circonstances ils mourront. A quoi vont-ils consacrer le temps qui leur est imparti ?


Les personnages :

Rufius, sénateur
Objectif : sauver sa fille Camilla
Symboles : cité, apparat

Sura, scientifique
Objectif : sacrifier Camilla pour en extraire le sérum
Symboles : lois, mensonge

Marcus, scientifique
Objectif : sauver Camilla pour l'étudier et apprendre à produire le sérum
Symboles : Peur, technologie


L'histoire :

Le sénat de Pompéi tient une réunion extraordinaire dans un amphithéâtre blanc qui donne sur la mer et le ciel bleu. Il est caché de la ville et de sa plèbe par des grandes tentures pourpres. Au-dessus du Vésuve, le ciel est gris, comme un jour d'orage. L'objet de la réunion est de statuer sur le sort d'un quartier contaminé par l'emprise, une maladie mutagène. Aussi deux scientifiques, Sura et Marcus, chargés d'étudier ce mal, ont-ils été conviés en tant que conseillers.

Un vieillard fait irruption dans l'amphithéâtre. Il traite les sénateurs d'imposteurs et de spoliateurs, il clame que Pompéi est condamnée. Il touche une tenture pourpre, celle-ci pourrit instantanément et répand son mal aux autres tentures.

Les sénateurs ordonnent aux gardes de s'emparer du vieillard. Othon, un jeune sénateur, neveu de César à qui il doit sa place, grand et bel homme, musclé, statuaire, pur, au visage marmoréen, réclame qu'on crucifie ce sorcier. Sura et Marcus insistent pour qu'on leur permette d'étudier ce sorcier avant son supplice : peut-être sa façon d'utiliser l'emprise leur permettra d'apprendre comment la combattre. On vote et, sur la proposition de Rufius, les sénateurs décident de reporter la crucifixion au lendemain, et de confier le vieillard à l'étude des scientifiques entre temps : c'est tout le délai qu'il leur fallait. Les deux hommes se sont réveillés ce matin avec la prémonition qu'ils ne verraient pas la prochaine aube.

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C'était il y a quelques jours.
Othon vient voir les scientifiques, dans leur laboratoire situé dans le quartier contaminé. Il leur présente Siléas, son favori, un beau jeune homme aux cheveux blonds bouclés. Son cuir chevelu se détache comme un tapis, il est moisi : Siléas est atteint par l'emprise. Othon les couvrira d'or s'ils le guérissent. Sura et Marcus ne connaissent hélas aucun remède à l'emprise pour le moment. Tous leurs espoirs de recherche reposent une jeune femme parmi les esclaves à qui ils inoculent des ferments d'emprise : Camilla, qui n'a pas contracté la maladie. Elle est porteuse saine, et en l'étudiant, ils pourraient trouver un sérum pour guérir de l'emprise. Mais à l'heure où Othon vient les trouver, ils n'ont rien. Lysine, une autre scientifique du laboratoire, également prêtresse de Salus, la déesse de la guérison, leur propose une option. Elle peut "racler" les parties putréfiées grâce à la chirurgie. Cela lui accordera un sursis.

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Marcus a une vision du présent, dans l'amphithéâtre. Il aperçoit Siléas, au côté d'Othon, la tête grossie d'un épais bandage. Dans ce présent, Lysine a procédé à l'opération. On lui a coupé un de ses bras, parce que l'emprise avait progressé malgré tout.

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Il voit un autre présent, où ils ont avoué leur impuissance à Othon. Ils se retrouvent avec un puissant ennemi au Sénat, qui veut faire arrêter leurs expériences.

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Sura et Marcus laissent Siléas aux bons soins des couteaux de Lysine. Deux gardes d'Othon apportent de lourds sacs. Othon leur ordonne de se mettre à genoux. Ils les fait couvrir de pièces d'or.

< < Rufius, le sénateur, s'est réveillé ce matin avec la prémonition qu'il ne passerait pas l'aube. Il avait eu une concubine, par le passé, Annia, et quand elle était devenu un poids, il l'avait fait supprimer. Il avait fait en sorte que le fruit de leur union, Camilla, soit écarté de sa vue. Mais alors qu'il pressent la catastrophe de Pompéi et qu'il ne sait qu'il ne lui reste qu'un jour à vie, il veut sauver Camilla de la mort.

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Ce n'est pas une chose qu'il avait en tête quand il est venu visiter le laboratoire il y a quelques jours, pour rencontrer Sura et Marcus. Échappée de sa cage, Camilla se présente à lui. C'est une adolescente aux cheveux courts, au visage androgyne. Sa tunique cache ses formes. Elle a un cathéter à son bras, on lui prélève du sang régulièrement pour tenter de trouver un sérum. Elle supplie son père d'interdire que les scientifiques fassent d'elle une cobaye, et il lui dit qu'elle doit faire son devoir pour la cité. Marcus la raccompagne de force dans sa chambre, et sur le chemin, elle lui demande de la laisser s'enfuir.

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Dans un futur impossible, Marcus est dans un laboratoire roulant, aux côtés de Camilla. L'emprise a eu raison de l'empire romain. Le laboratoire erre par monts et par vaux, tâchant de se soustraire à la convoitise des pillards. Camilla a soixante ans, elle est alitée, câblée à des tuyaux qui lui pompent du sang. Ils arrivent à soigner quelques personnes en leur transfusant le sang de Camilla, comme Siléas, qui en reçoit depuis tout ce temps. Mais ils n'ont pas encore trouvé comment fabriquer le sérum en quantité. Camilla est restée leur cobaye car elle s'est résigné à son sort, elle a reconnu que c'était son devoir. Elle est en train de rendre son dernier soupir. Elle ricane : "Et vous n'avez jamais songé à me faire un enfant, alors que le remède contre l'emprise aurait exigé des générations de recherche !"

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Juste avant que Marcus emporte Camilla dans sa chambre, Rufius lui dit au revoir. Ils sont presque intimes. Rufius aurait-il déjà en tête la prémonition de mort qui lui va venir ? Il n'avait pas revu Camilla depuis sa plus tendre enfance et il la retrouve presque femme. Alors qu'ils se séparent, chacun agrippe le bras de l'autre.
"Vous ressemblez à votre mère.
- Et vous, vous ressemblez à un père."

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Retour au présent. Othon veut murer le quartier des contaminés pour que l'emprise ne s'étende pas au reste de la ville. Ses maçons sont prêts à agir dès que la décision sera votée. Marcus proteste, si le quartier est muré, il ne pourra pas sauver Camilla.

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Rufius se voit dans le futur. C'est la nuit, il embarque sur un bateau, avec son frère armateur. Des boules de feu pleuvent sur la ville. Un vent de tempête s'est levé. Son frère le regarde, et le vent lui frappe le visage. Le vent qui vient du quartier contaminé, qui n'a pas été muré, le mur aurait empêché le vent de colporter les miasmes. Son frère le regarde, et des tumeurs minérales lui poussent sur le visage.

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Un autre futur impossible, où Sura aurait survécu malgré la prémonition. Le lendemain de la catastrophe. Il est dans l'amphithéâtre, gris de cendres. Recroquevillés sur les marches, Othon et Siléas, statufiés dans une ultime étreinte. Lysine a fait dresser un bûcher. Elle dit à Sura qu'il est temps de sacrifier Camilla dans un holocauste à la gloire de Salus, c'est la bonne date comme l'a prédit l'astrologie. Camilla est ligotée, Sura n'a plus qu'à la traîner sur le bûcher.

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Le présent. Rufius va voir le bateau de son frère dont il sait qu'il sera le seul à pouvoir quitter Pompéi à temps. C'est un petit bateau amarré au quai le plus avancé. Rufius sait d'après sa vision que seules trois personnes pourront monter à bord, sans quoi le bateau ne sera pas assez rapide, il le voit déjà transpercé par une chute de pierre. Quand il arrive au bateau, il trouve son frère en discussion avec Othon, qui veut lui acheter le bateau, qui veut quitter la ville parce qu'il n'a pas réussi à faire murer le quartier contaminé. Il emmène Siléas, et aussi Lysine, qui porte avec elle sa trousse à couteaux : Othon l'a débauchée pour qu'elle se consacre aux "soins" de Siléas.

Rufius ne veut pas de ce futur possible dans lequel Othon, Siléas et Lysine seraient les seuls à s'échapper de Pompéi. Il les convainc de passer une dernière soirée dans la villa d'Othon, sur les flancs du volcan. Othon accepte à condition qu'il passe la soirée avec eux. Rufius sait que la villa est trop éloignée pour qu'il ait un quelconque espoir de gagner les quais à temps, mais il se sait condamné de toute façon. Le bateau, c'est pour Camilla. Alors il accepte de passer la soirée avec Othon et Siléas, dans la ville. "Je me chargerai du vin."

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Dans un futur où Camilla a été sacrifiée. Lysine et Sura sont à Rome, dans un immense sanatorium sous leur responsabilité. Ils sont riches. Ils passent leur temps à charcuter des malades. Sura confie à Lysine ses doutes éthiques. Lysine argue que la science progresse. Les incisions sont de plus en précises, les patients survivent de plus en plus longtemps. Un jour peut-être, on trouvera un remède. En attendant, ils sont tous les deux les personnes les plus influentes de Rome !

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Dans le passé. Annia a convié Rufius dans sa villa. Le lieu est envahi de fleurs aux senteurs musquées, et de végétation luxuriante. Annia est plus belle et sensuelle que jamais. C'est le moment où leur relation est à son apogée, avant que Rufius ne se lasse. Annia lui dit qu'elle a fait un rituel de fertilité en l'honneur de Bacchus, ce soir ils pourront faire un enfant. Rufius accepte et l'enlace. Pour autant, à la regarder, il se demande si elle n'est pas un horla.
Au dehors de la villa, on entend tac, tac, tac.
Le bruit des chutes de pierre ponce envahit même ses souvenirs.

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Dans un futur, aux dernières heures de Pompéi. Rufius court à travers la ville pour gagner les quais. Il voit autour de lui les premières personnes statufiées par la pluie de cendres. Il s'adresse devant l'une d'elle, stupéfait. C'est Annia, les bras tendus, plus belle que jamais.
C'est la statue qu'il avait faite ériger en son honneur, à l'époque de leur idylle.

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Dans le proche passé, pendant la réunion du sénat. Marcus évoque l'intérêt de Camilla pour leurs recherches. Othon pense qu'elle est un horla, il n'a aucune confiance en elle, et pense qu'elle est à l'origine de l'épidémie plus qu'elle n'en est que la solution. Il paraît évident qu'Othon ne laissera jamais Siléas se faire transfuser du sang de Camilla.

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Dans un futur impossible. Othon, Siléas et Sura sont dans le bateau au large de Pompéi, qui à l'horizon disparaît avec le Vésuve dans un immense nuage noir. Malgré son amputation d'un bras, l'emprise s'est développée dans l'autre bras de Siléas. Othon, le visage crispé à l'extrême, tend à Sura la trousse de couteaux de Lysine et lui ordonne d'opérer. Alors Sura s'exécute et ampute le deuxième bras de Siléas.

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Le présent. Othon, Siléas et Rufius sont réunis dans la villa. Rufius apporte des coupes de vin. Il a empoisonné celle d'Othon. Marcus fait irruption. Au dehors, les pluies de cendre font rage. Il est grand temps de partir.
Par l'intermédiaire de l'égrégore, Marcus, Rufius et Sura sont d'accord sur qui doit partir dans le bateau. Les deux seules personnes qui sont vraiment innocentes.

Dans le laboratoire, Lysine a fait monter un bûcher en toute hâte. Camilla est ligotée. Lysine se prépare pour le départ, elle range ses couteaux dans sa trousse. Lysine dit à Sura qu'il faut faire l'holocauste maintenant, il suffit de mentir au peuple quant à la date donnée par l'astrologie. Ce qui compte n'est pas l'efficacité intrinsèque du rituel, mais la confiance que le peuple va mettre dans le rituel, confiance qu'il va reporter dans le culte de Salus. C'est ce qui permettra au culte de Salus d'avoir le crédit nécessaire pour prendre en charge tous les malades de l'emprise.

Sura s'empare d'un des couteaux et frappe Lysine. Lysine se débat et le transperce à son tour. Ils s'écroulent tous les deux par terre, l'un contre l'autre, Lysine au dessus de Sura. Elle a le temps de lui dire ces derniers mots :
"J'avais... tellement de projets pour nous deux."

Rufius tend sa coupe de vin pour trinquer à la santé d'Othon. Marcus prend une coupe et se joint à eux. Il faut occuper Othon pour qu'il ne remarque pas que Siléas ne boit pas. Othon entrechoque sa coupe avec celles de Rufius et de Marcus, de telle sorte que les vins se mélangent. Il boit lentement, pour s'assurer que Rufius et Marcus boivent également.

Le lendemain.

Camilla et Siléas sont dans le bateau. À l'horizon, Pompéi et le Vésuve ne forment plus qu'un immense nuage noir.
Rufia, Sura et Marcus observent la scène. Ils sont dans la barque, mais ne sont plus que des fantômes.
Camilla rame puisque Siléas n'est pas en état de le faire. Elle fixe le ciel bleu en face. Puis elle se retourne vers les fantômes.

Et sourit.


Commentaires sur le jeu :

On a joué deux heures, en Inflorenza Minima, j'étais meneur.

Je crois qu'on était tous les quatre très satisfaits de l'aventure. Pour ma part, quand j'ai développé et maîtrisé Odysséa, j'ai appris pas mal de choses et je les ai réincorporées ici, notamment les voyages dans le temps pour approfondir le passif des personnages et leur faire explorer les conséquences de leurs acte. J'ai parfois fait jouer des futurs impossibles, où un des personnages avait survécu, ça a amplifié le vertige logique. Je retiens aussi la scène où dans un futur impossible, Marcus parle à Camilla qui a soixante ans, et les deux autres personnages, restés dans le passé ou Rufius rencontre Camilla, lui parlent depuis là. En pratique, c'était une discussion méta entre joueurs, mais ça donnait vraiment l'impression que les temporalités se mélangeaient, que les personnages se parlaient à travers le temps et les potentialités via l'égrégore. Tout ceci, avec la scène des pierres ponces qui tombent dans un souvenir de Rufius, relevait d'une esthétique au service du jeu moral.

Les joueurs ont été très bons dans le choix de leurs objectifs, ils ont mis en place une situation de départ très problématique. Mention au joueur de Sura, qui malgré le fait qu'il n'aime pas trop la compétition d'habitude, s'est dévoué pour écrire un objectif en nette opposition avec les deux autres. Les joueurs ont très bien su jouer l'évolution de leurs personnages. Nous avions fait le pari de savoir si l'on pouvait jouer une fois que l'enjeu de la survie du personnage était écarté, et je peux croire que ce pari a été relevé.


Retour du joueur de Sura après lecture du compte-rendu :

C’est la première fois que je jouais dans l’univers de Millevaux et à un jeu de Thomas Munier. Nous avions été mis au courant dans les semaines qui précèdent de la nature du scénario. J’appréhendais le coté mort annoncée et j’avais peur de ne pas savoir comment le jouer. J’ai trouvé que le fait de fixer son objectif au départ permettait d’une part de combler ce potentiel manque de ressort ludique, et d’autre part, pour quelqu’un qui n’a pas une grosse expérience rôliste, je trouve que ça donne des guidelines sur comment jouer son personnage.
Je tiens également à revenir sur la structure temporelle éclatée. Pour un lecteur du rapport de partie ça doit être perturbant, mais à jouer c’est extraordinaire ! On fait mention d’un fait nouveau qui prend racine dans le passé, bam ! on joue cet événement fondateur. Le joueur hésite sur un choix moral de son personnage ? Soupesons le pour et le contre en examinant concrètement ce qui se passe avec des futurs possible !
Tout cela réalisé avec fluidité et une main de maître par Thomas, cette partie est une de mes meilleurs expérience rôlistes.
Énergie créative. Univers artisanaux.
http://outsider.rolepod.net/
Thomas Munier
 
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Inscription : 30 Nov 2012, 12:04

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