[Dragonfly Motel] La Lettre et l'Oiseau

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[Dragonfly Motel] La Lettre et l'Oiseau

Message par Thomas Munier » 27 Sep 2016, 16:38

LA LETTRE ET L'OISEAU

Entre fin du monde, cynisme et poésie, un voyage apaisé.

Jeu : Dragonfly Motel, piège surréaliste pour voyageurs imprudents

Joué le 20/03/2016 en banlieue parisienne chez l'habitant, lors de la tournée Paris est Millevaux

Personnages : le trader Rimbaud, la femme-oiseau, le trader californien

Image
crédits : rsmithing & theojunior, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com


L'histoire :

Il entre à l'accueil de son motel grand luxe à Singapour. Un jeune homme au regard rêveur, aux cheveux dans le vent. Il porte une malette relié à son poignet par des menottes. Un oiseau vient se poser dessus. Il veut accéder à sa chambre, mais un membre du personnel lui fait remarquer d'un air désolé que les animaux ne sont pas admis. L'homme prend l'oiseau dans ses mains et le transforme en chiffons noués. "Il n'y a pas d'oiseau, vous voyez bien." Ainsi, il parvient à gagner sa chambre avec l'oiseau. Sa chambre est une suite immense, qui donne sur Singapour illuminée dans la nuit, un chant d'étoiles et d'idéogrammes multicolores.
"Ce soir, nous allons vendre le monde", confie l'homme à l'oiseau. C'est un trader haute fréquence.

Son ami lui téléphone depuis son complexe souterrain en Californie. Il va prendre part à l'opération boursière mais s'étonne de l'enthousiasme du trader de Singapour alors que lui est désabusé, dépassionné parce qu'ils préparent. Il essaye de le dissuader, sans succès.?

Rimbaud, le trader aux cheveux dans le vent regarde par la baie vitrée de sa chambre. Elle donne sur la jungle. Il voit une personne sur un parapet dans le fond. C'est son ami, qui a fait construire une jungle artificielle dans son sous-sol californien. Pour tromper son ennui, la jungle se reconfigure tous les jours.

Une fille avance et trime dans un champ d'hévéas, sous la chaleur écrasante. Son écharpe est rouge de sang. Derrière elle et ceux de son peuple, les bulldozers dévorent la forêt primale. Rimbaud l'accompagne. Elle lui montre un arbre majestueux. Sous ses racines, une statue votive de ces ancêtres. Apeuré par le bruit des bulldozers, des centaines d'oiseaux quittent les branches de l'arbre. "Ce sont les derniers oiseaux du monde.", annonce Rimbaud.

Rimbaud et son ami californien sont dans un salon qui correspond à l'enfance de l'un d'eux. Un bol de chocolat chaud les attend sur la nappe.

La planète se délite en ruban, comme une orange. Le californien observe le démembrement de la Terre depuis la navette spatiale qui l'emporte.

Rimbaud et le californien sont dans le salon. Il fait de plus en plus froid. La banquise envahit le salon.

Rimbaud et l'oiseau sont dans la chambre à Singapour. Rimbaud tend la mallette à l'oiseau. Il devient la fille à l'écharpe. Rimbaud lui propose d'échanger leurs costumes.

L'oiseau ouvre la mallette, et des milliers de papiers s'en échappent dans un tourbillon, il forment bientôt un anneau autour de la terre dépliée en ruban.
Le californien voit Rimbaud s'approcher de son hublot depuis l'espace. Il colle un papier sur le hublot. Une lettre d'amour.

Ils sont tous les deux à Wall Street, au milieu de centaines de traders affolés. Des lignes et des lignes de mots d'amour défilent sur les écrans. On entend les afficheurs à clapets cliqueter de façon frénétique. Rimbaud s'exclame : "On a réussi. On a monétisé les mots d'amour."

Le californien est sur une plage tropicale, immense. Il contemple le livre qui a fait son grand succès : "Cette blessure d'où je viens." Ce livre qui parle d'un chagrin d'amour. En marque-page, la lettre de Rimbaud.

A l'horizon, des icebergs s'effondrent.

Le californien part en abandonnant le livre.

L'oiseau se pose dessus.

Et de son bec.

Il prend la lettre d'amour.


Papiers personnage (dans le désordre) :

Motivation : prendre l'avion pour ailleurs
Destin : terminer ma vie plus haut, plus digne que tous, au point d'être coupé de tous mes proches
Blessure : du sang sur l'écharpe
Destin : aimer à perdre la raison
Attache : le souvenir d'un bol de chocolat chaud
Attache : une valise qui me suit partout
Destin : ramasser les vieux papiers
Motivation : je veux retrouve un frère perdu pour qu'il me mène à ma famille, mon berceau, mes origines
Question : Qui es-tu ? Mais où vas-tu donc ?
Beauté : Je sais voir et percevoir l'art instantané : la musique du vent, le spectacle des nuages effilochés, l'élégance d'une page arrachée à un roman
Question : Peut-on marcher jusqu'à la lune, ou jusqu'à un rêve ?
Question : Où vont les coeurs une fois qu'ils sont brisés ?
Motivation : Fuir le froid novembre
Beauté : Un jardin devant la mer
Beauté : Une grande propension à rêver éveillé
Blessure : Cette blessure d'où je viens
Attache : L'enveloppe parfumée qui contenait la première lettre d'amour que j'ai reçue.


Commentaires :

Durée :
1/4h briefing & création de personnage + 3/4 h d'aventure

Règles utilisées :
+ nouvelle version, comme dans Échafaudages et La Reine de la Vitesse : chacun écrit ses papiers à l'avance et on mélange, prise de parole libre.
+ Nouveauté : On se défausse des papiers en les déposant au milieu de la table. On est libre de toute pratique émergente avec les papiers (les déchirer, les donner, consulter les papiers défaussés, les reprendre...)

Profils des joueur.se.s :
+ Deux personnes expérimentées.
+ Le joueur du trader californien n'avait jamais joué à Dragonfly Motel.
+ Le joueur de la femme/oiseau avait déjà joué, avec moi, sur Coursives, une partie avec l'ancienne mouture des règles, qui s'était assez mal déroulée (puisque j'y avais quasiment joué tout seul).

Brainstorming initial :
+ Lors de mon briefing sur l'écriture des petits papiers, j'ai fait un exemple de rédaction de papiers à partir de cartes de sorts de Donjons & Dragons 5 :)

Défis :
+ Encourager un usage émergent des papiers.

Mise en jeu :
+ Je crois qu'on était fatigués après une journée de jeu, et en même temps on était harmonisés, ça a donné une partie au rythme calme, avec une bonne qualité d'écoute et d'échange, trouvé-je.
+ Le joueur de la femme-oiseau consultait les papiers défaussés pour s'en inspirer et dérouler la pelote. J'en crois qu'il en a repris un dans sa main.
+ J'avais un papier "une lettre d'amour". J'ai donné la lettre de Rimbaud au trader californien en passant le papier au joueur du trader californien.

Debriefing :
+ On a fait un peu d'usage émergent des papiers, mais je suppose qu'il y a une grande marge de progression à ce niveau.
+ Je pense qu'on était assez ravis du résultat, surtout par rapport à Coursives, notre expérience malheureuse au joueur de la femme-oiseau et à moi. La nouvelle mouture est définitivement plus fluide et plus accessible que l'ancienne. Elle ne donne pas forcément des aventures frénétiques comme ce fut le cas avec La Reine de la Vitesse / Un concert pour sauver l'univers.
+ Le joueur du trader californien aurait préféré qu'on rédige des items vraiment concrets sur les papiers, il s'est retrouvé à rédiger des papiers poétiques qu'il aurait eu lui-même du mal à mettre en jeu, et a eu des difficultés à jouer des papiers hermétiques qu'il a reçu (comme "Cette blessure, d'où je viens", rédigé par moi, et dont il s'est défaussé en en faisant un titre de roman). J'entends bien cette attente, mais j'ai tendance à penser que les règles n'ont pas à y répondre, je laisse ça à l'émergence, c'est au groupe de jeu de définir ça dans son harmonisation, une fois la première partie passée. Je me vois mal inscrire ça dans les règles, parce que d'autres joueur.se.s vont au contraire apprécier les papiers hermétiques, qui justement injectent de la poésie dans le jeu.

Retour à froid du joueur du trader californien :
Dragonfly Motel était peut-être le jeu qui m'intéressait le plus dans la tournée de Thomas (de ses jeux, je ne connaissais qu'Inflorenza que je pratique pas mal) et l'expérience était assez incroyable. Il me faudra je pense une ou deux autres parties pour vraiment être à l'aise dans le jeu vu toute la liberté qu'il offre (et son exigence aussi en terme d'inspiration visuelle) mais j'ai adoré le côté "1h de shot surréaliste frénétique". Et encore, il parait que la partie était plutôt calme et posée par rapport aux autres !

Retour à froid du joueur de la femme-oiseau :
Partie à trois, riche, speed et tragique. J'avais joué à Dragonfly Motel sur Hangout, je peux pas dire que ça m'avait plu. Mais là, j'ai adoré les mécanismes narratifs et la conjonction de nos trois imaginations pour tourner notre petit film à la croisée de David Lynch et de L'Armée des Douze Singes.
Énergie créative. Univers artisanaux.
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Thomas Munier
 
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