[Inflorenza] Si par une nuit d'hiver un voyageur

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[Inflorenza] Si par une nuit d'hiver un voyageur

Message par Thomas Munier » 05 Oct 2016, 11:13

SI PAR UNE NUIT D'HIVER UN VOYAGEUR

Plongée à l'intérieur d'aventures gigognes avec les sorcières, les cavaliers célestes, les scarabées et les enfants vengeurs.

Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 20/03/2016 en banlieue parisienne chez l'habitant, lors de la tournée Paris est Millevaux

Personnages : la sorcière, le hordier, le pillard, le chasseur, l'enfant dans la fosse, la tavernière, la jeune femme, le scarabée, l'amant mourant, le carabin, l'enfant cuisinier, la grande sœur, le père, la mariée

Image
crédits : Buckobeck, exit78, maiaibing2000, rifqui dahlgren, road less trvled, licence cc_by-nc & raphael maitre, par courtoisie & Florida Memory, domaine public


Le théâtre :

Nous reprenons le principe du livre Si par une nuit d'hiver un voyageur, d'Italo Calvino. Ayant moi-même omis de lire ce livre, et à la lecture des chroniques y afférant, doutant de l'avoir vraiment compris, je vais résumer ici ce que je pensais que le livre racontait : L'histoire d'une personne qui vit une aventure et qui a un moment s'arrête pour raconter une histoire, et on change alors de chapitre et le chapitre suivant raconte cette histoire et à l'intérieur de cette histoire un personnage s'arrête pour raconter une histoire, et cette histoire fait l'objet d'un nouveau chapitre et ainsi de suite.

C'est donc moins le livre que ce principe dont notre théâtre fait l'objet. Voici comment on l'adapte pour le jeu de rôle Inflorenza. On commence avec une aventure, et à tout moment un personnage peut commencer à raconter une histoire ou un souvenir, et alors on joue une nouvelle aventure à l'intérieur de cette histoire ou ce souvenir, et ainsi de suite on joue des aventures gigognes, on ne fait que descendre, on ne remonte jamais ou seulement pour faire une légère référence. Les joueurs conservent la même feuille de personnage alors qu'ils peuvent très bien changer de personnage en cours de route. On évite d'ailleurs de nommer son personnage précisément, pour conserver un certain flou d'une aventure gigogne sur l'autre : est-ce que le personnage mentionné dans la première aventure et celui qui apparaît dans la troisième sont les mêmes ? Ils ont des points communs. On manque d'avis tranchés.

"À partir du moment où on les raconte, toutes les histoires sont vraies."
Göran Tunström


Les histoires :

Si par une nuit de Walpurgis, au sabbat, au cœur de la forêt. Les sorcières de Salem dansent autour du feu. Au milieu du feu, le chaudron, et autour, un Bouc, ou un homme-Bouc, ou un Bouc-Horla, et l'homme en noir, et des victimes, prêtes au sacrifices, victime, sorcier, maître du sabbat : l'homme en noir. Dans le ciel volent une horde de cavaliers.
Une des sorcières, la plus vieille, la plus folle, cherche un signe qui pourrait expliquer sa folie. Elle se penche au-dessus du chaudron à la recherche de ce signe, et les vapeurs méphitiques la plonge dans de violentes hallucinations. Elle est terrorisée par les cavaliers au-dessus de sa tête. Nul doute qu'ils sont venus pour elle.

Le châtiment. Parmi les cavaliers, il est un fantôme qui suit la horde pour châtier les orgueilleux. Son châtiment à lui, c'est d'être dans la Horde. Il veut en sortir et échapper aux cavaliers.

Depuis les hauteurs, il voit un chasseur recouvert de peaux de loups, de blaireaux, qui s'avance sous le couvert des arbres. Veut le bouc, la mère de toutes les proies. C'est la Horde l'a guidée jusque là.

"Je me souviens de ma vie quand j'étais vivant.", dit le fantôme.
Et voilà qu'on plonge dans une aventure inférieure.
Il se souvient d'avoir été un pillard. Avec ses compagnons, ils ont attaqué un convoi pour voler de la nourriture. Ils ont commencé à tuer tout le monde. Ils tuaient les gens même quand ce n'était pas nécessaire. Il s'est retrouvé en face d'une femme avec son enfant. Elle lui a donné ses provisions et lui a demandé, au moins, d'épargner leurs vies ! Le petit garçon le fixait avec insistance.
L'enfant l'a regardé, il ne se rappelle pas ce qui s'est passé ensuite. Il ne pouvait pas soutenir son regard.

Un homme dans une taverne. Il montre des signes de grave laisser-aller dans sa tenue et dans l'hirsute de sa barbe et de ses cheveux. Dans ses yeux, le fond du gouffre. Il se cuite à la bière de lichen. A la ceinture qui lui barre le torse, des anneaux, et à chaque anneau une oreille de pillard. Un chasseur. Un chasseur de pillards. Quand on lui demande, il répond :
"Voici ce que j'ai vu.
- On plonge dans une aventure inférieure -
Je suis dans une scène de pillage, je suis tout jeune. Je me suis caché dans la fosse d'aisance sous une roulotte pour échapper au massacre. J'assiste au meurtre d'une femme et de son enfant. J'ai vu ma mère et mon petit frère. Ma peur, ce crime, l'horreur de ce lieu, a déclenché une réaction en chaîne d'égrégore."

Une masse de cheveux émerge de la fosse d'aisance. Le visage d'unee vieille.
La sorcière lui raconte la vie qu'il va mener : égorger le chef des pillards.
"Tu ne les auras pas tout tant que tu ne te seras pas attaqué à la Horde"

"Je veux accomplir ce que m'a prédit la sorcière, poursuivre la chasse, et quand j'aurai tué tous les pillards survivants, je pourrai m'attaquer à ceux qui sont rendus dans la Horde."

En face de lui, une tavernière borgne, une balafre qui lui mange le visage. Le chasseur dit qu'elle est la dernière pillarde vivante, ensuite il pourra passer à la horde. Il étend son bras pour la frapper de son couteau, mais elle arrête son bras, et il n'ose pas répéter son geste. Tavernière, c'est un excellent boulot pour une sorcière. Toutes les anecdotes qu'on entend ici, c'est de l'égrégore pour elle.

Le chasseur se tourne vers les autres soûlards. Puisqu'il n'a pas osé tuer la tavernière, il va la discréditer. Il va faire parler sa bouche d'opprobre. Il raconte des anecdotes infamantes sur la tavernière, il veut expliquer qu'elle n'est pas une vraie sorcière mais une impostrice. La tavernière l'affronte dans ce combat d'histoires, dans ce combats de versions de la même histoire.
On plonge encore plus bas.

Une jeune fille se penche sur une fontaine décrépite. Au fond de l'eau, un scarabée la conseille. Elle l'emporte avec elle. Il lui parle et la pique et la mordille. L'insecte veut la voir prendre la tête du clan. Grâce à lui, elle devient assistante caravanière. Scarabée semble immobile, mais il lui parle, il croît. Il s'est incrusté dans sa poitrine. Elle ne peut pas l'arracher.
Elle a hésité à l'extraire, mais puisqu'elle a essayé, le scarabée la punit. Elle sera maîtresse des morts. Elle contracte la chienlit, une forme de peste fulgurante et très contagieuse et bientôt tous les membres de sa caravanes sont infectés, ils meurent mais ils continuent à vivre, portés par la pourriture. Elle se retrouve dans une caravane des morts défigurés, elle commande aux morts.

Le chasseur est pris de terribles douleurs et s'écroule sur le sol de la taverne. La tavernière a dû cracher dans la bière. Elle l'a contaminé avec la chienlit !

Le dernier survivant de la caravane est le premier amour de cette jeune fille.
Le Scarabée l'a fait survivre pour qu'il hurle de douleur et tourmente la jeune fille. Il se rappelle avoir participé à l'autopsie du patient zéro, de la première personne atteinte de la chienlit, alors qu'il était à la Faculté de Médecine. Il essaye de toutes ses forces de s'en souvenir, dans l'espoir de trouver dans ce souvenir un remède à la chienlit. On plonge.

La Faculté de Médecine. Clair-obscur, table de dissection, tous les carabins avec leur masque d'ibis penchés sur le cadavre au torse ouvert maintenu par des chevilles en métal. Tout en faisant la démonstration à ses élèves, il se concentre de toutes ses forces sur le corps, il veut comprendre la maladie pour s'en sauver et sauver son amour.
Dans la poitrine du mort, ils trouvent un scarabée. Soudain, le mort ouvre les yeux et leur parle. C'est sûrement le scarabée qui actionne les cordes vocales.

La Horde court dans le ciel nocturne. A leur tête, le Roi-Cerf. Il lève sa lance au ciel : "Ce soir la Horde va grossir. Beaucoup de gens vont mourir de la chienlit."

Le mort parle : "Le remède c'est l'égrégore. Seuls survivront à la chienlit ceux qui ont assez de volonté, ceux qui ont quelque chose à accomplir et vont nier la possibilité de mourir afin d'y parvenir."

Le Roi Cerf. A sa poitrine, un scarabée.

La sorcière se souvient qu'elle survivra parce qu'elle ne peut pas mourir.

Le Roi Cerf-scarabée récupère ses élus, les morts de la chienlit : une émanation du dieu-cerf : "La chair suppliciée a pour vocation de retourner à la Horde".

Le chasseur s'est tellement penché pour écouter cette histoire qu'il est tombé. Il tombe au milieu des carabins. "Qu'est-ce que je fais là ?"

Un professeur va chercher un manuscrit ; il pense que pour comprendre la chienlit, il faut remonter encore plus loin que le patient zéro, alors il lit un manuscrit qui parle de cultes horlas et raconte l'histoire du scarabée. On plonge.

Une chaumière. Un enfant fat la cuisine, comme font les enfants, avec de la terre, des herbes folles, de la pâte. Il pétrit une boule. Il raconte à sa petite soeur qu'il a eu une vision : il sait qu'il sera tué par un pillard, alors il fabrique un scarabée qui va le venger. Il invite sa petite soeur à façonner les pattes du scarabée, et ils partent ensemble le lâcher dans la rivière. Il lui dit que le scarabée va porter une maladie, et lui demande qui cette maladie va toucer. Elle répond : "Une maladie qui punisse tous ceux qui ne sont plus des enfants. Le Scarabée va tuer tous ceux qui n'ont plus une âme d'enfant."

En lâchant le scarabée dans la rivière, l'enfant chante une contine. On plonge.

La contine parle d'un chasseur qui a emmené sa petite fille à la chasse, pour la première fois, après l'avoir entraînée au tir à l'arc. Il la conduit jusqu'à un renard au pelage doré et lui tend l'arc pour qu'elle le tue. Mais elle ne veut pas parce qu'elle le connaît et qu'elle veut l'apprivoiser. Pendant ce temps, le grand-frère est parti se promener sans surveillance près de la rivière. La petite fille tire une première flèche et fait exprès de manquer sa cible. Le père comprend la ruse, et de colère il frappe sa fille. Il porte son alliance au doigt, une grosse alliance avec un diamant. Le père mène une vie très frustre, mais pour ce qui est de la famille, qui est très importante pour lui, il a toujours mis les moyens. Sans faire exprès, il éborgne sa fille avec la bague. Alors la fille retourne l'arc sur son père et le tue.

La mère accourt vers eux, mais c'est trop tard pour sauver son mari adoré. Elle regarde sa fille, et d'une voix pleine de colère, pour que sa fille comprenne bien son crime, elle lui raconte le plus jour de sa vie avec cette homme, le jour de leur mariage. On plonge.

Elle assiste au mariage. Il y a beaucoup de monde dans l'église. Elle voit sa mère, radieuse, en robe de mariée, et en face d'elle, son père, plus fringant que jamais, qui lui passe la bague au doigt. Et soudain, la poitrine du père se couvre de sang, il tombe dans les bras de sa mère, puis s'écroule, une flèche plein coeur. La mère se tourne vers sa fille, sa robe de mariée est couverte de sang, et lui dit : " A cause de toi, même les plus beaux souvenirs sont tâchés de sang".

La petite fille comprend qu'avec ce crime, elle s'est condamnée elle-même au châtiment du scarabée, car elle a perdu son âme d'enfant.

La Horde dans le Ciel, la cour fantastique du Roi-Cerf.

Une fontaine. Et au fond d'une fontaine, un scarabée, plus exactement une lucane, avec des cornes dentelées sur le front. Ces pinces qui font qu'on l'appelle le scarabée-cerf.


Les fiches de personnage :

Chasseur / la mariée
+ Je veux accomplir la prédiction de la sorcière : poursuivre ma chasse jusqu'au sein de la Horde
+ (Pouvoir) Bouche d'opprobre : Un mot de moi et ta réputation s'écroule.
+ Je suis en train de mourir de la chienlit.
+ Un scarabée pousse dans ma poitrine.
+ Même mes plus beaux souvenirs son entachés du sang de mon mari.

Sorcière
+ Sorcière qui lit le signe dans le ciel, attend un signe particulier, qui la guérirait de sa folie.
+ Les cavaliers dans le ciel vont m'emporter.

La tavernière
+ L'insecte veut me voir prendre la tête du clan
+ (Pouvoir) La peste qui émane du scarabée annihile tous ceux qui m'entravent.
+ La chair suppliciée a pour vocation de retourner à la Horde.
+ Je n'aurai pas le courage d'affronter la fin de l'histoire.

Le hordier / le pillard / la grande soeur
+ Objectif : sortir de sa malédiction
+ Souvenir du garçon qui me regarde : que s'est-il passé ?
+ Le scarabée va tuer tous ceux qui ont perdu leur âme d'enfant.


Commentaires :

Durée :
2h

Règles utilisées :
Inflorenza classique, en Carte Rouge, avec les pouvoirs.

Profils des joueur.se.s :
Les joueurs de la sorcière et de la tavernière étaient rompus à Inflorenza, en revanche le joueur du hordier n'avait qu'une partie d'Inflorenza à son actif, certes en Carte Rouge mais avec une version obsolète du système (il a joué dans la Caravane)

Défis :
+ Réussir à descendre dans un maximum de niveaux d'aventures
+ Réussir à inclure le joueur débutant d'Inflorenza malgré la difficulté du procédé narratif

Mise en jeu :
+ Pour marquer les descente franches d'un niveau d'aventure vers un niveau inférieur, je faisais un bruit d'immersion (retranscrit dans ce CR par "on plonge").
+ Le joueur du hordier jouait en deuxième position. Il a réussi à jouer sa première instance sans trop de difficulté, tentant même une plongée, passant du hordier au pillard. En revanche, il est resté en observation sur les instances des autres qui ont suivi, et quand est de nouveau arrivé son instance, il manquait d'idée sur ce qu'il pouvait ou devait faire. Je me suis alors permis de prendre la main sur le décor et les figurants, j'ai fait une plongée et commencé à décrire l'enfant qui cuisine un scarabée, et j'ai décrit cet enfant en train de parler à quelqu'un dans la chaumière, et j'ai demandé au joueur qui était cette personne à qui elle parlait, et si il pouvait l'incarner. C'est là qu'il a incarné la grande sœur et nous a offert un très beau final. Je suis content d'avoir procédé de la sorte plutôt qu'en accumulant les suggestions de ce qu'il aurait pu faire, ce qui serait revenu à jouer à sa place.

Debriefing :
+ Le défi de respecter la contrainte narrative a été relevé ! Six niveaux d'aventures au total pour une partie résolument mind fuck !
+ En revanche, le joueur du hordier a été en difficulté. Il aurait préféré que les choses soient davantage cadrées, alors qu'on était tous en mode "logique floue". On a manqué de temps pour définir ce qu'il entendant par "cadré", est-ce que des exemples de scènes, des listes d'aventures possibles, des listes de phrases possibles (après tout, il y en a 144 dans le livre de base d'Inflorenza...) auraient convenu ? Est-ce que ça aurait été compatible avec le mode de jeu en lâcher prise que moi et les deux autres joueurs avions adopté ? Le débat reste ouvert.

Retour à froid du joueur de la sorcière :
une partie d'Inflorenza extrêmement réussie à 4 avec plein de conflits et des joueurs à l'imagination débridée puisse qu'il y a eu emboîtement de pas moins de six histoires. Il y avait de la forêt, de la sorcellerie, de la chasse céleste, de la horde de Horlas, de la Chienlit comme métaphore. C'était très chouette et très réussi.
Énergie créative. Univers artisanaux.
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Thomas Munier
 
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