La révolution a commencé

[Thomas Munier]

[Outsider] La révolution a commencé.

Et vous, quand commencez-vous votre révolution ?

[François (Narc)]

Je te souhaite un extraordinaire courage, et de conserver cette passion. Je suis d'accord avec toi, vivre n'est pas créer. Il ne faudra pas l'oublier, surtout si tu as un "foyer".
Je constate que tu as fini par te lancer dans l'art libre. Qu'est-ce qui t'a décidé?

[Thomas Munier]

François, ta fraternité me touche.

En ce qui concerne l'art libre, c'est un chemin. J'ai toujours publié en licence creative commons paternité / pas d'utilisation commerciale, c'était déjà un pas vers le libre. ça me paraissait important d'en faire un supplémentaire en basculant vers le domaine public, et en mettant à disposition librement toutes les versions numériques de mes textes. Y'avait déjà des précédents, puisque S'échapper des Faubourgs, Gnaffreux !, Marins de Bretagne, étaient dispos même dans leur version illustrée, de même que mes publications avant l'époque où j'ai fait de l'impression à la demande.
Il fallait le temps de trouver une cohérence à tout cela, et c'est l'appel aux dons qui l'a donné. Je diffuse plus largement et plus gratuitement mon travail, et en contrepartie je sollicite un don.

Mais quelque part, je ne suis pas aussi loin que toi puisque je ne livre pas encore les pièces détachées pour que les gens puissent vraiment se réapproprier mon travail. C'est surtout dû à une difficulté technique. Je ne me vois pas prendre le temps d'uploader tous mes fichiers calques et tous mes documents word. Mais à la longue, je pourrais l'envisager, et en l'état, je crois que je pourrais le faire à la demande !

[Mangelune]

J'ai fait le chemin inverse - commencer en full artiste sans succès puis travailler en horrible libéral capitaliste libertaire pour pouvoir vivre tout en gardant du temps pour la création - alors j'aurais tendance à ne pas voir les choses comme toi Thomas, ce qui ne m'empêche pas d'espérer que ça se passe bien pour toi et que tu réussisses !

[Thomas Munier]

Et ton nouveau mode de vie te satisfait ? Tu n'en changerais plus ?

Je fais le pari que je saurai utiliser ma créativité pour justement pouvoir vivre de la créativité. Je n'en étais pas capable à 20 ans, je m'en sens capable à 30.

C'est important que certains ne pensent pas comme moi. J'ai besoin d'entendre leur avis, surtout quand ils sont bienveillants comme le tien !

[Mangelune]

Bien sûr que je suis prêt à changer des choses, mais je n'ai pour le moment pas besoin de tout bousculer, c'est ce qui rend ma situation - malgré des finances encore chaotiques - plutôt bonne pour mon morale. Je râle, je m'inquiète, mais je ne déprime pas comme j'ai pu le faire autrefois. Ce n'est que ma deuxième année dans l'enseignement privé, j'ai encore des cours à préparer parce que j'ai de nouvelles filières à assumer.

Le vrai problème de mon mode de vie, c'est sa précarité ; cela dit, l'offre en enseignement de l'anglais sur Paris est assez importante pour que je puisse me retourner en cas de coup dans le dos.

Je me demande quand même quels moyens alternatifs tu utiliseras pour dépasser les 200 euros par mois que ta créativité te rapporte actuellement.

[Thomas Munier]

J'ai un peu réfléchi au sujet de la précarité financière. J'en suis arrivé à la conclusion que pour ce qui est de la contribution de l'argent à notre bonheur, il fallait l'assurance de trois ans de revenus (j'entends par là de revenus nécessaires à assurer les premiers étages de la pyramide de Maslow, i.e. vivre dans la dignité : avoir un toit, du chauffage, pouvoir se nourrir, se déplacer, acheter les fournitures de base, et disons, quelques extras - c'est une notion relative parce que pour certains les extras prennent beaucoup de place. Dans le pire des cas, ce revenu de base n'excède jamais entre 25000 et 30000 €/an, au-delà de ça tout revenu supplémentaire n'entraîne pas de bonheur supplémentaire. Le dernier étage de la pyramide de Maslow, la réalisation de soi, ne peut être procuré par l'argent).

Pour avoir l'assurance de ce revenu de base sur trois ans, il faut un revenu mensuel assuré (CDI, statut de fonctionnaire, pension alimentaire, RSA...) ou l'équivalent sous forme d'épargne.

Le problème d'être en emploi précaire ou chef d'entreprise c'est qu'on ne peut pas compter sur un revenu mensuel assuré.

En ce qui me concerne, je dispose de deux ans d'épargne. + deux ans d'allocations chômage si j'arrive à négocier une rupture conventionnelle ou un abandon de poste avec mon employeur. ça fait 4 ans de revenu. En supposant que mon activité d'entrepreneur dégage au moins assez de revenus pour couvrir les charges, j'ai 4 ans devant moi.

Je te parle pas du fait que mon épouse est en CDI parce que je ne veux pas qu'elle m'entretienne : je souhaite contribuer à mes dépenses, ça me paraît nécessaire à l'équilibre du foyer. Je changerai peut-être d'avis, si par exemple, je m'investis davantage dans des tâches domestiques ou si nous avons un enfant et que, moi travaillant à la maison, je m'en occupe davantage. A ce stade, il paraît loyal de demander au conjoint de contribuer davantage aux dépenses du foyer.

Déjà, ça c'est pour te dire que j'ai un bon matelas, même à supposer que mon activité ne décolle pas du tout alors que je m'y consacrerais à plein temps. On va dire quarante heures par semaine, au lieu des 32 actuelles, mais 40 heures de bien meilleure qualité, car je ne travaillerai plus en haché, j'aurai du temps à côté pour travailler sur mon énergie : plus d'activité physique, plus de méditation, plus de relations avec mes proches, plus de bonheur tout simplement.

Sur la base de ces quarante heures de travail par semaine en haute énergie, ça ne peut que marcher, pour une bonne raison : j'ai le feu. Je me sens motivé comme je l'ai jamais été, j'ai un projet solide, des alternatives à la pelle (revenu livre, revenu dons, revenu conférences, revenu animation), une base de lecteurs très solidaire. Et surtout parce que je ne le fais pas que pour moi. Je veux oeuvrer à éveiller un maximum de personnes à la créativité et c'est un motivateur énorme. Et sur cette base, je trouverai forcément des personnes pour me soutenir financièrement.

[Mangelune]

Je considère l'être humain comme beaucoup trop irrationnel (moi le premier) pour croire en la pyramide de Maslow. Je suis d'accord par contre : se faire entretenir ça ronge le moral, on a tous ou presque besoin de cette dignité.

Effectivement si tu arrives à combiner création, animation, conférences, tu auras de quoi t'occuper et tant pis si tu ne roules pas sur l'or. Je suis moins convaincu par la partie dons par contre.

[Endelf]

Thomas , je te souhaite tout les bonheurs qu'ils soient pour ta révolution , pour tout dire , elle m'a mit des larmes de joyeux aux yeux .

[Thomas Munier]

A Mangelunes : Concernant les dons, je pense qu'il faut le proposer. Il y a une demande, certains veulent contribuer de cette façon, et à mon sens, ça fait partie d'une révolution du modèle économique, notamment dans les financements de la créativité, mais pas uniquement. Après comme je l'ai dit dans l'article, je ne me repose pas dessus.

A Endelf : Merci à toi ! Si tu as atteint cette émotion, c'est forcément que tu dois vivre des choses qui sont proches.