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[Jeu de rôle] La gestion du rythme et du temps

29 Sep 2016, 12:39

INTRODUCTION

Pourquoi vouloir gérer le rythme et le temps en jeu de rôle ? Parce qu'on veut faire des séances courtes, pour éviter l'ennui ou encore pour rechercher une aventure trépidante. Trois attentes différentes, qui peuvent conduire à des solutions différentes, à piocher parmi les propositions suivantes.

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PRÉPARATION

+ Optimiser la préparation pour qu'elle serve à aller plus vite en jeu, en préparant les éléments qui prendraient trop de temps à improviser (statistiques d'adversaires, plans des décors, éléments d'enquête, évènements-clefs...).

+ Éviter les préparations qui au contraire freineraient le jeu (fouillis de notes longues à consulter, scènes trop détaillées, longs documents à faire lire aux joueuses...).


CHRONO

+ Annoncer à l'avance la durée de la partie.
Pour aller plus loin :
Podcast de la Cellule : Garage N°15 : La Structure

+ Se fixer un temps maximum par scène et programmer une alarme qui sonnera au terme de ce délai. Conclure alors la scène en une minute. Passer à la scène suivante de façon elliptique (ce que Johan Scipion appelle le montage cut).
Pour aller plus loin :
Johan Scipion : Sombre 4, scénario White Trash
Thomas Munier : Mildiou 5 : comment faire jouer au pas de charge un scénario officiel.

+ Décréter des pauses entre deux chronos. Ces pauses aussi peuvent être chronométrées ! Quand on revient en jeu, tout le monde est plus concentré.

+ Limiter le temps disponible à chaque joueuse pour décider de son action, soit en comptant jusqu'à trois, pour que la joueuse prenne sa décision, soit en dédiant un chrono à la rédaction d'ordres d'action sur papier.
Pour aller plus loin :
Johan Scipion : Sombre 1
Thomas Munier : Mercenaires ! / 5.2 Déclaration d'intention papier


PRIORITÉS

+ Identifier ses intentions ludiques et narratives : qu'est-ce qui est important à faire jouer ?
Pour aller plus loin :
Sébastien Delfino & Kobal : Les carnets ludographiques #1 : les intentions narratives
Sébastien Delfino & Kobal : Les carnets ludographiques #2 : les intentions ludiques

+ Faire des introductions in media res, c'est-à-dire démarrer l'aventure directement dans l'action.
Pour aller plus loin :
Jérôme Larré (et 32 autres personnes) : 119 intros in media res

+ Éviter de faire tout jouer. Utiliser des ellipses. Ne jouer que les péripéties importantes.

+ Se tenir prêt à sacrifier des scènes intermédiaires pour caser son climax à la fin de la séance.

+ Dans le cadre des enquêtes, donner les indices gratuitement, c'est-à-dire sans demander un jet de dé, ni même sans attendre que les joueuses déclarent fouiller l'endroit. Cela permet d'aller directement à la phase d'analyse des indices. Multiplier les indices convergents pour accélérer le passage à la phase de confrontation avec les suspects.
Pour aller plus loin :
Justin Alexandrer : La règle des trois indices


RÉSOLUTION

+ Éviter l'information technique de masse. Apporter la bonne règle au bon moment.
Pour aller plus loin :
Philippe D. « Sildoenfein », Vivien Féasson, Jérôme Larré, Thomas Munier : La Simplicité
Thomas Munier : Tes paroles ne m'atteignent pas

+ Utiliser un totem de Jungle Speed ou une sonnette pour tirer l'initiative. Les joueuses vont devoir compter sur leurs réflexes ! La joueuse qui a l'initiative donne ensuite la main à qui elle veut, personnage ou figurant, et ainsi de suite jusqu'à la fin du round (méthode du passage de relais tirée du jeu de rôle Marvel Super Héros )
Pour aller plus loin :
Bartab, Kevin "Netzach" Baussard, Romaric Briand, Thomas Munier, Nelyhann, Johan Scipion : Podcast de la Cellule HS : Suspense...

+ Résoudre par conflit plutôt que par action. On résout une épreuve par conflit quand on fait un seul jet de dé pour tout le groupe. Le jet est réussi, l'épreuve est surmontée. Le jet est raté, l'épreuve est un échec. Alors qu'une résolution par actions décompose l'épreuve en étapes, ce qui favorise l'immersion et la liberté d'action des joueuses, mais prend beaucoup plus de temps.

+ Résoudre en freeform. Le freeform structuré est une mécanique de résolution légère : peu ou pas de chiffres. Limitez vos figurants ou vos épreuves à quelques statistiques, voire à un seul seuil de difficulté ou à un score de points de vie.
Pour aller plus loin :
Jonathan Walton : The Beginnings of Structured Freeform (Draft)

+ Utiliser un système de confrontation avec beaucoup d'actions par round. S'il est géré avec fluidité, il donne une impression de rapidité.

+ Utiliser un système de confrontation très léger, axé sur la description. Le temps de résolution doit être très court mais intégrer des descriptions de coups précis, donnent une impression de rapidité.
Pour aller plus loin :
Thomas Munier : Mortal Karthage

+ Chaque jet compte. Limiter les jets de dés aux seules actions vraiment cruciales ! Cela maximise la tension ludique. Gérer le reste des actions en narratif pur, éventuellement en se basant sur les statistiques des forces en présence pour en déduire l'issue sans lancer les dés.

+ Un seul jet de dé par enjeu : échec et réussite sont définitifs.
Si le jet d'escalade est raté, le personnage reste au pied de la falaise : cette escalade est définitivement hors de sa portée.
S'il est réussi, le personnage grimpe toute la falaise : on évite de refaire un jet tous les trois mètres.

Pour aller plus loin :
Fabien Deneuville : Animer la partie en jeu : Quelques bonnes idées de Mouse Guard à réutiliser ailleurs…

+ Limiter la chasse aux bonus. Faire comprendre aux joueuses qu'elles peuvent se passer d'expliquer chacune de leurs actions en détail dans l'espoir d'augmenter en efficacité, en supprimant la notion de "bonus au roleplay" et la notion d'avantages narratifs qu'il faut se donner la peine de traquer.


NARRATION

+ Les scènes sont intéressantes si elles ont un enjeu ludique ET narratif : éviter les combats sans impact sur l'aventure (enjeu ludique sans enjeu narratif), les longues cinématiques (enjeu narratif sans enjeu ludique) ou les scènes d'entraînement (peu d'enjeu ludique, peu d'enjeu narratif).

Pour aller plus loin :
Romain d'Huissier : Recueil Mener des parties de jeu de rôle / Animer les combats
Coralie David, Jérôme Larré, Thomas Munier : Recueil Mener des parties de jeu de rôle / Animer les scènes spéciales

+ Éviter l'information de masse sur l'univers de jeu. Apporter la bonne information au bon moment.
Pour aller plus loin :
Stéphane Gallay : Campagne lupanar: information de masse

+ Utiliser la musique pour donner un tempo.
Pour aller plus loin :
Thomas Munier : Musiques Sombres pour Jeux de Rôles Sombres

+ Préférer les temps de choix aux temps de description.

+ Faire parler ses figurants au style indirect.

+ Parler fort, avec un débit rapide.

+ Utiliser le champ lexical de l'urgence et de la vitesse.

+ Mixer combat et roleplay à la mode shonen.

+ Quand on improvise : la meilleure idée est toujours la première. Limiter les temps de blanc à réfléchir sur la meilleure chose à raconter. Préférer la fluidité à l'originalité.


JOUEUSES

+ Les joueuses sont tout aussi responsables du rythme que la personne qui maîtrise le jeu. Les avertir que cela fait partie des préoccupations de la partie et les laisser se prendre en main.
Pour aller plus loin :
Guillaume Duquesnay : Expérience d'un maître de donjons et dragons sur le management sur la chaîne Youtube d'Agile France

+ Avertir les joueuses du temps que durera la partie. Préciser qu'il n'y aura aucune séance de rattrapage : il faut boucler ce soir.
Pour aller plus loin :
Eugénie Bidet : En direct de Pyongyang

+ Demander aux joueuses de se mettre dans l'état d'esprit d'un one-shot, même si on joue en campagne. Elles adopteront un jeu plus nerveux, plus recentré.
Pour aller plus loin :
Grégory Pogorzelski : L'éloge du coup d'un soir

+ Shunter la création de personnage. Opter pour des prétirés, ou pour des personnages définis à la volée (avec un système de points à répartir à chaque fois que c'est nécessaire et un système de flashbacks pour étoffer l'historique au fur et à mesure).

+ Enlever l'opportunité aux personnages de se préparer. Cela permet d'éviter qu'une aventure prévue comme trépidante débute par une longue session d'enquête, de boutiques et d'artisanat, à l'initiative des joueuses. Trouver un prétexte pour que le temps manque aux personnages pour se préparer, ou faire une ellipse sur cette préparation.
Exemple 1 : "A l'issue de votre préparation, chaque personnage a eu le temps de collecter un objet. Quel objet votre personnage a récupéré ?"
Exemple 2 : "Je vous ai fourni des personnages prétirés. Leur équipement est déjà prêt et ils dont déjà collecté tous les renseignements qu'il était possible de glaner sur place."

+ Dans les jeux à missions, jouer les supérieurs des personnages comme des personnes pressées qui demandent fréquemment des rapports. Comme les personnages doivent rendre souvent des comptes, les joueuses vont se concentrer davantage sur la mission.

+ Jouer contre la montre, et annoncer des conséquences lourdes en cas de retard. Il est possible de cumuler contre la montre narratif et contre la montre ludique.
Si les joueuses échouent à trouver le criminel avant cette nuit, il y aura une nouvelle victime. Peut-être aussi que le criminel s'en prendra à leurs proches, ou que leur réputation d'enquêteur sera entachée.

+ Savoir dire oui aux propositions des joueuses (Initiatives des personnages, supposition méta des joueuses) : Refuser le jeu vide.

+ Mais aussi savoir dire non quand il le faut : refuser les digressions.

Pour aller plus loin :
Auteurs et Autrices multiples : Conseils de meneur : aider un groupe indécis


CONCLUSION

Quand la gestion du rythme et du temps sont importantes, on gagne à comprendre les subtiles interactions entre temps ludique et temps narratif, et à jouer avec. On retient pour autant le besoin de ménager des respirations, des temps de pause et d'introspection, qui vont enrichir le jeu, à moins d'être prêt à jouer des aventures frénétiques qui poussent les joueuses à prendre des décisions brutales et irréfléchies.
Pour aller plus loin :
Frédéric Sintes : Création : le syndrome orphelin du "tout conflit"
Sébastien Delfino & Le Grümph : Les Carnets Ludographiques #17 : Le Rythme & le Découpage 1/3 2/3 3/3
Julien Pouard, Sandra, Xavier, Benoît, Morgan : Les Voix d'Altaride #31 : Je m'emmerde à ma table de jeu
Julien Pouard, Sandra, Xavier, Morgan : Les Voix d'Altaride #32 : Jouer avec le temps

Re: [Jeu de rôle] La gestion du rythme et du temps

29 Sep 2016, 16:19

J’utilise dans l’un des jeux que j’écris une technique que tu mets dans la catégorie Chrono.
Elle n’avait pas pour but de raccourcir les parties ou de les limiter en temps, mais en l’utilisant je me suis rendu compte que de fait je connaissais le temps de jeu et que je pouvais m’en servir pour écrire (ou faire jouer en modifiant) des scenarios avec un temps de jeu fixe.

Il s’agit de mon jeu Become the Media, ou les joueurs sont des journalistes en quête de la Vérité. Pour rendre vivant l’univers dans lequel évoluent les joueurs, les scenarios sont construits avec un système de “Flux d’actualités” (pour rester en lien avec le journalisme). Lors de l’écriture du scenario je liste une série d’evenements (les flux d’actualités) qui vont arriver durant la partie. Autour des joueurs le monde continue d’avancer même si eux n’avancent pas dans leur enquête. Ainsi les autres journaux trouvent des éléments, des nouvelles actualités surgissent, des indices disparaissent, des gens avouent ou meurent… Principalement des choses sur lesquels les joueurs ne peuvent rien.
Au cours de la partie ces Flux d’actualités vont surgir automatiquement toutes les x minutes, si les joueurs sont en retard l’événement peu les aider et leur donner de nouvelles pistes, s’ils sont en avance les réconforter ou les inquiéter… Le caractère minuté et automatique de ces apparitions n’est pas caché aux joueurs, cela les stress, les motive sans être craint.
Ainsi lors de la préparation de la partie je n’ai qu’a modifier ma variable x et en fonction de mon nombre de Flux d’actualités (que je peux modifier légèrement également) je sais le temps que va durer ma partie (plus l’introduction et le debriefing). Dans les faits je me dis plutôt “Je vais faire cette partie en 4h. J’enlève 40 min de début et fin, et je divise les 200min de jeux par mes 12 flux. Un flux toutes les 16 minutes.” Durant la partie je ne suis pas si rigide et je joue entre faire apparaître les flux d’actualité avant une scène, après, ou en plein milieu.

Pour résumer, j’écris la partie comme une histoire qui va leur être raconté, cette histoire a nécessairement une fin. Je décide donc du temps que je vais mettre a leur raconter cette histoire (en plusieurs fragments). Et durant ce temps c’est a eux de mener l’enquête. S’ils échouent alors ce n’est pas grave car l’histoire se finit quand même (mais tout ça n’est plus vraiment lie a la technique du Chrono, mais plus au scenario d’enquête).

Re: [Jeu de rôle] La gestion du rythme et du temps

29 Sep 2016, 17:52

Merci d'avoir partagé avec nous cette technique très intéressante !

Re: [Jeu de rôle] La gestion du rythme et du temps

27 Oct 2016, 10:09

Salut,

Sujet très intéressant.

J'ai travaillé cette problématique dans mon jeu pour le gamechef de cette année. Je me permet d'ajouter mes 2 cents. J'ai peur que cela ne soit pas très réutilisable dans d'autres jeux mais par certains côtés ça rejoint quelques points du jeu de mutos.

Dans mon cas, les éléments relatif au temps de jeu sont directement intégrés dans le gamedesign et même gérer par un assistant.

Premier point, qu'est ce qui différencie un jdr d'un jeu de plateau et qui rend la durée d'une partie de jeu de plateau facilement mesurable par rapport à celle d'un jdr ?
La fin. Une partie de jeu de plateau à un but défini et atteignable lors d'une partie. En jdr c'est rarement le cas. Beaucoup des mécaniques et astuces que tu proposes, Thomas, amènent à émuler une fin à la partie. Dans "Une promenade spatiale", j'ai choisi de définir une fin fixe à la manière d'un jeu de plateau. Les joueuses incarnent des personnes prenant part à un voyage. La fin de la partie est l'arrivée à destination. Le jeu est agrémenté d'un assistant numérique qui guide les joueurs dans le process (accessible ici https://marmous.net/ups/).
Au début de la partie l'assistant demande la durée du voyage ce qui déterminera le nombre d'incident que les joueurs recontreront lors de leur voyage. Le nombre d'incident correspond à la durée du voyage multiplié par 1.5. La partie durera une heure de préparation + la durée du voyage.

Deuxième point, le voyage est ponctué d'incident. Lors du voyage les joueuses sont confrontées à deux types de périodes temporelles : des périodes libres dans une réalité virtuelle et des périodes contre la montre dans le vaisseau spatial lors de la résolution des incidents. Plus les joueuses mettent de temps à résoudre l'incident, plus le vaisseau est endommagé. Si le vaisseau est hors d'usage, la partie est finie. La durée d'une période libre est générée aléatoirement entre 15 et la durée désirée du voyage divisée par le nombre d'incident plus un. Par exemple, pour une durée de voyage 2h (donc une partie de 3h) il y aura 3 incidents et un incident sera généré aléatoirement entre 15 et 30 mins. Le voyage durera entre 1h (min) et 2h (max) auxquelles sera ajouté la durée de résolution des incidents. Les playtests ont indiqué une moyenne de résolution de 10 min. La partie durera entre 2h20 (1h de préparation + 1h de voyage + 0h40 incident) et 3h40 (1h de préparation + 2h de voyage + 0h40 incident). En moyenne la durée des parties tourne autour de 3h. Il est possible de réduire l'aléatoire pour augmenter la précision de la durée.

L'avantage ici est que toute la partie qui a pu être automatisée par l’assistant l'a été. Il en résulte des parties nerveuses où les joueuses ont juste à se laisser guidée et à déployer leur imaginaire. Pas de chrono à gérer, pas de calcul, juste de purs moments de jeu à partager ;-)

Si ça vous intéresse le jeu version gamechef, c'est à dire gros brouillon, est dispo ici et une version plus travaillé sortira début 2017.

Re: [Jeu de rôle] La gestion du rythme et du temps

27 Oct 2016, 11:17

Je vois que tu as bossé ton concept, c'est super-intéressant :)
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