Trois exemples d'horreur "interne"

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Trois exemples d'horreur "interne"

Message par Steve J » 10 Fév 2014, 18:12

En l'absence de charte précisant les contours de tes sous-forums, je me permets de me poser ici pour ouvrir mon sujet sur l'horreur.
Il fait suite au podcast que tu as enregistré avec Romaric et Flavie sur ton jeu, S’Échapper des Faubourgs. Vous y concluiez que l'horreur en JDR ne pouvait être qu'externe, amenée par les autres joueurs. L'idée étant qu'un joueur ne peut pas avoir peur des éléments qu'il a lui même créé. Cela implique notamment pour toi que l'on ne joue plus à un JDR horrifique quand on joue un bourreau et non une victime.

Pour ma part je n'en crois rien, je pense que l'horreur gagne au contraire à être pensée comme un processus frankensteinien. Ce qui, moi, peut m'inquiéter en JDR c'est la confrontation avec mes propres créations narratives. Écouter les apports des autres joueurs ne suffit pas.
Du coup je vais donner trois exemples de ces processus d'horreur interne et les expliquer.

Exemple 1 : Unknown Armies
Il s'agit d'un jeu traditionnel et j'étais le MJ. Cela m'amenait à incarner un PNJ, le Marchand, qui était le méchant de mon scénario. Un marchand occulte sans scrupule, caricature du commercial bien habillé, calculateur et ex-étudiant en école de commerce. Un homme ne pensant qu'en termes de bénéfices, de flux financiers et de plus-values.
Il s'agissait de plus d'un homme extrêmement vulgaire, et je m'amusais régulièrement à mettre des expressions particulièrement graphiques dans sa bouche. Cela participait à en faire un personnage à la fois assez détestable et en même temps produisant un effet comique à ma table.
Mon scénario tournait autour d'un artefact que les PJs cherchaient à récupérer lors d'une vente aux enchères organisée par le Marchand. On pouvait payer en dollars, en euros ou en années de vie. Dans les acheteurs potentiel se trouvaient le père d'une petite fille malade qui avait besoin de l'artefact pour survivre.
Les enchères montent petit à petit, et finalement le père ne parvient plus à suivre en se contentant de mettre des euros sur la table. Il continue malgré tout à faire monter les enchères : "20 ans de vie !".

Là mon personnage de Marchand lui répond sur un ton ricaneur un très violent : "Vous croyez vraiment avoir 20 ans de vie devant vous ?". Plusieurs années après je me souviens encore avec un petit frisson de cette scène, même en tant que MJ je me souviens avoir soudainement haï ce personnage.
Ce qui fonctionnait pour moi c'était cet effet frankensteinien, mon PNJ m'échappait, lui qui n'était qu'un méchant cynique et assez drôle dans ses excès, devenait soudainement un monstre. Je n'avais pas planifié cet effet en lâchant ma phrase lapidaire mais cette dernière était d'une implacable cohérence, elle était la suite logique de la scène.

Ici l'horreur vient du fait qu'entre un personnage comique et un monstre de cynisme il n'y a que quelques pas logiques à faire. On créé un personnage que l'on pense maîtriser et, après quelques micro-décisions cohérentes concernant son comportement, on se rend compte que notre personnage n'est plus tel que nous l'avions conçu.

Exemple 2 : Perdus sous la pluie
J'ai déjà fait un CR de la partie (qui correspond à une date en terme d'horreur rôlistique pour moi). Le contexte c'est un groupe d'enfants perdus dans une ville abandonné et attaqués par des créateurs monstrueuses.
Nos personnages sont dans une boulangerie abandonnée et j'ai expliqué que mon personnage vole des bonbons. Je fais par la suite apparaître un monstre, un boulanger obèse, sans jambes apparentes, qui se déplace en tirant son corps avec ses bras.
Nos enfants fuient.
Une joueuse reprend la main dans la narration et décide que le monstre nous repère à l'odeur des bonbons, il repère quelques traces de sucres à la commissure de mes lèvres et rampe vers moi.

Deuxième effet frankensteinien mais ici avec rebond. Si ma créature m'échappe c'est parce qu'une autre joueuse a surenchéri. L'horreur racontée a une vie propre, tout ce que l'on peut apporter à la fiction peut nous revenir à la figure et nous dévorer.
Efficacité maximum pour ma part.

Exemple 3 : Phase Terminale
Un JDR de Fabien où l'on incarne des individus touchés par une grave maladie dans un Paris mis sous quarantaine.
La maladie a des symptôme particulièrement horribles. J'en cite un : la peau sous les aisselles commence à partir en lambeaux.
Je suis amené à décrire ma réaction aux symptômes, je raconte comment je me gratte les aisselles, mes doigts commençant à plonger sous ma peau, je sens que si je les retire je vais commencer à me vider. Fabien surenchéri et ajoute que le liquide qui sort est gluant et orangeâtre.
Description très efficace, à la fois pour le jeu de ping-pong entre moi et Fabien, ce dernier ne me laissant pas le luxe de décrire seul et donc de contrôler ma description. Et surtout parce que décrire me force à une visualisation de symptômes qui n'étaient jusque là que des mots, en prenant la parole je passe de la seule oralité au visuel.
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Re: Trois exemples d'horreur "interne"

Message par Thomas Munier » 10 Fév 2014, 20:38

Steve, merci d'inaugurer ce Salon Noble avec ce sujet ma foi fort intéressant !

Je me permets de résumer les trois exemples d'horreur interne que tu présentes :

Exemple 1 (le PNJ commercial qui sort une tirade monstrueuse) : quand nos personnages échappent à notre contrôle.
Exemple 2 (le monstre qui repère les enfants à l'odeur des bonbons) : quand un joueur reprend un élément créé par un autre et le retourne contre lui.
Exemple 3 (la plaie qui suppure) : quand un joueur utilise ses responsabilités narratives pour s'attaquer aux propriétés d'un autre personnage (variante de l'exemple 2, mais centrée sur les propriétés du personnage).

Si l'exemple 2 me paraît ma foi évident (j'ai dû te citer quelque chose d'équivalent dans ma première réponse sur le fil dédié aux podcasts de la cellule) et également assez facile à transposer en game design, les exemples 1 et 3 ressemblent beaucoup plus à des techniques de maîtrise ou des techniques d'immersion (l'école de Turku ?). je ne sais pas si c'est possible à retransposer en game design ? Si quelqu'un a quelque chose à proposer, je suis preneur.

Je crois que dans Inflorenza, il y a quelque chose à faire pour atteindre l'exemple 3 en distribuant des dés de sacrifice (obligent à sacrifier des traits) ou des dés de souffrance (obligent à écrire des traits négatifs) aux autres joueurs. Dans Sombre, les cartes de personnalité guident le roleplay des joueurs et peuvent les amener vers des interprétations extrêmes imprévues (au fur et à mesure que la jauge d'Esprit d'un perso baisse, sa personnalité passe de la phase 1, 2 à 3, qui sont trois déclinaisons d'une même personnalité vers l'extrême).
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Re: Trois exemples d'horreur "interne"

Message par Steve J » 11 Fév 2014, 11:12

Pour la première, je pense que les jeux qui gèrent avec subtilité le basculement dans la monstruosité d'un personnage sont susceptibles de faire naître cette impression de perte de contrôle. Ici ce qui m'a marqué c'est la cohérence de l'évolution de mon personnage, l'absence de réel moment de basculement.
J'ai eu un sentiment équivalent lors d'une partie de Dogs in the Vinyard en tant que joueur. En début de partie mon personnage était un jeune idéaliste, pendant pouvoir trouver une solution à tous les problèmes dans les écritures et d'une grande indulgence. 3 heures de parties plus tard, il se retrouvait à pointer son flingue sur la tempe d'un PNJ, après lui avoir ordonné de se mettre à plat ventre sur le sol, en lui gueulant "TU VAS AVOUER !!!".
Si on ne regarde que ces deux points, nous ne sommes pas face au même personnage. En fait son évolution psychologique était d'une grande cohérence, on peut expliquer chacune des décisions prises pour ce personnage, il n'y a pas eu de point de basculement évident.
Sans être horrifique, la prise de conscience de ce basculement était frappante et il s'agit d'un moment marquant. Décider subitement que son personnage est un bourreau ne produit pas l'effroi, se rendre compte qu'il l'est devenu oui.
J'admets cependant que ce point est un but et non pas un moyen.

Pour la troisième je pense qu'il s'agit au contraire de la plus simple à mettre en œuvre. Le jeu d'interactions entre Fabien et moi peut à mon avis facilement être inscrit en dur dans la base (c'est ça les règles d'un JDR, un régulateur de la conversation qui se tient autour de la table). De plus le seul fait de m'amener à décrire a produit son petit effet, là encore décider de demander des descriptions aux joueurs cela ne tient pas des techniques de jeu mais de son système.
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Re: Trois exemples d'horreur "interne"

Message par Thomas Munier » 11 Fév 2014, 15:23

Je suppose qu'on peut dégager deux façons de faire basculer le comportement d'un PJ par le système :

+ une façon mécanique (points de SAN dans l'Appel de Cthulhu, phases de personnalité dans Sombre, balance mentale dans Kult, dés de sacrifice dans Inflorenza, phase de licence to kill dans S'échapper des Faubourgs, accumulation des dés sur la fiche de perso dans Innommable, points de stress dans Warsaw). Sachant que cette dégradation mécanique du perso est d'autant mieux acceptée qu'elle est un prolongement logique de la fiction (autrement dit, une bonne approbation et un bon positionnement).

+ le scénario / bac à sable / univers, construit comme un piège moral, qui pousse le PJ à péter les plombs ou à employer des solutions extrêmes.

Je suppose qu'un système implacable cumulerait ses deux façons, et pour la deuxième, offrirait des outils pour construire soi-même des pièges moraux adaptés (typiquement, la technique de création de village à Dogs in the Vineyard, ou les techniques de création de quartiers et de monstres dans S'échapper des Faubourgs).

Quant à l'idée de bien préciser dans le système qui décrit quoi et comment détourner les descriptions de qui , je crois qu'il faut l'écrire avec une grande subtilité, et si c'est dans un but d'horreur, l'expliquer vraiment bien. Je ne sais pas si j'ai de bons exemples, mais je suis en train de relire Innommable, et je vais être attentif à ce "qui décrit quoi".

Mais j'espère que je ne détourne pas ton fil, Steve, en déportant la question de techniques de jeu vers le game design.
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Re: Trois exemples d'horreur "interne"

Message par Steve J » 11 Fév 2014, 16:52

Thomas Munier a écrit :Mais j'espère que je ne détourne pas ton fil, Steve, en déportant la question de techniques de jeu vers le game design.

Bien sûr que non.
Une fois que l'on a dit qu'il existe une horreur interne et que nous l'avons rencontré en partie la question restante est bien de savoir comment la (re)produire en partie.
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Re: Trois exemples d'horreur "interne"

Message par Thomas Munier » 11 Fév 2014, 17:48

Cool.

Du coup, je me dis que si on veut induire un comportement extrême chez un PJ, la question, c'est le force-t'on ou l'incite-t-on ? Je renvoie bien sûr à l'article de Frédéric.

Sombre suggère un comportement avec les cartes de personnalité.
L'Appel de Cthulhu impose un comportement avec les pertes de SAN qui entraînent des crises de folie.

S'il semble qu'inciter le comportement est le choix de game design le plus vertueux, il n'est pas le plus évident. Quelle récompense mécanique attribuer à un perso qui sombre de lui-même dans l'horreur ?

On pourrait facilement patcher Sombre en permettant de changer de phase de personnalité pour regagner des points de Corps, ou d'adrénaline. Mais mon petit doigt me dit que ce serait pervertir le système.

Encore une fois, il me semble qu'un mécanisme d'incitation apparaisse dans Innommable, je vous en dirai plus à la fin de ma relecture.
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Re: Trois exemples d'horreur "interne"

Message par Thomas Munier » 13 Fév 2014, 14:03

Après relecture d' Innommable, il s'avère en effet que le jeu propose une mécanique d'incitation très élégante. Pour récupérer des dés à investir dans les prochaines confrontations... il faut prendre l'initiative d'interpréter des folies en tout genre : hallucination, rêve, invocation, connaissances occultes...
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Re: Trois exemples d'horreur "interne"

Message par Aristide » 13 Fév 2014, 14:38

Petite question de théorie (je rebondis) : ce mécanisme d'Innommable est-il ludiste ?
Merci d'avance.
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Re: Trois exemples d'horreur "interne"

Message par Thomas Munier » 13 Fév 2014, 18:21

Comme tu le sais, le modèle GNS s'applique à des démarches créatives (i.e des parties de jeu) et non à des jeux et des mécaniques. On peut dire d'un jeu qu'il encourage l'une ou l'autre des démarches, mais c'est une appréciation périlleuse dès lors que son auteur n'a pas essayé consciemment de se baser sur la GNS. Je ne crois pas qu'on puisse qualifier une mécanique isolée comme encourageant l'une ou l'autre des démarches créatives, il faut voir les choses dans son ensemble. Dans l'ensemble, il me semble qu' Innommable ait une démarche ludiste car les joueurs jouent "contre" le MJ. Mais c'est vu de ma fenêtre et je ne suis pas certain d'avoir à 100 % raison (des éléments du jeu, tels que le souci de cohérence esthétique, n'ont rien à voir avec le ludisme). Je ne suis pas persuadé que Christoph ait visé consciemment une démarche, je crois surtout qu'il a cherché des mécanismes qui encouragent les joueurs à jouer des victimes de l'horreur métaphysique, ça je peux dire que ça fonctionne, le ludisme c'est une autre affaire.
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Re: Trois exemples d'horreur "interne"

Message par Schultz (Jérôme S.) » 14 Fév 2014, 20:58

Je trouve que c'est une excellente réponse, Thomas. Il me semble me rappeler que Christoph reconnait Innommable comme ludiste a ce que je crois me rappeler. Il faudrait avoir son avis pour vraiment en parler, mais je ne suis pas sûr que ce soit très pertinent non plus.
Au passage, Thomas, j'ai lu avec un intéret modéré ton CR de S'échapper des faubourgs au départ, mais je l'ai relu et j'ai aussi lu la base depuis la diffusion du podcast et... Woaw. Réellement. Je suis impressionné. Pour utiliser une expression utilisé dans le dernier podcast (où tu es présent - la créativité pour ceux qui liraient ça plus tard) par Darky, c'est un réel Mindfuck. La lecture de ce jeu a été une des plus impressionantes que j'ai vécues. Je pense acheter le livre quand mes finances le permettront (bientôt).
Encore bravo.
Podcasts amateurs et pleins de spoilers sur Sens : http://desrolistesdanslacave.fr/
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Re: Trois exemples d'horreur "interne"

Message par Thomas Munier » 15 Fév 2014, 09:52

La vache, ça me va droit au coeur Jérôme. J'ai en effet rédigé ce jeu comme un mindfuck, je savais que je prenais un risque, mais il fallait que je le fasse. Si ce n'est certainement pas ce que je veux pour tous les jeux, ni pour tous mes jeux, j'apprécie l'idée qu'il faille quelques discussions pour être amené à s'intéresser à la lecture ou à la pratique de S'échapper des faubourgs, et qu'il faille parfois revenir sur sa première impression. ça me permet d'amorcer une discussion avec les lecteurs, et c'est vraiment ce qui me botte dans mon métier. ça me rappelle les discussions qu'on avait avec Olivier Stein sur les mindfucks pendant la semaine Sens (tu as dû y participer, je crois), ce sont des moments précieux. En quelque sorte, c'est plus un méta-jeu qu'un jeu.

Sache que si tu veux, tu peux me commander le livre en livre artisanal, à prix libre, et si tu me paye par chèque, tu peux m'indiquer une date d'encaissement.
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Re: Trois exemples d'horreur "interne"

Message par Fabien @ InMediasRes » 15 Fév 2014, 11:20

Très intéressant sujet.

Thomas :
Je reviens sur ta très bonne synthèse des 2 façons de changer le comportement d'un joueur (PJ ou MJ d'ailleurs).
Un système alliant les deux méthodes me semble difficile à mettre en place car reposant sur des mécaniques antinomiques.

- via le système de jeu / résolution : le basculement est conscient et répond à un ordre du système de changer son interprétation.
La SAN de Cthulhu n'est efficace que si le joueur la joue correctement. Entre ceux qui anticipent la folie (c'est mon cas, car c'est ce qui m'amuse dans le jeu) et ceux qui en reculent l'échéance (car ils veulent que leur perso survivre), cela donne de drôles de choses au sein d'une même table.
Si ses résultats sont parfois incohérents ou abusifs, ce système a l'avantage de fonctionner implacablement sur tous les joueurs, quelles que soient leur implication et leur capacité d'interprétation.

- via le scénario / univers : le basculement est inconscient et/ou spontanée, il correspond plus à un réflexe, une réaction face à une situation qui touche le joueur. Le terme de "piège" est bien approprié, car il prend par surprise !
Dogs in the Vineyard est encore une fois l'exemple le plus probant. Mais également des scénarios à twist et les jeux touchant aux sujets extrêmes (dans ce registre, Kult et même Vampire ou INS/MV se révèlent être un terreau fertile).
Les basculements sont certainement les plus probants et cohérents puisqu'ils sont spontanés, surprenants, fous... tellement humains !
Mais pour les provoquer que d'efforts et de préparation. DitV propose un système bluffant, pour autant que l'on crée son village selon la méthode Baker. Sinon, autant jouer à Deadland...
Et la plus grande incertitude de cette mécanique est qu'elle repose sur l'humain qui va jouer, et celui-ci a eu la bonne idée d'être unique.

En dehors du jeu de rôle, mais pas loin, je pense que les soirées enquêtes (murder party), conjuguent possiblement ces deux mécanismes. Les comportements premiers sont imposés au joueur via son personnage et son background mais ses objectifs ou un ordre de l'animateur vont l'obliger sciemment à changer son interprétation en cours de partie. Par ailleurs, les révélations de son enquête ou ses interactions avec les autres joueurs vont également provoquer des réactions spontanées. Mais là, on cumule les deux problèmes : il faut avoir des joueurs investis dans leur interprétation, et à l'écriture (ou la distribution des rôles) il faut bien connaître leur personnalité.
J'ai écrit et joué plusieurs soirées enquêtes, les "premières" sont toujours avec mon cercle d'amis proches, et pourtant sur les 9-10 joueurs, il y en a toujours un ou deux avec qui la mayonnaise ne prend pas (dont une fois ma compagne, alors que j'avais écrit son rôle quasi "sur mesure" !).

Pour conclure sur cette question de game design ultime qui ferait appel aux deux méthodes, j'ai bien peur que ce soit la pierre philosophale du rôliste. A moins de tout écrire sur mesure pour tes joueurs avec l'aide d'une équipe de psychologues / comportementalistes.
Quoique cela a déjà été fait : "The Game" de Fincher, et pour un seul joueur la "note" finale était visiblement salée. Trop pour nos pauvres petites bourses...
Fabien @ InMediasRes
 
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Re: Trois exemples d'horreur "interne"

Message par Thomas Munier » 15 Fév 2014, 12:16

Si un livre de jeu ne peut pas faire un jeu sur mesure pour un groupe de joueurs, peut-être qu'un livre de jeu peut expliquer comment faire un jeu sur mesure pour un groupe de joueurs.

Ce qui est plus sûr, c'est qu'un livre de jeu peut toucher plus sûrement sa cible s'il manifeste bien ses intentions. Ainsi, Vampire expliquant qu'on joue des vampires daaark et luttant contre leurs démons dans un cadre d'horreur à la mode batcave, va forcément attirer des joueurs qui apprécient ce genre d'ambiance, ils vont donc forcément être de meilleure volonté pour s'immerger et ressentir des trucs. Encore plus que fournir un système qui sert parfaitement l'intention, bien définir l'intention me paraît primordial, que ce soit pour du jeu d'horreur, ou pour tout autre type de jeu.
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Re: Trois exemples d'horreur "interne"

Message par Fabien @ InMediasRes » 17 Fév 2014, 12:45

Thomas Munier a écrit :Si un livre de jeu ne peut pas faire un jeu sur mesure pour un groupe de joueurs, peut-être qu'un livre de jeu peut expliquer comment faire un jeu sur mesure pour un groupe de joueurs.


Très bonne idée. Surtout au regard des jeux sorties ces dernières années qui s'appuient justement principalement sur ce que sont les joueurs et non plus sur le rôle de leur personnages.
Cela pourrait donner un ouvrage assez transversal qui aborderait autant les techniques de scénarisation que de manipulation / interprétation comportementale (techniques de PNL ?).
Un chantier réservé à des psychologues ?
Fabien @ InMediasRes
 
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Re: Trois exemples d'horreur "interne"

Message par Thomas Munier » 17 Fév 2014, 13:05

On peut manipuler, ou on peut demander aux joueurs ce qu'ils préfèrent.

On en revient au contrat social, mais avec un système vraiment modulaire en fonction du contrat social adopté par le groupe.
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