Jeu en tour par tour et principe de Czege

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Jeu en tour par tour et principe de Czege

Message par Thomas Munier » 07 Avr 2014, 18:48

[JDR] Sur Les Bons Remèdes, Kantelder nous parle des jeux de rôles en tour par tour, en citant comme exemples Monostatos, 3:16... et Inflorenza.
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Re: Outsider Daily

Message par Frédéric » 09 Avr 2014, 19:46

Sympa cet article !
Juste deux trucs :

- Posez toujours un objectif de scène à votre personnage. C'est toujours plus simple de suivre ce fil.
Mauvaise idée, dans de nombreux cas on risque de se trouver à illustrer la manière dont ont cours après l'objectif, au lieu de simplement voir ce qu'il va se passer. En tout cas je déconseille vivement pour Monostatos.

- Mettez votre personnage en danger
[Czege principle alarm] Ouh que non, je joue le personnage qui se bat pour obtenir quelque chose ! Jouer ses adversaires aussi, c'est vraiment le plus mauvais moyen de faire sien l'objectif du personnage. C'est le rôle du MJ (même s'il n'est MJ qu'un court instant). Du moins pour Monostatos et il me semble que c'est aussi le cas pour 3:16.
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Re: Outsider Daily

Message par Frédéric » 14 Avr 2014, 21:03

Salut Thomas,
je vais revenir sur le principe de Czege pour tenter de dissiper les éventuels malentendus.

Dans son énoncé-même, le "principe" de Czege se veut juste une limite qu'observe l'auteur : quand je joue un personnage et son adversité en même temps, c'est pas fun.


Je vais essayer de développer les raisons pour lesquelles ce principe me tient autant à cœur :

Tout d'abord, cette déclaration n'inclut aucunement ce qui se passe avant la partie : dans Polaris de Ben Lehman, le joueur invente le démon qu'il combat. Ok, c'est cool, comme ce n'est pas pendant le jeu, ce n'est pas une entorse au principe de Czege.

Ensuite, faire prendre des risques à son personnage ne pose aucun problème non plus, puisque c'est une décision que pourrait prendre le personnage lui-même. Même hors fiction, des gens prennent des risques, même en connaissance de cause. Si l'auteur de l'article parle de ça, alors oui, je suis d'accord avec lui.

Ce dont ça parle vraiment, le principe de Czege, c'est le fait de dresser des obstacles qui s'opposent (vraiment) au but de son personnage et de jouer ses adversaires en même temps, pendant la partie. C'est ça qui n'est pas fun.


Quand je joue au jeu de rôle, ce qui m'intéresse, c'est de jouer "comme si", j'étais la volonté de mon personnage. Pour cela, je dois épouser les objectifs de mon personnage et défendre ses intérêts.
Si ça va dans le sens de défendre un de ses intérêts, je peux lui faire prendre des risques ou je peux accepter qu'il lui arrive quelque chose de mal. Parce que je défends ses intérêts. Quand plusieurs intérêts de mon personnage sont en conflit, je choisis celui qui compte le plus ou je fais au mieux.
Parce que c'est la façon dont mes décisions peuvent me permettre de faire comme si j'étais la volonté du personnage.

Bien sûr, ce n'est pas une obligation et il n'est écrit nulle part qu'on doit toujours faire comme ça.


Si je joue mes adversaires en même temps, je ne défends plus les intérêts de mon personnage. Si je dresse des obstacles entre lui et son but, pareil. Je joue pour et contre moi à la fois. Ce qui brise le fait de jouer au JdR pour être la volonté du personnage.

Mais ça ne me dérange pas que ça plaise à d'autres personnes, chacun fait ce qui lui plaît.


Pour creuser la raison pour laquelle ça me gâche les parties :

Pour coucher ma fille, je lui raconte souvent des histoires avant de s'endormir. Et souvent, j'improvise.
Ça me plaît parce que c'est ma fille, mais c'est un effort. Je cogite à créer des situations, à placer les personnages dedans, à leur poser des problèmes et à les résoudre.
D'une part, les histoires que je crée sont nettement moins intéressantes que ce qui se crée quand on joue à des JdR (ou même dans les dessins animés qu'elle regarde) même sans scénario, où l'on se contente de défendre les intérêts de nos personnages, parce que dans les histoires que j'invente au pied levé me demandent de gérer tellement de choses que c'est difficile de ne pas me contenter de recycler des poncifs. C'est l'intérêt de répartir les responsabilités sur la fiction entre plusieurs personnes : en ne s'occupant que de ses propres intérêts, on peut le faire à fond et si le jeu est bien gaulé, ce sont les tensions entre les intérêts des participants qui créent l'histoire (et même possiblement une bonne histoire). Je crois qu'une partie de JdR n'est jamais aussi bonne quand les participants ne pensent pas à l'histoire qui se construit, mais aux intérêts de leurs personnages (ou pour les MJ, à s'opposer aux intérêts des personnages des joueurs en défendant ceux des PNJ).
Mais inventer des histoires au pied levé, ça va parce que c'est ma fille, mais je n'ai aucun attrait pour faire la même chose avec mes potes.

"Il était une fois", je trouve ça juste chiant à mourir et l'aspect compétitif pour la prise de parole ne fait qu'aggraver son cas. Parce qu'en plus de devoir inventer une histoire tout seul à tour de rôle sans interrompre son flot de parole, le jeu me file des contraintes pour me compliquer la tâche et comme il faut garder ou prendre la parole avant toute nécessité de cohérence, on se retrouve avec des histoires qui n'ont aucune consistance et avec des événements qui tombent de nulle part.

Dans les jeux qui respectent le principe de Czege, la mécanique et les interactions sociales améliorent l'histoire en me contentant de faire des choix pour défendre les intérêts de mon personnage, parce que chacun agit et pense comme les personnages qui se retrouvent en conflit.

Dans les autres, la mécanique et les interactions sociales sont juste un poids qui me poussent à tordre la cohérence et la qualité de la fiction pour des raisons complètement externes à ladite fiction. Je dois moi-même essayer de gérer des interactions conflictuelles et donc je le fais de façon cosmétique et non pas en me mettant vraiment à la place du personnage et en cherchant à le comprendre, à avoir de l'empathie pour lui, à souffrir ses pertes et à fêter ses victoires.

Voilà ce que je ressens quand je joue à un jeu où l'on ne respecte pas le principe de Czege.
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Message par shiryu » 15 Avr 2014, 09:23

Pile poil le débat d'hier soir.

Je rejoins fred pour dissocier 2 choses : le fait de créer son adversité et le fait de résoudre l'adversité.

Pour le 1er, je trouve ça évidemment plus fun que le joueur puisse apporter des éléments de fiction sur ce qu'il a envie d'affronter (au sens très large, ça marge autant sur un monstre que sur un piège ou un dilemme moral). Quand j'ai arrêté DD4, c'était un de mes problème : mon barbare n'en chiait pas assez, j'avais envie d'affronter du lourd, du très lourd. Alors que ce soit le joueur qui décrive entièrement son adversité ou qu'il puisse influencer le MJ à travers un jeu de questions/réponses, peu m'importe. Il y a toujours la patte du MJ qui peut apporter une bonne surprise, mais aussi de la frustration s'il vise à côté de tes attentes de joueur.
Un petit lien pour des personnage comme Han solo ou John MacLane par exemple. Parce que franchement, les personnages qui m'ennuient le plus, ce sont ceux à qui rien ne peut arriver (superman en tête de ma liste).
oser être stupide

Pour le 2ème, j'y vais avec ma partie d'hier soir de whitebox d'éric nieudan. C'est une version test donc pas une critique du jeu de ma part ici, juste un retour de test. Le jeu se veut rapide, c'est un hack de dungeon world et nous avons visité 5 salles. La particularité du jeu, c'est que la tâche de MJ est répartie entre les joueurs et que le rôle d'arbitre est tournant. Le problème, c'est que par 3 fois, celui qui était arbitre s'est retrouvé à arbitrer une résolution d'obstacle alors que c'est son perso qui était au cœur de cet affrontement. Résultat : "je réussis sans problème, on peut continuer". Et une 4ème fois, je me suis retrouvé à jouer tout seul une scène car j'étais le joueur actif et l'arbitre (mais heureusement, il y avait un move donc un jet de dé pour trancher cette situation).
Et bien pour moi, le principe de Sigi c'est mon meilleur ami (désolé, il n'y a que comme ça que je retiens son nom), c'est un constat fort : voir les autres survoler leur problème ou me retrouver à jouer tout seul, ça ne m'emballe pas du tout. Alors je ne suis pas là pour parler du jeu d'éric, mais juste appuyer fred pour dire que oui, c'est un constat, ça n'engendre rien de fun.
Il y avait un jeu type mission impossible (jéronimo, si tu passes par là) où les joueurs préparaient leur plan dans les moindres détails, scène par scène, en mettant même les merdes qui pourraient se produire si un rouage foire et une fois que tout était écrit, tu te lançais pour voir comment ça allait tourner (ouch les fautes de temps !). C'est un très bon exemple pour moi : les joueurs créent dans les moindres détails l'adversité mais face à eux, ils ne savent pas comment ils vont les surmonter.

je répond plus en détail en rentrant du boulot
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Message par Jeronimo » 15 Avr 2014, 11:27

shiryu a écrit :Il y avait un jeu type mission impossible (jéronimo, si tu passes par là) où les joueurs préparaient leur plan dans les moindres détails, scène par scène, en mettant même les merdes qui pourraient se produire si un rouage foire et une fois que tout était écrit, tu te lançais pour voir comment ça allait tourner (ouch les fautes de temps !). C'est un très bon exemple pour moi : les joueurs créent dans les moindres détails l'adversité mais face à eux, ils ne savent pas comment ils vont les surmonter.

Le jeu en question c'est Wilderness of Mirrors de John Wick.
You can roleplay and talk in funny voice with any RPG, but only a good RPG will talk back.
Luke Crane

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Message par Sildoenfein » 15 Avr 2014, 11:34

Comme Thomas, cela fait un bout de temps que le principe de Czege m'étonne, surtout venant de The Forge. Je trouve que ce principe tombe dans le piège de la synecdoque justement dénoncé par Edwards : ériger en principe général quelque chose qui est spécifique à une manière de jouer, à un goût. C'est une accusation de badwrongfun. Je n'aime pas cela.

Je n'ai aucun problème à jouer contre le principe de Czege, je peux très bien m'amuser sans le respecter, mais il est clair qu'il s'agit là d'un plaisir de jeu différent et qui ne peut pas plaire à tout le monde. Le mélange Czege - non-Czege autour d'une table peut être destructeur car dysfonctionnel, à l'instar du mélange des différentes saveurs du GNS.

Il y a toutefois une logique indéniable dans les implications : jeu de rôle => rôle => plaider pour son personnage => principe de Czege. Mais ce n'est pas tout à fait inéluctable.

On peut jouer non-Czege sans tomber dans les machines à saucisse, ce sont deux questions indépendantes.

Inflorenza est un peu à la limite de Czege. Un joueur peut très bien décrire et jouer son opposition, mais alors il en fait en général un conflit et il est dépossédé de la décision sur la résolution du conflit : ce sont les dés qui décident. Ensuite, les éléments introduits seront souvent récupérés et utilisés par les autres joueurs. Finalement, le jeu s'oriente assez vite sur les conflits entre joueurs. Ce qui est peut-être une illustration du principe de Czege (et des habitudes de jeu au sens large) : la résistance intéressante dans le jeu, ce sont les autres joueurs et l'on va prendre plaisir à s'opposer à eux plutôt qu'à la résistance sans richesse procurée par les dés.
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Message par Schultz (Jérôme S.) » 15 Avr 2014, 14:36

Sildoenfein a écrit :Inflorenza est un peu à la limite de Czege. Un joueur peut très bien décrire et jouer son opposition, mais alors il en fait en général un conflit et il est dépossédé de la décision sur la résolution du conflit : ce sont les dés qui décident. Ensuite, les éléments introduits seront souvent récupérés et utilisés par les autres joueurs. Finalement, le jeu s'oriente assez vite sur les conflits entre joueurs.

Bah justement, je trouve qu'il n'est pas à la limite du tout, vu que comme tu le dis le joueur est "dépossédé de la décision sur la résolution du conflit : ce sont les dés qui décident". Du coup si le joueur peut se mettre des bâtons dans les trous, il n'est pas le décisionnaire final pour autant. Comme le soulignait shiryu, je pense que la responsabilité de qui résout l'adversité est important dans le principe de Czege.
Je vais parler d'une allégorie que j'affectionne, les chaussettes :
Prenons un mec, tout seul. Il se fait deux marionnettes avec de chaussettes. Disons Serpent-à-lunettes et Souricette. Le gars peut très bien raconter une histoire où Serpent-à-lunettes importune Souricette, jusqu'au moment ou celle-ci décide de répondre par la force. Il pourrait très bien se taper la main droite avec sa main gauche tout en disant "Aïe non, OK Souricette, j'suis désolé, j'ai été un salaud..."
Mais ce serait moyennement intéressant pour lui. Ça pourrait avoir plus d'intérêt pour un public enfantin, mais le "joueur" ne ressent aucune tension quand il décide que marionnette-de-la-main-gauche a raison sur marionnette-de-la-main-droite.
D'ailleurs, Fred dit faire ça (enfin sans les chaussettes) avec sa fille au final.

Ent fait, si le principe de Czege "n'existait pas", on pourrait faire du jdr tout seul et ce serait même passionnant. Ceci dit je suis d'accord sur le fait qu'essayer de faire des recherche dans le domaine peut être très instructif. Des expériences comme Sweet Agatha ont le mérite d'exister et de questionner des principes que l'on pense immuables.
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Message par shiryu » 15 Avr 2014, 15:21

sweet agatha est effectivement à la limite et pose la question du jeu solo. Je ne l'ai pas joué en solo et je ne pense pas que je le ferai, pas pour faire plaisir à Sigi mais parce que je n'en vois pas l'intérêt. soit je joue à 2, soit je tire mes indices au hasard mais il me faut un petit inconu pour avoir ce petit frisson.
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Message par Sildoenfein » 15 Avr 2014, 19:46

Je fus trop succinct dans mon explication pour Inflorenza. Le joueur fait en général un conflit de l'opposition qu'il décrit, mais ce n'est pas une obligation des règles. Il peut très bien créer et résoudre par sa seule narration une opposition et ne pas créer de conflit.

J'ai l'impression qu'en pratique les joueurs créent souvent une opposition pour en confier l'issue générale aux dés. Je me demande s'il ne s'agit pas là simplement d'une habitude culturelle.

Philippe
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Re: Outsider Daily

Message par Thomas Munier » 16 Avr 2014, 21:49

Merci à vous pour toutes ses réactions sur un casse-tete théorique qui m'est cher !

Frédéric, j'apprécie que tu aies pris le temps de développer. Dommage que tu tire tes exemples du conte improvisé et d'Il Etait une Fois. Ce sont certes des fictions non linéaires, mais assez difficiles à qualifier de jeu de rôle pour autant. Mais je suis le premier à reconnaître que les exemples de jeu de rôle violant complètement le principe de Czege sont rares (je ne vois que Beloved de Ben Lehman).

En fait je n'arrive pas à être d'accord avec toi, car il me semble que tes goûts s'orientent vers une seule posture de jeu. Personnellement, je ne souhaite pas me contenter de plaider pour mon personnage ou de m'en servir comme média pour explorer une réalité virtuelle. Je veux aussi l'interpréter, je veux aussi avoir une posture d'auteur. Le jeu de rôle que j'aime joue sur la tension entre ces différentes postures. Et je peux retrouver cette tension dans tous les jeux auquel je participe. Par ailleurs, je ne suis pas du genre à considérer que la fiction inventée avant d'interpréter le personnage n'est pas du jeu de rôle et serait à exclure quand on parle de jouer ou ne pas jouer son adversité. Si j'écris dans mon bakground que mon personnage est pourchassé par la mafia, je fais déjà du jeu de rôle, à mon sens, et je suis franchement en train de jouer ma propre adversité.

Voilà, on met le doigt dessus. Le principe de Czege ne peut être vu comme une loi permettant de faire un jeu de rôle fonctionnel, car il ne s'applique que pour un certain public.

En revanche, je suis tout à fait d'accord pour admettre que jouer sa propre adversité n'est pas fun si le jeu ne propose pas des mécanismes permettant d'être surpris, de trancher en cas d'indécision du joueur, ou de céder régulièrement à d'autres la responsabilités de jouer notre adversité.

C'est l'absence de ces mécanismes qui crée le problème des chaussettes.

Dans Inflorenza, on peut en effet résoudre une adversité tout seul, mais c'est franchement cosmétique. Ainsi, je peux dire que je tue une centaine de figurants, ou que je me fais torturer par le roi, je peux acter cette fiction dans la mécanique (en écrivant une phrase) mais tant que je n'en fais pas un conflit, ce n'est pas là que se place la résistance asymétrique. Si j'en fais un conflit, c'est que cette adversité est vraiment importante pour le personnage (ainsi, je peux décrire des scènes ou mon personnage tue plein de barbares sans jouer de conflit, et joue un conflit pour savoir ou non s'il tombe amoureux de l'un d'eux), parce qu'à ce moment là, les dés vont simuler la résistance, mais aussi les autres joueurs qui vont s'immiscer. De même que de toute façon, les autres joueurs peuvent exiger que tu fasses un jet de dé pour savoir si tu es vraiment capable de tuer plein de barbares. Dès que ça devient signifiant pour le personnage et/ou pour la fiction, le joueur cesse de contrôler son adversité. Au final, dans Inflorenza, on joue sa propre adversité quand on veut mettre en valeur son personnage, et on la laisse jouer par les autres dès que la volonté des joueurs s'oppose (en fait, tout dans Inflorenza parle d'opposer les volontés des joueurs).

Pour conclure, et parce que je respecte trop les apports de Frédéric pour penser sincèrement qu'il a tort, je dois bien admettre que réunir à sa table un public appréciant de naviguer entre toutes les postures sans discrimination est si rare que c'est une excellente sécurité de concevoir des jeux prêtant attention au principe de Czege (et je persiste à penser qu'Inflorenza y prête attention).
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Re: Outsider Daily

Message par Sildoenfein » 17 Avr 2014, 10:52

Mais tout à fait !

Moi non plus, je n’ai jamais pensé que Frédéric ait tort. (J’espère que je ne l’ai pas donné à croire à travers mes écrits.) Nous avons abordé le principe de Czege de deux manières différentes : il en a tracé les frontières par l’intérieur en montrant là où il s’appliquait à plein pour obtenir un mode de jeu cohérent et satisfaisant, j’ai tenté d’en esquisser les frontières par l’extérieur.

Le principe de Czege souffre pour moi d’un seul problème : sa formulation lui donne une portée trop générale, trop absolue.
Tout d’abord parce que l’on a appelé principe, ce que j’ai tendance à interpréter assez fortement — et je crois fidèlement au dictionnaire, ce qui n’est pas nécessairement une qualité — comme une loi fondamentale ou un axiome [1]. Proposition, précepte, postulat, observation de Czege me sembleraient plus adéquats.

Ensuite il est trop radical dans la formulation qu’on lui donne généralement, qui va souvent jusqu’à « le jeu n’est pas satisfaisant s’il demande à un même joueur de jouer à la fois son personnage et l’opposition au personnage » ou « s’il demande au même joueur de préparer l’adversité et de la surmonter » ou « s’il demande au même joueur de créer, animer et surmonter l’adversité ». Je trouve exagérée cette formulation qui pose ce qu’est un mauvais jeu. Je préfèrerais nettement énoncer « un des plaisirs possible d’un jeu de rôle est de surmonter une adversité gérée par un autre joueur ». Je veux même dire qu’il s’agit là d’un des plaisirs centraux du jeu de rôle. Nonobstant, le jeu de rôle propose de nombreux autres plaisir. Trop croire en la formulation trop forte du principe de Czege, c’est risquer de négliger ceux-ci.


[1] Je me demande s’il n’y a pas là un problème de langue et si principle en anglais n’a pas dans l’usage une portée moins forte, moins absolue que principe en français. Quelqu’un sait ?
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Re: Outsider Daily

Message par Frédéric » 17 Avr 2014, 11:24

Attention, je ne dis pas qu'il faut faire d'une manière ou d'une autre. Et le respect n'a rien à voir avec tout ça.

Je dis juste : un jeu de rôle est bien meilleur (et je ne suis pas sûr que ce ne soit qu'une question de goût) quand on ne transgresse pas le principe de Czege, parce qu'il permet de défendre les intérêts des personnages. Ce qui est la condition sine qua non pour "être la volonté du personnage", ce qui est la raison pour laquelle je fais du JdR. Ce qui n'empêche pas de pouvoir prendre plaisir sans ça. Tout comme beaucoup de gens prennent plaisir à D&D en jouant des donjons sans créer de fiction, en enchaînant les jets de dés et la seule désignation des obstacles et adversaires. Moi je trouve ça chiant à mourir, mais ça ne l'est pas pour tout le monde, certains y prennent plaisir, pour autant, je suis convaincu que jouer de la fiction est meilleur si l'on veut faire du JdR, allez savoir pourquoi.

Bien sûr, dans tous les jeux, la posture d'auteur est présente, notamment dès qu'il y a une différence entre ce que sait le joueur et ce que le personnage est censé savoir. Ce qui m'emmerde, c'est quand on passe son temps en posture d'auteur dans un jeu. Vous pouvez demander à mes amis : à chaque fois qu'on joue à un jeu comme ça, je montre les signes caractéristiques d'un ennui profond et il m'arrive de quitter la partie (et ça m'arrivait bien avant que j'en aie identifié la raison).
Mon expérience et mes goûts ne sont pas un argument. Mon argument porte sur la nature de l'expérience liée au fait de défendre les intérêts d'un personnage, au moins pour bien identifier les différences de pratiques. J'ai de nombreuses raisons de penser que jouer en défendant les intérêts des personnages démultiplie les potentialités en terme d'expérience fictionnelle et en terme de richesse et de profondeur (bien que ça ne suffise pas à produire un bon jeu ou une bonne expérience).

Tu as raison aussi de parler des mécaniques de jeu, elles jouent clairement un rôle là dedans.

Si j'ai pris l'exemple des contes participatifs, ludiques et/ou improvisés, c'est justement parce que je ne fais aucune différence entre jouer à un JdR en posture d'auteur permanente et jouer à Il était une fois ou improviser une histoire à ma fille. La plupart des JdR où il m'a été donné de jouer en posture d'auteur permanente étaient des jeux en cours de création, qui ont changé ou qui ont été abandonné depuis (dont certains de ma création). J'ai depuis joué à des jeux qui présentaient d'autres partis pris discutables et où je m'ennuyais autant, mais c'est une autre question.
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Message par Thomas Munier » 20 Avr 2014, 10:22

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