Techniques basiques d'inclusivité

Un endroit pour discuter autour d'une vieille table et d'alcools.

Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Brisecous (Mathieu) » 29 Oct 2016, 01:36

Salut,

Philippe, Valentin, merci pour vos messages qui sont très instructifs et m'ont apporté une vision plus large de la question. J'ai noté quelques éléments que je partage avec vous :

- Tout comme Sildoenfein, je pense qu'il est impossible de ne pas catégoriser. C'est inhérent à l'esprit humain. Lutter contre la catégorisation est souhaitable. C'est comme tu le fais remarquer, Valentin, un travail de tous les instants, qui nécessite un long travail de réflexion personnelle et d'introspection. Il me semble difficile de proposer un outil global à un large public qui se passe de catégorisation.

- Les catégories sont le fruit d'une réalité. D'une réalité simplifiée, certes. Le problème n'est pas la catégorie mais le traitement qu'on en fait, le présupposé ou le préjugé que l'on place derrière. Catégoriser, c'est même le propre du JDR et plus largement des jeux. On met la réalité en cases afin de pouvoir la quantifier et afin de pouvoir la gérer grâce au système de jeu.

- Valentin, tes tables de 3D10 sont intéressantes, elles rejoignent un peu ce que propose Thomas Munier. Elles me semblent une autre forme de catégorisation. Ta grille d'analyse est plus fine - et donc plus complexe - que ce que je propose, elle présente malgré tout ses limites : limites de la capacité de la personne qui les conçoit à ne pas catégoriser, et limites du nombre de possibilités de chacune des catégories (genre, tenue...) que tu définis.

- Tu utilises des termes comme "personne à la peau très sombre" pour parler de ce que j'appelle "un noir". Je ne cautionne pas cette novlangue qui consiste à appeler un aveugle une personne non-voyante et un noir une "personne issue de l'immigration". Cette volonté de contourner la discrimination en changeant l'étiquette sur la case ne me semble pas efficace. C'est considérer que le mot "noir" serait discriminant, quand il fait référence à une particularité physique. Ce changement d'étiquette n'aura d'effet que chez ceux qui sont déjà sensibles à cette question, et n'ont donc pas besoin d'être sensibilisés. Chez un raciste, le changement d'étiquette n'impactera pas sur le racisme et la discrimination qu'il fera subir aux autres. Parce que lui, la discrimination il ne la fait pas sur le terme, mais sur la particularité physique. Une discrimination est par nature arbitraire. Par ailleurs, cela complexifie fortement le langage, ce qui me semble contre-productif dans un outil dont l'objectif est à la fois ludique et éducatif.

- Quelle que soit la gradation que l'on choisit dans la description des catégories, on en vient toujours au moment où l'on doit restreindre notre liste. Que la liste ait 4, 10 ou 200 choix, on en revient à placer des personnes dans des cases et à les définir d'après des particularités physiques ou psychiques que l'on est obligés de simplifier. Sachant que c'est une personne tierce qui s'approprie l'outil que l'on propose et qu'elle a sa propre interprétation de nos catégories.

- Se pose la question de l'inclusivité idéale et de l'inclusivité améliorée. Valentin, j'ai le sentiment que tu prônes une inclusivité idéale et que tu proposes un outil pour y parvenir, tout en étant conscient que tu n'y parviens que partiellement et que ta méthode est complexe. Je pense que l'outil que tu proposes permet une meilleure inclusivité que le mien. En revanche, il me semble beaucoup plus complexe. Mon outil vise une meilleure inclusivité et tente de rester le plus simple possible. J'ai gardé les catégories parce que je préfère garder le rôle un peu discriminatoire du noir intelligent, plutôt que de discriminer complètement les noirs. Je pense que cela oblige les gens à se poser la question du regard qu'ils portent sur les différentes catégories et que c'est mieux que rien. Surtout, je pense que c'est applicable par tout le monde.

- Les anti-stéréotypes me semblent le point le plus douteux de mon outil. Cependant, ils me semblent également le point le plus vital. Ils permettent de questionner un public qui serait sujet à ces stéréotypes. Si l'on ne précise pas qu'un homosexuel peut être un père de famille responsable, on court le risque d'avoir des personnages homosexuels caricaturaux dans la partie si le MJ est influencé par les préjugés sur les homosexuels. C'est un premier pas de penser à intégrer un homo dans le jeu (ce que j'appelle le critère de présence) ; il est inutile si l'on ne casse pas les préjugés sur les homosexuels, et pour cela l'outil doit proposer une solution. Je n'en ai pas trouvé d'autre pour le moment que ce concept d'anti-stéréotype partiellement discriminatoire, mais de mon point de vue moins discriminatoire que si je ne proposais rien. J'ai essayé de calibrer mon outil selon ces deux critères : ses limites, mais aussi ce qu'il permet.

- Les catégories discriminatoires de mon outil ou de celui de Sildoenfein sont invisibles des joueurs puisque l'outil est géré par le MJ. Ces cases ne peuvent donc pas être discriminatoires pour eux ou dans leur esprit. Dans un jeu avec MJ, le MJ gère ces discriminations, ce qui permet de les supprimer de la partie que vivent les joueurs. Les joueurs ne voient pas la case cochée du noir très érudit, ils voient qu'un noir est très érudit, et que c'est considéré comme normal dans la fiction.

- Mon outil d'inclusivité doit entrer dans une page A4 et être utilisable tel quel par le MJ lors d'une partie. Ce sont les contraintes que je me suis fixées. Je considère comme inapplicable dans le cadre d'un outil global, toute solution qui ne puisse pas respecter ces contraintes. Dans le cadre d'un outil personnel, c'est différent.

J'ai conçu mon outil comme une imperfection pragmatique. Je ne vois pas comment intégrer vos remarques tout à fait fondées dans un système qui reste simple d'utilisation pour un public standard. La solution serait probablement de creuser du côté du générateur d'empathie, ou plus globalement, de ce qui incite les joueurs à changer de paradigme dans la fiction par rapport à une particularité ou un handicap.

J'accueillerai avec grand plaisir la nouvelle version de ton outil d'inclusivité, Philippe. :)
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Thomas Munier » 29 Oct 2016, 08:08

Dans Marchebranche, en association avec mes tables, j'ai cette phrase de conseil : "Cassez les stéréotypes pour créer la surprise". Je voulais garder une approche simple, j'ai estimé que ça suffisait.

Je reviens un instant sur mon exemple de l'exploratrice aveugle. C'est finalement aussi un anti-stéréotype car je préjuge que la plupart des aveugles sortent peu de chez eux, ou en tout sortent peu d'un parcours extérieur bien connu, justement à cause de leur handicap.
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Brisecous (Mathieu) » 05 Nov 2016, 02:46

Salut,

Je partage avec vous mon article sur ma méthode pour améliorer l'inclusivité en jeu de rôle. Il s'agit d'un article sur la méthode de conception d'un outil plutôt que d'un article de fond sur l'inclusivité elle-même.

J'ai par ailleurs modifié l'outil que je propose suite à nos discussions sur le forum. Vous m'avez convaincu qu'une liste d'anti-stéréotypes était discriminante. J'ai néanmoins conservé l'outil vidé de sa liste car je pense que c'est un outil nécessaire pour que le MJ pense à modifier l'image discriminante des personnages. L'outil est consultable ici.
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Thomas Munier » 05 Nov 2016, 09:31

Très intéressant !

On voit que tu as beaucoup réfléchi au sujet, et tu précises bien toute la spécificité de ton approche.
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par KcoQuidam » 05 Nov 2016, 13:52

Bonjour tout le monde.

Je prend le sujet après que déjà pas mal d'encre ai été numériquement écrite, j'ai assez peu de chose à dire sur le sujet en définitive. (Je ne pense pas qu'il existe de méthode qui puisse être efficacement à 200% sur ce sujet, y'a des petites astuces éventuelles/des routines qui peuvent aider mais rien qui ne puisse malheureusement remplacer, à mon sens, la prise de recul personnel et la réflexion sur ces questions, encore moins de manière mécaniques).

Par contre je reprend un message que j'ai posté sur un groupe facebook (là où tu as posté le tiens je pense Brisecous): j'ai l'impression qu'il s'agit plus de méthode assurant la représentativité que l'inclusivité non ? La nuance est assez importante: La représentativité est le fait d'avoir des représentations d'individu.e.s dans la fiction et c'est un sujet important, l'inclusivité c'est le fait de faire de la place et de l'espace concrètement aux individu.e.s bien réel.le.s, et ça me semble pour le coup encore un cran plus important (dans ce que j'en connais des termes).

La remarque n'est pas tant pour déranger mais juste pour bien faire la différence et éviter d'oublier un sujet à cause de l'autre. De plus il me semble que l'inclusivité bienveillante réduit pas mal les questions autour de la représentativité. Avoir autour de la table une personne (ou plusieurs) qui vit une situation et ne pas remettre en question ses remarques sur le sujets (lui laisser le bénéfice de la "personne experte du sujet" en gros) ça réduit de beaucoup les questions qu'on peut se poser autour de l'absence de représentativité, les risques de stéréotypes, etc. En cela d'ailleurs je remarque que jouant majoritairement avec des personnes LGBT+ je ne me suis jamais posé la question de la représentation pour les PJs/PNJs des LGBT+. C'est quelque chose qui vient assez naturellement, encore plus du fait que je maitrise majoritairement des univers peu ou pas dans la description sexistes/homophobes/ect, ce qui ouvre de beaucoup les portes pour les personnes qui jouent à pouvoir justement aborder ces thèmes qui leur importe sans retour de bâton. Pour les question de personnage PoC c'est plus complexe par contre, dans mon cas je ne joue avec aucune personne PoC (car malheureusement mon entourage rolistique est brut caucasien) donc pour le coup même moi j'emploie des routines personnelles pour éviter l'absence totale de représentation.

(Note que je ne dis pas que les gens ici ne font pas d'effort pour inclure d'autres personnes à leur table, j'espère que cela ne sonne pas comme une accusation ce n’est absolument pas le but)

Voilà, juste parce que la réflexion m'est venue et qu'elle me semblait importante. Ceci dit j'aime beaucoup certains outils proposés qui ressemblent à certaines de mes propres routines (même si personnellement c'est plutôt du "je fait les compte à la fin de l'écriture du scénario de ce qui est dit explicitement" pour voir s'il n'y a pas de déséquilibre, et j'avoue que j'assume totalement les déséquilibres quand il sont dans certains sens, mes parties doivent bien comprendre du 70-80% de pnjs féminins la plupart du temps).

Merci pour le partage du coup (et pour les réflexions autour).
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Brisecous (Mathieu) » 05 Nov 2016, 14:19

Salut KcoQuidam,

Pour commencer : je ne le prends pas comme une accusation ou quoi que ce soit d'autre. La critique, quand elle est intelligible et argumentée (et c'est le cas), fait avancer.

Je vais commencer par des définitions parce que je me rends compte que bien souvent, on n'est pas d'accord juste parce qu'on ne donne pas le même sens aux mots. Tu différencies représentativité et inclusivité par le fait que la représentativité touche des personnages de fiction, alors que l'inclusivité touche des individus dans la vie réelle. Tout d'abord, je ne peux prétendre imposer aux gens de modifier leur manière de se comporter avec les minorités dans la vie réelle. Je propose un outil propre au JDR, tout en étant persuadé que cela peut les amener à réfléchir sur leur approche de ces minorités dans la "vraie vie". Le sens que je donne à l'inclusivité n'est pas le même que le tien : Pour moi, la représentativité, c'est que les minorités soient représentées, soient présentes dans des proportions à peu près équivalentes à ce qui est en réalité. L'inclusivité, c'est que ces minorités soient incluses à tous les échelons de la vie sociale, et qu'elles puissent exprimer leur particularité sans subir le poids d'un jugement ou le carcan d'un espace auquel on les restreindrait. Pour moi, l'inclusivité et la représentativité sont des concepts qui peuvent s'appliquer au sein de la fiction de JDR, ainsi que dans la vie réelle, sans que leur sens change de l'un à l'autre.

Dans ma définition, il me semble que mon outil permet de travailler sur la représentativité (mais sans notion de proportions) ainsi que sur l'inclusivité au sein de la partie : il quantifie l'importance du rôle du personnage, il essaie de créer une charge émotionnelle pour mieux accepter la différence du personnage, il propose via les anti-stéréotypes de casser les images les plus rigides autour des minorités.

Par contre, effectivement, il ne change en rien la manière dont les lesbiennes ou les noirs seront traités dans la vie réelle. Il n'a pas pour prétention de garantir l'inclusivité au sein du groupe de joueurs, il propose seulement une amélioration au sein de la fiction. Je n'ai pas précisé cet état de fait car ces notions restent trop floues pour la plupart des rôlistes. Je n'aurais pas été intelligible. C'est en tout cas un point intéressant que tu soulèves. Mon outil ne peut prétendre - et ce n'est pas son but - résoudre des inégalités contre lesquelles des centaines de milliers de personnes luttent chaque jour. Je pense cependant que le JDR peut être une porte ouverte, une main tendue vers un changement progressif de mentalité en affaiblissant un peu des préjugés que seule la vie réelle finira par briser.

Pour finir sur une touche de provocation : De mon point de vue, si une très forte majorité de tes parties contient 80% de femmes, c'est une forme de sexisme.
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Frédéric » 05 Nov 2016, 23:26

Juste en passant, Je n'ai pas grand chose à ajouter à ce qui a été dit, je voulais juste saluer ton initiative, Sildoenfein. ;)
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par KcoQuidam » 11 Nov 2016, 14:07

Merci pour avoir pris le temps de plus détailler ton usage des mots Brisecous o/.

j'ai voulu prendre un peu de temps pour répondre afin de bien réfléchir, mais au final je pense qu'on est plutôt d'accord: en effet je ne pense pas qu'une mécanisme puisse d'un seul coup rendre magiquement le milieu plus inclusif dans la vie réelle, mais tenter de rendre ces sujets plus fréquents peu sans doute aider. Y'a un élément qui me dérange un peu (outre la forme des mots) sur l'intérêt qu'il y aurait à distinguer inclusivité et représentativité au sein de la fiction (ça me semble en fait fonctionnellement être la même chose ou presque) mais je ne saurai l'expliquer particulièrement par forum.

Pour la petit provoc :p. Y répondre ouvrirai une discussion un poil longue et qui n'a (je pense) pas trop sa place sur ce forum, donc ce n'est que partie remise mais si on se rencontre dans un autre contexte si cela te va.

Merci encore pour avoir pris le temps dé développer en tout cas o/.
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Brisecous (Mathieu) » 11 Nov 2016, 14:44

De rien, merci à toi pour avoir partagé ta vision des choses.

Je pense que l'intérêt de cette discussion et de mon article, au-delà des outils eux-mêmes, c'est d'avoir remis sur le devant de la scène cette problématique. Quand je lis les messages de certains intervenants sur les groupes Facebook, je me dis qu'il y a encore beaucoup à faire pour parvenir à une société tolérante. Je pense qu'on aborde très (trop) peu ces sujets "polémiques" parce que celui qui le fait, subit rapidement une avalanche de haine ; même si elle reste minoritaire, elle est toujours plus marquante que les messages de soutien. Les modérés se taisent, et peu à peu Internet est envahi par les apôtres de la haine.

Comme tu le faisais remarquer, le propos reste le JDR, parler d'inclusivité/représentativité plus avant dépasse le cadre du JDR. Je ne suis pas un spécialiste de ces questions et j'aurais probablement beaucoup à retirer d'un échange "de vive voix" sur la question. Je ne suis pas exempt de préjugés à briser. Si nous en avons l'occasion, ce sera avec plaisir. :)
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Imrryran » 14 Nov 2016, 23:18

J'avoue que si je vois bien l'intérêt d'avoir des PNJ plus variés (du point de vue moral comme du point de vue du jeu avec une meilleure immersion et une plus grand complexité des situations) je ne suis pas convaincu de l'intérêt de lister des catégories d'une sorte ou d'une autre.

Pour des PNJ écris à l'avance pour le scénar cela permet bien entendu d'assurer la variété et de fausser les stéréotypes de manière intéressante, mais pour la myriade de PNJ créés à la volée lors d'une partie il me semble plus intéressant de penser en termes de problématiques liées à l'univers de jeu.

En effet ces PNJ ont généralement été requis par les joueurs avec une idée d'action précise ("je vais demander à l'aubergiste s'il a vu XXX récemment"). Qu'ils aient la peau noire, un fauteuil roulant ou une sexualité minoritaire ajoute de la texture au monde mais reste au niveau du décor. Les joueurs (et les PJ) découvrent le PNJ mais, recherchant avant tout un service, tout ce qui est décor passe souvent à côté de leur intérêt.

Par contre si on pense en terme de problématique, on fournit un point d'ancrage plus évident pour les joueurs, on leur évoque des risques à commercer avec telle ou telle personne, potentiellement de l'empathie.

Pour donner un exemple, on peut remplacer un indice de couleur de peau par une problématique "on n'aime pas les étrangers". Les joueurs vont voir un marchand ambulant pour obtenir des infos, on tire (au hasard ? pour un univers médiéval j'utilisais un jeu de tarot) la problématique mentionné ci-dessus. Le MJ invente à la volée pourquoi le marchand y est confronté (il est étranger ? sa fille a épousé un étranger ? son concurrent est étranger ? etc.), cela pouvant se retranscrire dans la description par une pigmentation différente de la norme locale, ou un accent, ou des habitudes différentes. Cela offre aussi aux PJ une micro-quête à résoudre pour obtenir son aide. On retrouve donc une diversité des personnages (plus juste des mâles blancs hétéros de 30 à 40 ans...) mais par un mécanisme leur donnant plus de relief et les intégrant davantage à la fiction. On facilite aussi le cassage de stéréotypes car la fonction et le statut du personnage pré-existent à sa problématique.

J'ai tendance à penser (mais c'est peut-être lié à ma manière de mener/jouer) que les catégories/échelles très précises sont surtout utiles si elles ne correspondent pas à celles du monde contemporain et qu'il faut donc les expliciter pour que les joueurs puissent s’imprégner d'un univers commun, qu'il soit déjà écrit ou émerge de la partie. J'imagine par exemple un gradient humain->ET pour un jeu de SF ou "lépreux" pour un jeu médiéval.
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Gaël Sacré » 17 Nov 2016, 11:05

Je pense que ne voir l'inclusivité qu'à travers le prisme des problématiques, c'est mettre en avant l'idée que les exclus (pour rester dans l'idée d'inclusivité) ne doivent apparaître dans des fictions que parce que leur différence met en évidence une problématique. C'est une question de visibilité, qui permet d'acquérir à terme une légitimité.
Dans la vie de tous les jours, on rencontre toute sorte de personne, et généralement pas que des homme blanc cis-hetero. Or, dans les fictions et dans le jeu de rôle, il n'est pas rare d'avoir une majorité de personnages qui le sont. Et quand il y a des exceptions, elles sont minoritaires ou sont relegués aux personnages secondaires (ou PNJ mineurs dans le jeu de rôle).

Sildoenfein, je trouve ta proposition très intéressante. Cela dit, j'ai vraiment du mal à imaginer utiliser un tel outil en préparant des parties (que ce soit avant ou au début de la partie). A utiliser éventuellement pour aider à l'inclusivité à l'écriture d'un jeu, j'arrive déjà davantage à l'envisager. Je me demande si ce n'est pas à chaque jeu de permettre d'une manière ou d'une autre d'avoir plus de diversité dans la création des personnages.

La question m'intéresse d'autant plus que je me suis posé la question pour Happy Together, et que je n'ai pas trouvé de solution satisfaisante. Une solution élégante qui ne force pas la main des joueurs et qui n'alourdit pas le texte du jeu et la simplicité des règles.
Merci en tout cas de réfléchir à cette question et d'envisager des solutions concrètes. Je vais y réfléchir de mon côté et je reviendrai si j'ai des choses pertinentes à ajouter.
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Imrryran » 20 Nov 2016, 21:42

Je pense que ne voir l'inclusivité qu'à travers le prisme des problématiques, c'est mettre en avant l'idée que les exclus (pour rester dans l'idée d'inclusivité) ne doivent apparaître dans des fictions que parce que leur différence met en évidence une problématique. C'est une question de visibilité, qui permet d'acquérir à terme une légitimité.

Je le conçois de manière inversée : en jeu de rôle ne sont intéressants que les personnages liés à une problématique, que ce soit pour l'illustrer ou la questionner. Un PNJ est donc forcément orienté vis-à-vis d'une problématique. Un personnage qui n'est pas lié à une problématique (qu'il soit favorisé ou exclu par celle-ci) n'a pas à y apparaître car il ne sert ni l'histoire ni le jeu. Le corollaire est que les traits d'un personnage qui ne le lient pas à une problématique n'ont pas à être décrits.

Donc si on veut inclure des exclus en JDR, ou tout simplement avoir de la diversité, il faut intégrer des problématiques mettant le doigt sur ce qui les exclut, sur le rapport à cette diversité.

Par exemple je fais actuellement une campagne de Regnum Christi à Constantinople. Une des problématique est que que la Ville dépend des étrangers pour survivre en tant que hub commercial. Une autre problématique est que les gens sont avant tout définis par leur origine (famille si connue, ou région géographique). Une autre est que les byzantins ont un gros complexe de supériorité culturelle. Les PNJ expriment donc leur origine librement, ou celle d'autres PNJ ("allez voir l'égyptien au bout là-bas") mais je ne décris généralement pas la couleur de peau car elle n'est pas pertinente. Par contre quand il d'ennemis les vêtements, la langue, les coutumes, etc. sont caricaturées par les autorité et une partie du peuple pour mettre en avant leur aspect barbare. Je trouve qu'en pratique cela marche bien pour introduire de la diversité et rendre les joueurs conscients de celle-ci et de l'arbitraire de leurs catégories mentales. Ceci d'autant plus que les hommes blancs cishétéros typiques (i.e. des Francs... et la majorité de mes joueurs) sont ici des étrangers (et bientôt des ennemis déclarés).

Je reconnais que ce n'est valable que pour l'utilisation en partie, où la description est forcément extrêmement ciblée par les joueurs, pas pour les illustrations d'un livre de JDR où peuvent figurer davantage de détails (de même qu'au cinéma on peut montrer une foule bigarrée en une image là où en JDR il faudrait 5mn de description).
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par KcoQuidam » 21 Nov 2016, 14:23

J'ai quelques soucis avec ce que tu dis dans tes deux derniers messages Imrryan (ou ce que j'en ai compris, possible que cela ne soit pas ce que tu as voulu dire), sur l'idée qu'il faudrait absolument relier ces "attributs" des personnages à des problématiques. Je suis tout à fait d'accord que en jdr ne sont intéressant que les PNJs qui sont relié.e.s à une problématique. Mais ielles peuvent l'être pour autre chose que leur appartenance ou non à une minorité.

Un personnage trans ou de genre non conforme peut être relié.e à la problématique de jeu car iel travaille pour un seigneur local duquel les PJs doivent se rapprocher.
Une femme noire peut très bien être reliée à une problématique car elle est scientifique et possède des compétences qui sont nécessaire pour les PJs.
Un couple homosexuel peut être relié à une problématique car l'un.e de leur enfant est en crise d'ado SANS que cela ne soit nécessairement relié au fait que le couple soit homosexuel.

De fait cela serait assez absurde si je cherchais absolument à n'inclure des personnages hétérosexuel.le.s dans mes scénario que si j'avais une problématique spécifiquement liée à l'hétérosexualité, de même que je ne vais pas chercher absolument à avoir une problématique lié au fait d'être blond pour avoir un personnage blond, ou au fait d'avoir un personnage ayant des lunettes/avoir des cheveux longs/d'être petit, etc, je grossit un peu le trait mais pourtant ces trois derniers exemple pourraient totalement voir développer une problématique en fait, porter des lunettes coute de l'argent et modifie la manière dont on vit en société, ce n'est pas une exclusion mais c’est un sujet qui pourrait clairement être développé, et ça vaux pour les deux autres (je parle un peu en connaissance de cause).

De fait la diversité dans les PNJs existe nécessairement, à moins que tout les PNJs soient des clones de John homme d'âge moyen à la peau blanche. Pour me faire une image mental du marchand que tu cite autant je peux éventuellement ne pas réfléchir à son orientation sexuelle (et encore dès qu'on parlera du fait qu'il possède des enfants ou de son couple la question se posera) autant difficile de me l'imaginer sans savoir un minimum sa couleur de peau ou même s'il est ou n'est pas gender-conforming. D'ailleurs rien que le fait de le genrer au masculin plutôt qu'au féminin (ou via un autre pronom) c’est déjà lui donner une caractéristique particulière. Faut il nécessairement que sa masculinité soit reliée à une problématique ?

Ensuite, et ça c'est plus une question d'inclusivité des personnes réelles, je sais que en tant que personne de genre non conforme bisexuelle je fuis les tables où l'autorité (MJ ou règles) imposent que ces sujets soient nécessairement des problématiques. Vivant déjà assez les problèmes dans ma vie de tout les jours j'aime pouvoir dire "ok non là je joue un.e personnage bisexuel.le ET j'ai pas envie que ça parte en débat social", il m'arrive d'être ok pour que ça soit abordé, mais si l'on impose de toujours relier ceci à des problématiques, ou qu'on fait mine que cela n'existe pas, je passe mon tour (pour ceci entre autre que je maitrise beaucoup plus que je ne joue au final).
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Brisecous (Mathieu) » 21 Nov 2016, 15:21

@KcoQuidam : il me semble que ton message repose la question du contrat social : discuter avec ses joueurs et être à l'écoute de leurs problématiques afin de ne pas leur imposer un cadre de jeu qui ne leur convient pas. Ca contribue également à l'inclusivité.
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Arjuna Khan (Fabric) » 21 Nov 2016, 16:10

Il peut aussi avoir un point de vue militant. Corréler systématiquement le fait qu'une personne discriminé (de par son identité ou de par ses choix de vie) se résume justement à ses discriminations, c'est je pense la meilleure porte pour tomber dans le cliché. Les voir comme des personnages complexeS dont certains aspects de la vie comporte des éléments discriminatoire c'est plus sain je pense.
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