Techniques basiques d'inclusivité

Un endroit pour discuter autour d'une vieille table et d'alcools.

Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Brisecous (Mathieu) » 27 Oct 2016, 02:43

En fait, la gestion des techniques d'inclusivité et plus globalement l'approche de la lutte contre les stéréotypes varie aussi en fonction du niveau de préparation des parties. Je prépare tous mes PNJ et je m'efforce d'avoir une réflexion poussée dans mon approche de la lutte contre les stéréotypes, sans avoir formalisé aucun outil jusqu'à présent (et sans y avoir même pensé, jusqu'au message de Philippe / Sildoenfein). En parallèle, je ne gérais jusqu'à présent pas du tout l'inclusivité dans les quelques PNJ que j'étais obligé d'inventer à la volée, car ils restaient quantité négligeable. Du coup mes besoins vont vers quelque chose de complet.

Dans un contexte d'improvisation totale ou importante, je me retrouverai démuni car ma méthode n'est plus du tout applicable. Ca veut dire que j'ai besoin de 2 types d'outils différents, en fait.
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Thouny » 27 Oct 2016, 13:58

Sildoenfein a écrit :Ou alors je suis plus tolérant sur le délai de réponse ?

Je pense que c'est ça. Dans un jeu plus « cool », comme un Dragon de Poche, ça me gênerait sans doute beaucoup moins. Mais dans Monsterhearts, je mène avec un rythme élevé, je veux que tout s'enchaîne.
Et quand je crée un PNJ dans Monsterhearts, je dois déjà lui donner un nom, dire qui il est (en deux mots), et comptabiliser ses Strings, ce qui déjà prend un peu de temps.
Peut-être pour tirer un bilan après coup, histoire d'observer là où notre pratique a divergé de nos intentions et ajuster le tir pour la fois suivante ?

Oui. Même si je joue en one-shot, ça me permet de me dire « tiens, je n'ai pas beaucoup de XXX alors que je voulais en mettre ».

En fait, la gestion des techniques d'inclusivité et plus globalement l'approche de la lutte contre les stéréotypes varie aussi en fonction du niveau de préparation des parties.

Intéressant. Perso, je pratique la préparation nulle. Je ne prépare jamais rien (à part des aides de jeu, ou ce que le jeu demande explicitement, par exemple les Ruines de Sphynx).

Avec Valou, pour une partie d'Apocalypse World, on a utilisé un dé pour déterminer le genre (homme/femme) des PNJ. On décrit le PNJ, son rôle, son caractère, puis on tirait son genre. Ça donnait des choses intéressantes… disons plutôt que ça créait un environnement qui avait plus de profondeur. Un très bon résultat.
Mardi soir on a parlé de faire pareil avec 3d6, pour 3 critères différents. Genre/couleur de peau/attirance sexuelle ? À définir.
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Brisecous (Mathieu) » 28 Oct 2016, 15:18

Salut,

J'ai travaillé sur un outil d'inclusivité que je compte fournir à la fin d'un article sur cette question, reprenant l'opinion que je me suis forgée grâce aux discussions sur les Ateliers. Avant de diffuser ce document à plus grande échelle, j'aimerais avoir votre opinion afin de corriger d'éventuelles erreurs et d'améliorer le bouzin. Je ne me suis pas préoccupé de critères quantitatifs (proportions, équivalences de représentation des catégories et autres). Je vous fournis le mode d'emploi de l'outil ci-après.

Sildoenfein, j'aimerais que tu me donnes l'autorisation de te citer (sous ton pseudonyme) dans l'article en tant que précurseur de ma réflexion, et que tu m'autorises également à fournir dans mon article le lien vers tes propres outils d'inclusivité. Mes lecteurs seront ainsi à même de découvrir deux méthodes différentes et de choisir l'outil qui leur convient le mieux.

Mon outil est visible ici : https://drive.google.com/file/d/0B7vGFJ ... sp=sharing

Je vous transmets le mode d'emploi :
Cet outil est un outil 3-en-1. Il prend la forme d'une feuille A4 que vous pouvez librement utiliser dans le cadre privé, lors de vos parties par exemple. Il est conçu pour être rapide d'utilisation et modulaire. Il contient 3 modules :

  • Le contrôleur de diversité permet de vérifier la visibilité de chaque catégorie sociale au sein de la partie. En notant 1 chiffre dans 1 case, le joueur définit plusieurs informations :
    • La classe d'âge du personnage
    • Son sexe
    • Son orientation sexuelle et/ou identité de genre
    • Sa couleur de peau
    • Son importance au sein de l'histoire, définie par un chiffre : 3 pour un personnage central, 2 pour un personnage récurrent et 1 pour un personnage secondaire (voir partie précédente pour plus de détails)
    • Le contrôleur de diversité permet également d'attribuer des handicaps physiques ou mentaux en rayant le handicap choisi au sein d'une liste.
  • Les anti-stéréotypes sont classés par catégorie sociale. Ils permettent d'attribuer à un PNJ d'une certaine catégorie, des particularités qui permettront de lutter contre les stéréotypes les plus fréquents. On note un chiffre (3-2-1) dans la case afin de définir l'importance des PNJ ayant cette particularité. On connaît ainsi la visibilité de chaque anti-stéréotype dans l'histoire. Il est possible d'ajouter des anti-stéréotypes personnalisés grâce aux cases vides.
  • Le générateur d'empathie propose des scènes à faire vivre aux joueurs afin de créer de l'empathie, de la compassion ou une interaction entre le joueur et la particularité de chaque PNJ. En notant un chiffre (3-2-1), on définit l'importance de chaque scène en fonction de son PNJ, afin de proposer des approches variées pendant la partie.
Dans une partie improvisée avec un rythme très rapide, le MJ peut utiliser uniquement le contrôleur de diversité. Dans les autres cas, il est conseillé d'utiliser les 3 modules.


Qu'en pensez-vous ?
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Thomas Munier » 28 Oct 2016, 16:16

Je trouve l'outil très sympa. J'ai une interrogation sur l'anti-stéréotype de la personne handicapée : "très talentueux". Parce que je le trouve sur-représenté dans les fictions. Tous les autistes ne sont pas Sheldon Cooper, Professeur Xavier ou Daredevil. Je trouve au contraire intéressant de représenter une personne handicapée dans tout ce que lui retire son handicap dans un monde de valides. Ainsi, j'ai mis en scène une personne avec un syndrome d'alcoolisation foetale qui attirait la méfiance malgré le fait qu'il était bienveillant (voir ce compte-rendu : N'ayez pas peur). Dans une autre aventure, j'ai mis en scène une personne aveugle qui voulait être la plus grande exploratrice de tous les temps. Elle décide de traverser un marais réputé très dangereux, et pour ce faire, elle embauche les personnages. Si cela avait été l'archétype du handicapé surdoué, elle se serait débrouillé seule, or le fait qu'elle ait besoin d'aide a été fertile en jeu, notamment car pour prouver sa valeur en tant qu'exploratrice (chose qui lui tenait très à coeur justement à cause de son handicap et de sa peur d'être déconsidérée), elle a entraîné personnages et figurants dans des dangers, et deux figurants sont morts. Au passage, je me rappelle que ce figurant est né de la collision de deux tables aléatoires ; une table qui a dit que c'était une exploratrice (anti-stéréotype présent dans la table) et une table qui disait que c'était une personne handicapée.

Je redonne ici mes tables aléatoires de genre et de nature pour les figurants de Marchebranche (peuvent aussi être utilisées pour les personnages) :

Genre :
1-2 masculin
3-4 féminin
5-6 genre indéterminé

Nature :
1 adulte
2 enfant
3 vieillard
4 handicapé
5 animal (ou animal intelligent, ou humain-animal)
6 monstre


Quelque part, j'ai le sentiment dans ces deux parties d'avoir plus traité en profondeur le thème du handicap que si j'avais mis en place un handicapé qui aurait été une sorte de super-héros.

Bon, je ne détiens aucune vérité suprême, c'est juste pour ouvrir un débat sur le sujet, vous avez sans doute des contre-exemples.
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Brisecous (Mathieu) » 28 Oct 2016, 16:32

Merci pour ton retour. :)

Je suis tout à fait d'accord avec toi. Je pense que je pourrais affiner ma liste de stéréotypes et donc améliorer ma liste d'anti-stéréotypes. Je suis parti du principe que les handicapés sont souvent considérés comme inaptes. Certes, le handicap est une limite, affirmer le contraire serait mentir. Cependant, il existe beaucoup d'handicapés talentueux qui exercent de nombreux métiers (bon, je suppose que je n'apprends rien à personne) tout en vivant les limites de leur handicap. En incluant le handicap dans ma liste de stéréotypes, cela m'impose de créer un anti-stéréotype. Le terme "très talentueux" n'est pas terrible, je n'ai rien trouvé de plus adapté ou de plus parlant.

Je ne perçois pas cette liste d'anti-stéréotypes comme quelque chose à utiliser systématiquement. C'est une aide mnémotechnique de valeurs à mettre en avant dans le cadre de la partie. Si toutes les femmes sont cheffes, très fortes et très érudites, cela n'aura pas beaucoup de sens dans la plupart des cas ! Cela reviendrait à créer un nouveau stéréotype.

J'aime bien le principe des tables également. Je n'ai pas choisi cette direction, je pense qu'il y a également possibilité de faire un bon outil d'inclusivité de cette façon-là. Plus aléatoire, donc plus "juste", mais peut-être un peu plus lourd à gérer dans la partie.

Tes exemples sont très sympas. Cela montre qu'on peut briser un stéréotype sans pour autant le contrer par son contraire. Je ne sais pas comment je pourrais intégrer ça à mon outil, à mon avis cela reviendrait à le rendre trop complexe.
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Thouny » 28 Oct 2016, 17:15

J'ai un avis je pense un peu plus fort que Thomas sur ce sujet. Pour moi, « handicapé très talentueux » n'est pas un bon moyen de retourner le stéréotype.

Comme le dit Thomas, les fictions fourmillent d'handicapés très talentueux. Comme si… c'était dans un jeu de rôle : il prennent le désavantage « handicapé » pour pouvoir maxer leur intelligence, ou autre chose.
Et je trouve ça assez gênant. Pas qu'un handicapé puisse être très talentueux : après tout, Stephen Hawking existe, et les athlètes des paralympiques sont également très talentueux.
Mais c'est comme si, si l'on inclut un personnage handicapé, « pour compenser » on se devait de leur donner un super talent.

Je n'aime pas trop ça. Ça ne crée pas des personnages « profonds », ils restent (pour moi) des stéréotypes.

Selon moi, le meilleur moyen de retourner ce stéréotype c'est « handicapé normal ».

On décide de tout à son sujet, son caractère, ses envies, ses objectifs ; puis on décide qu'il est handicapé… et on le joue de manière « organique » : si j'étais à sa place, et que j'avais ces objectifs à atteindre tout en étant handicapé de telle manière, comment ferais-je ?

On retombe sur le personnage de Thomas. C'est une aventurière… et handicapée. Donc elle doit s'en débrouiller.
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Brisecous (Mathieu) » 28 Oct 2016, 17:23

Est-ce que c'est le terme (et donc le choix du stéréotype) qui est mal choisi ou as-tu une critique plus large à faire à l'encontre de l'outil (critique que je souhaite entendre, dans ce cas) ? Le terme ne rend d'ailleurs pas le message que je veux faire passer, je ne trouve pas de terme adapté à ce que j'ai dans la tête. Mon but justement c'est de montrer qu'un handicapé ne se résume pas à son handicap : il travaille, il a des talents qu'il peut exploiter...

Par exemple, si j'indique "Handicapé | Actif" (terme que je ne trouve pas assez parlant), cela résout-il ce qui te dérange dans l'outil ? Il faudrait que j'écrive quelque chose comme "Handicapé | Utile à la société" mais je trouve ça trop flou.
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Thomas Munier » 28 Oct 2016, 17:50

Thouny a écrit :Et je trouve ça assez gênant. Pas qu'un handicapé puisse être très talentueux : après tout, Stephen Hawking existe, et les athlètes des paralympiques sont également très talentueux.


Il y a aussi Oscar Pistorius... handicapé, athlète légendaire... et coupable de meurtre passionnel.
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Thouny » 28 Oct 2016, 18:47

Brisecous (Mathieu) a écrit :Le terme ne rend d'ailleurs pas le message que je veux faire passer, je ne trouve pas de terme adapté à ce que j'ai dans la tête. Mon but justement c'est de montrer qu'un handicapé ne se résume pas à son handicap : il travaille, il a des talents qu'il peut exploiter...

Dans ce cas, c'est peut-être en effet un simple problème de vocabulaire, parce que ça correspond bien à ce que j'aurais envie de faire d'un personnage handicapé — de tout personnage en fait.
Et maintenant que tu le dis, j'aurais en effet moi-même du mal à mettre les mots sur ce que je veux dire.
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Valentin T. » 28 Oct 2016, 19:20

Hello!

Thouny m'a embarqué dans la discussion Mardi dernier, et comme les questions de catégorisation m'intéressent, allons-y. Désolé pour la tartine. (Disclamer: mon avis perso, etc...)

A. Quelques définitions
- Je définis une catégorisation comme la croyance qu'il existerait un moyen de placer des entités individuelles dans différentes classes. Une catégorisation serait de placer les habitants de la planète Barbix en Barbes Rouges (catégorie 1), Barbes Vertes (catégorie 2) et Barbes Bleues (catégorie 3). La catégorisation, tel que j’emploie le terme, ne préjuge pas des propriétés associées aux catégories.
Une catégorisation est une opération arbitraire. Une catégorisation peut-être très violente pour les individus.
- Je définis un préjugé comme la croyance en l'association statistique de deux propriétés individuelles (propriétés pouvant être des catégories). Un préjugé serait de croire que les individus Barbes Vertes (propriété 1) sont plus souvent des individus Prompte à la violence (propriété 2).
Les préjugés sont très variables en fonction des individus.
- Je définis la discrimination comme un changement de comportement basé sur un préjugé lié à une catégorie. Je discrimine si je choisis de ne pas prêter mon goûter à un Barbe Verte plutôt qu'à un Barbe Rouge (catégories) parce que je crois qu'il a plus de chance d'user de violence contre moi que le Barbe Rouge (préjugé).

B. Éviter de catégoriser, préjuger ou discriminer est un travail constant est très difficile, jamais terminé. Il faut déconstruire nos représentations du monde, et c'est un sacré boulot. Il faut réfléchir à ce que l'on souhaite faire, et quel est l'impact et le sens de nos choix et de nos actions.

C. Au niveau jeux de rôle, je crois voir quelques problèmes
- Produire un système avec différentes cases, c'est par définition catégoriser. Dans le document de Brisecous il y a par exemple les catégories Noir/Brun/Jaune/Blanc. Une telle répartition est un choix particulier, arbitraire et porteur de sens (et il n'existe pas de catégorisation qui ne soit pas porteuse de sens).
- Produire un système avec des notions d'associations entre propriétés (même en inversant les associations perçues), c'est intégrer un système de préjugés en particulier. Il existe, par exemple, une infinité d'autres préjugés possibles concernant les Homosexuels que Parent Irresponsable/ Célibataire/ Infidèle.
- Produire un traitement différent en fonction des catégories est discriminatoire, quel que soit le traitement en question (qu'il soit perçu positif, négatif ou neutre).

D. Quelles solutions?
- En jeu de rôle, la majorité des descriptions de personnages sont des catégorisations. C'est un réflexe cognitif classique et beaucoup étudié en dehors du jeu. Une manière de sortir de la catégorisation est de décrire directement les propriétés des individus, sans les catégoriser. Par exemple, ne pas parler de "Vieillard" mais de "personne d'environ 70 ans", ne pas parler de "Noir" mais de "personne à la peau très sombre".
Un réflexe intellectuel permettant de s'en sortir un peu plus facilement (en jeu de rôle et dans la vie) est se forcer à se représenter le monde comme une collection d'individus tous différents, tous particuliers; c'est ce qu'on appelle le nominalisme.
- Afin de décrire une population diversifiée et ce, sans préjugés, j'aurais tendance à m’astreindre à décrire toujours les mêmes types de propriétés et à briser les liens entre celle-ci. A ne pas oublier que le rôle narratif d'un personnage fait partie de ses propriétés.

E. Une application pratique possible
1) Réfléchir en amont à quels types de catégorisations on souhaite s'attaquer. Il existe un nombre infini de catégorisations et de discriminations, et le premier travail est d'essayer d'en mettre à jour le plus grand nombre possible (ou souhaité). C'est d'ailleurs un premier problème de taille bien connu: comment ne serait-ce que prendre conscience de nos préjugés?
2) Produire des descriptions individuelles nominalistes des propriétés qui peuvent être associées aux catégories relevées.
3) Associer au hasard les propriétés en questions.
4) Utiliser ensuite les associations produites pour décrire les personnages.

F. Un exemple
(Les étapes peuvent-être réalisées par le créateur du jeu, ou les joueurs avant la partie, ou pendant la partie, en fonction du jeu et de l'objectif)
1) Admettons que je relève Couleur de Peau/ Age/ Genre/ État mental/ État Physique.
2) Je produis des descriptions (là elle sont volontairement orientées pour l'exemple) :
"Peau sombre/ 35 ans/ Plutôt féminin/ Plutôt renfermé.e/ Assez corpulent.e"
"Peau claire/ 20 ans/ Assez masculin/ Très intelligent.e/ Très athlétique"
"Peau blême/ 55 ans/ Indéterminé/ Semble fou.folle/ La peau sur les os"
[...] (J'en produis autant que nécessaire)
3) Je tire les propriétés au hasard :
"Peau sombre/ 20 ans/ Plutôt féminin/ Très intelligent.e/ Assez corpulent.e"
"Peau claire/ 55 ans/ Assez masculin/ Plutôt renfermé.e/ La peau sur les os"
"Peau blême/ 35 ans/ Indéterminé/ Semble fou.folle/ Très athlétique"
[...]
4) Au moment de la partie, je décide toutes les propriétés narratives, puis j'utilise une description tirée au hasard.


EDIT: Par rapport à votre problème de la catégorisations des handicaps. Je crois que ce que Thouny dit se rapproche de ce qu'il y a plus haut: "Produire un traitement différent en fonction des catégories est discriminatoire, quel que soit le traitement en question (qu'il soit perçu positif, négatif ou neutre)." Le fait d'être une personne aveugle ne devrait rien présupposer ("préjuger") d'autre. C'est une personne normale. Elle est, notamment, incapable de voir. Comme n'importe quelle autre personne pourrait, notamment, être âgé de 17 ans, ou, notamment, posséder une trisomie. Des gens normaux, quoi.
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Thouny » 28 Oct 2016, 21:09

Il est bien ton post.

Le seul bémol que j'aurais à émettre serait sur le F. Un exemple.
Je sais ce que tu penses sur le sujet, on en a longuement discuté, donc je pense savoir ce que tu veux dire, mais même ainsi je ne suis pas sûr de bien comprendre ce que tu décris.

Je crois que le problème sont les points 3 et 4 (et leur articulation ?). Tu pourrais les re-détailler ?
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Valentin T. » 28 Oct 2016, 22:17

Oui, en relisant c'est pas très clair.

L'objectif du point E est de proposer un type de mécanique de jeu qui permettrait de s'affranchir de quelques problèmes de catégorisation. L'objectif du point F est d'illustrer le point E en proposant un exemple pratique d'un tel type de mécanique. Mais cet exemple n'est pas clair, donc je t'en propose un autre plus simple:

G. Un autre exemple

Étape 1) Je mène un Monsterhearts. Habituellement, quand je décris mes PNJ, je donne leur genre (masculin/féminin), leur tenue, des fois leur niveau scolaire, et des fois d'autres trucs... Là, avec ma méthode, je dois déjà décider exactement quelles propriétés de mes PNJ je veux décrire. Les autres ne seront pas évoquées. Du coup, par rapport au thème du jeu et à la façon dont je joue, je choisis de décrire: le genre / la tenue / ce qu'on raconte du PNJ.

Étape 2) Je sais que je vais avoir à décrire maximum 10 PNJ. Il faut donc que je fasse une liste de 10 genres, 10 tenues, et 10 ragots. Je dois bien faire attention à proposer des propriétés individuelles, pas des catégories. Il peut y avoir des redondances.

Genres : j'ai fait quelques recherches sur la diversité des genres, j'ai découvert plein de truc, et j'ai choisi quelques termes qu'utilisent des gens pour se définir
1 Femme
2 Femme
3 Homme
4 Homme
5 Variable
6 Femme trans
7 Homme trans
8 Androgyne
9 Neutre
10 Fluide

Tenues : là j'ai pas fait de recherches, je ne cherche pas une représentativité ou une diversité particulière
1 Uniforme de l'école
2 Jean et sweat-shirt troués
3 Survêtement
4 Costume avec gilet et nœud papillon
5 Jean serré et T-Shirt moulant
6 Pantalon noir, T-Shirt de Meshuggah
7 Jean classique,chemise à Carreaux
8 Longue tunique beige
9 Sarouel et débardeur
10 Short orange vif, chemise bleue ciel

Ragots : pas de recherches non-plus. Fait intéressant: ce sont parfois des catégories. Moi-même je ne catégorise pas, se sont les PNJ qui catégorisent d'autres PNJ dans la fiction (c'est un des thèmes du jeu).
1 Déprimé
2 Sex addict
3 Bonne poire
4 Geek
5 Pauvre
6 Riche
7 Idiot
8 Lèche-cul
9 Connard
10 Violent

Étape 3 et 4
) Au moment de devoir décrire un PNJ, je commence par décider toutes ses propriétés narratives : pourquoi en premier lieu est-ce que j'ai besoin d'un PNJ pour la partie.
Ensuite uniquement, je jette 3d10 pour compléter ma description: un pour chaque propriété. Attention, je barre la propriété utilisée, vu qu'elle doit être individuelle (sinon ce serait une catégorie).
Ainsi, le narratif a priori est décorrélé des autres propriétés qui sont elles-même décorrélées les unes aux autres. Et chaque propriété décrit un individu, pas son appartenance à une catégorie.

Quelques remarques:
- C'est pas parfait, mais vous avez l'idée.
- La méthode est à adapter en fonction de ce que vous avez envie de décrire ou non dans un jeu en particulier, en fonction des propriétés que vous souhaitez inclure ou non.
- Je ne pense pas qu'on puisse s'affranchir des problèmes de catégorisation sans un travail permanent (d'où la relative lourdeur de la méthode).
- Je ne pense pas qu'on puisse s'affranchir des problèmes de catégorisation en proposant une nouvelle catégorisation qui semblerait meilleure.
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Sildoenfein » 29 Oct 2016, 00:38

Bien sûr Mathieu tu peux me citer et lier vers les feuilles que j'ai produite : elles sont là pour cela. Et les feuilles sont en CC-by-sa, il est donc fort probable que tu puisses directement les inclure.

Je partage le ressenti de Thomas sur l'anti-stéréotype pour les personnes souffrant de handicap. Je dirais même que c'est un stéréotype de fiction, un stéréotype de 2e génération, celui sur lequel tous les gens voulant retourner le stéréotype buttent. Entre autre parce que cela revient de nouveau à définir la personne handicapée par son handicap : "et si je faisais le contraire du handicap ?" - c'est se baser sur le handicap. Alors que si tu veux lutter contre la discrimination, c'est justement ne pas faire de différence de traitement, juste créer ce personnage comme n'importe quel autre, mutatis mutandis pour le handicap. Et cette dernière étape est importante, sinon au lieu d'antidiscriminer, tu nies. Une illustration en vidéo. Mais le handicap est quelque chose de très difficile à traiter, car contrairement aux discrimination de genre, d'identité ou d'orientation sexuelle, d'origine ethnique, sociale ou communautaire, il y a quelque chose de fonctionnellement différent.

Il y a aussi toute la question des handicaps cachés, pas reconnus, ou cachés par les personnes qui en souffrent, parfois même à elles-mêmes, parce qu'être handicapé est honteux. Une partie de la démarche peut donc aller dans le sens contraire : se rendre compte que d'une certaine manière nous avons tous nos handicaps. Léger ou graves. Et que beaucoup de handicaps, qu'ils soient physique, mentaux, psychologiques (ou éducationnels ?), sont cachés, invisibles, non reconnus. Daltonisme, insuffisance cardiaque ou respiratoire, surdité, problème de vision, douleurs dans les mouvements, phobies (claustrophobie, agoraphobie, ...), prosopagnosie.

Et donc ce ressenti du stéréotype anti-stéréotype je l'ai avec tout ton outil, pour toute les discriminations. Qui plus est, tu retournes le stéréotype de la personne, mais cela n'aborde pas la question du reste du monde, de ceux et celles qui discriminent. Tu évacues le fond de la question et retourne la faute sur les victimes. Il y a peu de femmes ou de personnes de couleurs "importantes" dans notre monde non pas parce que ces personnes sont faibles, peu éduquées, paresseuse, mahonnête, mais à cause du poids des discriminations et des injustices. Proposer une femme ou une personne de couleur forte, érudite, travailleuse ou honnête comme contre-exemple, c'est faire le jeu de la discrimination : elle est importante dans la fiction car elle a des qualités que les autres n'ont pas.

Personnellement je vois plusieurs orientations potentiellement fructueuses, dont les deux plus classiques sont :
* l'exemple d'une fiction égalitaire, potentiellement libératrice pour les joueuses qui souffrent de ces discrimination (avec une condition nécessaire : qu'elles ne les retrouvent pas malgré tout autour de la table... "ton personnage tape comme une femme / un pédé" ou attendre que ce soit une des femmes à la table qui fasse et serve le café ou ramasse le coca renversé, les joueurs hommes trouvant dégradant d'interpréter un rôle sensible ou féminin, faisant une fixation sur les attributs des femmes en jeu, la question du viol, de la maternité (plutôt que de la parentalité)...), et là il faut traiter tous les personnages exactement de la même manière quel que soient leurs attributs

* un jeu où ces questions de discrimination sont justement abordée : les personnages sont représentatifs et ils sont traités aussi mal que dans notre monde, justement pour montrer ou traiter la question de la discrimination

L'idée du générateur d'empathie m'intrigue.

Valentin, je pense malheureusement qu'il est presqu'impossible de ne pas catégoriser. D'une part parce que c'est la base de notre pensée et de notre communication. Nous réduisons les complexités inabordables du monde à des abstractions que nous pouvons manipuler. Et nous construisons des cases dans lesquelles nous mettons les personnes (ou les choses) que nous pensons semblables : une joueuse, une rôliste, il est petit, c'est le roux, un chat, elle est capricorne, le musicien, ... D'autre part le langage ne résout pas le problème à lui tout seul. Dis "une personne de 70 ans", d'abord c'est long, un peu lourd, cela a beaucoup moins de saveur narrative que "un vieillard", cela a aussi un style qui va impacter la perception de la fiction (froid et technique plutôt qu'émotionnel), la façon dont on va jouer. Dis "une personne de 70 ans", combien de joueur vont penser ou dire "ouais, un vieux quoi !". Même chose avec "une personne à la peau très sombre", qui a en plus le défaut de communiquer beaucoup moins d'informations, car "noir" c'est bien plus qu'une couleur de peau : c'est une physionomie, une attitude, une psychologie, un milieu socio-culturel qui sont transmis en un seul mot. Finalement, les joueuses (à supposer qu'elle te suivent dans leurs paroles) vont extrêmement rapidement ré-étiqueter leurs cases pour les faire correspondre au nouveau vocable. Je pense cependant que changer le vocabulaire peut-être important : quand des associations négatives sont faites au niveau du mot en lui-même ou quand les personnes visées trouvent le mot blessant.
Philippe D. / Sildoenfein - [G+] Attention : intervenant à éclipses. Avertissement : incapacité chronique à clôturer une conversation. Bien agiter avant l'usage. Ne pas dépasser la dose prescrite. "Le belge, là."
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Sildoenfein » 29 Oct 2016, 01:05

Sinon je suis en train de réfléchir à vos multiples et pertinentes observations et vais sans doute vous proposer une nouvelle version dans quelques jours, je crois que c'est la meilleure réponse que je puisse vous faire.

Selene, désolé pour la maladresse du T, je n'avais manifestement pas bien écouté ou retenu ta présentation.
Philippe D. / Sildoenfein - [G+] Attention : intervenant à éclipses. Avertissement : incapacité chronique à clôturer une conversation. Bien agiter avant l'usage. Ne pas dépasser la dose prescrite. "Le belge, là."
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Re: Techniques basiques d'inclusivité

Message par Valentin T. » 29 Oct 2016, 01:25

Eh bien, je crois que je ne peux qu'être en désaccord ! Mais c'est une question vraiment complexe, il faudra bien plus qu'une série de post sur forum pour faire le tour de la question.

Valentin, je pense malheureusement qu'il est presqu'impossible de ne pas catégoriser. D'une part parce que c'est la base de notre pensée et de notre communication. Nous réduisons les complexités inabordables du monde à des abstractions que nous pouvons manipuler. Et nous construisons des cases dans lesquelles nous mettons les personnes (ou les choses) que nous pensons semblables : une joueuse, une rôliste, il est petit, c'est le roux, un chat, elle est capricorne, le musicien, ...

Si je te comprends bien, tu excuses la catégorisation en soutenant qu'elle est constitutive de notre manière de réfléchir. En résumé, que la structure de notre pensée est la cause de la formation des catégories.
Mon propos est le suivant: je pense que la cause et la conséquence sont inverse. Je pense que ce sont les catégories apprises qui conforment notre pensée. Et je pense aussi qu'il est possible de tenter de se défaire de ces représentations, avec de la volonté et un travail constant.

D'autre part le langage ne résout pas le problème à lui tout seul. Dis "une personne de 70 ans", d'abord c'est long, un peu lourd, cela a beaucoup moins de saveur narrative que "un vieillard", cela a aussi un style qui va impacter la perception de la fiction (froid et technique plutôt qu'émotionnel), la façon dont on va jouer.

Relativiser ses catégories est un effort coûteux cognitivement, nous n'avons pas l'habitude. Mais si "un vieillard" à autant de saveur, je pense que c'est parce qu'il active la fonction catégorielle. En un seul mot on accède à tout les préjugés. Pratique.

Dis "une personne de 70 ans", combien de joueur vont penser ou dire "ouais, un vieux quoi !".

Si tu veux troquer un peu de facilité contre de la justesse, tu peux encore dire "Il est vieux" plutôt que "un vieux". Et on revient à cette histoire de causes et de conséquences: les joueurs vont plaquer leurs catégories, mais rien ne t'oblige toi à les perpétuer.

"noir" c'est bien plus qu'une couleur de peau : c'est une physionomie, une attitude, une psychologie, un milieu socio-culturel qui sont transmis en un seul mot.

Alors là, vraiment, je crois qu'on est au clair. "Noir", c'est une psychologie ? "Noir", c'est une attitude ? Un milieu socio-culturel ? Vraiment ?
Je pense que l'incompréhension entre nous est totale.
Valentin T.
 
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