Histoire partagée contre individualité créative

Les autres jeux indés, ceux du commerce, le jeu de rôle en général

Histoire partagée contre individualité créative

Message par Mangelune » 18 Mars 2015, 12:49

Je crée un autre sujet pour traiter de cela et laisser libre le thread sur l'immersion elle-même, même si bien sûr les deux sujets se recoupent.

Tout est parti de ce post d'Eugénie :

Eugénie a écrit :Pour situer d'où sort cette réflexion :

Je suis joueuse depuis un peu plus de 2 ans, après avoir été improvisatrice pendant 6 ans. Je suis donc arrivée au jdr avec un esprit déjà déformé par une pratique qui présente des similarités importantes. Et en parallèle, je n'ai pas une pratique très diversifiée du jdr : je suis principalement joueuse (une seule expérience de MJ), sur seulement 2 tables, et à peu de jeux différents (tradis et indies, dont Sens avec Fabien Hildwein). J'admets que tout ça peut biaiser mon discours à la racine.

A Sens, le système d'immersion m'a mise en colère et profondément braquée, et ça fait des mois que je cherche à comprendre pourquoi, dans la mesure où je pensais courir moi-même après l'immersion depuis que j'ai commencé à jouer au jdr.
Quand j'ai écouté mon 19e ou 20e podcast sur Sens, un truc m'a littéralement explosé à la tête : en improvisation théâtrale, les joueurs ne parlent pas d'immersion.

1- Il y a des choses à récupérer dans l'impro qui pourraient apporter à la pratique du jdr.

Sans oublier que l'improvisation théâtrale et le jdr ne sont absolument pas le même média, je pense qu'il y a des similarités dans la pratique de l'un ou de l'autre qui peuvent faire sens. Après tout, les réflexions en jdr vont piocher dans les techniques scénarios ou la théorie du cinéma ou le gameplay en jeu vidéo.
Ces similarités entre impro et jdr pourraient peut-être nourrir des aspects propres aux joueurs, contrairement aux exemples précédents qui sont plutôt l'apanage des MJ et des auteurs.

2- Est-ce que l'immersion au sens où l'entendent et où la discutent les rôlistes ne serait pas un leurre ?

Quand je suis passée de l'improvisation théâtrale au jdr, je recherchais dans l'expérience de jeu « le même genre de kiff » que je ne savais pas définir. Le terme « immersion » avait l'air de recouvrir cette expérience-là.

En réalité, je cherche une espèce de moment d'harmonie entre les joueurs, les personnages, la fiction, où tout est évident et où on se laisse surprendre par ces évidences. C'était ce que j'entendais par immersion, mais au bout de deux ans, je découvre que ce n'est pas exactement ce que recouvre ce mot en jdr.

A vous lire, je me rends compte que l'immersion est plutôt considérée en jdr comme « être dedans » (au sens de partager la fiction) alors qu'en improvisation, les joueurs chercheraient plutôt à « être ensemble » (au sens de partager l'expérience).

J'ai l'impression que l'immersion, au sens où l'entendent et la discutent les rôlistes, ou au sens où me l'impose le système de Sens, ne prend en compte qu'une facette intérieure et individuelle d'un phénomène collectif. Ce qui m'amène à me demander si l'immersion ne serait pas une notion trop individualiste pour être bénéfique à une table de jdr.

3- Interprétation n'est pas immersion ou vice versa

En jdr, j'ai l'impression que « entrer dedans » revient à refermer la focale de l'attention sur son personnage : ce qu'il pense, ce qu'il ressent, ce qu'il peut faire... Alors qu'au contraire, les joueurs d'improvisation travaillent à l'ouverture maximale de leur attention (la sacrosainte « écoute »).

En impro, quand on parle d'un « personnage investi », cela ne veut pas forcément dire que le joueur a énormément vibré avec, mais qu'il (le perso) était très présent pour les autres joueurs et spectateurs. De fait, la dimension théâtrale implique qu'on joue pour donner/partager/projeter. Le collectif est intrinsèque.

En jdr ce n'est pas si évident, et je me demande dans quelle mesure il n'y aurait pas une grosse carence à ce niveau-là...

En jeu de rôle traditionnel, l'immersion alimente un cercle vicieux qui enferme les joueurs dans une position individualiste.
Le MJ endossant la plupart des responsabilités, le joueur se retrouve à gérer un minuscule espace à l'intérieur de lui-même (son immersion) en croyant qu'il contient tout l'intérêt du jeu ; et dans le même mouvement, le joueur abandonne les manettes au MJ pour se concentrer sur un kiff intérieur, que le MJ est sommé de produire (en étant bon conteur par ex).
Le vice est corrigé à partir du moment où les joueurs sont capables d'exprimer leurs désirs et les MJ capables de les prendre en compte, avec malheureusement tout le spectre possible de malentendus et d'interprétations.

Et les jeux indés ne sont pas beaucoup plus clean sur la façon de considérer le joueur, dans la mesure où ils tentent d'utiliser ou de contenir cet individualisme supposé avec des règles précises, sans le remettre en question (cf la passionnante discussion entre Frédéric et Thomas à propos d'Arbre).

4- Immersion n'est pas implication ou vice versa

Corollaires : j'ai l'impression qu'il est communément admis que si le perso n'est pas présent/agissant, alors le joueur s'emmerde. Attendu que seul son personnage peut lui permettre d'accéder au « dedans ». Attendu qu'il est un individualiste concentré sur son espace intérieur.

En improvisation, l'espace définit clairement les rôles et les possibilités de jeu, mais un joueur reste mobilisable à tout moment dans et par la fiction :
- sur le banc, il est spectateur (*) : il a accès au timing (chronomètre du coach) et aux contraintes fixées au début de la scène (nombre de joueurs, titre, catégorie, etc.), il peut commenter la scène avec les autres joueurs, il peut boire de l'eau, etc.
- en réserve : il n'est pas encore en personnage, il peut échanger avec un autre joueur en réserve ou avec l'arbitre, il a l'obligation d'entrer en scène ensuite
- en jeu : il est forcément un personnage, il est forcément dans la fiction, à aucun moment il ne doit briser l'illusion théâtrale.

(* pour préciser la notion de spectateur dans ce cadre : c'est un rôle actif : en improvisation le joueur-spectateur fait toujours partie du show ; en jdr il a accès à l'expérience, même sans le prisme de son personnage, il garde un pouvoir sur la fiction en poussant les autres joueurs par suggestions, approbation, désaveu, etc. même sans l'aide d'un système adapté)

En jdr, ces trois espaces sont concentrés dans la même position autour de la table. Mais ça ne veut pas dire qu'un joueur est soit acteur soit s'ennuie. En tout cas, pas forcément.

[digression : à mon avis, l'ennui viendrait plutôt du fait que la fiction soit figée, alors qu'elle n'a d'intérêt qu'au moment de sa production (est-ce que c'est ce que Romaric appelle le contenu fictionel malléable ?). Si elle est conçue en amont de la partie, ça ne vaut plus le coup de la jouer. C'est une erreur que tout improvisateur a commise en débutant, et dont l'expérience est toujours un flop, à la fois dans la réalisation et dans le plaisir qu'on peut en retirer. Mais on peut être spectateur d'un moment qui se crée sous nos yeux par un ou plusieurs participants, et c'est de ça que je parle.]

Pour moi, amputer un joueur de son rôle de spectateur en l'enjoignant à se concentrer sur son perso uniquement comme à Sens ; ou ne pas lui montrer l'intérêt d'endosser ce rôle (en jouant le groupe en dépit du bon sens, ou en faisant des apartés), c'est lui retirer la moitié du plaisir du jeu. Et c'est priver la table d'un regard en surplomb, propre à donner du poids à ce qui se joue.

Ma conception de l'immersion privilégierait un switch permanent entre acteur et spectateur. Au joueur de contrôler et d'améliorer son switch pour qu'il soit de plus en plus fluide, immédiat, coordonné avec celui des autres. (je ne dis pas que j'en suis capable, mais je veux tendre vers ça).
En improvisation, les joueurs rentrent et sortent de l'espace de jeu à volonté, selon les besoins ou les ouvertures dans la fiction. Un déplacement spatial et un investissement physique montrent clairement le switch. A une table de jdr, c'est plus subtil, et on manque peut-être de marqueurs de switch dans nos jeux et nos pratiques...


Suivi de cette précision :

Sur Arbre, mon point de vue rejoint plutôt celui de Sildoenfein, en fait. La première version des règles de Thomas m'aurait largement convenu, parce que je joue pour perdre, du moment que c'est en beauté. La 2nde version a l'air très bien aussi, mais c'est un jeu complètement différent.

Votre échange est passionnant, mais ta position est peu charitable pour les joueurs, en sous-entendant qu'un joueur a besoin qu'on le contraigne ou qu'on l'achète pour abandonner quelque chose.
Ça rejoint l'exclamation de Romaric sur le podcast d'Arbre également « j'ai abandonné plein de choses et je n'ai pas été récompensé pour ça ! » Pour moi cette exclamation n'a pas de sens, dans la mesure où si j'abandonne quelque chose c'est pour avoir la satisfaction du "beau jeu" : l'empreinte que laisse cette perte sur mon perso, le tragique de la scène, la puissance de l'émotion à la table.

Peut-être que je me plante mais pour moi, plaider pour son personnage n'implique pas forcément de faire des choix dans l'intérêt du-dit personnage, mais de faire des choix qui vont renforcer sa présence à la table (pour moi et pour les autres). Ça peut être dans la douleur ou l'échec (j'aime jouer la douleur ou l'échec).

Le plaisir d'avoir contribué à un moment fort et créé ensemble est pour moi une récompense en soit. Sous-entendre qu'elle n'est pas suffisante implique implicitement que le joueur est individualiste ou égoïste par nature (même si tu ne le penses pas). Le par nature étant le point où je ne suis pas d'accord.

Il y a du plaisir à la soumission ou au sacrifice si ça nourrit le collectif (l'expérience qu'on partage à la table). Et ça me chifonne que cette aptitude des joueurs à l'intérêt collectif ne soit jamais prise en compte. Même si c'est peut-être seulement certains joueurs et de façon non systématique...

A ce stade du développement, je me demande si justement mon propos ne se trouverait pas ici : pour moi contribuer à un moment fort créé ensemble (à la table) permet de vibrer très fort avec mon personnage. C'est ce que j'entends par immersion.
Or j'ai cru comprendre que la notion d'immersion en jdr impliquerait quasiment l'inverse : c'est parce que tu vibres avec ton personnage que tu vas partager pleinement la fiction avec les autres, eux-mêmes dans la fiction. Il manque une dimension (les joueurs ensemble à la table), et comme l'explicite Mangelune, on peut très bien jouer à fond "son" immersion et ne pas jouer avec les autres.

Je ne sais pas si je suis plus claire, mais disons que j'ai l'impression que la notion d'immersion au sens où l'entendent les rôlistes dissimule (parfois jusqu'au sabotage) l'échange collectif entre les joueurs (MJ compris) à la table.



Ce à quoi Frédéric répondait :

Frédéric a écrit :J'arrive à comprendre que des joueurs parviennent à prendre plaisir en prenant des décisions détachées de la "volonté" de leurs personnages. Mais ce n'est pas ce pour quoi je joue. Je joue pour que mes décisions aient du sens.
Pourtant, quand je joue à Bliss Stage, je me régale d'écouter ce qui se passe pour les autres quand je ne joue pas de personnage.

Pour moi il y a deux cas :
Dans Prosopopée, on raconte plein de choses hors de la volonté du personnage, mais au final, tout converge vers les objectifs des PJ. Si j'ai décrit un fruit, ce fruit servira peut-être plus tard à soigner des villageois atteints d'une curieuse maladie. Donc on continue de jouer pour défendre les intérêts des personnages (leur mission dans ce cas précis). Du coup nos décisions comptent (et c'est un jeu où l'on joue des personnages altruistes).

Et puis il y a les jeux où l'on raconte des trucs pour raconter des trucs, comme Chronicles of Skins, Perfect Unrevised, Microscope et bien d'autres. Où les intérêts des personnages ne comptent pas vraiment. Les intérêts sont souvent externes à ceux des personnages (parfois forcés par la mécanique). C'est ce que j'appelle le mode auteur et pour moi c'est d'un ennui profond. J'ai cru comprendre que ceux qui aimaient ce genre de jeux aiment l'impro pour la performance, se tirer la bourre, faire une démonstration de créativité.
SI je dois me forcer à inventer une histoire, je préfère en improviser une à ma fille, plutôt que de me réunir avec des amis pour ça. C'est un effort et pas vraiment un plaisir (sauf quand c'est pour ma fille).

Si on me propose de gagner ou de perdre, en tant que joueur je vais trouver ce choix sans intérêt. Personne ne fait de tels choix. Si on me demande ce que je préfère entre perdre la vie ou voir la personne que j'aime mourir, là il y a un vrai enjeu.

Je joue au JdR parce que je peux défendre les intérêts de mon personnage. Je n'aime pas les jeux de plateau, les soi-disant "storygames" et les jeux vidéo (pourtant j'en ai passé du temps dessus). Ce qui m'intéresse, c'est la connexion avec un personnage de fiction, avoir de l'empathie pour lui et pour les autres, prendre des décisions qui comptent, ressentir toutes les émotions possibles. J'aime aussi voir mes personnages souffrir. Mais si je les mets moi-même dans la mouise, c'est contraire à défendre leurs intérêts (sauf s'il y a une contrepartie, auquel cas ça peut devenir un dilemme et redevenir intéressant).
Et quand on me pose comme choix : accepter une violence ou la refuser, je considère ça vide de sens.

Et c'est la mécanique du jeu (enfin, de certains jeux) qui, quand elle est transparente et qu'elle se base sur des décisions et pas juste un jet de dés, me donne l'assurance que mes choix vont compter et que ce ne sera pas le MJ qui choisira arbitrairement ce qui va m'arriver. Et c'est ce fait qui me permet de savoir que mes décisions vont compter.

Je pense que c'est complètement désolidarisé avec le fait de prendre un plaisir onaniste et destructeur à la table de jeu. Puisque si le jeu est bien fait, on partage tous la même démarche et donc les choix individuels construisent le jeu commun (et c'est à ça que sert un système de jeu : créer une synergie sociale et créative, s'il fait autre chose, on peut le jeter).
En revanche, j'ai vu pas mal de tables (en JdR tradi bien entendu) où la recherche de plaisir individuel pourrissait la partie. Certains s'amusaient à faire des conneries, d'autres tentaient de jouer sérieux, d'autres encore tentaient d'optimiser à tout va. Personne ne parvenait à assimiler à son propre jeu ce que les autres faisaient. Ça n'arrive plus à mes tables depuis que l'on joue avec de véritables démarches créatives. Et les démarches créatives, c'est (aussi) une question de game design.

Néanmoins, il existe des jeux sans mécaniques de résolution et qui sont formidables, mais c'est parce qu'ils ne se centrent pas sur la combativité (le fait d'obtenir ce que l'on souhaite ou de se protéger de ce que l'on ne souhaite pas) :
- Les Petites Choses Oubliées
- Under My Skin d'Emily Care Boss (qui se joue en semi-grandeur nature).
- Happy Together
etc.
Ayant joué au premier et au troisième, ils me conviennent parfaitement parce qu'on y défend quand même les intérêts de nos personnages. Mais ces enjeux sont d'un autre ordre que dans un jeu comme Sens ou Apocalypse World.


(désolé pour les autres posts, j'ai juste mis les plus gros blocs en opposition)
Contes et histoires à vivre, un site pour parler des Errants d'Ukiyo, de Perdus sous la pluie et du reste.

Pensez aussi à la page Facebook officielle de Perdus sous la pluie.
Mangelune
 
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Re: Histoire partagée contre individualité créative

Message par Eugénie » 18 Mars 2015, 13:36

Je me permets de faire un long détour pour poser à plat certaines choses avant de poursuivre, histoire d'expliciter les bases de mon point de vue, parce que sinon on ne va jamais se comprendre.

Avertissement préliminaire : je ne dis pas que le jeu en jdr doit forcément s'envisager comme moi je l'envisage, par tout le monde, et tout le temps. Je dis juste qu'il y a là un angle mort, un pan peu considéré et peu exploité, probablement parce qu'il relève d'un point de vue de joueur et que les joueurs sont assez absents des théories sur le jdr. Je pense que ma position peut apporter un éclairage différent sans pour autant remettre en cause vos expériences ou vos réflexions.


1- Du jdr comme pratique

J'envisage le jdr à hauteur de joueuse. Ce n'est pas tant une pratique d'écriture que de jeu. La partie « création », qui occupe une grande place en théorie, me concerne peu finalement, parce qu'il faudrait que je passe MJ ou auteur pour la comprendre et l'utiliser pleinement. Les mécaniques des jeux ou les techniques de MJ ne sont pas à ma portée.

Le souci, quand on n'est que  joueur, c'est qu'on manque de comparaisons pour prendre en main sa pratique. J'ai l'impression que, machinalement, on repousse le joueur vers un statut de joueur de jeu de plateau (jouer les règles en bonne intelligence) ou de lecteur/spectateur (vivre pleinement une expérience conçue pour lui, par un MJ ou un auteur).

Or, arrivant de l'improvisation théâtrale, j'arrive avec une conception du jdr comme une pratique artistique ou sportive*, avec tout ce que ça implique d'entraînement, de réflexion, de progression, de recherche et de dépassement de soi.

(*)Pour éviter un malentendu : quand je parle de pratique sportive, je n'inclus pas la dimension « compétition », ni la performance individuelle.

D'où quelques conceptions très personnelles sur le jeu en jdr :
Le collectif s'apprend.
L'imagination est un muscle qui se travaille.
L'enrichissement de ma pratique passe par un enrichissement personnel et collectif.


2 – Devenir un bon joueur

Une définition préliminaire pour éviter le gros des malentendus : le jdr étant un loisir non-compétitif, c'est délicat de définir un bon joueur. Les qualités auxquelles on pense immédiatement (l'astuce vis-à-vis du scénario, le roleplay, la créativité, l'imagination) ne sont pas tellement représentatives pour moi.
Ma définition personnelle s'appuierait plutôt sur les qualités de base d'un bon joueur d'improvisation : la principale étant l'écoute, les suivantes étant la capacité à concéder, à « donner à voir » et à s'adapter. Le « bon jeu », finalement, serait plus l'attitude à la table que ce qu'on peut produire dans la fiction.

Ces qualités-là ne sont pas innées. Elles se travaillent, elles s'apprennent, par l'expérience et par la pratique. Par des espèces de déclics.

Deux choses avant d'aller plus loin :

1. On peut ne pas être un bon joueur et s'amuser quand même et je n'ai aucun problème avec ça.
Ex : quand je joue au foot, je m'éclate pieds nus sur la pelouse, et même si je reste dans le cadre des règles, je ne suis pas en train de m'épanouir dans le « bon jeu ». Si les autres sont sur la même longueur d'onde que moi quand ils me proposent de jouer un foot, c'est parfait pour tout le monde.

2. Progresser tout seul n'est pas suffisant. Comme dans un sport collectif, il y a ce qu'on développe seul (ses muscles, ses réflexes, son endurance...) et ce qu'on développe en équipe (la confiance, l'esprit d'équipe, le jouer ensemble). De mon point de vue, ma propre progression passe également par celle de la table entière.

Un exemple : pour revenir sur la notion d'immersion, pour moi elle passe par trois « émotions » (ce n'est pas le mot exact) qui ne se décrètent pas : la confiance, la sincérité et le lâcher-prise. Ce sont des choses qui ne se contrôlent pas, et qu'un système ne peut pas imposer. Ça implique de construire ensemble.


3- Peu d'outils théoriques

Le problème, c'est qu'il y a peu d'outils théoriques pour guider les joueurs vers ces déclics.

Ça change un peu ces derniers temps, notamment avec la série de Wenlock et Kobal sur Radio-rôliste, et le blog Du bruit derrière le paravent qui abordait de temps en temps ce sujet... Mais dans l'ensemble, la parole sur le jdr est massivement assurée par les MJ et les auteurs, qui parlent aux MJ et aux auteurs.

Cette configuration laisse les joueurs dans une espèce de noman's land théorique, où, s'ils ont envie de se renseigner sur leur pratique, de creuser un peu par eux-mêmes, ils sont confrontés à l'image qui a été définie pour eux : le consommateur individualiste, au mieux docile, au pire trouble-fête, réceptacle d'une expérience conçue pour lui.
(j'accumule les traits, en réalité on a rarement tout ça d'un seul coup, et il n'y a pas toujours un jugement de valeur dans cette description).
La notion d'immersion, par exemple, dans ce qu'elle implique d'individuel et subjectif, contribuerait selon moi à établir et alimenter cette image.

Il y a l'idée très répandue en jdr, sans doute issue des pratiques en club ou en convention, que si un joueur s'investit ou cherche à creuser, alors c'est un MJ ou un auteur.
Peut-être qu'en allant chercher du côté encore peu exploité des pratiques artistiques et/ou sportives, les joueurs pourraient récupérer des outils leur permettant de reprendre la main sur leur pratique sans avoir à abandonner la place qu'ils occupent : travailler l'écoute, apprendre à dire « oui », à « donner à voir », à ne pas se figer sur une « cohérence », etc. et de réaliser l'importance du collectif.


4- Enrichir sa pratique : pour les joueurs et pour les tables

En improvisation, la plupart du temps, les déclics, les recherches, les essais se font en atelier, dans des exercices sous contrainte. Les contraintes orientent le jeu pour travailler un aspect précis de l'improvisation : la prise de parole, le style, la gestion du temps, le personnage, la narration, l'écoute, la sincérité, etc.
Vu le parallèle que je vais faire ensuite, j'insiste dès maintenant sur le fait qu'un cadre fort et l'absence de public n'enlèvent rien à la puissance, la beauté ou le plaisir des scènes produites.
C'est aussi le moment où l'équipe s'accorde (dans le sens musical du terme) pour mieux improviser ensemble : poser les limites de sa zone de confort, les repousser, reconnaître le jeu et les univers des autres joueurs, etc.

A contrario, les règles du match sont plus souples et permettent une plus grande diversité mais la pression y est plus forte (par la présence d'un public, les lumières, la sonorisation, etc. et d'une équipe adverse inconnue). Les joueurs réutilisent en match les expériences vécues en atelier : un archétype de personnage, un registre, un style, etc.

Pour moi, les jeux forgiens correspondent à une pratique d'atelier et les campagnes tradi à une pratique de match. En se plaçant du point de vue du joueur, les deux sont nécessaires et complémentaires. (Je précise que je ne hiérarchise pas les types de jeu).

Jouer à un maximum de jeux forgiens permet d'ouvrir des pans entiers de possibles dans la tête d'un joueur, ou lui donne des outils pour creuser quelque chose qui l'intéresse. Cela permet aussi aux tables de se souder et de trouver une note commune, en permettant à tout le monde de situer et d'exprimer ses limites.
La campagne tradi, avec un système plus mou et moins injonctif, permet aux joueurs et aux tables de profiter de ces expériences en les réinvestissant dans leur diversité et en se les réappropriant.

Voilà. J'admets que c'est une conception complètement personnelle, basée sur du ressenti et une pratique jdr peu développée en terme de diversité. Je ne sais pas si ça rend réellement ma position plus claire, mais comme ça vous voyez peut-être un peu mieux d'où ça sort.

Et le but n'est pas de faire table rase de toute la théorie existante. Juste de proposer un point de vue de biais, qui vous nourrira ou pas.
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Re: Histoire partagée contre individualité créative

Message par Meta » 18 Mars 2015, 18:40

En lisant tes interventions sur l'autre thread que j'ai suivi avec intérêt, je me suis fait la réflexion que dans mon groupe de rôlistes, nous aurions unanimement abondé à chacune de tes remarques, tant ta perception du jeu de rôle est proche de la nôtre. Jouer avec un "regard en surplomb", "faire des choix qui renforcent notre présence à la table", "contribuer à la réalisation d'un moment intense vécu collectivement", "jouer pour partager est l'essentiel, et s'habituer à le faire s'apprend", tout cela est, depuis de longues années, notre crédo. Nous refusons l'idée que jouer consisterait à défendre les intérêts de son personnage, et que cette conception nuit beaucoup aux parties de jeu de rôle qui se veulent être autre chose qu'un vécu individuel ou une expérience de divertissement. Dire "oui" à ce qui arrive, c'est penser dans le sens de la construction de l'histoire collective, mais sans pour autant rester extérieur à ce qui arrive, sans penser extérieurement à ce qui advient pour faire des choix qui nous plaisent. Dire "oui" à ce qui arrive pour réaliser une intentionnalité de groupe, et considérer que cela ne passe pas par une mécanique de résolution artificielle, par des jets de dés, par une fiche, par des tables, par des moves. Cela passe par un savoir faire, par la réalisation d'une "performance". On peut définir de mille façons le bon et le mauvais joueur ; l'une de ces façons consiste à dire que le mauvais joueur est celui qui ne fait pas effort pour améliorer sa performance d'incarnation dans l'histoire réalisée collectivement, et cette performance relève autant de l'attention aux autres (ce qui donne le plaisir qui naît du "surplomb") que de l'attention à sa propre incarnation théâtralisée, sa propre exaltation dramatique qui exige de parler en lieu et place de son personnage qui n'est plus à notre service : nous devenons au service du personnage et au service de l'immersion collective dans l'histoire en train de se réaliser.

Il est symptomatique que depuis 40 ans, le jeu de rôle se soit autant concentré sur les mécaniques de résolution (l'arbitrage externe attendue du meneur de jeu). Les jeux indies n'ont pas arrangé cela, bien au contraire. Notre groupe s'est nourri des productions indies, nous les avons lues et appréciées pour leur offre théorique, mais à chaque fois, l'essai fut décevant. Les jeux indies que nous avons joués (Apocalypse World, Dogs in the vineyard, Lady Blackbird, et plein d'autres) sont tous très bien conçus et régulent clairement le jeu vers un objectif, vers la réalisation d'une démarche créative, mais ce sont des "jeux", hélas, des règles qui proposent une expérience ludique agréable, fort amusante, qui peut prendre aux tripes (la scène finale de Dogs), mais qui manque constamment l'aspect que tu pointes du doigt. Et pour cause : ils offrent des béquilles aux joueurs ; Apocalype World nous dit quoi faire, et ce qu'on peut faire dans le cadre imposé. Il régule et offre des espaces de création stable et ne prend pas en compte le collectif ni la singularité des individualités. Tu joues une "battle babe" ? Très bien, tu as les moves pour le faire ; quant à l'incarnation immersive et immergée, ce sera ton affaire, d'autant que les moves t'offrent des occasions de t'immerger. Oui, un peu. Mais ces jeux sont des instantanés qui offrent tout ce dont on a besoin pour jouer (pour jouer, mais pas "plus").

De sorte que Apocalypse world, Agôn, Lady Blackbird, sont de très bons jeux, ficelés, prêts à l'emploi, calibrés. Ils sont pour moi le fast-food du jeu de rôle en terme d'organisation et de mode de production. Pas de la malbouffe, certes, bien au contraire ils offrent des contenus de qualité, mais en aucune manière de l'art, de la création singulière et collective. Ce sont des "jeux", des livres avec des fiches, des scores, des templates, des cases, et il ne s'agit pas d'outils suffisants pour accomplir le geste de création collective. Ils le sont pour la création minimale. Ils répondent à la problématique originelle de Ron Edwards : concevoir des jeux qui ne soient pas dysfonctionnels ou ne nous mettent pas dans des apories ("la chose impossible avant le petit déjeuner", disait Joseph Young). Cela fonctionne, clairement. Les joueurs qui n'ont pas l'envie de devenir des Antonin Artaud et souhaitent surtout vivre une exploration intense avec des amis trouvent ce qu'il leur faut. On s'amuse efficacement, et parfois on se pose des questions sur la moralité (Dogs in the vineyard le permet). Mais rien sur la manière de construire son interprétation (il y en a sans doute qui le proposent un peu ; il me semble que "Les petites choses oubliées" vont dans ce sens, mais je n'ai pas lu le jeu, j'ai juste suivi son actualité).

Pour s'en persuader, ouvrez tous les livres de jeux de rôles que vous avez sur vos étagères. 99% d'entre eux parlent de deux choses, indies comme tradis : le rôle du meneur (ou "des" meneurs), et la place des "personnages". Jamais des joueurs. Les jeux indies offrent très souvent des règles pour construire une expérience ludique qui "fonctionne" relativement à cet objectif d'amener à un choix moral, ou à se représenter ce qu'on fait dans tel monde, ou à vaincre l'adversité. Prenons un jeu comme Vampire, the masquerade : on y trouve les règles de résolution des conflits opposant les personnages au monde, les règles de représentation de la situation des personnages, des observations sur ce que sont et vivent les "personnages", et enfin des conseils au meneur pour mettre en scène les histoires. Rien de rien pour les joueurs. Aberrant que vampire, qui se propose de faire du drama, n'impose pas dans son système (ou son contrat) d'incarner dramatiquement, de parler à la première personne, de traiter les conflits égotistes entre des joueurs qui vont jouer des bêtes égoïstes, etc... Il en va de même dans Apocalypse world : le joueur a son livret, il sait ce qu'il peut "faire faire à son personnage", et il a quelques informations sur sa prise de parole, mais rien de rien sur le rapport au personnage, le rapport qu'il a, lui, à la fiction, alors que le meneur, lui, a des pages et des pages sur son propre rapport à la fiction. Pourquoi ? Parce que Vincent Baker a créé un jeu qui vise l'histoire que permettent de raconter les règles, et celles-ci donnent au joueur des opportunités de façonner l'histoire. Rien sur l'incarnation, parce que ce n'est pas le problème d'apocalypse world. Rares sont les jeux qui l'ont fait. Ron Edwards le fait un peu dans "Sex and sorcery" et "Soul and sorcery", mais à chaque fois, c'est parce qu'il dérive vers la théorie générale du jeu de rôle. Robin D. Laws l'a fait aussi un peu parfois, mais plus dans des essais que dans les jeux eux-mêmes (et ceci sans doute parce que les livres de jeux de rôles s'assument avant tout comme "jeux" et non comme "expérience" collective d'une réalité alternative).

Or donc, d'un côté, on a des jeux anciens qui proposaient l'incarnation mais oubliaient de la traiter (!), et d'un autre, on a des quantités de jeux indies qui se centrent sur des mécaniques efficaces et faciles à prendre en main. D'un côté, donc, on nous abandonne, et d'un autre, on nous facilite trop la vie. J'ai toujours été surpris de ne pas entendre des gens de la Cellule remarquer ce paradoxe : des gens sur la Cellule défendent l'indépendance et le refus du mainstream, sauf que précisément, des jeux comme Lady Blackbird, Apocaplypse world, Agon, The shadow of yesterday, Innommable, sont formatés pour être mainstream, c'est à dire "accessibles au plus grand nombre sans avoir bosser des heures en amont", ce qui n'est justement pas le cas des jeux comme vampire ou pendragon ! Les jeux indies participent justement à la démocratisation du jeu de rôle (et tant mieux !), et sont tout sauf élitistes, ou élitaires. Ils donnent des clefs stables aidant le joueur à "défendre les intérêts de son personnage" (ce sur quoi insiste souvent Frédéric, à propos de Dogs in the vineyard), mais ce n'est pas cela qui fait une "grande" séance, et je crois que le point d'incompréhension entre toi, Eugénie, et Fred porte sur ce point : tu attends du jeu de rôle la réalisation collective à partir d'une immersion au prix du sacrifice de ce qui nous plaît pour valoriser ce qui fait sens pour le groupe et l'histoire, et Fred, lui, aime les jeux qui permettent de défendre le point de vue du personnage, son intérêt existentiel, la défense de son droit à exister comme individualité singulière qui offre au joueur une expérience personnelle. Deux immersions différentes. Je reste convaincu que, si le point de vue de Frédéric se défend parfaitement, ce n'est pas la mécanique globale de jeu qui assure la réussite de cette finalité, même si elle peut le favoriser (Frédéric le sait, c'est un point de divergence entre lui et moi).

C'est donc là où je te rejoins, Eugénie, quand tu dis que "la campagne tradi, avec un système plus mou et moins injonctif, permet aux joueurs et aux tables de profiter de ces expériences en les réinvestissant dans leur diversité et en se les réappropriant." Paradoxalement, le tradi permet un plus grand investissement, comme tu le dis, et une expérience de jeu plus grande parce qu'il est moins cadré et borné ; sauf qu'il manque cruellement de conseils aux joueurs et présentent des injonctions paradoxales (comme on le remarque si souvent à propos de Vampire). Le tradi comme l'indie ont longtemps considéré que l'interprétation dépendait du joueur, sauf qu'ils ne le jugeaient pas ainsi dans le cas du meneur, alors qu'il n'y a pas lieu, a priori, de privilégier plus l'un que l'autre dans la réflexion ou les conseils. Il y a bien des manières de pratiquer et de créer des jeux de rôles, mais parmi toutes les possibilités, celle qui pense le jeu de rôle comme "expérience collective d'incarnation d'individualités dans une histoire à réaliser à plusieurs" n'est sans doute pas vraiment valorisée (sauf cas très particulier). Le GN a davantage investi ces questions, il me semble, et le théâtre d'improvisation aussi. Le jeu de rôle ne se nourrit pas assez des autres supports, des autres arts, du cinéma, de la bande dessinée, du GN, du théâtre, du roman. Le jeu de rôle doit s'inspirer des autres mediums, les arts se construisent toujours par hybridation, par influences. Lorsqu'il veut se faire art, il n'a pas le choix, il lui faut considérer que sans effort et sans performance, sans travail en amont et sans zone d'inconfort, il n'y aura pas de réussite artistique. C'est le propre de l'art de s'accomplir dans l'inconfort (c'est très précisément l'une des deux conclusions de la thèse de philosophie de l'art que j'ai soutenue il y a deux ans), et si la contrainte est productive, elle ne signifie pas qu'il y aura cet inconfort salutaire et une exigence de performance ! Lorsqu'un jeu est stable et parfaitement fonctionnel, il propose des règles de production de fiction qui sont, artisanalement, réussies et fonctionnelles, mais le fonctionnel n'a jamais assuré l'accomplissement d'une oeuvre d'art, et peut même nous en éloigner, chose qu'Edwards aurait du davantage méditer.
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Re: Histoire partagée contre individualité créative

Message par Thomas Munier » 18 Mars 2015, 20:40

Personnellement, je crois que vous m'avez convaincu sur l'intérêt de travailler l'interprétation d'un personnage, et je suis assez prêt à reconnaître (à ma connaissance) le vide laissé à ce sujet dans les manuels de jeu de rôle ou dans les articles sur le jeu de rôle qu'on peut trouver ça et là sur le net. Vampire parlait d'art du conteur, il y aurait un art du personnage. Et c'est vrai ! J'ai plein de souvenirs de partie où la qualité d'interprétation d'un ou des joueurs a tout simplement rendu la séance magique. Et personnellement, même si je suis rarement joueur, j'ai toujours essayé de tirer le jeu vers le haut, je ne me sens pas consommateur quand je suis joueur.

En fait, si une transmission de savoir-faire et de savoir-vivre à ce sujet existe, elle est avant tout orale (toutes ces discussions sur le roleplay !), et largement tirée d'autres médias (théâtre, soirée enquête, GN...) ; ou en tout cas elle est prise plus au sérieux dans ces médias. Pour ce qui est de la transmission écrite, elle existe à mon sens, sous la forme des personnages pré-tirés. Une grosse pierre à votre édifice existe également sous la forme du Manifeste de Turku, qui a influencé la scène rôliste nordique (attention, il est difficile de trier dans ce texte ce qui recèle de la confession de foi ou de l'ironie)

Je suppose qu'on n'a pas besoin de jeter le bébé avec l'eau du bain : que les manuels de jeu de rôle se taisent à ce sujet ne signifie pas qu'on ne peut pas continuer à jouer avec. L'art du personnage est peut-être à inventer en dehors des manuels.
De même que les mécaniques de résolution et tous les outils de système ne sont pas forcément une entrave à l'art du personnage, et peuvent au contraire le fertiliser ! Alignements de Donjons & Dragons, SAN de L'Appel de Cthulhu, valeurs de Pendragon, relation maps de Smallville, photos à analyser dans Laborinthus, tirages de cartes divinatoires à Mana Earth... participent à mon sens de l'art du personnage. Pardonnez-moi de réfléchir en game designer, mais je ne me sens pas exclu de cette problématique depuis cette position.

Je ne suis pas certain que l'art du personnage soit forcément à associer avec le couple "jouer en auteur"/"plaider pour son personnage" : sans pouvoir bien expliquer pourquoi, il me semble que l'art du personnage est compatible avec les deux postures.

Vous m'avez personnellement convaincu d'y apporter plus d'attention dans mes prochains jeux. J'ai même déjà commencé à y réfléchir, et j'entrevois un grand potentiel.
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Re: Histoire partagée contre individualité créative

Message par Jiceno » 19 Mars 2015, 08:15

Voilà une discussion particulièrement intéressante. C'est notamment cette réflexion de Meta qui a retenu mon attention:

Or donc, d'un côté, on a des jeux anciens qui proposaient l'incarnation mais oubliaient de la traiter (!), et d'un autre, on a des quantités de jeux indies qui se centrent sur des mécaniques efficaces et faciles à prendre en main. D'un côté, donc, on nous abandonne, et d'un autre, on nous facilite trop la vie.


C'est ce qui ressort de plus en plus de mon expérience de jeu, en effet. Et c'est sans doute pour cela que les "grandes parties" dont chaque rôliste a le souvenir ont quelque chose de magique, qui semble souvent impossible à recréer, à encapsuler dans une une série de conseils ou de règles. Les systèmes indépendants fonctionnels et clé en main (je pense ici principalement à ceux de la la vague "story now!") ont révolutionné mon approche du jeu de rôle, mais le minimalisme assumé (ce côté "fast food équilibré et digeste, mais fast food quand même") me frustre souvent autour de la table. Les pistes explorées par les jeux centrés sur les arcs narratifs - que j'appelle jeux à progression horizontale, et non verticale (exp, compétences, etc.) - me semblent intéressantes en ce sens. Je pense par exemple à Tenga, de Jérôme Larré, qui propose de créer une dynamique de groupe complexe et riche (le groupe disposant même de sa propre "feuille de personnage"), définie à l'avance par les joueurs; bon moyen de garantir une certaine profondeur d'interprétation et une histoire partagée riche. Je pense comme toi que ce jeu de rôle là (immersif, demandant un investissement important de la part des joueurs dans la préparation des personnages comme autour de la table) n'est pas soluble dans l'élégance minimaliste de nombreux indépendants. Pour reprendre la terminologie du dernier article de Frédéric Sintes, les JDR traditionnels offrent un vide béant et difficilement cultivable; mais nombre de jeux indépendants modernes proposent un pré carré un peu trop étriqué à mon goût. Reste à trouver un équilibre à même de nous satisfaire.
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Re: Histoire partagée contre individualité créative

Message par Eugénie » 19 Mars 2015, 10:48

Meta et Jiceno, merci. Je suis d'accord avec vos développements.

Méta :

Je me demande juste ce que tu entends par « interprétation d'un personnage ». Si c'est le rapport du joueur au jeu, ça me va, si c'est le rapport du joueur à son propre personnage uniquement ou à la fiction via son personnage, il me manque encore quelque chose.

J'explicite, notamment pour ma réponse à Thomas ensuite.

On peut avoir un très chouette roleplay et une connexion forte avec son personnage tout en s'enferrant dans des pratiques toxiques à la table : je n'écoute pas parce que mon personnage n'est pas là (sous-entendu je ne veux pas en savoir plus que lui), je casse une scène, une ambiance, un scénario, parce que c'est ce que mon personnage aurait fait (sous-entendu il n'y avait qu'une seule voie), etc.

Je pense avoir un roleplay plutôt de bonne tenue, ça ne m'a pas empêchée de perdre un an de jeu à refuser systématiquement de montrer mon background aux autres joueurs, à ne rien révéler des secrets ou motivations de mon personnage... en toute bonne foi, parce que je pensais que ça lui donnait de l'épaisseur.
Un jour, un joueur à la table a joué toutes les failles de son personnage dès la première séance (c'était un pré-tiré, je pense que ça a aidé à son propre déclic). Ça a été une révélation. Et j'avais perdu une année entière à faire du « refus de jeu » parce que j'ai dû trouver ce déclic par moi-même.


Thomas :

Avant tout, tu as déjà écrit un jeu qui est stage de jdr à lui tout seul... pour l'instant le plus riche auquel j'ai pu jouer en terme de déclics à la table et le plus généreux dans son regard sur les joueurs.

Inflorenza en mode carte rouge nous a fait franchir une série incroyable de paliers de jeu en très peu de temps :
- apprendre à assumer et profiter de sa prise de parole
- à prendre en main le décor, les pnj, les rebondissements
- à être spectateur des instances des autres
- à valoriser leur apport en réintégrant les éléments dans nos propres instances
- apprendre à entrer et sortir des instances des autres
- à utiliser les dés non pas pour valider des actions mais pour poser des conflits sains avec des enjeux forts (qu'on gagne ou qu'on perde)
- etc.

Ça ne s'est pas fait en une fois. Ça ne s'est pas fait sans conflits autour de la table, avec des débriefs, des excuses, des redébriefs. Mais nous avions tous la sensation qu'on avait à la fois une grande marge de manœuvre et des fondations solides pour aller plus loin.
Maintenant, nous avons une table dont je suis extrêmement fière, où les responsabilités du Confident sont spontanément dissoutes et réparties entre les joueurs (gestion du rythme, gestion des règles, aide à la rédaction de phrases ou au nouage de l'intrigue...). Nous maîtrisons à peu près tous les curseurs, jusqu'à l'écriture de théâtre en fonction du type de partie que nous voulons jouer.


Thomas a écrit :En fait, si une transmission de savoir-faire et de savoir-vivre à ce sujet existe, elle est avant tout orale (toutes ces discussions sur le roleplay !), et largement tirée d'autres médias (théâtre, soirée enquête, GN...) ; ou en tout cas elle est prise plus au sérieux dans ces médias. Pour ce qui est de la transmission écrite, elle existe à mon sens, sous la forme des personnages pré-tirés.

Le roleplay n'est pas un savoir-vivre. C'est là qu'est mon problème. Sans guide (et nous n'en avons pas), un joueur qui veut progresser va consacrer son énergie à développer qualités individuelles :
- son roleplay, au risque d'écraser les autres, ou de s'enfermer dans son personnage, cf plus haut dans mon post
- son astuce : monter des plans géniaux, trouver la faille dans le scénario, pousser le MJ dans ses retranchements
- ou sa créativité : éblouir tout le monde avec son imagination débridée...
Ces qualités-là ne sont pas, à mon avis, prioritaires, ni nécessaires.

Pour moi, la priorité et la nécessité se trouvent dans le « jouer ensemble » :
- écouter les autres : écouter réellement et non pas se taire en attendant de pouvoir parler
- donner du poids à ce qui se joue : en étant un joueur-spectateur actif, qui approuve, qui suggère des trucs, qui renchérit, qui profite
- percevoir puis intérioriser l'intérêt collectif : savoir concéder, dire oui à ce qui arrive
- « donner à voir » : non pas avoir un roleplay d'acteur studio, mais révéler les failles, les secrets, les motivations, les états d'esprit des personnages, quitte à sous-titrer pour les autres joueurs
Pour l'instant, à part l'épisode des Carnets ludographiques intitulé "l'art d'être joueur : jouer ensemble" (mais c'est tout récent) je n'ai rien trouvé de très probant en ressources francophones.

Thomas a écrit :Je suppose qu'on n'a pas besoin de jeter le bébé avec l'eau du bain : que les manuels de jeu de rôle se taisent à ce sujet ne signifie pas qu'on ne peut pas continuer à jouer avec. L'art du personnage est peut-être à inventer en dehors des manuels.
De même que les mécaniques de résolution et tous les outils de système ne sont pas forcément une entrave à l'art du personnage, et peuvent au contraire le fertiliser ! Alignements de Donjons & Dragons, SAN de L'Appel de Cthulhu, valeurs de Pendragon, relation maps de Smallville, photos à analyser dans Laborinthus, tirages de cartes divinatoires à Mana Earth... participent à mon sens de l'art du personnage. Pardonnez-moi de réfléchir en game designer, mais je ne me sens pas exclu de cette problématique depuis cette position.

Je ne sais pas s'il est besoin de le préciser, mais identifier un manque n'implique pas d'aller brûler toutes les théories existantes et tous les jeux existants pour repartir à zéro, au contraire. Nous ne jetons ni le bébé, ni l'eau du bain, nous pensons qu'il pourrait juste y avoir en plus des canards en plastiques et de la mousse qui sent bon. (pardon pour la métaphore)
Quand sur les ateliers vous décortiquez les problèmes des jeux traditionnels, vous ne dites pas que personne devrait plus y jouer, vous ne reniez pas le plaisir que vous avez vous-mêmes à y jouer, et vous plaidez pour que votre façon d'envisager le jdr soit englobée dans la façon dont le jdr est considéré. C'est la même chose ici. Sauf que je n'ai pas de théorie solide et affinée à proposer... juste des pistes de réflexion.

Thomas a écrit :Je ne suis pas certain que l'art du personnage soit forcément à associer avec le couple "jouer en auteur"/"plaider pour son personnage" : sans pouvoir bien expliquer pourquoi, il me semble que l'art du personnage est compatible avec les deux postures.

Mon problème dans ces deux postures c'est qu'elles sont envisagées comme les deux seules possibles. Je me situe entre les deux, je plaide pour la prise en compte d'un palier intermédiaire entre ces deux positions, un palier où on « joue le personnage dans la limite du collectif ».
Mais j'admets que ce palier ne peut probablement être viable qu'avec des joueurs qui savent (ou travaillent à) percevoir et intérioriser le collectif, et avec des jeux qui laissent une certaine marge de manoeuvre aux joueurs (appelons ça de la confiance, de la part du game designer). Est-ce que c'est ça qui le rend impossible à envisager ?
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Re: Histoire partagée contre individualité créative

Message par Mangelune » 19 Mars 2015, 20:04

Après mûre réflexion j'ai un chouia envie d'aller à l'encontre de toute cette belle entente :)

Partant d'une expérience toute personnelle : j'ai découvert ces deux dernières années les jeux basés davantage sur la coopération des participants, avec des règles ultra-minimales et souvent essentiellement contenues dans ce que certains appelleraient le background. J'en ai même créé un en quelques sortes (Perdus sous la pluie est directement inspiré de cette découverte et du rejet des mécaniques lourdes). Tout cela a été assez fascinant, pensez donc : finis les jets de dés, les compétences, les MJs, la violence des rapports humains... place à la créativité, aux discussions à quatre voix, aux parties à la fois courtes et intenses ! Nous nous écoutions, nous ajoutions, nous développions.

Sauf que, sauf que... tout cela m'apparaît rétrospectivement quelque peu facile. Ces belles fictions créées dans la tolérance me laissent souvent un chouia sur ma faim, comme des exercices un peu vains, sans âpreté... pourquoi ? Sans doute parce qu'il me manque certains éléments qui font à mon sens du jeu de rôle ce qu'il est. Nous créons, mais nos créations manquent de poids. Or ce n'est pas le cas de mes meilleures parties de jeux de rôle plus "traditionnelles".

Impossible pour moi de séparer les différents composants qui participent de cette impression de réalisme, d'épaisseur, de solidité de la fiction : le système de jeu et la feuille de personnage bien sûr, mais aussi le conflit et la difficulté qu'il y a à obtenir ce que l'on désire, le fait même de désirer ce que l'on a pas (qui va à l'encontre de l'idée de partage en harmonie). A mon sens, on ne donne de l'importance qu'à ce que l'on a eu du mal à gagner - et pour ce faire quelqu'un à la table doit jouer le rôle de l'adversaire.

L'harmonie n'est peut-être pas ce qui fait le sel du jeu de rôle finalement. Il en faut bien sûr, mais le conflit me paraît davantage au cœur de ce qui compte, et il se doit donc d'être joué en toute sincérité. Nous ne racontons pas de jolies histoires à plusieurs bouches, nous luttons dans un cadre sanctuarisé. Peu importent narrativisme, ludisme, simulationisme, tout est affaire de lutte. J'aurais tendance à penser qu'en cela le jeu n'est qu'une façon de réexpérimenter le réel dans un environnement contrôlé.

Merci pour ce débat en tous cas, cela m'a permis de débloquer un truc dans ma réflexion perso !
Contes et histoires à vivre, un site pour parler des Errants d'Ukiyo, de Perdus sous la pluie et du reste.

Pensez aussi à la page Facebook officielle de Perdus sous la pluie.
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Re: Histoire partagée contre individualité créative

Message par Meta » 19 Mars 2015, 20:50

Eugénie a écrit :
Méta :

Je me demande juste ce que tu entends par « interprétation d'un personnage ». Si c'est le rapport du joueur au jeu, ça me va, si c'est le rapport du joueur à son propre personnage uniquement ou à la fiction via son personnage, il me manque encore quelque chose.


C'est tout cela à la fois, pour moi. Ainsi que la manière dont le joueur va "être" le personnage, mimiques, ton de voix, rythme d'expression, etc.
Donc, a priori, nous sommes d'accord.
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Re: Histoire partagée contre individualité créative

Message par Arkady K. » 19 Mars 2015, 23:48

Eugénie a écrit :Mais j'admets que ce palier ne peut probablement être viable qu'avec des joueurs qui savent (ou travaillent à) percevoir et intérioriser le collectif, et avec des jeux qui laissent une certaine marge de manoeuvre aux joueurs (appelons ça de la confiance, de la part du game designer). Est-ce que c'est ça qui le rend impossible à envisager ?

Je me permets d'émettre quelques remarques (puisque nous jouons à des tables communes). Tout cela est très intéressant (je comprends mieux tes envies), mais je ne suis pas sûr qu'au-delà du savoir jouer / travailler le collectif, il n'y ait pas aussi, et surtout, une question d'envie des joueurs. Un vision aussi riche, et donc ambitieuse, d'un collectif risque d'effrayer ou simplement ne pas faire envie à des joueurs (j'ai des noms). Tes propositions sont intéressantes et j'adhère à plusieurs, mais certaines me font peur, au sens où j'ai l'impression qu'elles vont amoindrir d'autres de mes intérêts, notamment le rapport au système de résolution et les délires individualistes. Je préfère jouer à des jeux variés, plutôt que de viser une quête collective à chaque fois. Tu citais Inflorenza. Typiquement, ce jeu, tel que nous y jouons, ne vise quasiment aucun des plaisirs que je prends à un jeu de rôle plus tradi. Les plaisirs sont autres (proches de la création spontanée), le jeu collectif est largement meilleur, et comme tu le soulignes, cela nous a fait progresser à de nombreux niveaux dans les autres jeux. Tout cela pour dire qu'à mon avis le fonctionnement d'une table et d'un jeu ne doit pas être systématisé, mais qu'il dépend de ce que les joueurs (MJ compris) ont envie d'en faire à chaque nouvelle session. Je continue de penser qu'un brief de départ est indispensable, y compris, et là nous fautons, un brief des joueurs, car tous n'ont pas les mêmes envies. Ces envies sont souvent compatibles, mais ne pas les exprimer engendre souvent de l'incompatibilité. Il y a aussi la question de la durée de sessions qui, pour moi, si elle est trop courte, nuit à l'immersion et au fonctionnement du collectif.
Après, certaines de nos parties mériteraient d'être mises en perspective à la lumière de tes réflexions et de tes propositions, mais je ne suis pas à l'aise pour en parler sur un forum.
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Re: Histoire partagée contre individualité créative

Message par Eugénie » 21 Mars 2015, 00:07

(juste en passant, je ne boude pas, je réfléchis.)

Mangelune, tu te positionnes comme si tu étais en désaccord avec moi, mais je suis plutôt d'accord avec ce que tu dis. AK je suis d'accord avec toi, mais tu présentes tes remarques comme des réserves... C'est tout à fait pertubant. Je voudrais remettre ça au clair, mais je ne sais pas encore par quel bout le prendre.
Eugénie
 
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Re: Histoire partagée contre individualité créative

Message par Thomas Munier » 21 Mars 2015, 11:47

Je ne sais pas si ça peut apporter de l'eau à votre moulin, mais il y a un certain temps, j'avais eu l'honneur de participer à un article sur un sujet proche dans Di6Dent, et la rédaction m'a autorisé à le sortir du placard à archives, à consulter ici.
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Re: Histoire partagée contre individualité créative

Message par Arkady K. » 21 Mars 2015, 12:48

Thomas Munier a écrit :Je ne sais pas si ça peut apporter de l'eau à votre moulin, mais il y a un certain temps, j'avais eu l'honneur de participer à un article sur un sujet proche dans Di6Dent, et la rédaction m'a autorisé à le sortir du placard à archives, à consulter ici.

En fait, je crois que ça a déjà apporté de l'eau car notre bienveillant MJ nous avait fait lire cet article pour nous émanciper. J'avais trouvé cet article très utile, et ce type d'aide manque en effet dans beaucoup de jeux tradis où le guide des joueurs se résume au système et aux règles.
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Re: Histoire partagée contre individualité créative

Message par Eugénie » 22 Mars 2015, 20:36

Bon, je suis écartelée entre deux positions : d'un côté, je conçois que vous soyez sur des plaisirs différents, des façons de jouer et d'envisager le jdr différentes et je respecte ça. D'un autre, j'ai l'impression tenace de n'avoir pas été comprise et de voir mon discours largement déformé par le prisme de votre vision très construite du jdr. Je ne pense pas être capable de dépasser ce problème via un forum (Frédéric et Fabien, vous aviez raison sur ce point).

Je reconnais que j'ai fait une bêtise en prenant l'exemple d'Arbre, qui n'est pas un bon exemple dans la mesure où je n'y ai pas joué, ni dans une version ni dans l'autre. Je ne réagissais qu'à une façon d'envisager le joueur dans la discussion, et pas sur des mécaniques que je suis incapable d'évaluer.

Mangelune, quand tu parles de casser cette belle entente, tu débouches une conclusion qui me convient totalement :

Mangelune a écrit :L'harmonie n'est peut-être pas ce qui fait le sel du jeu de rôle finalement. Il en faut bien sûr, mais le conflit me paraît davantage au cœur de ce qui compte, et il se doit donc d'être joué en toute sincérité. Nous ne racontons pas de jolies histoires à plusieurs bouches, nous luttons dans un cadre sanctuarisé.

Notre divergence porte probablement sur la définition de « cadre sanctuarisé » ou sur la façon de sanctuariser ce cadre.

AK, pour te rassurer, je réagis à un discours sur le jdr, ou plutôt à un biais commun à pas mal de discours sur le jdr. Donc ça me pousse à généraliser. On en reparle irl mardi mais je pense qu'on est d'accord sur le fond, une fois qu'on a évacué les grands mots.

Thomas, oui j'ai oublié de te citer dans le peu de ressources disponibles, mais effectivement cet article nous avait beaucoup plu, et je t'en remercie !

Je ne renonce pas à ma vision des choses évidemment, mais elle a déjà été largement développée ici, et il n'est peut-être pas utile de s'acharner. Mangelune, merci à toi pour m'avoir accueillie en ta cuisine, j'espère pouvoir reparler de tout ça avec vous en d'autres lieux et d'autres occasions, plus propices à l'échange.


Ah si ! Avant que je ne retourne aux gouffres obscurs dont je n'aurais pas dû sortir... Méta, veux-tu m'épouser ?
Eugénie
 
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Re: Histoire partagée contre individualité créative

Message par Meta » 22 Mars 2015, 21:06

Eugénie a écrit :Ah si ! Avant que je ne retourne aux gouffres obscurs dont je n'aurais pas dû sortir... Méta, veux-tu m'épouser ?



Si cela peut se faire sans passer devant un prêtre de l'église "forgienne", on peut l'envisager.
Meta
 
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