Version bureau du forum
Où je donne des nouvelles de mes projets et publications
Sujet verrouillé

Re: Limbic Systems - le blog théorique

13 Jan 2016, 23:21

Un superbe article ! Dans vade-mecum je cherche à optimiser a la fois l'absorption et la combativité. La conclusion de ton article m'a donné le droit de rêver. Mais pour le moment, mes playtest semblent plutôt montrer une incompatibilité des deux démarches au sein de mon système... Je vais finir par trouver le bon équilibre. Merci Fred en tous cas, je pense que tu mets des mots là où il y en avait besoin. Ce qui est le propre d'un bon théoricien selon moi.

Re: Limbic Systems - le blog théorique

13 Jan 2016, 23:35

Merci Rom ! Si en plus ça t'aide pour ton nouveau jeu, je suis aux anges. :)

Re: Limbic Systems - le blog théorique

27 Jan 2016, 20:33

Salut Fréd'

Désolé pour le temps de réponse ! Tu dis évidemment des choses sensées, mais je ne suis pas sûr que tu répondes vraiment à mes réflexions. Je reformule mes « griefs » :

  • Je veux bien admettre ta définition Immersion = Absorption + Combativité (début de ton article), mais l'absence de combativité n'implique pas nécessairement de l'absorption, sinon cela reviendrait à admettre que quoi que fassent les joueurs, ils poursuivent une forme d'immersion (JDR = immersion), ce que je rejette catégoriquement (et je serais étonné que tu me contredises là-dessus). Je prétends qu'il y a d'autres rapports à chercher dans le jeu de rôle que ceux liés à l'immersion. Sylvie et moi voyons cela comne une « rencontre » avec les personnages. C'est un rapport aux personnages que beaucoup de MJ connaissent, et je prétends qu'en tant que jeu sans distinctions de rôles, les joueurs de LPCO sont autant joueurs que MJ. Il y a peut-être encore d'autres de ces postures. Il me semble donc qu'il y a une représentation bancale du JdR dans la construction de ton argumentaire qui amène à dire que LPCO, Pslp et Happy Together « ne renforcent que l'absorption ».
  • Indépendamment de ta manière d'arriver à l'idée que LPCO renforcerait l'Absorption, je te montre plusieurs règles qui ne sont pas cohérentes avec ça (et je pourrais argumenter pour d'autres). Donc en maintenant cette voie, on devrait critiquer la cohérence de la conception du jeu ! T'en penses quoi ?

Pour le dire autrement, il me semble que ton article propose une dichotomie artificielle : il y aurait les jeux avec combativité et les jeux sans. Les deux peuvent avoir de l'absorption. Cette dichotomie (combativité ou non) est éventuellement valable si on se restreint à regarder les joueurs des jeux relativement classiques (j'y inclus sans scrupules Démiurges, innommable, Sorcerer, Dogs, Sens, etc.) et qu'on ignore les MJ, elle n'a à mon avis pas de sens quand elle te pousse à mettre dans le même panier LPCO, Pslp et Happy Together.

Tu admets dans ta dernière réponse qu'il n'y a pas besoin qu'on « possède » nos personnages, mais du coup le titre de section « L’Absorption ou le personnage comme deuxième peau » dans ton article perd de sa force. Je ne vois plus trop ce que serait la caractéristique au cœur de l'absorption, alors que je vois très bien ce que c'est dans la combativité, je cite : « [...] une posture d’un joueur qui épouse le combat de son personnage en cherchant à obtenir une issue à son avantage. ») L'absorption peut être définie comme quelque chose que fait le joueur par rapport à son personnage (le posséder). Ça ça m'irait, mais ça évacuerait LPCO. Mais il y a cette double définition qui permet de désigner par absorption ce qui se passe quand son personnage est en contemplation/introspection avec comme seul acte du joueur la description de l'attitude de son perso. Mais décrire est un rapport au personnage bien pauvre. Évidemment, sans descriptions, pas de JdR, mais en même temps, ça s'arrête là. Du coup, comment peut-on encore parler de posture si on évacue toute spécificité du rapport du joueur à son personnage ?

Pour parvenir à maintenir que LPCO est dans l'absorption, il te faut ignorer aussi mes exemples de règles qui cassent l'absorption. Oui on joue des personnages qui se souviennent. Mais ils ne se souviennent pas seulement d'eux-mêmes. En tant que joueurs, on est invité à co-définir le couple, et donc l'autre personnage aussi. Il y a là un partage des personnages et une connexion, comme tu dis, mais avec les deux personnages, même si ce n'est pas dans les mêmes proportions. C'est sans aucune commune mesure avec si je joue (dans le sens de posséder) un Tremere à Vampire ! C'est même très loin du rapport prédateur qu'on pourrait avoir envers les autres enfants dans Pslp (là encore, je pense qu'on n'est pas loin de certaines postures de MJ vis-à-vis des PJ et PNJ).

Il reste éventuellement mode auteur pour venir à la rescousse (enfin, la définition que tu en donnes n'est pas très flatteuse...), mais ce n'était pas le cœur de ton article. D'ailleurs, les jeux en mode auteur ce n'étaient pas anciennement les « machines à saucisse » ? Ou est-ce que tu parles juste de la posture d'auteur au sens de Ron (dans quel cas, j'avais déjà râlé une fois) ? Ou est-ce qu'il faut le comprendre encore différemment ?

[modifié pour plus de clarté: 20:37]

Re: Limbic Systems - le blog théorique

28 Jan 2016, 00:53

Christoph, j'ai l'impression qu'il y a de l'agacement dans tes commentaires, si tel est le cas, j'aimerais bien en comprendre la cause.
Je vais essayer d'être le plus transparent avec toi vis à vis de ce qui m'a conduit à intégrer LPCO dans cet article.

Soyons clair : ce n'est pas parce que je parle d'immersion au début de mon article que tu dois comprendre que je ne parle que de ça et encore moins de la conception habituelle de l'immersion (c'est à dire : je "suis" mon personnage et je fais du "role-play"). Mon objectif est surtout de permettre de se passer de ce terme.
Je parle essentiellement de la connexion entre joueur et personnage, que je conçois comme extrêmement diverse : d'une part je la situe d'un côté ou de l'autre de l'axe "accomplir" et "essence" du personnage. Mais il y a aussi tout un tas de paramètres et de cas de figure qui font que l'Absorption n'a pas une seule forme (et c'est sans doute l'origine de notre incompréhension : je fais tantôt référence à une conception "classique" et tantôt à une conception plus récente du rapport joueur-personnage.
Je suis d'accord pour dire que le sous-titre "le personnage comme deuxième peau" peut induire en erreur. Parce que l'Absorption est plus que cela : quand dans Prosopopée le Médium fait interagir son personnage avec le décor, pour moi ça peut tout à fait faire partie de l'Absorption.

Non je ne dis pas qu'il n'existe que la Combativité et l'Absorption, l'approche "d'Auteur" (et celle du pion) sont pour moi les autres approches possible du JdR et ce n'est en effet pas le sujet de cet article.

Si tu considères que dans LPCO il n'y a absolument aucune connexion avec son personnage, que le joueur est parfaitement extérieur à lui, dans ce cas peut être que je me suis gouré et c'est possible, vu que je n'y ai joué qu'une fois, mais il a joué un rôle important dans mes réflexions. Si c'est le cas, je me raviserai et je le placerai du côté des JdR qui proposent de jouer en tant qu'Auteur, ou alors il y a peut-être quelque chose d'intermédiaire que je n'ai pas identifié.
Soit tu considères qu'il y en a une et c'est mon cas. C'est ce que j'ai essayé de décrire, le fait que pour moi, il se passe plus dans LPCO qu'un rapport d'auteur à la fiction : viewtopic.php?f=49&t=3325
et ici aussi : http://www.limbicsystemsjdr.com/les-pet ... -theories/
Dans ces deux liens, j'aborde l'idée que dans LPCO on défend les intérêts de notre personnage de façon plus ou moins indirecte et c'est sans doute la raison pour laquelle j'aime votre jeu, je pense que je l'aimerais moins s'il ne le permettait pas du tout. Mon ambition dans l'Absorption et la Combativité, c'est de réunir (peut-être naïvement) toutes les façons de jouer au JdR qui préservent le lien avec le personnage.
Si l'approche "Auteur" peut paraître peu reluisante telle que je la présente, c'est sans doute parce que je n'arrive pas à faire abstraction de l'ennui que cette approche me provoque. Mais je la considère pourtant comme une façon légitime de faire du JdR. Mais je laisse d'autres en vanter les mérites.

LPCO est pour moi un exemple de la façon dont on peut jouer une connexion avec notre personnage qui ne soit pas combative, et qui ne soit pas non plus dans un rapport d'auteur à la fiction (qui n'est pas, comme je l'ai déjà expliqué, identique à la posture décrite par Ron Edwards, car il s'agit d'une approche globale et non pas momentanée). Et je le classe dans l'Absorption. Pour autant, je sais que pour en avoir discuté avec d'autres (je te donne des noms en privé si tu veux), LPCO se joue plutôt en Auteur. Ce n'est pas mon avis pour les raisons données dans ces deux liens.

Je parle aussi de Prosopopée dans l'article, es-tu OK pour dire que dans Prosopopée, on n'est pas dans une approche "immersive" classique ?
La grande différence entre LPCO et Prosopopée à mon avis, c'est que la production de fiction (qui n'est ici qu'un raccourci pour contenu fictionnel malléable) dans LPCO ne se fait pas "au présent" (cad que la production de contenu fictionnel malléable est tourné vers des souvenirs). J'imagine que dans Sur la Route de Chrysopée, il doit y avoir une Absorption similaire : le fait de raconter beaucoup de choses qui sont extérieures à mon personnage n'empêche pas de rester concentré prioritairement sur le personnage, qui il est et qu'est-ce qui le concerne, parce qu'on fait comme si on fouillait ses souvenirs.
Parce que l'Absorption dont je parle ambitionne d'approcher une conception du rapport joueur-personnage qui s'étende au delà de cette conception classique de "l'immersion" car englobant les pratiques au partage de Responsabilité large.
Forcément, dès que l'on conçoit une connexion au personnage dans les jeux et pratiques où le partage des Responsabilités est large, on s'éloigne d'emblée de la conception "classique" de l'"immersion").

Je pense que le rapport au personnage dans le JdR est d'une extrême souplesse, car il y a une perméabilité entre la connexion à la "volonté" du personnage, à ses pensées, ses perceptions, sa mémoire (j'en parle ici), ainsi, dans des cas de figure très particuliers, le "narrateur" (tel qu'on le définit dans un roman) et l'acteur (tel qu'on le définit au théâtre) peuvent se mélanger en JdR. Et je pense que c'est exactement ce qu'il se passe dans LPCO.
Dans Imaginarium, le jeu de Gaël, le personnage connaît le monde "fantastique" dans lequel il se retrouve par ce que c'est celui du roman écrit par sa mère. Ainsi, quand le joueur dit : "je me souviens, dans la forêt voisine, vivent des esprits sylvestres, ils pourraient peut-être nous aider à chasser les créatures maléfique", il est toujours connecté à son personnage alors qu'il construit des choses qui lui sont extérieures (et qui ne sont pas connues à l'avance par les participants).
D'une manière très différente et pourtant proche de LPCO, cela est tout à fait compatible avec ce que j'appelle Absorption.

J'espère réussir à mieux te faire comprendre mon idée et si elle n'est peut-être pas bien expliquée dans l'article (je me suis concentré sur d'autres aspects de l'Absorption), elle était déjà très présente dans ma tête quand je l'ai écrit.
Le fait de laisser de côté le MJ est volontaire. Mais en réalité, il fait pleinement partie de ma réflexion, mais je l'intègrerai dans un second temps. J'ai beaucoup à dire à son sujet, mais chaque chose en son temps.

Re: Limbic Systems - le blog théorique

28 Jan 2016, 13:29

J'ai enfin trouvé le temps de lire l'article à tête reposée. Dans l'ensemble même si j'ai à redire sur plein de détails - et n'ai hélas pas le temps de développer comme cela me mériterait, peut-être un jour via des articles ? - j'ai plutôt apprécié cet exercice. Je trouve intéressant en effet de donner des postures immersives différentes de l'unique "Immersion". La combativité me paraît assez clair, et une bonne source d'immersion.

Parfois l'article donne le sentiment de reprendre deux des agendas créatifs (combativité-ludisme et absorption-simulatonnisme) et de les changer en postures pour admettre qu'un joueur peut passer de l'une à l'autre en cours de partie.

Comme d'autres je pense qu'il manque encore certains pans d'immersion possible, et je ne suis pas forcément d'accord avec cette tendance à créer des concepts d'excluant mutuellement (si l'absorption renforce la combativité, ne peut-on dire que les deux ne s'excluent pas nécessairement ?). Le phénomène me paraît intuitivement plus complexe que ça. J'aurais tendance à croire que le recul sur le personnage et la posture de metteur en scène ou d'auteur peuvent être sources d'immersions (immersion dans la partie, dans l'histoire racontée et même renforcement de l'immersion dans le personnage).

J'ai été étonné par la partie sur les limites de l'absorption, qui sont pertinentes (cela m'a personnellement apporté matière à réflexion, d'ailleurs j'avais loupé l'article de G. Pogorzleski) mais qui sonnent un peu comme le constat d'échec du jdr, en faisant presque le parent pauvre du grandeur nature ou du théâtre par exemple. Je ne sais pas si c'est moi qui ajoute cette tonalité ?

Sinon l'exemple de LPCO est intéressant. J'essaie de me souvenir de ma partie avec Steve... j'avoue y avoir joué un peu comme j'ai joué à Breaking the Ice, The Beekeeper, d'autres jeux dont le nom m'échappe (Shades ?) mais aussi - dans une moindre mesure - Prosopopée. Avec un attachement à l'esthétique assez appréciable, mais sans immersion véritable dans le personnage. Alors que ces jeux ont des systèmes très différents... Il faudra vraiment que je réfléchisse aux raisons.

Re: Limbic Systems - le blog théorique

28 Jan 2016, 13:34

Pour moi, et sans chercher à convaincre qui que ce soit, le découpage qui me paraît le plus logique et qui me sert à moi pour réfléchir à mes pratiques, est le suivant :

+ jeu tactique = mode pion = immersion dans la résolution des défis (flow).
+ jeu moral = combativité + absorption = immersion dans le personnage = mode simulacre
+ jeu esthétique = mode auteur = immersion dans l'émission et la réception du monde imaginaire en mouvement (dont les propriétés du personnage ne sont qu'une partie).

Je suppose que postures et types d'immersion peuvent se déplacer d'un type de jeu à l'autre, mais à mon sens ce sont les associations les plus logiques. Je vous remercie de voir ces liens non comme des égalités, mais comme des congruences, des synergies.

Re: Limbic Systems - le blog théorique

28 Jan 2016, 14:44

Vivien : ce n'est pas tant qu'ils s'excluraient dans le sens où ils seraient incompatible, mais plutôt que l'on peut les articuler : dans les moments où je joue de manière combative, je ne suis pas en Absorption et inversement, mais les deux s'articulant au cours d'une même partie, ils se complètent en quelque sorte, sauf dans les pratiques où l'un devient exclusif.

Thomas : je ne peux pas souscrire car je ne considère pas qu'une approche tactique soit forcément en "pion". Ce serait forcément dire que l'approche esthétique est forcément "auteur". Or, c'est justement ce que je veux éviter avec cet article. La Combativité peut être tactique, morale ou dans d'autres formes d'accomplissement.
L'Absorption peut également se trouver dans chaque approche (ce qui s'oppose aux approches auteur et pion).

Re: Limbic Systems - le blog théorique

28 Jan 2016, 15:08

J'oubliais : concernant les limites de l'Absorption.
Je ne pense pas qu'il faille le voir comme un constat d'échec, mais plutôt comme une nécessité de reconnaître les spécificités du JdR (ou peut-être juste sa diversité, c'est selon).

Re: Limbic Systems - le blog théorique

28 Jan 2016, 15:32

Frédéric a écrit :J'oubliais : concernant les limites de l'Absorption.
Je ne pense pas qu'il faille le voir comme un constat d'échec, mais plutôt comme une nécessité de reconnaître les spécificités du JdR (ou peut-être juste sa diversité, c'est selon).


Cela mériterait un article entier je pense, car on parle moins de spécificités que de limites indépassables ici. Reste à voir en quoi c'est aussi positif, ou en quoi ce n'est pas si grave - la liste a un côté définitif et assez pessimiste je trouve.

Re: Limbic Systems - le blog théorique

28 Jan 2016, 15:54

OK, qui s'y colle ?

Je pense que chaque groupe trouve ses solutions : je parle par exemple du fait d'accepter que l'on joue des personnages qui nous ressemblent comme une possibilité.

Pour ma part, depuis que je fais une différence nette entre joueur et personnage, ces choses là me posent nettement moins de problème, je les ai acceptées et je me concentre davantage sur mon empathie pour le personnage et sur le fait de plaider pour lui qu'à essayer d'être lui et le système devient un excellent moyen pour apporter une dimension que le théâtre ou le GN n'ont pas .

J'ai le sentiment que dans certains jeux de l'American Freeform (comme une partie du Norwegian Style), le fait d'engager le corps dans le jeu, façon GN, tout en gardant une part très proche du JdR sur table semble être une manière de créer une dimension supplémentaire.

Il y a sans doute un grand nombre de façons de résoudre ces limites ou de les assumer. Si vous voulez en parler ici, n'hésitez pas, je suis très curieux de ça.

Re: Limbic Systems - le blog théorique

28 Jan 2016, 16:34

Frédéric : je suis d'accord pour admettre qu'on puisse jouer en dehors des congruences que je propose, jouer en combativité-absorption dans un jeu esthétique ou tactique, jouer en mode auteur dans un jeu moral (j'ai par exemple, lors d'une partie d'Inflorenza minima, qui est un pur jeu moral, essayé, en tant que MJ, de challenger un joueur sur la relation ambigue entre sa personnage et un figurant, le figurant était amoureux d'elle et cherchait à négocier ses faveurs, et elle ne l'aimait pas, mais l'utilisait. J'ai essayé de lui proposer des challenges via ce personnage, qui la pressait de plus en plus de concrétiser leur relation en contrepartie des services qu'il lui rendait, et le joueur a joué le malaise de sa personnage POUR ME FAIRE PLAISIR. ça n'avait rien à voir avec de la combativité ou de l'absorption, et ce n'était pas un comportement que j'attendais. Dans mon idée, je jouais moral, pervy, si la relation avec ce figurant lui posait dilemme, je m'en servais comme d'un bang, si ça ne lui posait aucun problème, j'aurais creusé ailleurs. Pour moi, le joueur a joué le malaise de sa personnage en pur mode auteur.)

Ce que je distingue, c'est deux choses : ce que fait le personnage (défendre ses intérêts, ou non), et ce que fait le joueur (défendre les intérêts de son personnage : combativité + absorption, jouer en mode pion, jouer en mode auteur). Et le personnage peut défendre ses intérêts alors que le joueur à tout autre chose en tête que la combativité ou l'absorption, bref je distingue le personnage de la posture.

Et je maintiens qu'au vu de cette analyse, les synergies qui me sont les plus évidentes, sont jeu tactique = mode pion, jeu moral = combativité+absorption, jeu esthétique = mode auteur. Mais ce sont des choix stratégiques que je fais en tant que game designer, c'est ma vision de comment les joueurs se comportent en général, je sais qu'il existe des exceptions (comme celles que je cite), et aussi des jeux ou des parties qui échappent complètement à l'étiquetage tactique/moral/esthétique.

Quand je joue aux Cordes Sensibles, je joue en mode auteur. Franchement, j'y ai joué pour faire du jeu, parce que le partage de responsabilités large m'empêchait de jouer en combativité+absorption, j'avais trop de responsabilités sur la réussite de la partie, trop de besoin d'harmoniser le jeu, donc j'y ai joué en mode auteur (notamment dans ma première scène intime où je décris un Paris hanté par le fantôme de mon père, ou dans certaines scènes cadrées où je fais solliciter les autres personnages pour créer du jeu).

Quand j'ai joué à Démiurges, comme il y avait un partage de responsabilités plus serré, un MJ et un canevas qui proposait un dilemme moral à opposer aux personnages, j'ai eu le sentiment que les joueurs pouvaient vraiment jouer en combativité-absorption.

A mon sens, dans Démiurges, on joue moral, les joueurs éprouvent des dilemmes moraux. Dans Les Cordes Sensibles, on joue en mode auteur, on joue esthétique, une esthétique du dilemme moral : peut-être que les personnages ont des dilemmes moraux, mais les joueurs sont occupés à raconter plus qu'à les vivre.
Je suis loin de proposer une analyse définitive sur ses jeux, je pointe ce qui me semble être les postures gagnantes que je prends pour jouer à ces jeux : c'est donc d'une subjectivité très assumée.

Re: Limbic Systems - le blog théorique

28 Jan 2016, 16:46

OK.
Nous on joue à LCS en défendant les intérêts de nos personnages. Pour peu que le Metteur en scène s'occupe plus du décor, on peut tout à fait jouer en partage de Responsabilités plus serré. C'est même ce qu'on fait le plus clair du temps quand on est Protagoniste.

Mais soit, il s'agit de façons de jouer. Il y a ce que font les personnes et ce que le jeu renforce. Et ces choses-là peuvent se trouver complètement contradictoires dans une partie donnée.
Et comme je l'ai dit plus haut : c'est une erreur de croire qu'un partage de Responsabilités large ne renforce pas l'Absorption ou la Combativité.

Re: Limbic Systems - le blog théorique

28 Jan 2016, 16:54

Je vais me permettre de poursuivre sur Les Cordes Sensibles (bien que j'admette que mon expérience du jeu soit forcément beaucoup plus mince que la tienne, et que de surcroît je la passe au crible de ma propre façon d'analyser les choses). Dans ce jeu, le fait qu'il y ait une incitation mécanique à jouer les sentiments du personnages, crois-tu que ça renforce l'absorption, ou n'est-ce pas plutôt une invitation à faire de l'esthétique ? Ne vais-je pas me sentir récompensé si j'improvise des sentiments pour mon personnage (certes, ils ne partent pas de rien, on est amené à rejouer un sentiment que le personnage a déjà ressenti précédemment), plutôt que si j'avais le bride sur le cou, et que je laissais libre cours aux sentiments que je ressens réellement à cause de la situation de mon personnage ? Je suis loin de prétendre que Les Cordes Sensibles enferme dans le mode auteur, car le positionnement est complet, mais pour les raisons que j'ai énumérées dans mon post précédent et celui-ci, je me sens bien plus invité à jouer en mode auteur dans ce jeu qu'à Démiurges. Tout comme je le serais à Prosopopée, où en tant que joueur, je défendrais une communauté et une esthétique que les intérêts ou l'image de mon personnage, Médium éthéré.

Re: Limbic Systems - le blog théorique

28 Jan 2016, 18:01

Ton erreur est de penser que ce que ressent le joueur est forcément ce que ressent le personnage. La logique de LCS est justement de s'interroger sur ce que pourrait ressentir le personnage (qui, rappelons-le, n'existe pas).
Parfois le joueurs ressent quelque chose et il va décréter que son personnage ressent la même chose et parfois il pourra décider que son personnage ressent quelque chose que lui ne ressent pas vraiment. Il y a une prise de recul pour déterminer le sentiment du personnage (brève).
La mécanique n'encourage pas l'Absorption à proprement parler, elle encourage à s'intéresser aux sentiments du personnage (et du joueur). Puis quand on joue le personnage et qu'on exprime son sentiment, là on peut être en Absorption.

Il est également possible que des joueurs évitent l'Absorption pour ne pas s'exposer à des émotions ou des situations qui les ferait sortir de leur zone de confort.

Pour être en mode Auteur pendant la majorité de la partie, ça signifie ne pas défendre les intérêts du personnage ou se contenter de décrire des choses pour des raisons externes à ce qu'est le personnage (lancer des opportunités aux autres, montrer comme on est un bon narrateur, mettre gratuitement son personnage dans la mouise, ou juste s'intéresser à des scènes intéressantes sans rechercher de connexion avec le personnage...). Quand je joue à LCS, tout ce qui m'intéresse, c'est qui est ce personnage et comment il réagit aux situations, quelle est sa relation avec les autres, comment va-t-il les aider ou se venger, etc. Donc la plupart du temps, je défends les intérêts de mon personnage, et j'agis pour obtenir ce qu'il souhaite en m'aidant des mécaniques du jeu (Combativité) et j'explore l'être de mon personnage en lui donnant une personnalité, en décrivant qui il est, quelle est son histoire, comment il vit ses relations (Absorption). Parfois je prends du recul (et parfois je suis Metteur en scène aussi, ce qui est différent), mais c'est pour mieux revenir en Absorption ou en Combativité.

Si tu joues en te déconnectant sans cesse de tout cela, oui tu es en Auteur. Mais je ne pense pas que le jeu y soit pour beaucoup.

Re: Limbic Systems - le blog théorique

28 Jan 2016, 18:44

Merci d'avoir pris tout ce temps pour m'écouter et répondre. Je n'ai rien à ajouter pour le moment :)
Sujet verrouillé