[Sphynx] La tour de Babel

Pour suivre mes jeux, avant et après publication

[Sphynx] La tour de Babel

Message par Fabien | L'Alcyon » 21 Sep 2013, 16:32

Salut tout le monde, voici mon premier rapport de partie de Sphynx. Jusque-là je n'ai rien publié parce que le jeu marchait vraiment comme sur des roulettes, donc pas besoin de chercher de l'aide. Cependant, nous avons testé vendredi soir Sphynx avec Vivien, Shiryu et Steve; alors que la partie m'a paru bonne et solide (même si elle n'avait rien d'exceptionnel), les critiques sur le jeu ont été assez dures dans le débriefing et j'aimerais comprendre avec vous pourquoi.

Je vais commencer par présenter le fonctionnement général du jeu avant de décrire un peu plus la partie et mon point de vue dessus, puis de développer les questions que j'aimerais discuter avec vous, évidemment avec Vivien, Shiryu et Steve en premier, mais toutes les autres contributions sont les bienvenues.

Présentation de Sphynx
Dans Sphynx vous jouez des explorateurs partis à la découverte de ruines aussi vieilles que l'humanité. Ces ruines recèlent des secrets sur la métaphysique du monde, leurs habitants avaient fait des découvertes transcendant la mort, l'humanité, le langage... et ont disparu. Les explorateurs vont non seulement partir à la découverte de ces ruines, mais également à la découverte d'eux-mêmes: ils vont découvrir petit à petit qu'ils ont déjà vécu dans ces ruines dans une précédente incarnation, ils sont les réincarnations d'anciens habitants de ces lieux.

Le meneur de jeu a préparé des lieux avec une méthode, notamment une série de révélations à faire aux joueurs. Les joueurs durant la partie font un effort intense pour créer au pied-lever des découvertes mineures ou des suppositions de leurs explorateurs. Ainsi, ils accumulent des dés qui leur permettent ensuite d'obtenir les révélations préparées par le meneur. Les joueurs peuvent aussi progresser et s'éveiller spirituellement, ce qui les aide également pour obtenir ces révélations.
Les règles sont un peu plus complexe, mais vous avez là une idée générale du fonctionnement du jeu.

Sphynx est l'aboutissement d'un long travail sur la question de l'esthétique (dont de nombreux tests sont consultables sur silentdrift). Comment créer de la beauté en jeu de rôle ? Prosopopée et Sens Néant sont déjà des projets très ambitieux et très réussis dans ce sens et je voulais pouvoir apporter à ce champs-là. Jusqu'à hier soir, j'étais assez heureux que le développement du jeu ait pris si peu de temps : une dizaine de jours d'écriture et le succès dès les premières parties (dont la première a donné lieu à un podcast).

Préparation de la partie
Voici ce que j'avais préparé pour la partie:
  1. Savoir transcendant : Cette civilisation a découvert le moyen d’agir directement par le langage, affectant immédiatement la réalité.
  2. Pourquoi cette civilisation a-t-elle disparu ? Les désirs et les passions des uns et des autres ont mené ce peuple à sa ruine, en donnant trop de pouvoir à chacun.
  3. Région: Le désert irakien.
Révélations
Les restes d’une immense tour enfouie et brisée au milieu, façon tour de Babel.
Une civilisation apparemment sans outils, ni culture, ni traitement des déchets, etc.
Des bas-reliefs évoquant une formidable guerre, des affrontements soulevant des montagnes, vidant des régions entières de leurs habitants. Aucun survivant.
Une vaste bibliothèque aux portes épaisses comme celle d’un bunker écrite dans une version plus complexe de l’écriture cunéiforme. Elle est constituée presque exclusivement d’ouvrages de linguistique, de littérature, de traduction, de prononciation…
Une carte de la région qui semble complètement bouleversée, comme si le monde avait été mis sans dessus-dessous entretemps.
Un langage permettant d’affecter directement la réalité à la façon de la parole divine que rapporte la Bible.
Un laboratoire où reposent des tentatives avortées de créer les premiers animaux à l’aide du Verbe. C'est ici que la plupart des animaux domestiques que nous connaissons ont été créés par le langage pour nourrir la population ou pour s’amuser.
Des recherches pour parvenir à prononcer le symbole de la civilisation. Il est dit que celui ou celle qui le prononcera pourra recommencer la création et aura les pouvoirs similaires à ceux de Dieu.
Des restes de charniers, de massacre, mais pas une seule arme ne demeure. Les corps sont intacts, ni malades, ni affamés, ni détruits d’aucune manière. Tués par le Verbe.
  1. Il y a-t-il des survivants ? En dehors du vieillard, il n’y a pas de survivants, les lieux sont vides et funèbres.
  2. Le gardien des lieux est un vieillard immortel, grand et à la longue barbe blanche, agissant avec des éblouissements, des pluies de grenouilles et d’autres miracles langagiers. Il a survécut mais est affecté par un bégaiement qui l’empêche d’utiliser son pouvoir à pleine puissance. Il se bat pour que son héritage ne soit pas volé une fois de plus, après Moïse, Jésus et quelques autres.
  3. Cette civilisation a pour symbole un étrange mot unique, représentant le monde, la totalité, l’universel indivisible.
Mon point de vue sur la partie
J'ai beaucoup aimé cette partie. Il m'a semblé que les joueurs ont vraiment pris du plaisir à jouer avec l'esthétique de l'univers et que la partie s'est passée dans une bonne ambiance générale (on a bien rigolé). Ils sont partis sur une explication de la guerre, en expliquant qu'un dieu avait été créé puis combattu par une partie de la population lorsqu'ils se sont rendus compte qu'il était trop dangereux, puis réduit à l'état d'un buisson ardent éternel. En soi, ce processus a posé problème parce que les joueurs s'éloignaient progressivement des révélations et s'intéressaient plus à leur histoire qu'à celle que proposaient les ruines - les règles disent que les créations des joueurs doivent rester mineures en comparaison de celles de la préparation, j'aurais dû m'en rendre compte et calmer leurs ardeurs mais je ne l'ai pas fait, parce que ce qu'ils inventaient me semblait génial !
Pour donner une idée de quelques unes des créations des joueurs que je trouvais vraiment fortes :
  • Shiryu a décrit un observatoire du soleil enfoncé dans la montagne, où une immense lentille concentre les rayons du soleil sur le sol pour discerner les taches solaires et déterminer quelle est l'humeur du soleil
  • Vivien a développé une vie antérieure de son personnage dans lequel il était un scribe ayant travaillé d'arrache-pied pour maîtriser le langage adamique et le langage de Dieu, écrivant les livres qu'il lit lui-même.
  • Steve a raconté comment son personnage, après avoir été brûlé par le buisson ardent, a la main droite éternellement brûlée, se transformant ainsi en porteur du feu divin.
J'ai vraiment adoré ces descriptions ! Oui il y avait beaucoup de contradictions et d'éléments qui n'ont pas été réutilisés, mais c'est tout à fait dans ce qu'attend du jeu: créer beaucoup, retenir le meilleur et faire de mieux en mieux.
Bref, j'ai eu le sentiment que le jeu marchait bien, malgré ses quelques défauts que je lui connais.
J'ai donc été surpris par les critiques (fondées) de Vivien, Steve et Shiryu (encore que ce dernier a précisé plusieurs fois, y compris par mail privé que la partie lui avait vraiment plu).

A ce stade-là de mon rapport de partie, je crois que ça vaut la peine de tenter d'évacuer certaines questions d'ordre "relationnel" ou "humaines".
D'abord il y a nécessairement une part d'orgueil du créateur dans ma déception. J'avais l'impression d'avoir un jeu qui roule, j'étais content de moi et de ma rapidité de développement, plus on monte haut, plus dure est la chute. Et ma vision de la partie est forcément biaisée, comme des papas que je connais qui regarde avec amour et fierté le moindre mot ou agissement de leur enfant de quatre ans ! Faisons comme si cet orgueil ne jouait pas ici.
Ensuite, je tiens à dire que je n'ai pas de ressentiment envers Vivien, Steve et Shiryu. C'est important de le préciser, d'une part parce qu'ils font l'effort de tester mes jeux (ce qui n'est pas toujours évident), d'en formuler des critiques justes et que les points qu'ils ont soulevé étaient souvent très pertinents, par exemple le fait que quand une action pour obtenir une révélation échoue, il ne se passe rien (ou presque), problème que je n'ai pas encore abordé, ou encore le problème de rythmer la partie correctement à l'aide de la difficulté croissante.

Ce qui me pose vraiment problème, c'est que nous n'avions pas la même perception des mêmes événements, nous n'avions pas la même "valorisation" de ce qui s'était passé durant la partie. Qu'est-ce qui était bien, qu'est-ce qui ne l'était pas ?
Il y a plusieurs éléments qui m'ont vraiment retourné le cerveau (comme les descriptions ci-dessus). Ca correspondait exactement à ce qui me plait dans ce jeu et ce que je voulais y trouve en le créant. Je me suis rempli la tête d'images fortes, créées par les autres participants de la partie.

Mais il semble que Steve, Vivien et Shiryu cherchaient autre chose dans la partie, ou du moins qu'ils n'ont pas trouvé que ce que j'aimais était satisfaisant. Ca m'interroge. Comment faire, en tant que concepteur de jeu, pour transmettre aux autres ce qu'on aime et recherche dans son propre jeu ? C'est terriblement difficile à exprimer par des mots, c'est particulièrement subtile. Si les autres participants ne voient pas, comment le leur révéler ? Comment les règles du jeu peuvent-elles l'encourager ?
Ca me semble être un problème fondamental de conception de jeu. Est-ce que The Forge avait déjà traité quelque chose de similaire ? Ca me dit quelque chose mais je ne suis pas sûr de retrouver la référence.

Peut-être que le problème se pose sous la forme suivante: les règles permettent de créer des enjeux parasites dans le jeu, elles n'anesthésient pas assez bien tout ce qui ne correspond pas au coeur de la dynamique sociale recherchée. D'où le fait que les joueurs aient pu créer un enjeu (pourquoi la guerre s'est-elle déclenchée) qui n'aurait pas dû être au centre de la partie et a fini par en chasser les révélations des ruines. Dans Prosopopée, par exemple, tous les enjeux en-dehors de l'esthétique central du lieu sont anesthésiés: les personnages ont de bonnes raisons d'agir, les mécaniques ne permettent pas de forte optimisation, les buts des personnages ne sont pas questionnables...

Ca touche à un problème quasi-philosophique qui me hante depuis longtemps: comment arriver à transmettre des sentiments aussi complexes que les sentiments esthétiques ? Peut-on vraiment y arriver ? Et peut-on être certain que l'on est bien compris ? Bref, les philosophes du langage parmi vous ont encore beaucoup à faire.

Voilà, toute aide ou réflexion sur ce problème sera la bienvenue. Je précise volontiers n'importe quel élément de cette partie à la demande.
Fabien | L'Alcyon
 
Message(s) : 788
Inscription : 06 Mai 2010, 11:07
Localisation : Strasbourg

Re: [Sphynx] La tour de Babel

Message par shiryu » 21 Sep 2013, 18:07

Merci bien pour ce CR. En tout cas, je pense qu'il est juste (pas au sens correct mais contraire de injuste).
Je suis désolé si cela t'a un peu déçu, nous avons d'ailleurs oublié la question finale : est-ce que ça va ?
Tu l'as dit, et c'est clairement le plus important pour moi : j'ai aimé la partie (sympa, créativité, immersion, rigolade par moment mais c'était soit pour évacuer un peu soit parce que l'expérience humaine que nous vivons en partageant ces soirées créer des liens mais le jeu en lui-même n'avait rien de drôle : nos persos ont plutôt pleurer et vomi d'écoeurement), je me la remémore avec plaisir, j'en ai parlé à ma femme avec enthousiasme et ferais de même avec Jeronimo.
Les remarques que j'ai pu faire ne sont pas non plus d'ordre de créateur de jeu (ça serait très prétentieux de ma part) mais plutôt du retour de joueur qui aurait envie d'y rejouer ou du MJ qui cherche quelques conseils pour éviter que certains points rouges puissent trop nuire à mes futures parties (car oui, très clairement, je me vois y rejouer et le maitriser).

Maintenant que ces quelques précisions qui me semblaient importantes sont faites, je vais cibler davantage.

Je vais commencer par un si.
Si tes muffins n'avaient pas été chauds, aurions nous mangé à 18h30 ? Si la réponse est non, nous aurions pu jouer 1-2h avant de faire une pause pour manger. Cela aurait collé à tes suggestions d'ailleurs, de faire des pauses. Car ce jeu demande de la créativité de la part des joueurs et c'est un effort, donc c'est épuisant mentalement (comme tu l'as dit, je trouve qu'on a crée pas mal d'idées et avec un bon ratio de bonnes que nous avons repris ensuite). Je te parie que nous aurions beaucoup parlé de l'histoire, tel des archéologues au coin du feu avant de reprendre les fouilles le lendemain. Je te parie aussi que nous serions reparti avec le plein d'énergie et d'idées.

Ensuite, la discipline intellectuelle. Vivien et moi nous sommes beaucoup appuyé sur celle-ci (je pense que Steve s'est plus appuyé sur son questionnement métaphysique). Vivien suggérait que nous ayions la même, histoire de partir sur un même thème et pas trop nous disperser. Je pense avoir compris que c'est une invitation à créer dans ce sens, une béquille pour nous aider à créer de la fiction, mais nos persos étant compétent en tout, c'est effectivement de la couleur. Si on prend tous la même discipline, ça recentre évidemment les recherches mais j'ai peur que ça devienne extrêmement difficile de nourrir la fiction avec un seul fil conducteur. Par contre, pour que ça ne soit pas que de la couleur, je.. je ... je cherche le verbe qui va bien... (oui, je fais mon Fabien !) je pense qu'en tant que maître, j'ajouterais la règle suivante si cette discipline reste juste de la couleur : l'élément de la fiction apporté dans sa discipline ne peut pas être contesté par les autres PJ. Un exemple qui aurait pu se produire avec les règles telles que je les perçois actuellement. Le linguiste découvre une tablette avec une écriture étrange qu'il identifie comme de l'araméen. Rien n'empêche l'astronome de dire "non tu te trompes, c'est du ...". Ca peut vite dégénérer entre joueurs qui vont jouer à se charier. Je ne crois pas que ce soit le propos du jeu.

Enfin, pour ma réflexion de la nuit, je reviens sur le terme "révélations". Pour moi, c'est assez différent de "découverte". Et je pense que c'est peut être là un élément de réponse sur ton questionnement
Mais il semble que Steve, Vivien et Shiryu cherchaient autre chose dans la partie, ou du moins qu'ils n'ont pas trouvé que ce que j'aimais était satisfaisant. Ca m'interroge

Certaines révélations n'étaient pas assez différentes des découvertes. Nous attendions autre chose qu'un nouvel élément lorsque nous franchissions un palier. Nous attendions une explication, un lien entre les choses. Je crois que c'est le mot qui est à l'origine de l'incompréhension. Peut être devrais-tu parler de 4 découvertes majeures puis de 4 révélations, voir même, suivant la piste qu'explore les joueurs, soit donner une des découvertes majeures, soit une des révélations. Le point qui illustre le mieux mon point de vue, c'est la 7ème révélation. Elle aurait été très bien en 2 ou 3ème. Après, comme nous l'avons fait hors jeu, je ne sais pas exactement comment elle aurait été amené ni ce qu'elle nous aurait vraiment appris mais pour moi, c'était plus de nouvelles questions qu'une réponse. Un dernier point sur les révélations. On peut les gagner à coup de dés. OK, très bien, il faut que ça puisse avancer. Mais tu as parlé d'un autre moyen, un jeu dans le jeu, qui donne à la partie un côté enquête quand même : si on trouve seul une révélation, on franchit le palier gratos. Ca c'est bon ! Et je pense clairement que c'est comme ça que les joueurs peuvent finir le lieu sans trop s'enliser. Mais si tes révélations sont justes de nouvelles découvertes, c'est juste un gros coup de cul. OK, ça fait une règle qui palie au bug "ben je révèle un truc que vous savez déjà". Si au contraire tes révélations sont des secrets, des explications, des liens, et c'est comme ça que j'ai compris ce mot mais c'est peut être moi qui fait fausse route, les archéologues peuvent chercher à comprendre et le jeu récompense cette démarche. Et j'ai presque envie de dire que la 8ème révélation n'était absolument pas une découverte pour nous. Le linguiste avait clairement et très largement exploité et exploré cette piste, un palier aurait du nous être offert.
Sinon, c'est un peu l'effet wii : tu peux mimer les gestes et te prendre au jeu mais si tu agites juste la wiimote avec le poignet sans bouger le bras, ça marche aussi bien et voir mieux (car geste plus court donc plus rapide). Pour sphinx, si tu te rends comptes qu'il n'y a rien à comprendre mais qu'il suffit de fouiller les pièces une par une et de dire ce que tu y trouves pour gagner des dés pour faire des jets jusqu'à ce que tu trouves la bonne salle, je pense que le jeu perd de son intérêt immersif.

Maintenant, je recentre sur ton questionnement : « qu'ils n'ont pas trouvé que ce que j'aimais était satisfaisant »
Je pense, et là je ne parle que pour moi, et j’attends réellement de lire la position des autres sur le sujet, que nous ne sommes pas arrivé pour jouer une partie avec un but précis. Si nous sommes allé dans le sens que nous avons pris (et j’ai le sentiment que tous les 3 avons cherché des réponses), c’est parce que la fiction nous donnait envie de le faire. Est-ce le système ? est-ce le lieu (et un autre n’aurait pas donné un tel résultat) ? Est-ce tout simplement parce que si je découvrais la civilisation qui avait le pouvoir des dieux, je ne serais pas capable de juste me dire « oh c’est magnifique, on va pouvoir faire une superbe expo au Louvre » mais que je voudrais ce pouvoir (ou empêcher un autre de l’avoir). Attention, cette phrase peut donner un côté très réducteur à « sentiments esthétiques », ce n’est pas mon but, c’est juste que je me sens un peu largué par ce concept.
C'est peut être dans cette direction qu'il faut creuser. On en rediscute quand tu veux, et on refait un autre lieu quand tu veux aussi.
dernier article : mon premier jeu à venir
Force Céleste : 77
shiryu
 
Message(s) : 349
Inscription : 25 Juin 2012, 13:31

Re: [Sphynx] La tour de Babel

Message par Frédéric » 22 Sep 2013, 01:24

Hello Fabien,
quelques questions pour essayer d'y voir plus clair :
  1. Est-ce que tu cherches à tirer parti de la créativité des joueurs ? Dans ce cas, devoir créer des choses "mineures" n'est-il pas un frein pour cela ? Quelle est cette limite idéale ? Quand bien même les joueurs la respecteraient, es-tu sûr que cela ne contredirait jamais la préparation du MJ, ou n'en détournerait jamais les joueurs ?
  2. Généralement, il est difficile de permettre aux joueurs d'inventer du Contenu au pied levé qui aille dans la même direction que ce qu'a prévu le MJ, si le MJ cache une partie déjà préparée à l'avance dudit Contenu. Innommable v008 fonctionne très bien sur cet aspect, car les joueurs n'inventent au final que "la forme que revêt le surnaturel dans l'histoire" que le MJ n'a plus qu'à greffer à la Source du mal. La créativité se porte sur un aspect spécifique du Contenu que le MJ a volontairement laissé indéterminé pour pouvoir réincorporer les inventions au pied levé des joueurs à ce sujet. Si le MJ définissait à l'avance la forme de la Source du mal, lui coller les descriptions des monologues des joueurs serait une gageure.
  3. Y a-t-il un but ou enjeu autre que "découvrir ce qui compose ces ruines". (par exemple dans Prosopopée et Sens Néant, les deux exemples que tu cites, les joueurs ont des objectifs : aider les gens qui ont des problèmes et protéger la reine et le royaume, grosso-modo).
  4. Comment fais-tu coïncider la découverte du lieu et de ses secrets avec la quête transcendantale de chaque joueur ?
Frédéric
 
Message(s) : 3111
Inscription : 08 Déc 2007, 13:27
Localisation : L'Arbresle (69)

Re: [Sphynx] La tour de Babel

Message par Mangelune » 22 Sep 2013, 10:47

Allez Fabien courage, je suis sûr qu'il n'y a pas tant de choses que ça à modifier !

Comme le dit Shiryu nous ne sommes pas arrivés avec des a priori, ce que j'ai cherché dans la partie est plus ou moins lié au système de jeu finalement ! A ce titre effectivement j'y ai trouvé des choses intéressantes (la fiction créée, le fait de jouer un pur scientifique en quête de quelque chose, une partie sans conflits véritables ce qui est à la fois une qualité et un léger manque) et d'autres plus gênantes (plusieurs pannes d'inspiration et le besoin de faire un gros effort pour relancer l'histoire, un ralentissement du rythme à la fin et des révélations officielles s'éloignant peu à peu de la fiction).

L'opposition entre la nécessité qu'ont les joueurs de créer (on parle bien ici de nécessité, sans créations pas d'avancées) et les révélations délivrées par le MJ est à mon sens le talon d'Achille de Sphinx. Lâcher la bride à l'imagination des joueurs c'est être sûr que les Révélations officielles finiront par devenir obsolètes (ce qui s'est passé lors de notre test), brider l'imagination c'est faire semblant de donner du pouvoir et risquer de voir rapidement tarir les descriptions.

Le principe de Quête métaphysique des personnages va lui aussi à l'encontre des Révélations puisque les Quêtes sont conçues au début de la partie (le MJ n'en a connaissance qu'au dernier moment) ; c'est par certains points la première création majeure des joueurs, la première source de divergence entre leurs envies et celle du MJ. On peut imaginer qu'un MJ ingénieux parviendra à jongler avec son cadre pour faire coller le tout (ce qui fut globalement le cas dans notre partie), mais peut-on demander autant d'adresse à un MJ qui aurait simplement acheté le jeu et se retrouverait à devoir mettre de côté toute sa préparation ?

Du coup Sphinx me paraît tenter un grand écart entre création et découverte, esthétique et enquête. Il serait sans doute possible :
- de renforcer l'aspect "enquête" en se concentrant sur les hypothèses des joueurs plutôt que sur leurs créations esthétiques. Je n'ai pas l'impression que ce soit ton objectif.
- de renforcer au contraire l'aspect esthétique en supprimant le principe des révélations et en travaillant sur une mécanique permettant au MJ d'ajouter ses propres éléments. Peut-être tout simplement que si un joueur réussit son jet, il créée la révélation majeure ; si il échoue, c'est le MJ qui la créée ? Cela résoudrait simplement le problème des échecs ; on pourrait imaginer d'ailleurs d'autres conséquences négatives supplémentaires à l'échec du joueur (des blessures, autre chose).
- d'essayer quand même de garder ce grand écart à condition de donner au moins un cadre plus serré à l'aventure : un canevas, une image, une quête métaphysique commune aux personnages (et liée aux révélations), etc. Le risque de dérapage sera un peu minimisé ainsi et le cadre pourra servir de contrainte créative aux joueurs ?

PS : Un pb mineur de la partie était lié au nombre de révélations, à leur nature, au rythme de progression. Autant de détails qu'il est facile d'ajuster en fonction des tests. J'aurais aimé une partie un peu plus courte pour pas épuiser mes ressources imaginatives, avec un rythme de révélations de plus en plus élevé.
Contes et histoires à vivre, un site pour parler des Errants d'Ukiyo, de Perdus sous la pluie et du reste.

Pensez aussi à la page Facebook officielle de Perdus sous la pluie.
Mangelune
 
Message(s) : 722
Inscription : 30 Avr 2013, 10:10
Localisation : Paris 18

Re: [Sphynx] La tour de Babel

Message par shiryu » 22 Sep 2013, 12:36

énorme coïncidence. hier soir, je suis tombé sur les momies de la route de la soie. Sans que cela tombe dans la question métaphysique, on est sur une question de vision du monde, l'équivalent du graal pour ce chercheur allemand.
En tout cas, en regardant ça, je me suis replongé dans l'ambiance du jeu à 100 %.
En regardant scoobidoo aussi ce matin mais des fois, ça le faisait moins.
dernier article : mon premier jeu à venir
Force Céleste : 77
shiryu
 
Message(s) : 349
Inscription : 25 Juin 2012, 13:31

Re: [Sphynx] La tour de Babel

Message par Fabien | L'Alcyon » 22 Sep 2013, 16:30

Salut à tous et merci pour vos réponses et votre soutien !

Alors, difficile d'aborder tous les points que vous mettez en avant. Je vais essayer de faire une réponse globale.

Pour commencer, j'aimerais écarter un malentendu: je ne crois pas qu'aucun de vous soit arrivé avec un a priori ou des attentes spécifiques sur le jeu, c'est bien impossible parce qu'on en avait tellement peu parlé ! Ce que je voulais plutôt dire c'est que j'avais le sentiment que ce qui vous plaisait n'était pas nécessairement ce qui m'intéressait dans mon jeu, ce que je voulais que vous aimiez dans le jeu. A nouveau, ça n'est pas et ça ne peut pas être un reproche, d'aucune façon. Je cherche à comprendre comment mon jeu peut « indiquer » où est le plaisir ludique, le fun qu'il propose.

Maintenant pour aller au coeur du sujet, il y a volontairement une contradiction fondamentale dans Sphynx, entre les créations des joueurs et la préparation. Tout le jeu, au sens de "la création commune des participants" devrait venir de là, c'est-à-dire que ce qui m'intéresse c'est la manière dont les joueurs vont s'approprier et reprendre à leur compte la préparation du meneur de jeu.
Je ne suis pas fou, je suis bien conscient que ça pose problème. Une solution que j'avais mise en avant durant la phase de préparation (avant les tests, donc) était que le meneur fait des révélations sur le lieu, et les joueurs creusent avant tout eux-mêmes, leurs propres personnalités, à travers les vies antérieures, les transformations, les éléments de réponse à la question métaphysique. Il y a aussi l'idée que des ruines ayant existé depuis aussi longtemps peuvent recéler de nombreux éléments, que les réminiscences d'anciennes réincarnations peuvent être biaisées (ce n'est jamais une science exacte), que la petite histoire est souvent très différente de la Grande.
Jusque-là, cette contradiction avait été plutôt fertile et n'avait pas posé problème (ou alors mes gentils testeurs n'ont pas voulu me le dire). Il faut donc des garde-fous, ou au moins renforcer les règles. J'entrevoie plusieurs solutions (mais comme toujours, je ne choisirai qu'après un certain temps de rumination):
  • changer l'identité des personnages, d'explorateurs à religieux ; après tout, des ordres comme ceux des jésuites ont su former des religieux avec une culture scientifique très solide, donnant de grands intellectuels ; ainsi on pourrait mettre en avant la dimension « recherche de soi-même » et donc concentrer l'attention des joueurs sur le développement de leurs personnages
  • préciser ce que j'entends par « révélations mineures », il faut impérativement un critère qui permette de trancher, mais lequel ? je pense que ce serait extrêmement préjudiciable pour la dynamique sociale que le critère soi « tout ce que vous voulez, sauf si ça empiète sur les révélations »
J'ai bien saisi qu'il y avait un problème sur le rythme et peut-être la nature des révélations. Je vais voir ce que ça donne si les difficultés pour obtenir une révélation sont plus faibles.
Une autre dimension que je n'ai pas précisé c'est que normalement il y a 10 révélations et qu'on n'en révèle que 8, de manière à pouvoir en jeter de côté si ça ne correspond plus assez bien ou à faire ces révélations totalement gratuitement (et sans augmenter la valeur d'Eveil).

C'est vrai enfin, que Sphynx demande une certaine maîtrise et habilité de la part du meneur:
  • pour faire correspondre les révélations aux efforts des joueurs dans leur recherche
  • pour faire correspondre les révélations aux créations des joueurs
  • pour savoir quand donner les dés et quand donner une révélation gratuite.
Sur ce dernier point, je me rends compte que j'ai vraiment mal joué. J'aurais dû être plus généreux. J'ai effectivement hésité plusieurs fois à propos des créations de Vivien qui tapait dans le mille et j'aurais dû les donner ! En fait, j'avais tellement de plaisir dans la partie que je ne voyais pas que vous aviez des difficultés et j'aurais dû vous aider à avancer plus vite ainsi.

Voilà, merci encore pour vos apports et merci à mes testeurs pour leur temps et leurs réflexions !
Fabien | L'Alcyon
 
Message(s) : 788
Inscription : 06 Mai 2010, 11:07
Localisation : Strasbourg

Re: [Sphynx] La tour de Babel

Message par Thomas Munier » 24 Sep 2013, 11:40

Salut à tous,

Fabien, je trouve ton problème très inspirant !

Je vais tâcher de faire des propositions mais à chacune considère bien que je ne connais pas toutes les règles de Sphynx et même pas toutes ses intentions, donc si ces propositions sont hors-sujets ou déjà traitées, je te prie de les ignorer.

D'abord, est-ce que la cohérence dans l'esthétique est importante pour ton jeu ?
Quand tu cites l'exemple de l'observatoire du soleil, il m'apparaît que la proposition du joueur est esthétique, mais pas en lien avec la problématique du langage. Je crois qu'une œuvre esthétique présente de l'intérêt si elle est uniforme et cohérente (un monochrome de Malevitch), si elle est complexe et cohérente (un tableau de Jérôme Bosch), mais c'est moins évident si elle est complexe et incohérente (un collage à la Prévert, un tableau d'art outsider). S'engager dans cette troisième voie est légitime, mais la difficulté attend au tournant. J'ai constaté le problème lors d'une partie d'Inflorenza où les joueurs créaient des paradigmes à la volée et ça ne m'a pas satisfait. Dans un jeu de rôle où le setting et les scénarios sont écrits, l'auteur fournit l'esthétique et la cohérence aux joueurs. Dans un jeu comme le tien, c'est aux joueurs de se charger des deux.

Si tu vise la cohérence, veux-tu l'encourager par des mécanismes ou par l'animation par le MJ ?
Dans la partie d'Inflorenza que nous avons jouée ensemble, nous avons eu un problème de cohérence et nous avons pu le résoudre à la volée par de la pure animation. Depuis, , dans le livre de base, j'ai mentionné des conseils d'animation pour repérer ces problèmes et les résoudre, mais aussi des solutions mécaniques comme transformer des inflorescences de départ par des thèmes introduits en cours de jeu. (i.e. des mots clés qui doivent être repris par les joueurs dans leurs créations; comme "le langage", par exemple)
Énergie créative. Univers artisanaux.
http://outsider.rolepod.net/
Thomas Munier
 
Message(s) : 2003
Inscription : 30 Nov 2012, 12:04

Re: [Sphynx] La tour de Babel

Message par Christoph » 24 Sep 2013, 13:52

Salut

Pour ceux qui n'ont pas joué à ce jeu, ne vous laissez pas avoir par la démarche anti-marketing-je-me-tire-une-balle-dans-le-pied de Fabien qui ne consiste que d'en parler quand ça ne va pas : ce jeu est très très prometteur et j'ai joué une excellente partie !

Fabien, Steve, Vivien et Shiryu, j'ai l'impression de ne pas comprendre de quoi vous parlez. J'ai tenté de rédiger deux réponses, et je les ai jetées, tellement je me retrouve hors sujet et à faire plein de suppositions. Finalement, j'ai une question : est-ce que le problème dont vous parlez aurait pu être écarté si les joueurs racontaient plus de choses sur leurs personnages, de leur point de vue, et moins sur la Grande Histoire ? C'est une chose de se l’approprier et de l'intégrer à l'histoire de son perso au fur et à mesure que le MJ la révèle, c'en est une autre de partir dans l'explication de la guerre dévastatrice avant que le MJ n'ait eu le temps de poser sa préparation. Ma question se résume peut-être à ça : est-ce que les joueurs ont joué leurs persos ou ont-ils raconté le monde comme un narrateur omniscient ?

Le « Résumé des règles à l'attention des joueurs » montre que le jeu prévoit que les joueurs s'occupent de leur personnage et son rapport aux Ruines, ou alors ne font que décrire des lieux, découverts par leur personnage, et des suppositions, faites par leur personnage, sur l'ancienne civilisation. Ce n'est donc pas clair pour moi comment, en utilisant ces outils-là, on en vient à décrire une guerre et s'éloigner « dangereusement » des Révélations du MJ. Ce n'est peut-être qu'un artefact d'un rapport de partie destiné avant tout à vous quatre, mais si ce n'est pas le cas, je voudrais bien en savoir plus.
Les Petites choses oubliées, avec Sylvie Guillaume, c'est arrivé !
.ınnommable: cuvées 2008-2010 en téléchargement gratuit.
Zombie Cinema, en français dans le texte.
Christoph
 
Message(s) : 471
Inscription : 09 Déc 2007, 04:26
Localisation : Yverdon, Suisse

Re: [Sphynx] La tour de Babel

Message par shiryu » 25 Sep 2013, 10:18

Bonjour Christoph.
Tu vises juste sur 3 points :

1) le jeu est excellent. Fabien a crée son sujet pour cibler un problème et tenter de le résoudre mais si le sujet avait été de faire une critique du jeu, sans cibler autour du problème soulevé, je me serais étalé davantage sur les critiques positives, nombreuses et fortes.

2) C'est tout à fait normal que tu ne comprennes pas tout à mon post. Je l'ai effectivement rédigé comme une réponse à Fabien et il manque sans doute de clarté pour les autres lecteurs. Des exemples auraient été nécessaire, je vais voir ce que je peux faire.

3) La première question vise peut être juste (ou pas loin en tout cas selon moi) : "est-ce que le problème dont vous parlez aurait pu être écarté si les joueurs racontaient plus de choses sur leurs personnages, de leur point de vue, et moins sur la Grande Histoire ?". Mais avant de répondre, je vais déjà répondre à celle-ci : " est-ce que les joueurs ont joué leurs persos ou ont-ils raconté le monde comme un narrateur omniscient ?".
- nous avons complètement joué nos persos, et c'est bien de là qu'est venu le problème puisque nous nous sommes retrouvés complètement impliqués par les évènements passés (ou sentis impliqués) et que nous nous retrouvions impliqués avec les évènements à venir (ou du moins sentions nous la possibilité de pouvoir écrire l'Histoire en devenant ni plus ni moins qu'un dieu).
- pour la première question, j'ai mis en gras "de leur point de vue" car je crois que c'est là la clé. Ce que nous racontions a très souvent (précaution de ma part pour ne pas dire toujours mais on ne devait pas être loin) été pris pour vrai. Hors si nous avions insisté sur le fait que c'était vrai selon le point de vue du joueur, on aurait parfaitement pu sortir de certaines impasses ou incohérences en présentant une autre vérité, selon un autre point de vue. Nous avons peut être (mal ? sur ?) joué les suppositions et les découvertes.

Nos suppositions, nous les avons prises comme vraies et acquises :
exemple : les taches solaires permettraient de définir l'humeur du soleil. J'ai pris ça tellement pour acquis que j'ai même "consulté" le soleil avant de faire un rituel avec vivien.
Je crois que du coup, nos suppositions se sont substituées aux révélations dans notre esprit (oui un seul, nous avons vraiment communié tous les 3 et joué de la même manière)puisque nous les considérions comme acquises, donc aussi forte que les révélations sauf que nous, nous pouvions en faire plus que le MJ, donc prendre l'Histoire à notre compte.

Nos découvertes n'étaient pas neutres, c'étaient davantage des explications, donc là encore, au même niveau que les révélations.
exemple : je ne découvre pas juste du verre brisé dans le labo, je découvre qu'il s'agit d'une lentille brisée, qui permet de faire le plan des taches solaires et de les consigner en "constellations". Ensuite, j'ai découvert des tablettes qui associaient ces constellations à des humeurs du soleil.
Je crois que nos découvertes (je n'ai mis que des exemples de mon perso dont je suis sûr mais je pense que nous avons fait tous les 3 des découvertes de cette force) avaient le défaut d'être des explications et pas juste matériel.
C'est la même différence entre découvrir une roue chez les égyptiens et découvrir comment ils ont construits la pyramide ou pourquoi ils ont construits la pyramide, qui serait de l'ordre de la révélation dans ce jeu.
Nous avons trop eu tendance à découvrir pourquoi, ou comment et pas juste un indice.

Enfin, la remarque de vivien en fin de partie cible juste : d'accord pour les suppositions et les découvertes qui doivent être mineure (et comme tu le soulignes aussi, ne devraient pas permettre de s'éloigner dangereusement des révélations du MJ) ,et en suivant les quelques commentaires que je fais au-dessus, devraient effectivement ne pas créer de rupture avec le MJ. Mais les autres points, notamment sur (je ne sais plus le terme exact mais celui que je vais employé n'est pas anodin) les révélations sur une vie antérieure et les changement sur soi. Ils nous a semblé que c'était très fort, aussi fort que les révélations du MJ. Certes, ça ne concerne que sa vie antérieure mais là encore, nous n'y sommes pas allé de main morte :
- vivien avait juste réussi à devenir un dieu
- mon perso était une sorte de prophète-héliomanciste-conseillé-traître de la ville qui avait ordonné le massacre.
- Steve avait le contrôle de la réalité par sa pensée.
Du coup, pour gagner les points de voyage, nous nous sommes vraiment investi sur cette vie antérieure, négligeant le lieu.
D'un point de vue comptable, le calcul est vite fait : pour chaque palier, le MJ fait 1 révélation. Pour suivre la difficulté, les joueurs doivent gagner 1 point de voyage chacun. A 3 jours, ça fait 3 révélations. Même s'il y a des choses moins fortes pour gagner un point de voyage, en en ayant 3 fois plus que le MJ, les joueurs ont les moyens techniques de s'approprier l'histoire en reciblant la ficton non pas sur le lieu mais sur l'Histoire passé et leurs vies antérieures.

Christoph, est-ce plus clair ? n'hésite pas à demander des exemples si besoin (je ne parlerai que des miens car au début, je n'ai pas trop suivi la partie technique des autres joueurs). A vrai dire, ce qui est sans doute symptomatique, je suis incapable de différencier les révélations du MJ des suppositions ou découvertes des autres joueurs.
dernier article : mon premier jeu à venir
Force Céleste : 77
shiryu
 
Message(s) : 349
Inscription : 25 Juin 2012, 13:31

Re: [Sphynx] La tour de Babel

Message par Frédéric » 25 Sep 2013, 13:19

Clairement, j'ai du mal à voir comment "raconter l'ancienne vie des PJ" peut ne pas parasiter "les révélations du MJ sur l'Histoire du lieu".
Après tout, ce sont les individus (ou les groupes d'individus) qui font l'histoire. Il suffit que le MJ intègre un personnage important de l'Histoire du lieu dans sa première révélation et que je raconte que je l'ai tué alors qu'il était censé faire quelque chose d'important que sa mort empêche et le château de cartes s'effondre.
Et comment savoir que ce que je dis est suffisamment "mineur" ? Si c'est pour juste raconter comment j'étais habillé il y a 2000 ans, l'intérêt me paraît faible (et même là, je suis sûr que je peux dynamiter les révélations du MJ).

Il y a peut-être moyen pour que la préparation du MJ et les responsabilités narratives des joueurs soient bien cloisonnées et ne se parasitent pas mutuellement.
Peut-être que si le MJ a la possibilité de faire passer une déclaration d'un joueur pour une supposition fausse, ça permet de limiter la casse, mais il y a de fortes chances que ça ne soit pas suffisant, les exemples de Shiryu semblent aller dans ce sens.
Frédéric
 
Message(s) : 3111
Inscription : 08 Déc 2007, 13:27
Localisation : L'Arbresle (69)

Re: [Sphynx] La tour de Babel

Message par Mangelune » 25 Sep 2013, 14:16

Pour le coup je suis Frederic (et Shiryu) dans son raisonnement.

J'ajouterai même que la première chose qui m'a poussé à lancer des révélations "bigger than character" et à piquer son rôle au MJ se trouve dès la création de personnages. Le jeu demande d'emblée de trouver une quête métaphysique à son perso, c'est là quelque chose dont la portée dépasse largement la simple esthétique !

Si le but est de s'attacher avant tout à la vie dans le passé, en parlant des relations humaines de son perso (avec éventuellement les autres PJs), il faudrait peut-être que cela se retrouve sur la feuille de personnage histoire de m'orienter dans ce sens. Plutôt qu'une quête métaphysique, on pourrait parler de problème personnel à résoudre : pourquoi est-ce que je me sens détaché du monde ? Pourquoi est-ce que je ne parviens pas à trouver l'amour ? Pourquoi est-ce que j'ai des visions du futur ? Le principe serait alors d'aller dans ces ruines pour comprendre et devenir enfin entier.

Si le but est de se focaliser sur l'intériorité du personnage face aux révélations grandioses, il faudrait peut-être parler de description des sensations plutôt que de découvertes mineures ou de suppositions.
Contes et histoires à vivre, un site pour parler des Errants d'Ukiyo, de Perdus sous la pluie et du reste.

Pensez aussi à la page Facebook officielle de Perdus sous la pluie.
Mangelune
 
Message(s) : 722
Inscription : 30 Avr 2013, 10:10
Localisation : Paris 18

Re: [Sphynx] La tour de Babel

Message par Fabien | L'Alcyon » 25 Sep 2013, 14:25

Salut tout le monde et à nouveau merci de votre soutien ! Ca peut paraître anodin ou artificiel comme phrase, mais c'est important de s'échanger des chaudoudoux, surtout lorsqu'on parle de quelque chose d'aussi intime que la création artistique et surtout lorsqu'on passe par un médium comme le forum !

Donc, Thomas, je crois que tu poses une bonne question. Pour éclaircir un peu ma démarche, ce que je voulais en créant ce jeu, c'est avoir une esthétique directrice (les ruines) avec laquelle jouent les joueurs. Le jeu au sens le plus fort du terme (la liberté dans des contraintes particulier) est précisément là: éprouver le canon esthétique du lieu au double sens de « ressentir » et de « pousser à ses limites ».
Une idée centrale est que les joueurs créent de nombreuses choses et que les règles permettent de garder ce qui est le plus fort - mais peut-être justement faudrait-il ne garder que ce qui est le plus proche du canon des ruines. La vraie difficulté réside alors dans le fait d'indiquer subtilement aux joueurs ce qui en est proche et ce qui en est trop éloigné. Je dis « subtilement » parce qu'il ne faut pas que ça assèche la créativité des joueurs, une réaction trop négative peut être assommante.

Christoph, tu mets bien le doigt sur le problème: j'aimerais arriver à concentrer l'attention des joueurs sur leurs personnages, dans lesquels ils intégreraient l'esthétique du lieu, sans que cela puisse nuire à celle-ci. Je ne sais pas encore comment le faire intelligemment, c'est-à-dire à la fois en m'assurant que ça marche subtilement et en m'assurant que ça ne puisse jamais ou presque jamais venir se parasiter (comme c'est le cas ici).

En intégrant ce que suggèrent Shiryu et Vivien, j'ai plusieurs solutions en vue, certaines assez « rustine de secours », je le reconnais:
  • mettre l'accent sur le fait que les créations des joueurs peuvent suggérer de fausses idées
  • ne permettre aux joueurs que de trouver des objets, ce qui limite (sans la supprimer) les possibilités de parasitage sans être excessivement réducteur en termes d'espaces de créativité
  • ne permettre aux joueurs que de trouver des indices, corroborant ou infirmant leurs propres suggestions
  • effectivement, je n'ai pas de bonne suggestion pour les vies antérieures, mais peut-être que si on cible les relations que les personnages ont pu avoir dans le passé, ça peut limiter la casse
  • j'aime beaucoup l'idée des questions personnelles, il faut que je la rumine un peu.
Pour l'instant, j'ai l'impression qu'il n'y a pas de bonne solution, à la fois pleinement efficace et ne limitant pas significativement la liberté des joueurs. Je continue d'y réfléchir.
Fabien | L'Alcyon
 
Message(s) : 788
Inscription : 06 Mai 2010, 11:07
Localisation : Strasbourg

Re: [Sphynx] La tour de Babel

Message par shiryu » 25 Sep 2013, 21:42

J'ai une question pour toi Fabien : pourquoi ce qui a cloché à notre partie ne s'est pas produit durant les autres tests ?
Je veux dire par là que tu es arrivé avec plein de satisfactions de ton jeu, ne gache pas tout pour une partie. Si c'était le système qui ne tenait pas, il n'y aurait eu aucune raison pour que ça ne coince pas sur les autres parties.
Voici quelques pistes ou interrogations qui me titillent :
- et si ça venait du lieu, avec une révélation trop forte qui parasite l'esthétique du lieu (le pouvoir de création et de mort) ? malheureusement, nous ne pourrons pas tester un autre lieu sans avoir en tête cette première expérience. Mais il me semble facile de refaire ce lieu avec un autre groupe (peut être même que c'était déjà le cas).
- et si il y avait une faille dans le système ? sans dire qu'il est dysfonctionnel, puisqu'il a marché sur les autres parties, qu'est-ce qu'on a bien pu faire qui pousse à bout le système et qui ne s'est pas produit dans les autres parties ?
- et si ça venait des joueurs ? peut être sommes nous aussi sensibles à l'esthétique qu'un troupeau de vaches dans son pré regardant passé le TGV designé par JP Gauthier ? Peut être sommes nous juste de gros avides de pouvoir qui, devant la découverte d'excalibur, se diraient ni "comme elle est belle" ou "qu'elle découverte incroyable pour l'Histoire" mais juste "combien je pourrais buter de mecs avec ça".
- si ça venait du MJ ? et je met derrière ça tout l'immense pouvoir et responsabilité habituellement accordé à la fonction en JdR traditionnel. Je reste intimement persuadé (j'ai pas trouvé plus fort comme expression) que si nous avions fait une pause pour manger (ben oui, tout le monde sait ça, c'est aussi au MJ d'organiser la bouffe (j'ai du voir ça sur casus dans les fonctions du MJ) !) histoire de souffler un peu et si tu nous avais offert la dernière révélation que vivien approchait de très près, histoire de garder la dynamique, nous aurions fini la partie sans ce sentiment d'impasse mais avec un sentiment d'exaltation. Peut être as-tu juste été trop sûr de toi, restant dans un rôle de spectateur en appréciant la fiction (je crois que tu as dit un truc du genre en débriefing, quand on t'a demandé si tu ne t'étais pas ennuyé et tu as répondu un truc du genre "non, la fiction me plaisait, je prenais plaisir à écouter votre créativité", vraiment en gros et ce que j'en ai retenu) ? Peut être n'avons juste pas cerné le rôle et le pouvoir du MJ ?
- et si ça venait des dés ? sans penser que ça vienne de là car nous étions dans la moyenne mais est-ce qu'on n'a pas fait les échecs aux mauvais moments ? ou trop de suite ? ou que les autres groupes ont eu plus de chance et que du coup, une réussite normale aux dés ralentirait le jeu ?

Je finis par mon chaudoudoux (car j'ai déjà beaucoup parlé). Je ne pourrais pas faire mieux comme critique : j'ai fais une vraie partie de JdR, avec tout ce que je recherche dans ce loisir. Un thème qui fait rêver, une partie où il se passe des choses en 2h, une immersion complète dans mon perso, actif et pas spectateur, avec un vrai intérêt pour la fiction qui soulève un questionnement personnel. Je ne peux pas dire mieux, sinon ta copine va être jalouse.
dernier article : mon premier jeu à venir
Force Céleste : 77
shiryu
 
Message(s) : 349
Inscription : 25 Juin 2012, 13:31

Re: [Sphynx] La tour de Babel

Message par Thomas Munier » 26 Sep 2013, 11:14

Fabien, j'avais encore d'autres questions que je n'avais pas pu poser suite à un problème de connexion. Je crois qu'elles ont déjà été énoncées sous une forme ou l'autre après moi, mais je n'en suis pas sûr, je préfère rester sur mes propres mots :

Pourquoi les découvertes des joueurs doivent-elles être cosmétique vis-à-vis des révélations ?

Le principe des révélations préparées à l'avance par le MJ est-il sacré ? Pourquoi ?

Où se situe le protagonisme dans ton jeu ? Les PJ sont-ils de simples médias pour explorer les ruines et l'histoire de leurs vies antérieures où ont-ils des motivations propres ? (outre que la fameuse "quête métaphysique" ?) ? Celles-ci sont-elles liées à la problématique du lieu ? (par exemple, pour le langage, l'un des personnages n'a plus parlé à son fils depuis des années, l'autre devient sourd, etc...) Quand je pose cette question, je pense surtout au film The Foutain de Darren Aronofsky

Dans le cas où les PJ auraient effectivement des objectifs et des valeurs à la fois intimes et liées à la problématique du lieu, est-ce intégré au système de résolution ?

Considère-tu les vies antérieures comme des deuxièmes PJ ou des PNJ ?
Énergie créative. Univers artisanaux.
http://outsider.rolepod.net/
Thomas Munier
 
Message(s) : 2003
Inscription : 30 Nov 2012, 12:04

Re: [Sphynx] La tour de Babel

Message par Christoph » 26 Sep 2013, 11:28

Salut

Shiryu, je peux peut-être apporter un élément de réponse (qui me permet de recycler une partie des réponses jetées précédemment, yeah!) : la partie que nous avons joué avec Fabien, Sylvie et moi (c'était la situation intitulée « La Fin » dans le document de test actuel). Si je me souviens bien, Sylvie et moi avons presque exclusivement augmenté notre Voyage grâce à la vie passée de nos personnages (chacun le sien). Ceci faisait souvent écho à des Révélations que nous faisait Fabien ou des Explorations que nous avions posées. Ceci nous a permis de lier nos personnages aux ruines et nous avons au plus fait des suppositions à leur sujet (je crois que nous n'avons provoqué qu'une ou deux Révélations), de sorte que nos prérogatives restaient essentiellement distinctes de celles du MJ.

Dans un premier temps, nous avons joué sur l'exploration du lieu. Nous avons découvert des salles cachées et une sorte de télescope multi-sensoriel qui nous permettait d'explorer plus loin (perches tendues à Fabien). Plus tard, nous avons beaucoup joué sur la redécouverte de la relation entre les deux PJ dans la vie passée, leur position sociale et leurs actes. Mais ça venait, il me semble, plutôt après que Fabien nous sous-entendait la possibilité de le faire. Par exemple on a compris qu'il y avait une saloperie cachée, du coup on a fait comprendre que les deux PJ y étaient fortement liés. On a compris qu'il y avait un aspect scientifique et un aspect religieux à l'histoire, Sylvie a posé son personnage en leader d'un mouvement spirituel et moi le mien en tant que scientifique. Mais tant que nous ne savions pas ce que c'était, on n'évoquait les choses qu'indirectement. Nous évoquions une sorte de malaise entre nos deux personnages (vie passée), sans expliciter les raisons. Quand nous avons compris que « l'Ange Noir » était en fait le projet qui visait à créer un trou noir et qu'il y avait eu une catastrophe à bord d'un astronef, on s'est propulsé au cœur du problème avec une scène où nous deux personnages brûlaient, enlacés. C'est seulement à la fin que nous avons « compris » que mon personnage était le responsable du trou noir et que celui de Sylvie avait quitté le mien, dégoûté de cet affront à l'humanité.
Pour moi, ça avait donc très très bien fonctionné en termes de fiction, et il me semble qu'on était les trois sur la même page concernant ce qui s'est passé et ce qui était important (le grand secret de la disparition de cette civilisation, qui venait de Fabien, et le rôle de nos personnages qui venait de nous). Ce n'est pas exclu que nous faisions plus du coloriage tandis que Fabien dessinait les planches, alors que dans cette partie parisienne vous aviez tous un crayon, si je peux me permettre.

Fréd', je pense que cette approche peut concilier la tension que tu vois entre « raconter l'ancienne vie des PJ » et « les révélations du MJ sur l'Histoire du lieu » ! Fabien, tu me suis ?

Thomas, ce n'est pas clair pour moi que le protagonisme soit une priorité en tant que tel dans ce jeu. Sylvie et moi avons réussi à raconter une histoire nichée dans le grand ordre des choses, mais Sylvie et moi n'avons pas spécialement joué les éventuelles répercussions sur nos personnages dans leur vie présente (c'est assez flou et peu important dans nos souvenirs). N'est-ce pas une hérésie de laisser tomber l'histoire à ce moment-là ? Quelle occasion ratée de faire une histoire sur la réconciliation d'un couple à travers les âges, ou de faire une tragédie dans une tragédie ! Hélas, trois fois hélas !
En fait pas du tout. Si c'est l'histoire des ruines qui est la priorité, alors on l'aura juste joliment illustré sous un angle peut-être inattendu pour ce jeu, présent dans cette partie, mais loin d'être l'objectif en général. Les règles de Sphynx vont d'ailleurs dans cette direction, mais je dois avouer que je n'ai pas encore bien saisi l'importance de la question métaphysique des PJ (qui pourrait renvoyer l'ascenseur du passé vers le présent, selon les cas).
Les Petites choses oubliées, avec Sylvie Guillaume, c'est arrivé !
.ınnommable: cuvées 2008-2010 en téléchargement gratuit.
Zombie Cinema, en français dans le texte.
Christoph
 
Message(s) : 471
Inscription : 09 Déc 2007, 04:26
Localisation : Yverdon, Suisse

Suivant

Retour vers Les jeux de L'Alcyon

LES JEUX DES ATELIERS IMAGINAIRES

cron