La Saveur du Ciel | Sauté de poulpe en Crête

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La Saveur du Ciel | Sauté de poulpe en Crête

Message par Frédéric » 24 Oct 2013, 01:05

Hello, Magali et moi avons pu jouer une partie de la Saveur du Ciel.

Je brise le suspense : on a pris beaucoup de plaisir à jouer, mais j'ai des critiques à formuler. ^^

Pour résumer l'histoire :
Magali joue l'apprenti qu'elle baptisera Mirin, du nom d'un alcool de riz japonais utilisé pour la cuisine.
Le plat auquel il se dévoue est le sauté de fruits de mer.
Son but ultime est "Qu'est-ce que la saveur du ciel ?"

Phase d'approche
Mirin rencontre Xannis son guide au croisement d'un vieux port et d'un marché en Crête. Xannis est en train de vider le fruit de sa pèche sur ses étals.
Ils discutent, Xannis est plutôt bourru tandis que Mirin est plutôt dandy.
Xannis lui fait goûter un poulpe grillé au réchaud à gaz avec de l'huile et de l'ail et lui offre un beau sandre.
On échange, on met bien en scène les caractères opposés des personnages, qui se rejoignent par une passion commune pour les produits de la mer, dont, le poulpe.

Phase de Préparation
Mirin va chercher des aliments, sort son wok fétiche et choisit un des plus beaux poulpes violacés, parmi le butin de pèche du vieux guide.
Il fait cuire de l'ail dans de l'huile au fenouil, il découpe savamment le poulpe en fermant les yeux (après l'avoir enfermé dans un linge pour le tuer en le frappant contre un rocher :D). Sort l'ail du wok, extrait l'intérieur et en fait une purée à laquelle il mélange l'encre du poulpe.
Il fait mariner les morceaux de poulpe avec le gingembre.
Comme Xannis le prévient que la chair de ce poulpe, bien qu'exquise, risque de s'abîmer si elle cuit au contact du wok, Mirin enroule les pièces dans des feuilles d'épinard fraîches et les place dans des coquilles de palourdes (que Xannis était en train de gober crues).
Puis il place le tout dans le wok en imbibant le tout d'eau de mer.
Il couvre et laisse cuire un peu.
Xannis lui fait remarquer qu'il faudra saisir le poulpe à la fin.
Mirin retire la majeure partie de l'eau de mer et flambe le poulpe avec un cointreau fait maison pour apporter un léger arôme orangé.

À ce stade, j'ai donné les 10 dés de la phase de préparation. D'abord 1 à 1 pour des détails qui me plaisaient et à la fin par 2 ou par 3 pour des idées surprenantes comme le flambage et la purée d'ail à l'encre de poulpe (oui, je sais, Magali et moi aimons des trucs qui en feraient pâlir plus d'un).

Phase dégustation
Magali décrit un visuel avantageux, le son des coques de palourde qui s'entrechoquent comme des maracas, elle ajoute le bouillon que Mirin a laissé épaissir quand le poulpe a fini de cuire. Puis déguste et raconte comment l'extérieur bien saisi du poulpe cède pour laisser place à une infinie tendreté.

Je ne sais pas si on a un nombre de dés illimité pour cette phase, mais j'ai décidé de me limiter à 8 dés environ.
Avec plusieurs 6, Magali passe haut la main la phase des plaisirs terrestres.

Puis elle décrit des souvenirs d'enfance du poulpe cru que la mère de Mirin le laissait manger en cachette, le bouillon que son grand père buvait dans les coquillages et sa promenade sur les marchés flottants au Vietnam et les odeurs qu'il recherche toujours dans les plats qu'il crée aujourd'hui.

Autant dire que j'ai épuisé ma réserve de dés et qu'elle a atteint le niveau 3 des plaisirs célestes (le max).

J'ai inventé un petit indice sur sa quête : la saveur du ciel est faite des choses les plus bassement terrestres : la chair, les plantes qui poussent dans la terre, voire le fumier. Il faut retrouver cette essence là pour approcher la saveur du ciel. (Ça collait bien à la personnalité du Guide).

La partie a duré 1h30 environ.


Mes remarques
Les plus :
  • On s'est bien mis en appétit alors qu'on venait de manger. On s'est régalés avec ces descriptions gourmandes, pleines d'inventivité (pas sûr que le plat soit comestible au final, mais dans notre imaginaire, c'était exquis).
  • C'était assez amusant, l'étape de rencontre des personnages était très importante, elle a apporté beaucoup de choses enrichissantes pour la couleur et l'ambiance générale.
  • Magali aime beaucoup cuisiner et on est deux grands gourmands, autant dire qu'on a salivé tout le long de la partie.
  • L'idée de décomposer la dégustation en deux phases : plaisirs terrestres (sensoriels) et plaisirs célestes (mémoire, esthétique etc.) est très bien vue et la fin de notre partie était une vraie "madeleine de Proust" fictive.

Les moins :
  • Autant Magali a beaucoup, beaucoup parlé dans les phases 2 et 3, autant, j'avais beau faire des suggestions, ajouter des détails, j'étais vraiment assez inutile en dehors du don de dés. En terme d'échange, l'Approche était la phase la plus riche. C'est dommage qu'on ne retrouve pas cette dimension d'échange dans la suite, car il y avait quelque chose de beaucoup plus vivant qui s'est perdu dans les phases suivantes. Pour moi c'est un vrai défaut.
  • La question principale du joueur me paraît tomber comme un cheveu sur la soupe (;p). Autant je trouve qu'elle pourrait apporter beaucoup au jeu, autant elle est amenée d'une manière très artificielle qui empêche d'explorer toute la profondeur qu'elle suppose.
  • Je trouve que ça manque un peu d'histoire (et Magali a fait cette remarque avant que je ne la formule) : on se rencontre, on fait la cuisine, ça fait plein de truc dans nos sens et notre tête et on s'en va. Pour résoudre les deux premiers aspects négatifs que je décris, j'ai le sentiment que ça vaudrait le coup d'ajouter des enjeux humains et une ou des situations qui aborderaient directement le sujet de la question que choisit le joueur.
    Par exemple : Si le joueur choisit "Un plat peut-il amener la paix entre deux peuples ?" Le Guide pourrait dessiner une situation où le PJ doit cuisiner pour des chefs d'états en guerre. S'il réussit un (ou plusieurs) plat merveilleux, il peut obtenir des faveurs des chefs d'état et pourquoi pas, mettre fin à la guerre. Ces situations permettraient de créer des enjeux humains qui mettraient des bâtons dans les roues du cuisinier et le Guide pourrait jouer un rôle plus riche et plus actif. Cet exemple montre juste une piste possible, mais il en existe sans doute d'autres.
  • On rejouera sans doute en inversant les rôles et j'aimerais vérifier quelque chose en tant que joueur : est-ce qu'on joue pour la victoire ou juste pour la beauté du geste. Je ne sais pas si c'est très clair dans la mécanique du jeu et si ça ne crée pas des injonctions contradictoires. J'essaierai de vérifier ce point.

En conclusion, le jeu est déjà très chouette, mais pour nous donner envie d'y rejouer, il lui manque quelque chose. À toi de voir, Fabien si tu veux chercher des améliorations possibles ou si tu préfères le publier en l'état.

Edit : micro corrections
Frédéric
 
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Re: La Saveur du Ciel | Sauté de poulpe en Crête

Message par Magali » 24 Oct 2013, 09:59

Salut Fabien,

Je viens te faire un petit retour à chaud (enfin, après la nuit quand même) sur notre partie en Crête. En quelques mots, je me suis régalée à imaginer ce plat d'exception, aussi bien dans la préparation que dans la dégustation. Le fait de faire référence aux cinq sens me parle beaucoup, je suis de manière générale assez "sensitive", j'aime sentir, toucher, contempler... Et donc c'était très plaisant de ce point de vue-là. J'ai aimé aussi la "non-contrainte de réalisme" qui m'a permis d'inventer des techniques originales sans cette barrière.

J'ai particulièrement aimé au moment de la dégustation la description des plaisirs célestes, et je me suis amusée à imaginer les "madeleines de proust" de mon personnage. Ce développement permet selon moi de donner plus de corps à l'histoire, de s'arrêter un moment sur des photographies de l'histoire du personnage et sur ses motivations intimes, ce qui m'a plu.

Nous avons passé un peu de temps à décrire la rencontre de nos personnages, ce dont j'avais besoin de mon coté pour m'attacher suffisamment à mon perso, sachant qu'il allait s'ensuivre la préparation d"un plat et la dégustation, et a priori pas de grand événement de vie bouleversant (qui aurait pu dans ce cas suffire à ce que je m'attache à lui, par ce qu'il vit de bouleversant). Je ne sais pas si je suis claire sur ce point.

J'ai eu pour ma part un peu de mal à faire le lien dès la création du perso entre le choix du plat et la question métaphysique : je m'explique. Comme j'ai choisi le plat d'abord, sans trop la contrôler, mon imagination était déjà en train d'élaborer des éléments du plat, des particularités etc. Puis Fred m'a demandé de choisir la question ; j'en ai choisi une sans être trop convaincue, parce que je pense que mon cerveau était déjà "branché" sur quelque chose de beaucoup plus concret : le plat et sa préparation. Je me demande, mais c'est juste une suggestion, s'il ne serait pas préférable de faire choisir la question de la motivation intime du personnage avant le plat qu'il va tenter de sublimer. En tout cas, je pense que ç'aurait été plus adapté à mon fonctionnement cognitif (ce n'est peut-être pas généralisable).

Enfin je rejoins Fred sur le fait qu'on reste un peu "sur notre faim" (il fallait que je la fasse ^^) quant à la résolution de la question métaphysique, que j'aurais aimé explorer réellement. Peut-être que cela peut se goupiller avec l'autre petite faiblesse que je vois, qui est le rôle du guide, qui pourrait être plus valorisé, avoir plus de sens par rapport à la quête du perso. J'ai eu des moments où effectivement je me sentais un peu seule à jouer, notamment pendant le monologue de la préparation du plat...

En conclusion, pour moi c'est un très bon jeu qui m'a fait saliver, m'a donné beaucoup de plaisir, m'a donné le sourire! J'avais faiiiiim, ou plutôt j'avais très envie de croquer dans du poulpe grillé à souhait... J'y rejouerai avec plaisir. Si c'est l'objectif, alors pour moi il est atteint à 300%. Par contre si l'objectif était d'explorer en profondeur la question de la motivation intime du personnage ; En prenant le jeu tel qu'il est aujourd'hui, il ne me semble pas que ce soit un point central, par contre il donne de la couleur.

Voilà pour moi,

Bonne continuation à toi, bises!
Magali
 
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Re: La Saveur du Ciel | Sauté de poulpe en Crête

Message par Mangelune » 24 Oct 2013, 12:35

Je n'ai pas lu la Saveur du Ciel (que j'espère bien un jour tester, avec Fabien ou comme Fred en "nouveau MJ objectif qui découvre le jeu") donc je risque de dire une ânerie mais les différents CR écrits ici et ma partie de Sphinx me font me poser une question : j'ai l'impression que ces deux jeux essaient à tout prix de glisser une "question existentielle" qui irait en fait parasiter le propos de chaque oeuvre.

Quelque part, dans la Saveur chercher à réussir le meilleur plat est déjà un objectif en soi (surtout si on voit qu'en fait un des objectifs de ce plat est de se remémorer une part merveilleuse de son enfance, autre objectif). C'est très riche sans avoir besoin de chercher quelque chose en plus, entre le besoin de s'améliorer, de sublimer son enfance, etc.

Dans Sphinx tout semble reposer sur la découverte d'un lieu fantastique apportant une vision nouvelle du passé du monde ; les protagonistes sont des scientifiques mus par leur soif de connaissance. De plus, les personnages découvrent qu'ils ont déjà vécu ici, ils se découvrent en même temps qu'ils découvrent les ruines. Ces explorations intérieure et extérieure offrent déjà de quoi travailler.

Je ne sais pas ce qu'en pense l'auteur ou ceux qui ont testé les deux jeux ?
Contes et histoires à vivre, un site pour parler des Errants d'Ukiyo, de Perdus sous la pluie et du reste.

Pensez aussi à la page Facebook officielle de Perdus sous la pluie.
Mangelune
 
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Re: La Saveur du Ciel | Sauté de poulpe en Crête

Message par Fabien | L'Alcyon » 25 Oct 2013, 13:05

Ah, yes ! Merci beaucoup pour ce rapport de partie !

La bonne nouvelle c'est qu'aucune de vos critiques ne me surprend. Je connais ces limites du jeu et je les accepte. Mon but avec La Saveur du Ciel est de faire un jeu de rôle qui donne faim, il n'a pas de plus grande ambition. J'entends bien qu'il pourrait y avoir un développement pour donner de l'importance aux enjeux personnels du personnage, mais je ne souhaite pas le développer. J'espère au moins avoir montré comment la nourriture et le plaisir gustatif peuvent être des enjeux fictionnels valides et intéressants en jeu de rôle.

Concernant la question métaphysique, Vivien a raison de faire remarquer que La Saveur Imaginaire permet déjà de rendre la dimension sublimée, « supérieure » si l'on veut, du plaisir gustatif. Je ne sais pas encore si je vais la conserver ou pas. Pour le moment, je dirais plutôt oui, parce qu'elle permet de donner une cohérence à plusieurs parties de suite de La Saveur du Ciel, mais c'est peut-être ma résistance au changement et/ou ma fierté de créateur de jeu qui parle.

Bon en tout cas ce retour positif me donne à penser que je suis sur la dernière ligne droite de ce projet !
Fabien | L'Alcyon
 
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