[JDR & Animation] Entretien avec Lionel Jeannerat

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[JDR & Animation] Entretien avec Lionel Jeannerat

Message par Thomas Munier » 06 Oct 2014, 19:36

[JDR & Animation] Entretien avec Lionel Jeannerat, ancien enseignant, aujourd'hui historien et auteur de jeu de rôle professionnel.

Cet entretien a été réalisé pour le dossier Jeu de rôle & animation : les avancées.

Cet entretien a été réalisé par chat vocal sur internet, d'où le style parlé.

Peux-tu te présenter ? Quel est ton parcours professionnel ? Ton parcours associatif ? Ton parcours rôliste ?

Je m'appelle Lionel Jeannerat, j'ai trente ans. Je suis de nationalité suisse. C'est important de le préciser parce que la vie professionnelle en Suisse est particulière. J'ai suivi une formation classique. D'abord l'Université d'Histoire-Géographie, puis une formation pédagogique en histoire-géo. Puis j'ai travaillé deux ans dans la filière pré-professionnelle : ce qu'on appelle le pré-apprentissage. Ensuite j'ai enseigné dans d'autres écoles. Depuis un an, je suis historien indépendant et créateur de jeu de rôle.
J'ai découvert le jeu de rôle à 17-18 ans, avec Agone, qui m'a marqué. A 21-22 ans, j'écris pour le fanzine Souffre-Jour, puis je rejoins le collectif Forgesonges, et ensuite les Démiurges en Herbe. Enfin, j'aurai mes propres projets (Romance Erotique, La Chaux-de-Fonds 1904), je serai gestionnaire de groupe éditorial sur Mississipi et co-auteur sur Billet Rouge.


Quand tu animes du jeu de rôle dans le cadre de ta profession/ton statut associatif, quels sont les enjeux ? Ludiques, pédagogiques, thérapeutiques, autres ?

Cela dépend. J'utilise le jeu de rôle dans un cadre. Dans l'école, on ne peut pas faire du jeu de rôle sous un enjeu ludique. J'avais un objectif éducatif : apprendre l'imagination, à jouer ensemble, aider à trouver des comportements pour jouer collectif. J'avais aussi un objectif pédagogique : introduire des thématiques, comme l'endettement, par exemple quand il s'agit d'emprunter de l'argent pour faire une base dans l'espace.


Toutes les questions suivantes s'inscrivent dans le cadre de ta pratique du jeu de rôle en tant que professeur.

Quel est ton public ?

En école, c'était des jeunes adolescents qui avaient terminé l'école obligatoire (16-19 ans). En Suisse, il n'y a pas d'école pour tout le monde. Pour faire le lycée, il faut des notes suffisantes. On accède dans les écoles sous condition. A côté de ça, il y a l'apprentissage, il faut une place en entreprise. Il y a des avantages et des défauts. Le défaut, c'est que si tu n'as pas de place d'apprentissage (à cause de ton niveau scolaire, de ta maturité, de problèmes familiaux), il y a une année de pré-apprentissage. L'objectif, c'est d'amener les jeunes vers quelque chose à la fin de l'année. Le but, c'est de leur faire prendre conscience, combler les carences, les faire progresser en maturité.

C'étaient des novices complets mais ils étaient à fond. C'était une super expérience et une optique que j'avais envie de développer.

D'une manière générale, j'avais une grande liberté, juste un cadre vague. Les élèves avaient des mauvaises notes, mais plein d'autres qualités qu'ils pouvaient exprimer en jeu de rôle. Ils avaient beaucoup de plaisir dans le jeu de rôle. Mais surtout, je leur donnais tous les cours, et le jeu de rôle y était intégré.

De quelles ressources disposes-tu ? Durée, budget, matériel, locaux, équipe...

En école, j'étais seul. J'avais une grande liberté sur la durée. J'avais des contraintes scolaires (une leçon, c'est 45 minutes). J'avais deux leçons par semaine d'activité créative et ludique, pour le jeu de rôle.
Je devais mettre une note. Sur toute une année scolaire.
La première année, j'avais 15 élèves et une leçon par semaine. La deuxième année, 6 élèves et deux leçons par semaine.
J'ai eu une autre classe dans une école privée, avec 12 élèves et une leçon par semaine.
Les locaux, c'était la salle de classe.
Le matériel, c'était une craie et un tableau pour faire les plans. Le jeu de rôle reste un loisir super accessible ! J'avais fait acheter un set de dés pour chaque élève (une couleur différente par élève pour qu'ils ne se les volent pas) et des jetons.


Pour répondre à ces enjeux, ce public, en fonction des ressources dont tu disposes, peux-tu nous décrire ta pratique du jeu de rôle dans le cadre de ta profession/ton statut associatif ?


J'ai fait commander le PDF de Zombie Cinema. C'est un super jeu car je pouvais gérer une grande tablée. L'activité se déroulait sur 3 fois une heure et demie pour les forcer à créer une collaboration pour jouer.

J'ai aussi utilisé Adventure Party : Les Compagnons du Roi Norgal. Il est sympathique, mais très dirigiste et on lançait beaucoup les dés. En classe, ça me parlait moins : ça prend beaucoup de temps pour pas grand-chose. Faire des jets de dés sans enjeu, c'est une perte de temps. Mais j'ai un peu retravaillé.
En école privée, je l'ai repris, en l'adaptant un peu.


J'ai été aussi pion dans un internat. J'ai fait jouer à but ludique. J'ai fait jouer les enfants à Contes Ensorcelés, ça a bien marché.


As-tu déjà créé ton propre jeu de rôle ou tes propres scénarios de jeu de rôle pour les besoins de l'animation ? Si oui, comment et pourquoi ?

Je suis aussi MJ pour des enfants surdoués ou à haut potentiel. Un psy les accompagne quand je maîtrise. Je maîtrise des scénarios que je crée moi-même, ça a bien fonctionné. J'ai aussi utilisé des scénarios du commerce, c'était plus mitigé.
La contrainte, c'est 12-13 joueurs, parfois ils ont des problèmes de concentration.
Le scénario avance très lentement, mais c'est le but, pour qu'ils apprennent à se coordonner entre eux, à trouver leur place dans le groupe.
Le psychologue utilise ce qu'il a pu observer dans la journée, et on s'en sert plus tard.
J'ai deux aides-MJ, des anciens joueurs (il y a eu d'autres MJ avant moi), ils passent de l'autre côté, ils conseillent les jeunes.
Il y a deux week-ends jeu de rôle par an.

Pour 12-13 joueurs, il faut déterminer des objectifs, il faut être plus directif. Mais si le scénario n'avance pas, ce n'est pas grave.

Avec mes autres élèves, le but c'était qu'ils soient autonomes. Les jeux de rôles sans MJ, c'était un super moyen de gérer de gros groupes. Tu les fais jouer et tu les autonomises et en attendant, le MJ prend un autre groupe.


As-tu déjà invité ton public à participer à la création d'un jeu de rôle ou de scénarios de jeu de rôle ? Si oui, comment et pourquoi ?

J'ai créé un jeu de rôle avec les élèves. On n'a pas terminé car je n'avais pas assez de temps.
La méthode sans MJ (Zombie Cinema) permet des choses mais en empêche d'autres. Alors on a créé un jeu avec MJ. C'était du space opera. J'ai créé des scénarios d'une fois sur l'autre. On a fait trois ou quatre scénarios, entrecoupés de pauses pour définir les PJ, les dessiner, trouver un système de règles. Il m'a manqué la préparation et le temps. L'année était très prenante, je devais enseigner tous les cours. Le français, l'allemand et les maths étaient prioritaires.


Le résultat te satisfait-il ? Quelles sont les difficultés que tu as pu rencontrer ? Quelles sont tes futurs projets ou ambitions rôlistes en animation ?

J'ai ressenti un gros potentiel.

Mais pour que ce soit efficace, il faut être bien préparé et avoir de l'expérience.
Le problème, c'est que je n'ai jamais eu le même programme deux années de suite. Mais dès qu'il y a une préparation, ça peut rouler, et on peut faire preuve d'improvisation, être sur le moment, être à l'écoute. Je ressens une certaine insatisfaction, mais il y a du potentiel. Ceci dit, j'ai quitté l'enseignement, du moins je l'ai laissé de côté pour le moment.


Webographie :

Interview de Lionel par l'équipe de Di6Dent.
Interview par Di6Dent d'un autre enseignant utilisant le jeu de rôle en cours.
Lionel a aussi écrit sur le forum Silentdrift des comptes-rendus de ses parties de jeu de rôle réalisés dans le cadre de l'Activité Créative et Ludique (merci à Christoph Boeckle de nous avoir déniché toutes les références) :
ACL 1, ACL 7, ACL 8, ACL 9, ACL 11, ACL 13 et 15, ACL 14. Certains fils couvrent en fait plusieurs « séances ».





L'animation jeu de rôle dans le cadre de la profession d'auteur et d'historien.


Concernant La Chaux-de-Fonds 1904, j'ai écrit moi-même ce supplément pour Crimes. Je ne suis pas tout seul, il y a d'autres MJ. D'avoir écrit le bouquin, ça a permis une transmission de mon savoir. Quand je fais un scénario spécifique, j'essaye de le rédiger. Je soigne au moins les prétirés.
Je vais développer, améliorer les scénarios actuels, les faire correspondre au public. Plus le scénario est raffiné, plus on peut improviser, adapter.
Je vais développer des jeux de rôles, des scénarios et des animations spécifiques dans le cadre touristique. Je ne m'arrêterai pas à La Chaux-de-Fonds 1904.

Pour La Chaux-de-Fonds 1904, le public ce sont des gens curieux de l'histoire de La Chaux-de-Fonds, ou de la Belle Époque, qui est l'âge d'or de la ville. Pas forcément des gens qui font du jeu de rôle, ou qui connaissent mal l'histoire. On s'adapte.

J'ai fait aussi jouer La Chaux-de-Fonds 1904 dans le cadre de promotion touristique. L'objectif était ludique, mais avec une certaine profondeur. L'apprentissage du contexte de la Chaux de Fonds à la Belle Epoque n'est qu'un support pour l'objectif ludique.

J'en ai fait aussi une animation pour enterrement de vie de jeune fille. Au départ, j'ai été contacté par des personnes qui faisaient un enterrement de vie de jeune fille. Elles ont bien apprécié, même si l'un des personnages est mort ! Alors j'ai eu l'idée de proposer une animation pour d'autres occasions de ce genre.

Le jeu de rôle, c'est un média, comme le cinéma, l'écriture, le théâtre. Il peut être utilisé pour tout, même s'il a ses propres règles. C'est un média interactif, comme le jeu vidéo. Et ça, c'est génial.

Webographie :
Animateur de jeu de rôle – les 6 étapes importantes, par Lionel Jeannerat sur le site Plaisirs d'histoire
Énergie créative. Univers artisanaux.
http://outsider.rolepod.net/
Thomas Munier
 
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Re: [JDR & Animation] Entretien avec Lionel Jeannerat

Message par Lionel (Nonène) » 07 Oct 2014, 16:33

Merci Thomas, je suis à disposition pour ceux qui ont des questions.
Lionel (Nonène)
 
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