JdR de Mélanie [sans nom] Psychopathe-Land

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JdR de Mélanie [sans nom] Psychopathe-Land

Message par Frédéric » 09 Avr 2015, 18:12

Quatrième playtest hier soir du JdR de Mélanie (qui n’a pas encore de nom officiel, mais déjà une demi-douzaine de noms officieux, notamment “HBO RPG” tant les scènes produites font penser à un gros mix des séries phares de la chaîne TV US).
Après 3 tentatives plus ou moins laborieuses, on a enfin réussi à faire tourner le jeu. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que c’était décoiffant.

Vous êtes bien accrochés ? This is how we roleplay in Poitiers :

Le setting propose de jouer dans Paris, quelques centaines d’années après notre époque. Le monde est revenu à un état sociétal proche du moyen-âge (ou carrément post apo, il y a une marge d’interprétation concernant la couleur du monde), mais les infrastructure de notre époque subsistent plus ou moins (donc on peut imaginer des types qui participent à des joutes chevaleresques, vêtus de tôles, et juste à côté d’autres quelqu’un qui conduit une voiture parce qu’il a trouvé un bidon d’essence et un véhicule en état de marche.

La société s’organise de façon féodale, chaque royaume étendant son emprise sur une ville et ses environs. La famille Balthus gouverne Paris, tandis que d’autres gouvernent d’autres villes et se livrent des guerres. Mais ce qui nous intéresse, c’est essentiellement Paris.

Ce monde est essentiellement peuplé d’humains, mais il existe aussi des immortels : des êtres humanoïdes ayant des particularités physiques animales diverses (crocs, fourrure, yeux de loup, griffes, cornes… ou des singularités physiques : un troisième œil au milieu du front, etc.). Tous les immortels doivent se nourrir de sang humain.
Les humains ont créé une nouvelle espèce en utilisant du sang d’immortels : les damnées. Ce sont toutes des femmes et sont plus puissantes que des immortels (qui sont eux-mêmes plus puissants que les humains) et elles sont utilisées par la couronne pour combattre la menace des immortels (qui en fait font partie intégrante de la société. Elles constituent une caste importante, mais détestée par la population car leur damnation symbolise la souillure.
ENfin, les immortels inféconds par nature peuvent s’accoupler avec une damnée pour donner naissance à un hybride (qui est encore plus puissant que tous les autres).

Parmi les activités de nos personnages, ce sont tous des gens influents et puissants, soit socialement, soit physiquement. Dans l’ensemble des personnages prétirés, il y a la Reine de Paris, un chef de gang, un noble affairiste, une prêtresse, la cheffe des damnées (et accessoirement capitaine de la garde royale), etc.

La partie :

Je joue Styx, un immortel transformé au 5e siècle. Chef de gang, au corps couvert de tatouages tribaux nordiques, portant une épaisse barbe, des yeux rouges et des bois de cerf (les descriptions des spécificités physiques des êtres surnaturels sont à notre entière discrétion).
Mes objectifs sont :
Avoir un héritier (alors que les immortels sont stériles)
Me venger d’Hildegarde (le personnage de Gaël, qui a tué ma femme et mon enfant il y a de cela des siècles).
Placer des immortels dans des lieux de pouvoir.
Détruire la famille Balthus (pour conduire à l’avènement des immortels, que ceux-ci cessent de vivre dans l’ombre et prennent le pouvoir sur les humains, faibles, mais bien plus nombreux qu’eux).

Je cadre la première scène et décide que je suis au lit avec Cégeste, mon amant et second dans le gang. Il constate que je suis absorbé par mes pensées. Il me dit qu’il est capable de deviner à qui je pense. Il me dit “quelqu’un avec les mêmes yeux que moi” et je lui réponds “ma fille avait de bien plus beaux yeux que les tiens”.
Les deux immortels discutent puis commencent à faire l’amour et un rapport de force s’installe dans l’acte [censure pour cause de passage explicitement pornographique, mais comme le faisait justement remarquer Gaël : it’s not porn, it’s HBO RPG].
Ils sont tous les deux interrompus par un membre du clan venu trouver Styx.


Gaël joue Hildegarde, une damnée née au 10e siècle, cheffe des damnées au service de la famille Balthus et de la milice.
Ses objectifs sont :
- Retrouver du crédit auprès de la reine.
- Être en couple avec Léonore sans la détruire.
- Corrompre la cheffe des mystique (qui détiens le secret du rituel de la création des damnés).

Gaël cadre la scène : Hildegarde va voir Léonore dans une vieille chapelle catholique en mauvais état, décorée d’une statue de la vierge Marie et d’un Christ hermaphrodite.
Le seul contact des mains de Léonore suffit à apaiser les tourments d’Hildegarde, mais cette fois-là, la fatigue se lit sur le visage de la prêtresse et l’apaisement ne se produit pas.

Léonore est très faible pour une raison obscure. Face aux questions d’Hildegarde, Léonore lui explique qu’elle ne peut rien lui dire sur les raisons de son affaiblissement. Elle trahit juste le fait qu’elle manque de sang (explication : mon personnage vend son sang car elle est une hybride d’immortel et de damnée et son sang est une véritable drogue qui s’arrache à prix d’or).
Hildegarde se met en colère, du coup Léonore reprend (un peu abruptement) les mains de Hildegarde pour l'apaiser. Elle se concentre tellement fort pour réaliser ça, que sa peau devient transparente par endroit et cadavérique.
Hildegarde retrouve bien une paix intérieure, elle repose une fois la question et se retrouve de nouveau face au refus de Léonore qui pense que parler serait dangereux. Hildegarde quitte les lieux en lançant qu'elle saura de toute façon ceux qui lui font du mal (toute la scène était très tactile et sensuelle, on sent que les deux personnages éprouvent des sentiments forts l’une pour l’autre).

Mélanie (le MJ) cadre à présent une scène pour mon personnage : En pleine négociation d’affaires, Cégeste commence à me faire un foin à propos du fait que je cherche à mettre sa sœur enceinte (puisque c’est le seul moyen pour moi d’avoir un enfant).
On s’isole dans le couloir et par un jeu de moquerie et de menaces, je lui fais comprendre qu’il ne pourra pas m’empêcher d’obtenir ce que je désire.

Il quitte les lieux et part retrouver sa sœur. Étant une damnée, Gabrielle a pour mission de tuer les immortels, or son frère Cégeste étant un immortel, sa situation est extrêmement tendue.
J’entreprends de suivre Cégeste pour qu’il me mène à sa sœur. Dans les souterrains de la ville, il s’arrête dans un bar moisi, Gabrielle porte un vêtement à capuche pour dissimuler son identité, mais certaines personnes ont l’air de la reconnaître (les damnées ne sont pas nombreuses et c’est une caste méprisée, car souillée par le sang d’immortel).

Je m’avance à leur table et m’assoie parmi eux de façon nonchalante. Cégeste se crispe, je pose ma main sur la sienne dans un geste d’affection et de domination. Puis je m’adresse à Gabrielle. Elle sait quels sont mes plans pour elle. Je lui fais remarquer que les clients du bar la dévisagent et que si elle se joignait à moi, nous pourrions prendre le pouvoir, que la mère de mon enfant serait bien traitée. Le temps des humains est révolu, elle n’a plus à se battre pour ceux qui l’asservissent.
Elle semble acquise à cette idée, mais objecte que si elle doit porter un enfant un jour, ce sera celui de son frère, et personne d’autre.

Je me lève de table et j’attrape un des clients dédaignant Gabrielle par le cou en l’écrasant de ma main et je bois son sang devant une assistance terrifiée.
Gabrielle se jette sur moi, s’ensuit un combat dans lequel j’utilise des clients du bar paniqués comme boucliers humains, mais elle finit par prendre le dessus, me plaque contre le mur d’une seule main et me murmure à l’oreille qu’elle ne me laissera pas faire tout ce que je veux. Puis me laisse tomber et quitte le lieu.


Nouvelle scène cadrée par Mélanie : de façon à apaiser les damnées (et probablement à mieux les contrôler), un rituel visant à purger leur âme de leurs tourments est pratiqué régulièrement. À cette occasion, des prêtres et prêtresses copulent avec eux, de façon à activer leur pouvoir de transe.
La scène ressemble à une orgie, dans une église, avec des habits cérémoniels prévus pour cette copulation rituelle et sacrée. Hildegarde participe, mais ses émotions la submergent et elle entre dans une frénésie incontrôlable et tabasse le jeune prêtre avec qui elle avait un rapport sexuel.
Les autres personnes présentes mettent du temps à réagir et finissent par quitter les lieux. Seule reste Léonore qui s’approche pour tenter de la raisonner et choisit ce moment (le pire qui soit) pour lui révéler que Styx puise son sang pour en faire un trafic.
Suite à cette révélation Hildegarde ne se contrôle plus et pour obtenir sa transe entreprend de violer Léonore. Cette dernière réagit en tentant de l’apaiser par des mots et des caresses.
Un conflit est joué. Gaël joue pour obtenir une transe afin de s’apaiser, ce qui voudrait dire violer son amante. Le corps à corps est destructeur, mais finalement Hildegarde finit par se rendre compte de ce qu’elle était en train de faire et renonce et s’enfuit, dévorée par la culpabilité.


Commentaires
Comment dire ? C’était énorme !
Les 3 ou 4 playtests précédents étaient grippés, parce que les objectifs de nos personnages étaient souvent trop passifs ou abstraits, ou trop dépendants de secrets que seul le MJ connaissait. Du coup, on se retrouvait vite bloqués sans savoir comment agir pour progresser vers leur résolution, ou réagir aux situations que nous cadrait le MJ.
Là on a pris du temps avant de jouer pour élaborer des objectifs qui impliquent forcément l’accomplissement de quelque chose et qui soient en relation avec un ou plusieurs autres personnages importants présents sur le réseau des relations (en fait, tous les personnages jouables).

Une remarque : dans la dernière scène de Gaël, Mélanie a établi que Hildegarde perdait le contrôle et Gaël a joué dans ce sens. Du coup, il s’est trouvé à défendre le pire parti possible pendant le conflit et de son propre aveu, il ne savait plus vraiment comment il en était arrivé là tant la situation lui échappait. ^^

J’ai ressenti quelque chose de nouveau dans cette partie, par rapport à mes pratiques du JdR diverses (et aussi dans l’une des précédentes qui avait un peu marché, mais nettement moins bien que celle-ci) : jouer des personnages badass, voire flamboyants, mais aussi cruels, fourbes et violents, mais dont les comportements sont le fruit de la situation dans laquelle ils se trouvent.
Au premier plan, les rapports de domination avec les autres personnages : certains nous dominent, et on en domine d’autre. D’emblée les relations sont perverties et il va falloir passer en force ou manigancer pour obtenir ce qu'on veut.

On a besoin des autres, mais les autres sont aussi des obstacles.

De plus, la mécanique du jeu (que j’ai bricolée pour dépanner au départ et qui s’est avérée plutôt efficace, donc on l’a gardée) avantage le joueur qui va user de brutalité ou de manipulation et accorde une grande importance aux relations.

Toute la préparation des personnages consiste à préparer énormément de prises pour générer un Positionnement riche pendant la partie (des perches pour que le MJ nous mette dans des situations impossibles : relations, passé, objectifs, choses qui comptent vraiment pour le personnage, etc.).

Typiquement, Vampires de Victor Gijsbers échoue selon moi à nous pousser à être cruels. Il nous contraint à l’être et donc on se force et c’est vite artificiel.
Ce jeu est tout à fait différent et nos comportements excessifs (je ne retranscris pas la moitié de la perversité et de la violence dans mon CR) étaient naturels : on jouait comme ça sans se forcer, parce que tout était en place pour qu’on y vienne sans avoir à y penser (vous avez dit vide fertile ?).
Styx humiliait et intimidait constamment Cegeste, par exemple, mais celui-ci reste attaché à lui.

Le fait que l’on ait une grande marge de manœuvre concernant l’esthétique de nos personnages (notamment les caractères monstrueux des immortels) nous offre une part de créativité bienvenue.

Je remarque également que les thématiques du jeu sont très orientées vers le Queer, le féminisme, la masculinité, la parentalité, la violence, les relations de dépendance, voire de domination, etc. C’est cru, c’est sale, c’est immoral, c’est sexuel, c’est transgressif. C’est fucking awesome !


Bref, on compte bien continuer la semaine prochaine, et je suis impatient de voir comment tout cela va évoluer. *-*
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Re: JdR de Mélanie [sans nom] Psychopathe-Land

Message par Bulle (Mélanie) » 09 Avr 2015, 19:49

Comme on parle un peu du jeu que je fais, je me permet un peu, beaucoup, passionnément, très fort, à la folie de dire MERCI à Fred pour ce rapport de partie :) ( et avoir bricolé - haha j'adore le terme, "bricolé", et avoir donné au jeu un système qui marche très bien).

Cela va bien m'aider en plus à formaliser tout ce qui a pu se dire et se tester hier sur le système.

De plus si des gens qui lise ça se dise : oh chouette, j'ai envie, ou oh berk, quel jeu bizarre, et ont des questions etc ... N'hésitez pas.

Voilà. Vive la prochaine partie, vive nous.
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Re: JdR de Mélanie [sans nom] Psychopathe-Land

Message par kiraen » 09 Avr 2015, 23:56

Vive vous, ça donne envie de se lâcher dans une grande partie de fouloir. Et l'attachement aux personnages devrait pousser vers des parties successives. Mais je me pose quand même des questions, comme par exemple la suivante : si ces séries HBO exploitent notre coté voyeur et arrivent à nous accrocher dans une sorte de plaisir coupable, dans ce jeu être acteur ne risque-t-il pas de provoquer un rejet violent ? Je suis très curieux de suivre vos prochains tests !
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Re: JdR de Mélanie [sans nom] Psychopathe-Land

Message par Bulle (Mélanie) » 10 Avr 2015, 03:55

Bonjour Kiraen,

Merci beaucoup pour ton intérêt et tes encouragements. Avant de te répondre, mon éparpillement sur les notions de voyeurisme et d'intérêts de scènes violentes et ou sexuelles dans une fiction et autre détours ont fini par me convaincre que je crois que je ne comprends pas bien sur quoi porte ta question :)

si ces séries HBO exploitent notre coté voyeur et arrivent à nous accrocher dans une sorte de plaisir coupable


Je ne sais pas pourquoi, mais autant je pense comprendre cette phrase, autant l'aspect coupable du plaisir me pose question. Pourquoi coupable ? coupable de quoi ?

dans ce jeu être acteur ne risque-t-il pas de provoquer un rejet violent ?


Je suppose que tu entends par là qu'un jeu proposant de jouer des scènes explicitement violentes, sexuelles, malsaines, etc. Et donc très intimes, avec des sujets tabou, risque de provoquer le rejet du public. Si tel est le cas, attends-tu que je réponde sur la question du rejet ? Et comment y pallier ?
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Re: JdR de Mélanie [sans nom] Psychopathe-Land

Message par kiraen » 10 Avr 2015, 06:48

Salut, je vais essayer de clarifier ce que j'entendais par là. Quand je parle de plaisir coupable, je veux dire qu'il y a une jouissance à voir des personnages souvent détestables sortir du cadre conventionnellement acceptable. Je parle d'aimer suivre l'évolution d'un personnage immoral dans une série, et aimer le voir se sortir de situations et au même moment se dire qu'il devrait payer pour ses actes. Je ne dis pas que cette culpabilité rampante est ressentie par tout le monde, ni qu'elle est justifiée, juste qu'elle est souvent présente.
Et je me demandai si ce malaise n'allait pas être décuplé en passant de spectateur à acteur, c'est à dire en endossant la responsabilité des actes cruels, injustes, immoraux, ne risquait pas de renforcer le rejet de son propre personnage.

Jouer comme ça pendant 1 ou 2 épisodes je suis convaincu que ça doit être une expérience assez géniale, mais sur toute une saison ? C'est pour ça que ce CR me donne envie de voir ce que ça va donner par la suite. Et je suppose que ça ne donnera pas forcément la même chose pour chaque participant.

Je n'attendais pas vraiment de réponse à ce sujet d'ailleurs, mais si tu sais déjà comment éviter ça je suis curieux de savoir comment.

Bon, j'espère avoir été un peu plus clair. Si ce n'est pas le cas, aucun problème, je guetterai les CR suivants pour voir comment vous vous en sortez.
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Re: JdR de Mélanie [sans nom] Psychopathe-Land

Message par Frédéric » 10 Avr 2015, 09:53

En JdR, qui est une activité sociale et créative, on se heurte parfois à des freins : certaines personnes éprouvent de grandes difficultés dans certains contextes à jouer le jeu.

Je pense par exemple aux 3 peurs liées à l'improvisation, dans cet article de P. Darby (ces "peurs" sont issues du livre Le Théâtre et l’improvisation de Keith Johnstone) :
  1. la peur de la psychose
  2. la peur de l’obscénité
  3. la peur du conformisme

Ce sont des questions purement individuelles : on a tous des situations qui nous mettent en difficulté sur le plan social et créatif. Un bon contrat social peut aider à minimiser ces peurs : se mettre en confiance, réduire ses exigences, etc.


J'ai aussi, de ma propre observation, listé trois exigences que l'on retrouve de façon plus ou moins forte dans certains jeux et qui peuvent provoquer des blocages ou des situations de rejet de la part des participants :
  1. Être performant
  2. Se dévoiler sur le plan émotionnel
  3. Être en phase sur le plan créatif avec les exigences du groupe

J'ai rencontré plusieurs personnes se bloquant ou en difficulté à cause d'une de ces exigences.
  1. Être performant : il s'agit généralement d'une exigence que l'on rencontre dans les JdR où le défi et la performance jouent une part importante. Le jugement du groupe au sujet de la capacité d'un individu à prendre les meilleures décisions peut être un motif de stress.
  2. Se dévoiler sur le plan émotionnel : typiquement, les thématiques matures, intimes et ambivalentes d'un point de vue moral, mêlées à une grande liberté de décision et une totale responsabilité sur les conséquences des choix peuvent générer du malaise chez certains (notamment quand ces personnes jouent avec des inconnus, ou tout simplement quand elles ne sont pas en confiance).
  3. Être en phase avec les exigences du groupe : à certaines tables, la connivence est telle, qu'un nouveau venu peut se trouver en difficulté pour intégrer le "délire" commun : dans certaines pratiques, échouer à accomplir une vision particulière d'un genre fictionnel ou d'une fiction de référence n'est pas permis. Cela peut générer un sentiment de ne pas être à sa place, de ne pas faire partie du groupe et de son "trip". Ça peut arriver dans les jeux extrêmement exigeants sur le plan de la rigueur historique, ou d'une pratique rattachée à un certain nombre de références fictionnelles ou culturelles que le joueur ne possède pas, etc.

(Je ne cache pas que ces observations sont rattachées dans ma tête aux démarches créatives, mais je ne crois pas que ce soit utile dans le fond de faire le rapprochement).
Quand un jeu pousse la logique de la performance, de sortir de sa zone de confort émotionnelle ou d'exigence esthétique, cela peut augmenter les difficultés rencontrées par un joueur concerné par l'un de ces cas de figure.


Typiquement, le jeu de Mélanie pousse le bouchon super loin dans le dévoilement sur le plan émotionnel et l'ambivalence morale. Mais en fait, si l'on joue à des jeux qui poussent ces choses loin, c'est que ça met du piment dans une pratique à partir du moment où on l'apprécie.
Typiquement, à notre table, Gaël, Mélanie et moi n'avons aucun tabou. Pas de façon générale et avec tout le monde, mais entre nous, on peut faire des descriptions de scènes de sexe, raconter les pires horreurs, on sait que les autres ne vont pas réagir de façon déplacée et qu'ils auront même tendance à apprécier ça.
Pour moi, c'est comme l'argent dans le poker : ça enrichit l'expérience d'enjeux réels (c'est-à-dire d'enjeux sociaux entre personnes réelles, en quelque sorte).

Franchement, on à rarement ressenti du malaise dans nos parties (sauf à Vampires de Victor Gijsbers, mais c'était parce qu'on a cherché à pousser la logique du jeu le plus loin possible et parce que c'était artificiel). On est plutôt décontractés sur ces plans-là. Et puis, je fanfaronne avec nos descriptions pornographiques, mais c'était plutôt gentillet au final et parfaitement inclus dans les thématiques et des enjeux intéressants pour l'histoire.

De plus, comme pour Les Cordes Sensibles, les joueurs restent maîtres de ce qui concerne leur personnage, on n'est pas dans une relation d'autorité (contrairement à certaines pratiques plus traditionnelles), on est à peu près sur un pied d'égalité. Donc on risque peu de se voir imposer quelque chose qui nous met en difficulté (d'autant plus si le contrat social est clair, j'en reparle plus bas).

Je n'ai pas trouvé de moyens de faire passer outre un joueur ses difficultés vis à vis d'une de ces exigences. Je crois qu'il vaut mieux orienter sa pratique vers l'une des autres exigences si l'on veut continuer de jouer avec cette personne.


Après, sur le plan strictement commercial, je crois que Mélanie ne devrait tout simplement pas se poser la question : ça rebutera probablement une partie du public, mais ce sera au contraire un motif d'intérêt pour d'autres. Chaque jeu a son cœur de cible et ce serait dommage de ne pas publier un jeu parce qu'il ne correspond pas aux attentes supposées du plus grand nombre (si pour 10 personnes, c'est l'extase absolue, pourquoi les en priver ? Si Mélanie me disait : non, je ne vais pas publier mon jeu, parce que ça ne plaira pas à suffisamment de monde, je lui dirais : OK, vends-moi ses droits pour que je puisse le publier et y jouer, ce serait tellement dommage que ce jeu soit avorté ou de l'adoucir pour de telles raisons. J'aime tellement ce jeu en l'état... c'est comme si on supprimait toutes les copies d'un de mes films préférés pour que personne ne puisse plus jamais le voir). T_T
De plus, des jeux comme Dogs in the Vineyard, Apocalypse World, Breaking the Ice... nous montrent que c'est une erreur de croire qu'un JdR doit aborder certains thèmes et pas d'autres pour avoir un succès commercial.

Après, le jeu de Mélanie a probablement une vraie marge de manœuvre côté violence et sexualité. On doit pouvoir éviter certains sujets s'ils nous dérangent et établir qu'il peut y avoir du sexe et de la violence sans pour autant raconter ces moments (voir les démarches sociales ainsi que les lignes et les voiles : http://www.limbicsystemsjdr.com/un-contrat-social-sain/). Je fais généralement confiance aux gens pour se protéger quand ils sont en difficulté dans une activité sociale (quitter la partie, se taire, tourner son attention vers la boîte de cookies, déconner, digresser, etc.), surtout quand on joue entre adultes consentants. Parfois, en asso ou en convention on tombe sur des personnes avec qui ce n'est pas le cas, mais c'est sans doute le mauvais endroit pour jouer à ce genre de jeux. c'est clairement fait pour jouer avec des gens avec qui on n'a pas peur de se livrer.
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Re: JdR de Mélanie [sans nom] Psychopathe-Land

Message par kiraen » 10 Avr 2015, 16:32

Je suis bien conscient des éléments que tu cites, j'avais déjà entendu ces références dans les podcasts de la cellule par exemple. Cela étant dit, mes remarques n'étaient pas des réflexions effarouchées, et ne concernaient pas l'aspect commercial éventuel du jeu.

Ta reflexion sur l'autorité est intéressante, et à mon avis elle permet à un tel jeu de ne pas devenir malsain. J'ai beaucoup entendu et apprécié l'idée que des jeux comme celui-ci, comme Dogs ou d'autres, permettent d'explorer des aspects de la vie tout en restant en sécurité. Comme m'a dit Globo plus d'une fois : "Dans la vie je m'efforce d'être un type bien, le jdr me permet d'explorer parfois ce que c'est d'être un vrai salop".

Ce qui m'intéresse dans ce jeu, dans ces jeux, c'est que j'y vois une forme d'exploration adulte plus que les délires adolescents qui ont pu être vécus dans des jeux comme Bloodlust à l'époque de sa sortie. Et finalement ce qui m'interpelle c'est que cette exploration concerne autant le joueur que son personnage (où sont mes limites en tant que joueur, en tant qu'humain, est-ce que je peux expérimenter le mal sans blesser ni moi ni quelqu'un d'autre).

Ma limite personnelle concerne clairement cette peur de l'obscénité et la difficulté à la dépasser, mais c'est personnel. Et je dois dire que le jdr me permet de la tester régulièrement, avec parfois un grand plaisir, parfois un vrai sentiment de malaise (concernant par exemple ces scènes de viol ou de quasi viol).

Enfin bref, ce n'était pas du tout un appel à vous justifier mais bien un intérêt réel pour ce que vous vivez dans ce jeu, probablement maintenant que tu le mentionnes, nourri par mes propres limites dans le domaine. Je ne sais pas du tout si j'aurai envie d'y être acteur, mais en tant que spectateur j'ai hâte de lire le prochain épisode.
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Re: JdR de Mélanie [sans nom] Psychopathe-Land

Message par Frédéric » 10 Avr 2015, 18:16

En effet, j'ai un peu extrapolé à partir de ton commentaire, je m'en excuse, Julien.

C'était surtout pour moi l'occasion façon d'aborder pleinement cette question, très présente dans le CR (et puis lancer le fil de discussion dans cette direction qui me tient à cœur). Donc ce n'est pas une façon de justifier les partis pris de Mélanie (ou les miens dans Les Cordes Sensibles) et encore moins de légitimer notre pratique, mais bien une façon d'aborder ce sujet plutôt courant en JdR : la gêne sociale et créative. ;)

Content en tout cas que ça t'intéresse.
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Re: JdR de Mélanie [sans nom] Psychopathe-Land

Message par Bulle (Mélanie) » 11 Avr 2015, 15:33

Bonjour tous,

Merci Kiaren pour ces précisions ^^

Je ne sais pas trop si à force de cruauté et d'immoralité le joueur peut en venir à rejeter son personnage. Mais, pour ce que l'on a pu testé du mécanisme que l'on a crée avec Fred ( enfin Fred a construit la grosse base quoi ^^) il y a des mécanismes, qui font que le personnage peut par exemple perdre de l'estime pour lui même, même si le joueur est encourage à utiliser la manigance et la violence pour résoudre les conflits, il reste aux commandes de son perso et agir différemment.

Ensuite il y a autre chose de très important, tout aussi cruels et immoraux que soient les personnages ils ont des désirs qui sont eux bien "humain" : être aimé, avoir un enfant, etc ... Ils ne sont pas dépourvus de compassion et d'empathie pour autrui sans raison, il y a tout un background qui explique ce qu'ils sont devenus.

Enfin, je dirai que de toute façon je ne souhaite pas que l'on joue des personnages "psychopathes" le titre du fil prête peut-être à confusion. On ne pourrait pas jouer par exemple un personnage crée en s'inspirant de Geoffrey Lannister par exemple.

Voilà voilà :)
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