[Inflorenza] Evolutions du mode diceless

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[Inflorenza] Evolutions du mode diceless

Message par Thomas Munier » 08 Avr 2015, 15:27

Je crois que je m'approche d'un système de résolution diceless qui me satisfait.

Lundi, j'ai fait un test d'Inflorenza en mode diceless, qui était le suivant :

+ Quand joueur et MJ sont pas d'accord pour qu'un truc arrive, il y a conflit.
+ Lors du conflit, le joueur définit le gain: ce qu'il va obtenir s'il réussit.
+ Le MJ définit le risque: ce qui va se passer s'il rate son action
+ Le MJ définit le forfait: ce qui va se passer si le joueur fuit la confrontation
+ Le MJ définit le sacrifice: ce que ça coûte de choisir le gain (le prix de la victoire, en somme)

A ça, j'ajoutais plusieurs balanciers. Le MJ devait annoncer une conséquence positive du forfait, et une conséquence positive du risque. Avec toutes, ces infos, le joueur choisissait entre gain + sacrifice, forfait + conséquence positive, risque+conséquence positive. Il y avait une quatrième option, c'était de pouvoir choisir risque + pouvoir. Le pouvoir, ça permettait de choisir le gain sans sacrifice lors d'un prochain conflit.

La recette se compliquait si un joueur aidait, ça donnait une option de sacrifice supplémentaire. Et si deux joueurs s'affrontaient, ça se compliquait aussi pas mal.

La partie fut très intéressante dans le sens où le système de résolution apportait ce que je cherchais, c'est-à-dire des choix cornéliens, mais c'était pas fluide du tout. En tant que MJ, je mettais du temps à définir les options et les joueurs mettaient du temps à cerner les enjeux du choix. En fait, on se perdait entre trois ou quatre avenirs complètement différents. C'était brainfuck, mais pas fun.

Laury et Khelren, mes deux joueurs, merci à eux, n'ont pas manqué de souligner la lourdeur de la chose. Ils m'ont fait diverses remarques et suggestions de simplification, et du coup, à peine réapproprié, ça donne ça :

+ Quand joueur et MJ sont pas d'accord pour qu'un truc arrive, il y a conflit.
+ Lors du conflit, le joueur définit le gain: ce qu'il va obtenir s'il réussit.
+ Le MJ définit le risque ce qui va se passer s'il rate son action
+ Le MJ définit le forfait: ce qui va se passer si le joueur fuit la confrontation
+ Le MJ définit le sacrifice: ce que ça coûte de choisir le gain (le prix de la victoire, en somme)

Exit les balanciers : le risque et le forfait n'ont pas de conséquences positives définies à l'avance.

Le joueur choisit entre le gain+sacrifice, le forfait, ou le risque+pouvoir.

Un pouvoir, c'est un joker qui lui permettra plus tard de remporter un gain sans le sacrifice. On ne peut pas stocker plus de un pouvoir par joueur à la fois. On ne décrit pas à l'avance ce qu'est le pouvoir, on ne le décrit que quand il est utilisé (comme ça, on est sûr qu'il s'adapte à la situation.

Laury l'a très bien fait lors du test : sa chef de clan (figurante) l'oblige à faire un truc qu'il ne veut pas faire (risque) en utilisant le sacrement de l'hostie (elle lui a fait manger une hostie quand elle l'a initié à son clan, et j'avais précisé que ça le liait magiquement à la chef). Laury pourrait lui résister, mais ça lui coûterait un sacrifice : la chef du clan serait contre elle par la suite, et il a besoin de ses services. Laury accepte de faire la sale besogne (il accepte le risque) en échange d'un pouvoir. Plus tard dans le jeu, la chef du clan veut tuer une figurante qui connaît un secret que Laury veut à tout prix connaître. Il veut l'en empêcher, mais à nouveau je lui propose un sacrifice trop coûteux : alors Laury crame son pouvoir, il dit "maintenant que la chef du clan a utilisé le pouvoir de l'hostie une fois sur moi, je peux le retourner une fois contre elle : je lui ordonne de lâcher cette fille." C'était complètement dans le style de magie de Millevaux. On aurait décrit le pouvoir à l'avance, on aurait pas fait mieux.

Si un joueur veut aider le joueur en conflit, le MJ énonce un sacrifice pour lui aussi. Le joueur aidant dit alors s'il maintient son aide ou pas, sachant ce qui eut lui tomber sur la gueule. Le joueur aidé dit s'il accepte cette aide ou pas. Si oui, l'option "risque + pouvoir" et l'option "forfait" est retirée de la table. Comme ça ça simplifie. Le joueur aidé a alors le choix entre gain+sacrifice pour lui ou gain+sacrifice pour le joueur aidant. Sachant que, carotte pour qu'il y ait un intérêt à donner un coup de main (Khelren m'avait fait remarquer que le système encourageait pas du tout à aider), si le joueur aidant se prend un sacrifice, il gagne aussi un pouvoir.

En cas de conflit joueur contre joueur, les choses se corsent un peu, mais à peine, en fait.
Le choix devient gain A + sacrifice A ou gain B + sacrifice B ou forfait (défini par le MJ). Dès que chacun des camps obtient une aide, l'option forfait disparaît. A chaque fois qu'un joueur apporte son aide, on lui définit un sacrifice. Ensuite, on cherche d'abord à déterminer qui l'emporte de gain A ou de gain B. Et celui qui l'emporte, c'est celui qui a le plus de monde dans son camp. Sachant qu'un joueur en conflit ou un de ses aides peut cramer son pouvoir pour s'ajouter une voix de plus : ça entraîne vraiment les joueurs à aller à la pêche à l'aide, à impliquer les joueurs neutres dans leurs problèmes. S'il y a égalité, le MJ définit un ex aequo : une situation sans gain, ni sacrifice, à la limite entre gain A et gain B. Si la faveur a penché en la faveur d'un des deux gains, le joueur qui l'emporte définit qui de lui ou de ses aides se mange un sacrifice (sachant que si un aide se prend un sacrifice, il gagne un pouvoir).


Bon, ça m'a quand même pris long à le rédiger mais ça m'a l'air plus simple qu'avant.

Et je compte bien plaquer ce système sur Arbre, également. A voir si je conserve le goupil et les réponses en "oui mais" du joueur comme routine en utilisant ce nouveau système de résolution seulement en cas de désaccord MJ/joueur ou joueur/joueur, ou si je garde uniquement le nouveau système de résolution, comme à Inflorenza. Je pense que je conserverai à minima le goupil pour énoncer les sacrifices à la place du MJ.
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Re: [Arbre] Résolution et résistance asymétrique en bois

Message par shiryu » 08 Avr 2015, 22:43

content que ça ait pu te servir
la partie était plaisante mais si je n'ai pas réussi à faire mourir mon fou comme j'étais prêt à le faire. la fin trouvée ensemble était bien, un peu d'espour à inflorenza, ça se prend !
dernier article : mon premier jeu à venir
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Re: [Inflorenza] Evolutions du mode diceless

Message par Thomas Munier » 15 Avr 2015, 15:47

Avec les playtests, j'essaye de faire évoluer le mode diceless vers plus de simplicité, en segmentant les options de choix dans le temps pour les limiter.

Actuellement, j'en suis là :

Création de personnage = le joueur définit un objectif + un ou deux symboles

Les objectifs des personnages doivent être liés entre eux (on doit pouvoir établir une chaîne de liens entre tous les objectifs : objectif A est lié à B qui est lié à C).

+ Quand joueur et MJ sont pas d'accord pour qu'un évènement arrive, si l'évènement n'est pas lié à l'objectif du joueur, celui-ci a gain de cause. Si le MJ peut justifier en quoi l'évènement est lié à l'objectif du joueur, il y a conflit.

+ Lors du conflit, le joueur définit le gain: ce qu'il va obtenir s'il réussit.
+ Le MJ définit le risque: la pire chose qui puisse se passer s'il échoue à obtenir le gain.
+ Le MJ définit le forfait: ce qui va se passer si le joueur fuit la confrontation. Parfois, cela se passe de définition.
+ Le MJ définit le sacrifice: ce que ça coûte de choisir le gain (le prix de la victoire, en somme). Le sacrifice est lié à l'objectif du personnage et/ou à un de ses symboles.

Le joueur choisit entre le gain+sacrifice, le forfait, ou le risque+pouvoir.

Un pouvoir, c'est un joker qui lui permettra plus tard de remporter un gain sans le sacrifice. On ne peut pas stocker plus de un pouvoir par joueur à la fois. On ne décrit pas à l'avance ce qu'est le pouvoir, on ne le décrit que quand il est utilisé (comme ça, on est sûr qu'il s'adapte à la situation.


Conflit avec aide :
Si un joueur veut aider le joueur en conflit, le joueur en conflit annonce s'il continue a mener la résolution, où s'il la délègue au joueur qui l'a aidé. S'il délègue la résolution au joueur qui aide, le MJ définit un sacrifice pour ce joueur : ce que ça coûte pour le personnage qui aide de choisir le gain. Le sacrifice est lié à l'objectif du personnage qui aide et/ou à un de ses symboles. Le joueur qui aide choisit entre le gain+sacrifice+pouvoir, le forfait ou le risque. Ce n'est pas tout à fait le même choix, car on veut éviter qu'un joueur apporte son aide dans le seul but de glaner un pouvoir, ce qui serait le cas si l'obtention du pouvoir était lié au risque : si le risque l'indiffère, il le prendrait sans remords.

En cas de conflit joueur A contre joueur B :
Le choix devient gain A + sacrifice A ou gain B + sacrifice B ou forfait ou ex aequo (défini par le MJ = une situation hybride entre gain A et gain B).
Le camp avec le plus de voix a l'avantage dans le conflit. Sachant qu'un joueur peut claquer son pouvoir pour ajouter une voix de plus dans son camp. Une fois qu'on a déterminé quel camp a l'avantage, l'autre camp est retiré de l'équation. On gère comme un conflit simple. Supposons que le camp A ait l'avantage, on joue maintenant un conflit simple avec les options gain A / forfait / risque (=gain B). S'il y a plusieurs joueurs dans le camp A, le meneur du camp voit qui d'entre eux fait la résolution (cf confit avec aide).

Si camp A et camp B ont le même nombre de voix, les joueurs peuvent tenter de se mettre d'accord. S'ils ne parviennent pas à un accord, le MJ tranche lui-même entre les options gain A / gain B / forfait / ex aequo
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Re: [Inflorenza] Evolutions du mode diceless

Message par Khelren » 19 Avr 2015, 15:40

Mmm... pas évident de t'aider pour le coup. Une présentation de l'objectif de ton système serait vraiment utile à ce stade. Ca te permettrait peut-être aussi de trancher ou en tout cas de clarifier ta propre intention... (Je précise que peut-être tu as expliqué ton intention ailleurs, auquel cas il est très probable que je l'ai ratée!)

Sans cet élément, j'ai un peu de mal avec la présentation de ton système sur le forum, donc il n'est pas impossible que je passe à côté de ce que tu as dans ta tête. Je vais quand même essayer de le disséquer mais j'admets tout à fait pouvoir me planter dans les largeurs.

Fondamentalement, ton système de résolution est un système de résolution par conflit (par opposition à une résolution par tâche donc) et qui emploie le drama (par opposition à fortune et karma, selon la distinction classique). Géré en diceless. Aucun problème jusque là.

Par contre, je crois que tu te perds un peu en options. Tu as déjà simplifié en supprimant les "balanciers" et c'est clairement mieux car avant ça n'était tout simplement pas gérable.

Je laisse de côté pour l'instant les conflits à plusieurs, je pense qu'il vaut mieux se baser sur une résolution de conflit PJ vs MJ sans intervention et qu'elle soit bien huilée avant de la complexifier.


Fuite
Je reviens d'abord sur l'option de la fuite.
Fondamentalement, cela signifie simplement que le personnage se désengage du conflit et je ne suis pas certain qu'alors il faille le gérer par le système de résolution.

J'aurais tendance à dire qu'habituellement la "fuite" intervient lorsqu'on définit ensemble le conflit avec l'enjeu et le risque et que finalement une des parties n'est pas prêt à s'y investir. Mais le plus souvent c'est parce qu'il y a une gestion aléatoire du conflit, donc une part d'incertain. De deux, cela permet, il me semble, à la partie en fuite, de ne pas subir le risque (tout du moins dans sa totalité) mais de ne pas remporter le gain.
Sauf que... dans ton cas fondamentalement tu transformes cette option de forfait/fuite en une option supplémentaire de gain+perte, tout comme toutes les autres options sont des options gain+perte.

Cela oblige donc à trouver un autre schéma gain+perte, ce qui n'est pas toujours évident et surtout ralentit la partie.

Je ne sais pas si en réalité ta fuite n'est pas, tout simplement, juste une interprétation d'une défaite. En gros: "Tu es battu mais tu réussis à t'enfuir."
Plus exactement, je lance l'idée en l'air, je me dis que tu essaies de faire rentrer les deux concepts (fuite-échec et fuite-désengagement) dans le même moule, d'où le problème.


Mais...
Fondamentalement, ton système de résolution oblige les joueurs à inventer des situations qui suivent les fameux "oui mais..." en cas de "victoire" et "non mais..." en cas "d'échec". Dans ton cas, le "mais" en cas de victoire et ce que tu appelles le "sacrifice" et le "mais" en cas d'échec est le "pouvoir". Je pense d'ailleurs qu'il vaudrait mieux employer cette terminologie-là pour clarifier le conflit tel qu'il est mécanisé dans Inflorenza.

Fondamentalement, comme je le disais lors de ce playstest, le "pouvoir" est une monnaie: c'est une ressource qui te permet de perdre l'avantage sur la narration dans l'instant présent mais de remporter automatiquement un conflit futur, donc d'obtenir un avantage narratif dans le futur.

C'est un aspect intéressant de ton système et j'y retrouve un peu certaine mécanique de In a Wicked Age voire le fonctionnement du système de Hillfolk. Je développe plus bas Hillfolk mais dans IAWA, le personnage qui se lance dans un conflit désavantageux (donc avec chance de ne pas remporter le conflit présent) inscrit son nom dans un Hall of fame. Pour pouvoir rejouer ce personnage lors d'une prochaine session, il faut pouvoir rayer son nom. Mais, pour bénéficier d'un avantage immédiat lors d'un conflit (et donc augmenter ses chances de réussite), il faut aussi rayer son nom.

Au passage, aucune raison de limiter le nombre de jetons/pouvoirs/monnaies à disposition d'un joueur. S'il souhaite accumuler les échecs en début de partie pour ensuite s'assurer qu'il aura l'avantage narratif, je ne crois pas que ce soit utile de l'en empêcher. Je regarde Fiasco et à aucun moment il y a des limitations...
Simplement, dans ton cas, il faudra peut-être mettre en place une mécanique de surenchère pour pouvoir contrer ce qu'un joueur cherche à imposer. Hillfolk démontre que ça marche très bien.


Négociation du conflit
Tu fais le choix en tout cas de négocier les conséquences du conflit, les enjeux et le risque en clair, avant la résolution. Si je reprends In a Wicked Age par exemple, la négociation intervient principalement après la résolution. Baker appelle ça "la négociation avec un bâton". J'ai gagné donc je "t'impose" quelque chose. Tu peux refuser mais tu subis des conséquences négatives définies de manière générique par le système (perte de puissance du personnage), ce qui correspond à un gain de temps si la négociation n'est pas acceptée.
Négocier en amont de la résolution risque quoi que tu fasses de créer une lenteur là où une négociation postérieure a plus de probabilité d'avancer plus vite.

Je reviens sur le système de Hillfolk car fondamentalement c'est un système diceless/drama-driven, comme le tien. Dans Hillfolk, pareil tu ne lances pas de dé pour déterminer si tu as obtenu ce que tu voulais de la scène. Mais c'est cette échange de ressources qui importe: en clair, si tu obtiens une concession, tu donnes une monnaie à l'autre; si tu n'obtiens pas satisfaction en remportant ton objectif, l'autre te donne une ressource. Et avec deux monnaies, tu peux imposer l'issue d'un conflit.
Conséquence: ne pas céder est un risque à prendre sur le long terme au bénéfice d'un avantage narratif sur le court terme.

Et je crois que c'est là peut-être le manque actuel de ton système: les deux options sont équivalentes. Ce n'est que dans ta deuxième version que tu précises implicitement que le "oui mais..." permet d'atteindre son objectif, là où le "non, mais" ne le permet pas. Mais sans insister plus que cela alors que c'est central et devrait être indiqué en gras :D

Problème: étant en diceless, il n'y a actuellement aucune raison pour ne pas vouloir atteindre l'objectif pour le PJ.

Sauf que tu vas me dire que parfois tu fixes un prix trop important à payer. Cela génère un corollaire problématique. Fondamentalement, en tant que MJ, tu vas choisir de proposer un prix fort pour ralentir le joueur. Pourquoi le faire? Pourquoi ne pas le faire? Quelle que soit la réponse, tu entres dans le champ de l'arbitraire (et par extension d'un risque certain d'injustice et de frustration du joueur). On pourrait même dire qu'en réalité, tu vises à diriger le PJ dans le sens que tu souhaites, en le privant de sa liberté. Un terrain dangereux.


Quelques pistes
Utiliser une graduation, une échelle, concernant l'objectif du personnage. Un "oui mais" permet de se rapprocher, un "non mais" en éloigne. Un "scénario" propose selon sa longueur une échelle plus ou moins grande. Le MJ à la fin du nombre de conflits prévus détermine sur l'échelle si l'objectif est totalement atteint ou partiellement ou pas du tout...

C'est sans doute l'aspect héros, martyr et salaud qui va différencier ton système et le fluidifier. On peut imaginer des cas où selon le refus ou l'acceptation de l'aide et les objectifs de l'aide, les joueurs vont gagner des jetons narratifs ("pouvoirs") ou avancer ou reculer sur l'échelle de leur objectif (point précédent).


En espérant que mes quelques réflexions te soient utiles ;)
Khelren
 
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Re: [Inflorenza] Evolutions du mode diceless

Message par Thomas Munier » 19 Avr 2015, 20:16

Je te remercie beaucoup Khelren d'avoir pris le temps de me faire un retour aussi pointu.

L'intention derrière ce système de résolution, c'est que pour atteindre l'objectif qu'il a fixé à son personnage, le joueur doit en payer le prix. C'est essentiellement un prix qui est moralement difficile à payer, puisqu'il s'agira pour le personnage de payer en reniant certaines des valeurs du personnages, en sacrifiant volontairement ses proches ou sa propre vie (contrairement, par exemple à Sacrifices, de Shiryu, où le joueur peut volontairement sacrifier un proche du personnage, mais il n'y a pas de sacrifice volontaire de la part du personnage, où à la première édition d'Inflorenza, où le joueur décrit lui-même a posteriori quel sacrifice il paye, et peut décrire ce qui l'arrange, limitant s'il le veut ce prix à une perte de ressources sur sa feuille de perso, et pareil, c'est le joueur qui sacrifie volontairement des ressources, pas le personnage, même si on peut raconter a posteriori qu'il sacrifie des choses volontairement).

L'idée avec cette nouvelle mécanique de résolution, c'est que ce soit des choix conscients : c'est à la fois le joueur et le personnage qui les fait. Et des choix donc basés sur un coût moral plutôt que sur un coût en ressources. L'idée, c'est que les ressources et les compétences du personnages, ou l'astuce du joueur lui permettent de gérer sans dommage des situations qui le rapprochent peu de son objectif, mais dès qu'il s'agit de franchir une étape qui le rapproche significativement de l'objectif, la métaphysique de l'univers de jeu, incarnée par la mécanique, lui impose un choix difficile. C'est les choix que feront les personnages qui vont définir s'ils sont des héros, des salauds et des martyres, ou plutôt qui vont influer le jugement des autres joueurs. Dernier commentaire entendu dans ce sens, c'est quand un joueur choisit de retirer son aide au dernier moment parce que l'autre camp lui propose de davantage se rapprocher de son objectif, et que l'autre joueur siffle "Saleté !" entre ses dents. C'est ces moments qui m'intéressent, pour lesquels je développe cette mécanique de résolution. (je me concentre sur la résolution, car pour ce qui est du reste du système, ça fonctionne déjà).

L'arbitraire du MJ est combattu par ce fait : il ne peut pas imposer de conflit si la situation n'est que peu liée à l'objectif du personnage. Il doit au contraire en imposer (soit sous la forme très structurée gain+sacrifice/forfait/risque+pouvoir), soit la forme d'un choix encore plus simple (gain+sacrifice/forfait), où on peut se permettre d'ailleurs de ne pas nommer les termes techniques ("Si tu veux rattrapper ta Nemesis, il va falloir laisser ton ami blessé sur place, et il va en mourir"). Lors de mon dernier test, j'ai renommé sacrifice en prix, et ça semble plus clair.

Quant à la privation de liberté, c'est compliqué pour moi de te répondre autrement qu'en testant. Je vais quand même dire que le rôle du MJ, c'est de toujours proposer un prix qui emmerde le joueur. C'est, en quelque sorte, mécanique. Il doit utiliser ce que le joueur a dit, sur ce qui est important pour lui, sur ses valeurs, sur ses symboles, et en déduire quels sont les prix qui seront difficiles à payer. Mais il doit proposer des prix et des risques qui sont tout autant difficiles à payer. De savoir s'il reste une liberté à choisir entre un "oui mais" ou un "non mais", je sais pas te dire. Je crois quand même. "oui mais", "non mais", "fuite", ça me semble une arborescence significative pour faire un choix, et de surcroît, c'est un choix informé.

Au sujet de la notion de pouvoir cumuler plusieurs pouvoirs, j'y suis réticent pour des raisons stylistiques : je développe un système qui vise à se passer de matériel. Je veux me passer de matériel à la fois par exercice de style mais aussi parce que j'ai le sentiment que çà apporte une expérience intense, c'est aussi pour cette raison que j'ai été très sensible à des suggestions de simplification : j'apprécierais que la mécanique de résolution soit discrète (mais pas inexistante). Quand tu dis "si tu veux rattrapper ta Nemesis, il va falloir laisser ton ami blessé sur place, et il va en mourir", tu utilises une mécanique de résolution, pourtant tu restes en narration pure. C'est ma traduction personnelle de la définition que Frédéric Sintes donne de la négocation/chantage dans son article sur la résistance asymétrique : "Négociation/chantage : consiste pour un participant à mettre en balance plusieurs enjeux d’un autre participant, afin de lui imposer un choix dont on ne peut prévoir à l’avance lequel sera fait. Aucun choix ne doit être dénué de contreparties. Cela peut donner lieu à de véritables dilemmes, mais ce n’est pas obligatoire, le simple fait de promettre une perte induit un jugement de valeur sur le choix produit."

Pour revenir à tes suggestions sur l'élégance, j'ai retesté hier, et en fait ça marche bien de ne pas décrire le forfait. Le joueur sait juste que c'est une option. Néanmoins, je dois encore vérifier que c'est possible dans tous les cas. Le forfait a bien sûr des conséquences. Je me rappelle un conflit très intéressant où un chasseur (personnage d'un joueur) voulait convaincre sa bien-aimée (figurante) de quitter la tribu avec lui plutôt que d'en subir le joug. La bien-aimée pouvait accepter, mais parvenir à la convaincre comportait un prix, elle pouvait refuser et rompre avec lui, et il y avait le forfait : le chasseur renonçait à la convaincre, et ils passaient une vie de couple, certes confortable, mais sous le joug de la tribu. Le joueur avait choisi le forfait, il était content d'avoir eu ce choix. Mais ça aurait aussi bien fonctionné, si je n'avais pas décrit le forfait. Ma description n'était somme toute qu'un commentaire de spectateur.

Je rappelle aussi que le conflit "voeu+prix" ou "forfait" ou "risque+pouvoir" avec possibilité de se faire aider ou contrer peut être de temps à autre simplifié en un simple "voeu+prix" ou "forfait", sans évoquer l'intervention d'autres joueurs. Quitte à recomplexifier la chose en conflit à trois volets en fonction des réactions des joueurs.

Si je suis réticent à l'idée de pouvoir cumuler plusieurs pouvoir par joueur, c'est pour deux choses : premièrement, parce que je vise une approche "every roll counts" (je réemploie cette expression bien qu'on n'ait pas de dés à jeter) : on n'emploie la mécanique de résolutions que pour arbitrer des situations vraiment cruciales, i.e. des avancées cruciales sur l'objectif des personnages : peut-être un joueur va être leader sur une résolution que une à trois fois par heure de jeu : cumuler plusieurs pouvoirs devient alors une option peu plausible. Je souhaiterais aussi que la gestion des pouvoirs soit elle-même l'objet de décisions douloureuses. Or, pouvoir en capitaliser plusieurs à la fois me semble amenuiser cet objectif.


Je concluerai avec une ouverture sur d'autres applications du systèmes avec des intentions différentes (et donc des adaptations nécessaires), notamment sur Arbre. Dans Arbre, les prix à payer seraient définis par un autre joueur que le MJ : le goupil, qui incarne une sorte de malin génie. De même, dans Arbre, le goupil pourrait être amené à être le demandeur de conflits : quand le joueur veut tenter quelque chose de difficile, le goupil dit : "c'est difficile", et alors le MJ demande au joueur quel est son vœu, propose un risque, et demande au goupil quel est le prix pour atteindre le vœu (en gros, j'imbrique ma mécanique de négociation/chantage dans la mécanique de compétition/défi du jeu "Qu'est-ce qu'un jeu de rôle ?" d'Epidiah Ravachol). Mais j'ignore si ça peut vraiment fonctionner, dans le sens où j'ignore à quel point le goupil peut prendre à coeur son rôle d'adversaire à la volonté du joueur. Peut-être faudrait-il que j'y adjoigne la possibilité pour le MJ de décider lui-même d'établir un conflit.
De même dans Arbre, au début d'une scène, les joueurs choisissent si on est en mode "intime", "aventure" ou "cauchemars". En mode aventure, on gagne deux pouvoirs au lieu d'un, et en mode cauchemar, on gagne trois pouvoirs. Sachant que le joueur peut demander à convertir aussitôt son pouvoir en avantage, raconté par son Goupil. Arbre n'est pas un jeu sans matériel, je peux accepter qu'on capitalise les pouvoirs.
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Re: [Inflorenza] Evolutions du mode diceless

Message par Khelren » 21 Avr 2015, 20:19

Pour changer je vais faire un post court, mais je vais quand même continuer à te pousser dans tes retranchements :)

Thomas Munier a écrit :L'intention derrière ce système de résolution, c'est que pour atteindre l'objectif qu'il a fixé à son personnage, le joueur doit en payer le prix. (...)

L'idée avec cette nouvelle mécanique de résolution, c'est que ce soit des choix conscients : c'est à la fois le joueur et le personnage qui les fait. (...) C'est les choix que feront les personnages qui vont définir s'ils sont des héros, des salauds et des martyres.


Je suis d'accord avec toi: j'aurais beaucoup plus de mal à définir si c'est mon personnage ou le joueur qui "paie le prix", avec ton système diceless.

Maintenant... je pense qu'il faut se concentrer sur ce que j'ai cité de ton post et du coup je te pose la question suivante: puisque tes différentes options sont fondamentalement les mêmes, à ceci près qu'un cas rapproche de l'objectif et que l'autre l'en éloigne, pourquoi ne pas laisser tout cela (bonus+malus) dans les mains d'un unique joueur. Que celui qui décide de l'issue du conflit narre comment il avance ou s'éloigne de son objectif, mais qu'est-ce qu'il obtient ou perd en contrepartie.

Je pense que la lecture d'Inspectres ou de Houses of the Blooded peut être utile à ce stade.
Certes, ces deux jeux utilisent une part d'aléatoire (Fortune) pour trancher cela mais ça doit pouvoir se transposer en diceless drama-driven.

EDIT: ou plus simplement, comme il s'agit d'un drama-system diceless, le PJ décide s'il s'approche de son objectif auquel cas le MJ décide de la complication. Ou le joueur laisse le MJ narrer comment le personnage s'éloigne de l'objectif mais le joueur décide de l'avantage qu'il obtient.
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Re: [Inflorenza] Evolutions du mode diceless

Message par Thomas Munier » 23 Avr 2015, 09:21

Khelren a écrit :
EDIT: ou plus simplement, comme il s'agit d'un drama-system diceless, le PJ décide s'il s'approche de son objectif auquel cas le MJ décide de la complication. Ou le joueur laisse le MJ narrer comment le personnage s'éloigne de l'objectif mais le joueur décide de l'avantage qu'il obtient.


Fondamentalement, ce que tu me proposes ressemble au choix voeu+prix/risque+pouvoir, donc sans l'option forfait.
Le joueur définit le voeu, le MJ définit le prix / Le MJ définit le risque, le joueur définit le pouvoir (il le définit au moment où il l'utilise, mais nous avons vu que cela rendait le pouvoir plus puissant, dans le sens où c'est un pouvoir plastique qui a une vraie incidence sur le système de résolution, en permettant de remporter un voeu suivant sans payer le prix, ou de rapporter une voix supplémentaire dans un duel).

Je dis ressemble, car je pressens dans ta proposition un ordre différent dans les choix de narration. ce serait quelque chose du genre : le joueur annonce un voeu, le MJ dit que c'est difficile, le joueur dit s'il prend voeu+prix ou risque+pouvoir, le MJ définit le prix ou le risque ensuite. Je trouve que le choix est moins informé que dans ma version. Peut-être plus organique en revanche. A tester.

Je pensais aussi à la version suivante : un joueur fait un voeu, le MJ dit que c'est difficile, il annonce un prix à payer. Le joueur est informé que les options forfait et risque+pouvoir sont possibles, mais le MJ ne les énonce pas à chaque fois, par souci de simplicité. C'est au joueur de demander, si le prix à payer ne lui convient pas, ce qui se cache derrière l'option forfait ou derrière l'option risque+pouvoir. et choisir ensuite en connaissance de cause. ça permet au MJ d'éviter de réfléchir à l'avance à ces options (réfléchir à des fictions potentielles est fatigant et chronophage), sans pour autant fermer le choix informé au joueur (si l'option forfait ou risque+pouvoir lui paraît séduisante, il peut demander au MJ de les décrire)
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Re: [Inflorenza] Evolutions du mode diceless

Message par Khelren » 23 Avr 2015, 11:21

Pour rebondir sur ton idée, si je prends Fiasco comme exemple, il y a une très intelligente décomposition de la résolution: soit le joueur actif expose la scène, soit il décide de sa résolution. Les autres joueurs gèrent l'aspect qu'il aura délaissé. Parfois un joueur préférera pouvoir choisir comment l'issue d'un conflit se détermine, parfois il préférera installer des éléments narratifs.

Je pense que ta mécanique s'en rapproche: fondamentalement voeu(gain) et risque concernent la résolution tandis que pouvoir et prix concernent les circonstances.

La notion de difficulté à mon avis introduit quelque chose qui n'a pas trop de sens dans ton cas présent. Peut-être que si le personnage se rapproche de son objectif (imaginons qu'il est dans les derniers échelons de l'échelle dont je parlais plus haut), les choses deviennent plus corsées et le MJ lui offrira un prix plus élevé?

Mais la difficulté ne devrait pas être décidée arbitrairement par le MJ, ça n'a tout simplement pas de sens ici...

Oui, je crois que tu te diriges vers une mécanique de résolution plus fluide, plus organique et plus élégante. Tu es sur la bonne voie! ;)
Khelren
 
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Re: [Inflorenza] Evolutions du mode diceless

Message par Thomas Munier » 23 Avr 2015, 15:38

Je mets dans un coin de ma tête tes suggestions de partages différents, notamment parce que j'aimerais assez pouvoir proposer un mode diceless sans MJ, attendu que j'ai déjà un mode sans MJ avec les dés.

Concernant la notion de difficulté, voilà où j'en suis :
Une action peut paraître très difficile, si elle ne rapproche pas un personnage de son objectif, le MJ doit dire oui.
Si une action rapproche un personnage de son objectif, le MJ doit toujours proposer un prix à payer : i.e. on fait intervenir le système de résolution. Vu de ma fenêtre, ça ne me semble pas arbitraire, mais je suis ouvert aux remarques.

Là où en effet, ça peut paraître arbitraire, c'est ce que le MJ met dans le risque et dans le prix.
A priori, le risque, c'est l'inverse du voeu ; et le prix c'est la perte définitive d'une motivation ou d'une ressource qui semble importante pour le personnage : mais je t'accorde que ça comporte de larges possibilités d'interprétation. Je ne sais pas encore si je peux affiner, si c'est souhaitable, et si on peut laisser le joueur déterminer ça lui-même (ça me paraît chaud, dans un système sans statistiques, de laisser le joueur décrire lui même des retombées négatives sur son perso).
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