// Présentation :
Happy Together est un jeu de rôle contemplatif dans lequel on incarne des personnages qui vont faire l'expérience d'instants simples et heureux. Le but est de profiter de l'instant présent et les problèmes ne sont pas au centre du jeu, l'antagonisme y étant anesthésié. Le jeu encourage des qualités positives dans le but de partager un moment agréable avec les autres. Parmi les inspirations, on retrouve les films de Sofia Coppola, La Saveur du Ciel, Prosopopée et le Jeu du Tao (jeu de développement personnel que je vous invite vivement à découvrir).
Au début de la partie, on choisit un paradigme à la manière de Prosopopée (de Frédéric Sintes) pour donner un point de départ d'inspiration pour la suite. Ensuite on choisit un lieu (la « destination ») qui sera le point de départ de la partie. Puis on crée les personnages.
Les personnages sont créés selon des critères suggérés et non obligatoires qui encouragent à créer des personnages diversifiés. On définit ensuite les relations pré-existantes des personnages, sachant qu'ils peuvent simplement ne pas se connaître du tout avant le début de la partie. Chaque personnage a exactement les même Qualités : Empathie, Partage, Spontanéité, Savoir-faire, Créativité et Curiosité.
Il y a trois phases de jeu : la Contemplation, l'Exploration et le Retour.
Dans la phase de Contemplation, l'un après l'autre, chaque joueur décrit une perception de l'un des cinq sens de son personnage. Les personnages doivent être immobiles à ce stade. Une fois que tout le monde est satisfait, on passe à la phase suivante.
Dans la phase d'Exploration, les joueurs peuvent faire agir leurs personnages librement, en se décrivant à la première personne et en se focalisant sur leurs perceptions sensorielles et leur ressenti immédiat. Si un joueur veut placer une importance particulière à un désir de son personnage, il peut créer un Désir qu'il note au centre de la table, accompagné de son prénom. Les autres joueurs peuvent décider d'y ajouter leur nom pour partager ce Désir.
Pour pouvoir accomplir un Désir, il faut accumuler des coches sur ses Qualités : un joueur peut soit décrire la manière dont son personnage agit dans le sens d'une de ses Qualités, ou bien qu'un autre joueur lui fasse remarquer qu'il vient de jouer une Qualité (auquel cas, il peut raconter à travers son personnage comment il appuie positivement cette démarche, qu'elle eut été consciente ou non). Il coche alors la Qualité correspondante.
Pour accomplir un Désir, il faut accumuler trois coches, soit de façon personnelle si le Désir n'est inscrit que pour un personnage, ou bien cumulées s'il y a plusieurs personnages sur le même Désir. A ce moment là, le ou les joueurs ont le choix :
– soit il(s) raconte(nt) comment leur(s) enveloppe(s) charnelle(e)s retire(nt) une très belle
expérience de l'accomplissement du Désir.
– Soit il(s) raconte(nt) comment leur(s) enveloppe(s) charnelle(e)s ne retire(nt) finalement pas
autant de satisfaction que voulu. Cependant, cela provoque chez eux de la joie, des rires et/ou de l'indifférence. Le ou les joueurs gagnent un point de contentement.
Les points de contentement peuvent être utilisés à tout moment dans la partie pour offrir un moment de grâce à une autre enveloppe charnelle. Le joueur qui offre son point de contentement raconte et le joueur qui reçoit raconte comment il perçoit cette offrande.
Les joueurs peuvent créer autant de Désirs qu'ils le souhaitent, en résoudre autant qu'ils le veulent et ne jamais en résoudre certains s'ils le souhaitent. La partie s'arrête quand les joueurs le décident ensemble.
La phase de Retour n'a pas encore été définie clairement, j'y reviendrai plus tard dans ce rapport.
Note : c'est la version « multijoueur » du jeu de méditation solitaire « Happy » dont vous pouvez retrouver un rapport de partie ici.
// Résumé de la partie :
Cette partie a été jouée sur Google Hangout (visioconférence) avec Arjuna Khan et moi-même.
Nous avons simulé notre table de jeu grâce au tableau participatif en ligne Realtimeboard.
Blanc (Arjuna Khan)
Genre : Féminin
Âge : 21 ans
Taille : enfantine
Corpulence : chétive
Origine(s) ethnique(s) : amérindien
Cheveux : tressés
Yeux : aveugle
Voix : eraillée
Caractère : distraite
Profession/Activité : Responsable d'une galerie d'art
Art : Tagger
Autre : se lave les mains très souvent
Relation (avec le Compagnon de Voyage) : Amie d'enfance oubliés
Vert (Gaël)
Genre : Masculin
Âge : 21 ans
Taille : grand
Corpulence : /
Origine(s) ethnique(s) : /
Cheveux : mi-longs, blonds
Yeux : marrons
Voix : nonchalante
Caractère : perché
Profession/Activité : DJ
Art : Musique
Autre : /
Relation (avec le compagnon de voyage) : Ami d'enfance oublié
La phase de contemplation se passe particulièrement bien et confirme l'enthousiasme que j'ai eu sur le playtest précédent. On remarque qu'à travers nos descriptions sensorielles successives, un tableau figé de la scène se forme petit à petit jusqu'à avoir une vision de départ très fournie pour pouvoir commencer l'exploration.
Exemple :
Je vois dans le carrelage étincelant le reflet des néons du plafond. Je joue avec la mise au point de mon œil pour faire grandir ou rétrécir les rayons de lumières.
Dans la phase d'exploration, Arjuna me fait remarquer avec pertinence que les règles ne définissent pas assez clairement la façon d’interagir entre nous pour jouer. Je précise donc plusieurs règles que je note au passage pour la prochaine version. Je propose que l'on s'adresse uniquement à la première personne (sauf quand on fait parler nos personnages bien sûr) et qu'on se concentre sur les perceptions sensorielles de nos personnages. Naturellement, on se crée un ping-pong successif de descriptions ou dialogues jusqu'à laisser l'autre reprendre quand on ressent que ce premier a terminé ou qu'il le signifie. Arjuna a fait la remarque qu'au même titre que Prosopopée, il est essentiel de recycler régulièrement ce que les autres joueurs ont apportés dans la fiction.
On a mis un long moment avant de créer un Désir car on a en fait joué en roue libre avec grand plaisir. C'est moi qui ai fini par remarquer qu'on pourrait éventuellement poser un Désir. Je ne pense pas que ce soit un problème. Au contraire, je trouve ça très positif car il se jouait déjà beaucoup de belles choses. Il est possible que ce soit aussi nécessaire pour poser la situation de départ et que les premiers Désirs apparaissent donc tardivement. Ce sera à vérifier sur les prochains playtests.
Nos deux personnages se réunissent autour d'un tableau qui leur rappellent à la fois leur ancienne relation mais aussi un vieux faubourg dans lequel ils se rendaient. Après s'être échangé quelques souvenirs, Arjuna pose comme Désir « Revoir les vieux faubourgs et s'imprégner de l'ambiance d'autrefois ».
A ce moment, Arjuna me fait remarquer que poser notre vrai prénom nous coupe pas mal de la poésie et de l'immersion du jeu. Il suggère quelque chose de plus abstrait, je propose qu'on se nomme par une couleur. Je serai Vert et il sera Blanc. On ajoute tous les deux nos noms au Désir, ce qui crée donc un Désir commun.
A partir du moment où le Désir a été posé, nous avons été naturellement motivés à tenter de jouer nos Qualités. Je n'ai pas ressenti qu'on forçait la fiction. Au contraire, jouer nos Qualités est assez naturel au vu de ce que le reste du jeu propose déjà comme expérience et on peut facilement se prendre à les jouer sans s'en rendre compte.
Nos personnages se rendent donc aux fameux faubourgs et nous intégrons au fur et à mesure 3 de nos Qualités (2 de Blanc et 1 de Vert), ce qui nous permet d'aller à l'accomplissement du Désir.
Dans la première version du jeu, le Désir se jouait au dé à la manière de Prosopopée. Pour cette deuxième version, j'ai supprimé les dés et à la place ce sont les joueurs qui ont le choix. Je me demandais si ça pouvait fonctionner. Sur cet unique Désir joué, ça semble avoir bien fonctionné mais il faudra d'autres parties avec peut être davantage de Désirs pour le vérifier.
Arjuna et moi avons décidé que notre Désir ne s'accomplissait pas, ce qui était cohérent avec nos précédentes descriptions, dans lequel on a suggéré que les faubourgs tels qu'on les a connu n'existent plus. On décrit alors qu'on parcoure les faubourgs en évoquant nos souvenirs et en riant.
Concernant la phase du Retour, elle n'a pas encore été définie. Dans la version solo (Happy), il s'agit de faire prendre conscience au joueur qu'il peut aussi expérimenter la réalité de la même façon, à savoir être attentif à sa perception du présent et à apprécier les choses tels qu'elles sont (le contentement).
La question qui se pose est de savoir comment transférer cette notion dans cette version à plusieurs.
Les idées évoquées :
- Inviter les joueurs à passer un moment de détente après cette partie, à échanger de façon positive et à se concentrer sur ses perceptions sensorielles pour faire l'expérience de la réalité d'une façon similaire.
- Inviter les joueurs à échanger autour de la partie qui a été jouée, sur la façon dont ça a pu les émouvoir, l'utilisation de souvenirs personnels et les ressentis de chacun sur la partie.
Pour l'instant, aucune de ces idées ne me satisfait pleinement. Il est possible que la phase de Retour dans la version à plusieurs ne soit pas utile ou bien qu'elle doive s'exprimer d'une façon très différente. Je tiens assez à l'idée, à l'instar de Happy, que le jeu nous invite à nous questionner sur notre perception de la réalité et à comprendre que les comportements encouragés par le jeu sont aussi valides pour la vie de tous les jours. C'est évidemment un propos militant que j'assume totalement, et ça ne me gêne pas de lier la fiction à la réalité des joueurs.
// Conclusion :
Un second playtest très encourageant et très enrichissant grâce auquel j'ai pris beaucoup de notes pour la suite. Je suis assez bluffé de voir que ma volonté de créer un jeu contemplatif dans lequel les problèmes ne sont pas du tout au centre de l'expérience fonctionne et crée des instants de partage très proches de ce que j'imaginais pour ce jeu. L'enjeu à présent va être je pense d'encadrer un maximum les règles du jeu pour garantir cette expérience, définir plus clairement le contrat social.