Bonsoir tout le monde,
Je sais que je ne poste pas beaucoup en ce moment. Je vous lis autant que possible et vous continuez à m'inspirer par Ateliers interposés. Du coup, pendant que
Chrysopée est entre les mains de son illustratrice, je me penche sur un autre jeu qui m'est venu après le
rapport de partie de Steve sur
Sundered Land.
J'ai bien aimé cette façon de faire des jeux "en éventail", qui peuvent se jouer par morceau et qui possèdent un cadre assez souple pour être plutôt une boite à outils qu'une boite à gâteaux.
Du coup, je suis en train de travailler sur un jeu-qui-en-fait-en-un-trois-en-un. "La Cause - Trinité".
Le pitch est le suivant :
Depuis toujours, vous rêvez de changer ce monde. De le rendre meilleur, plus juste, plus grand. Vous êtes habité par une idée ambitieuse, courageuse, révolutionnaire. C'est elle, la Cause. Votre cause. Elle vous habite, vous porte, vous nourrit, révèle tout ce qu'il y a de plus fort en vous. Vous vous êtes promis de tout faire pour qu'elle éclate un jour, victorieuse, aux yeux de tous.
« La Cause » vous propose de jouer des révolutionnaires, des ambitieux, des idéalistes, des utopistes, des leaders réunis autour d'un rêve. Las d'imaginer un monde meilleur, votre groupe a décidé de passer à l'action pour mener ce rêve à bien. Ensemble, rien ne semble plus insurmontable.En fait, le jeu se compose de trois jeux que j'espère pouvoir être indépendants ou conjoints.
- Ordre du Jour : qui permet de jouer une réunion d'un groupe de partisans d'une Cause où ils décident et débattent des moyens, des actions, des limites et des dangers du plan qu'ils souhaitent suivre.
- L'heure H : qui raconte la dernière heure de l'ultime mission qui a totalement tourné au cauchemar.
- Au bout du compte : où les partisans, en présence d'un historien, font le bilan de leur combat 30 ans après. Qu'est ce que l'Histoire retiendra de leurs actions et de leurs sacrifices ? Sont-ils toujours de fervents soutiens à la Cause ou ont-ils abandonné leur rêve, et pourquoi ? Que sont-ils devenus après tout ce temps ?
J'ouvre ce fil pour vous parler au fur et à mesure des différents playtests. Pour cette fois, nous allons essayer de faire une campagne suivie. C'est à dire que chaque jeu reprendra les mêmes personnages se battant pour la même Cause.
Module testé : L'ordre du jour
Joueurs investis : Laurence, Florian et Morgane
Temps du playtest : 1h15I Création de personnages - environ 25 minJe l'ai voulue minimale
- Choix de la Cause à défendre (elle peut être historique, fictionnelle ou contemporaine) Ici nous avons choisi une cause historique. A la suite de la trahison de James Stuart qui livra l’Écosse à la couronne d'Angleterre, nous avons décidé d'
anéantir la couronne d'Angleterre.
- brève description du personnage (âge, sexe, orientation politique et/ou religieuse, métier, classe sociale... Tout ce qui semble pertinent). Puis paragraphe résumant la raison de son investissement dans la cause. Une phrase rituelle permet de synthétiser le tout.
Johan Mc Doherty - ancien soldat tunique rouge, déserteur, catholique converti, environ 45 ans.
=>Pour protéger son clan, il a été enrôlé de force par l'ennemi. Après la trahison de James, il s'est enfui dans les Highlands et a repris les armes pour ses frères écossais.
"Moi Johan, ai choisi d'anéantir la couronne d'Angleterre car je souhaite que l’Écosse soit libre de son destin afin que nous cessions d'être les esclaves d'un pouvoir tyrannique."
Lawrence Mc Lagan, bourgeois, juriste édimbourgeois.
=>D'abord mesuré dans ses opinions, il prend parti pour James car il pense tirer le meilleur parti des deux couronnes. Face à la trahison de celui-ci et aux exactions des anglais, il sombre dans la colère et se radicalise.
"Moi Lawrence, ai choisi d'anéantir la couronne d'Angleterre car je souhaite rétablir la souveraineté écossaise afin qu'elle apporte un monde meilleur."
Elisabeth Johnson - tenancière anglicane, 27 ans, amant écossais tué à la guerre.
=> Jeune femme follement éprise d'un écossais qu'elle suit dans ses opinions dissidentes. A la mort de ce dernier, après avoir vu son cadavre profané, elle décide d'adopter son parti pour elle-même et de renoncer à l'anglicanisme.
"Moi, Elisabeth, ai choisi d'anéantir la couronne d'Angleterre car je souhaite rétablir une monarchie juste et droite afin que la paix revienne sur cette terre."
Jusqu'ici ça roule. Le résultat est cohérent, les personnages d'abord très succincts acquièrent vite de la profondeur et une personnalité suffisante.- Chaque jouer choisi ensuite un archétype dans une liste exhaustive :
Johan est un guerrier
Lawrence est un repenti
Elisabeth est une martyr.
Alors, à ce niveau, si je suis assez contente du contenu de la liste, je ne suis pas certaine que les archétype aient assez de poids dans le jeu. Ils donnent une direction psychologique au joueur mais, hormis deux d'entre eux, n'ont pour le moment aucun impact réel en terme de mécanique.Ensuite chaque joueur réparti un total de 9 points dans quatre "Atouts" qui définissent son rapport au monde.
Conscience (qui représente l'empathie, le souci de l'autre, le pouvoir d'entrer en résonance avec ses émotions)
Conviction (qui représente le feu sacré du personnage pour la cause et sa capacité à le transmettre aux autres)
Aura (qui représente le charisme, la capacité à attirer l'attention pour le pire et le meilleur)
Estime (qui représente le soucis des règles morales ou légales mais également le souci de l'image que les autres ont de soi)
Là, on ne va pas se mentir, je ne suis pas du tout satisfaite. Si l'intitulé des Atouts me plait, le fait d'y mettre des points me paraît bien creux. Que représente un score de 2 ou 5 ? Rien de bien concret. Pour le moment, on n'en a pas vraiment besoin mais je sens déjà que ça ne va pas aller. J'envisage de modifier cela en proposant, plutôt que de mettre des points, d'écrire des liens, des objets, des valeurs ou des émotions qui ont rapport avec l'histoire du personnage plutôt que de bêtes chiffres.Johan : conscience 2 - conviction 4 - aura 1 - estime 2
Lawrence : conscience 2 - conviction 2 - aura 2 - estime 3
Elisabeth : conscience 3 - conviction 3 - aura 2 - estime 1
Ensuite, chaque personnage décide de sa relation privilégiée avec deux autres personnages. L'un sera le souffle (l'inspirateur, le moteur, l'élévateur) et l'autre le pilier (la raison, la sureté, la stabilité). La relation la plus importante parmi les deux est gratifiée de 3 points, tandis que l'autre reçoit 2 points.
Dans ce module, on ne s'en sert pas mécaniquement. elle sert à donner une inclinaison de départ. Je ne sais pas si ça marche. A trois, la boucle est totale mais avec plus de joueurs, la variété devrait être plus importante. Pour l'instant je prévois un maximum de 6 joueurs. Dans le fond, j'en sais foutrement rien. Sauf que 3 est un minimum.Johan : Pilier/Lawrence 2 - Souffle/Elisabeth 3
Lawrence : Pilier/Johan 3 - Souffle/Elisabeth 2
Elisabeth : Pilier/Johan 3 - Souffle/Lawrence 2
II Partie proprement dite (50 min environ)L'ordre du jour se compose selon un ordre tout à fait connu : le processus décisionnel de beaucoup d'assemblées.
1) on défini l'ordre du jour
2) on aborde chaque point dont on débat puis dont on vote le résultat
3) on récapitule.
Lawrence, en raison de son passé de juriste, est choisi comme chef de séance. C'est lui s'assurera de la prise de note et de l'équité de parole. La partie commence avec la recherche d'un symbole ou d'une devise pour les partisans de la Cause. Puisque la devise semble plus efficace à transmettre qu'un dessin, notre groupe cherche quelque chose de fort et d'un peu mystérieux. C'est l'occasion pour nous d'explorer le folklore écossais. Johan propose "Une parole pour un roi", pour rappeler à James l'erreur qu'il ne pourra plus commettre deux fois : cracher sur le peuple écossais.
Elisabeth, aidée par les connaissances de Lawrence, suggère "Le vent vient des landes", qui rappelle à la fois la terre sacrée de l’Écosse mais aussi le changement inarrêtable qui se prépare. Lawrence approuve immédiatement et Johan, d'abord dubitatif, fini par se ranger à leurs arguments, concluant que les bardes écossais ne renieraient pas une telle formule.
Ensuite vient le choix des actions à mener. Évidement, l'assassinat de James Stuart sera le point d'orgue de la Cause. Mais avant d'y parvenir, que faire ? Il faut définir 5 actions puis les classer par ordre d'importance.
- recruter des partisans avec de l'argent et des compétences utiles
- organiser des actes de protestation qui paraîtront d'abord anondins et désorganisés
- réunir les chef de clans sous le prétexte d'un faux mariage. Le but étant de les convaincre de s'allier pour former un parlement capable de tempérer l'absolutisme du roi. (on envisage même un instant d'élire le roi !)
- Brûler le palais anglais d'Edimbourg pour qu'il ne reste que le vieux château écossais.A ce niveau, Eliabeth refuse catégoriquement que les innocents à l'intérieur ne soient pas évacués. On ne construit pas un nouvel âge sur le meurtre, enfin ! Elle fait donc valoir son atout le plus fort, sa conscience, pour imposer son point de vue en déclamant qu'il ne sera pas question d'incendie sans évacuation. L'assemblée n'a d'autre choix que de se ranger à sa demande. (cette possibilité n'est valable d'une fois par partie par joueur)
- Assassiner James, que chacun de nous se refusera à appeler "le roi" au cours de la partie.
Chaque joueur propose ensuite deux moyens d'action qu'il estime indispensable pour réussir :
- Johan souligne l'importance des armes et du soutien des chefs de clan
- Lawrence plaide pour une constitution et une source de revenus conséquentes
- Elisabeth rappelle l'importance des réserves et du soutien du Vatican.
Que faire si l'autorité s'empare de l'un des partisans ? Comment impliquer ou non nos proches dans le combat ?
Le signe d'avertissement sera le chardon à la boutonnière. Chaque partisan sera alors libre, en son âme et conscience, de quitter la cause ou de la défendre jusqu'au bout. En effet, personne ne pourrait prendre la responsabilité pour un clan tout entier...
Mais les membres fondateurs se promettent le suicide par les plantes plutôt que la prison et la torture. Et ce malgré la menace qui plane sur les âmes des suicidés...
Enfin, l'ultime mission est notée sur un post-it et trois moyens parmi ceux votés (un par joueur) sont alloués à sa réalisation. Ceci nous permettra d'enchainer sur l'Heure H : Assassiner James avec des armes, une source de revenus et le soutien du Vatican.
III Bilan : Je vous l'ai fait court mais en 50 minutes, on a abordé avec ferveur de multiples sujets : L'acceptation de la majorité, la loi, l'engagement personnel, la forme pratique et morale d'une révolution, l'éthique, la poésie, la religion et l'utilisation de la culture à des fins politiques.
On s'est soutenu, réfuté, un peu engueulé et la conclusion c'est Laurence qui l'a donné avec cette belle phrase "Ainsi nous préférons la liberté de l'esprit à la torture de l'âme."
C'était assez fort comme partie. Je suis plutôt contente du résultat, même si je me demande si mon système -pourtant simplissime- n'est pas encore trop lourd pour quelque chose qui relève finalement de la discussion. Après tout, les contre-arguments que je liste pour permettre d'imposer son avis sont des techniques qui viennent spontanément et qui pourraient ne pas être identifiés dans le feu du débat. Dans ce cas, il faudrait les considérer comme des pistes plutôt que comme de véritables règles.
A mon avis, avec plus de joueurs autour de la table, on pourrait obtenir de sacrés débats.
Je crains surtout le playtest de l'Heure H. Avec sa mécanique de conflit reposant sur des cartes à jouer, je sens qu'on va très rapidement toucher les limites d'un système trop déconnecté de la narration. Je vais tout de même le tester tel quel avec les copains et puis je vous ferai un retour.