[Article] Ce n'est pas du jeu de rôle !

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Re: [Article] Ce n'est pas du jeu de rôle !

Message par Mangelune » 08 Mars 2016, 13:08

En fait la raison pour laquelle je me pose la question - et je sens que là je déborde réellement du sujet - c'est que je me demande d'où provient le plaisir de la meneuse de jeu dans les jeux où il n'y a pas un grand partage de la narration :
- Dans un jeu à dominante tactique, elle peut essayer de faire de son mieux pour défoncer les joueurs. Problème : en jdr, c'est souvent plus délicat qu'en jeu de plateau à cause du flou narratif et de l'infinitude des possibilités. Son rôle d'arbitre en fait souvent une bien piètre adversaire. Du coup il est là comme une instructrice qui met au défi ses protégées pour les faire progresser mais en se limitant, ce qui l'empêche de se lâcher dans la compétition.
- Dans un jeu à dominante morale, elle propose des situations mais ne fait que rarement les choix. De plus, elle a de nombreux personnages à gérer, ce qui peut diluer son immersion.
- Dans un jeu à dominante esthétique, comme tu le disais Thomas on a souvent un partage plus relâché. Sans cela, la meneuse risque pour le coup de n'être qu'une arbitre des règles. Dans un jeu traditionnel, la meneuse assure aussi souvent les 3/4 des descriptions, met l'ambiance, etc. Il y a donc bien un plaisir descriptif dont sont en partie privés les autres joueuses.
- Peut-être est-il toujours en mode autrice comme tu le signales Frédéric. Qui serait un autre plaisir, celui d'avoir une vision et de guider les autres, ou de donner forme au chaos en cours de partie.
- Peut-être y a-t-il un autre plaisir encore ? Un plaisir plus sombre, sadique, qui consiste à faire mal aux personnages sans les tuer, en restant toujours à la limite ? Un plaisir de dominatrice, qui consiste à guider les personnages comme des pions ? Un plaisir de personne "in the know", hermétique, qui consiste à être celle qui détient les clefs et qu'on regarde ? S'approche-t-on d'un "plaisir" à la fois social et égoïste, lié aux relations entre joueurs ?
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Re: [Article] Ce n'est pas du jeu de rôle !

Message par Frédéric » 08 Mars 2016, 14:25

Tout à fait !
Et ça marche aussi avec le GNS ! ;)
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Re: [Article] Ce n'est pas du jeu de rôle !

Message par Frédéric » 08 Mars 2016, 15:13

Vivien : je pense que les principaux plaisirs du MJ sont de l'ordre de "voir comment les joueurs vont réagir à ça".
À un extrême on a : voir si les joueurs vont aimer le scénario que je leur ai écrit (ou que j'ai choisi). Et la question peut se répéter scène par scène, situation par situation, PNJ par PNJ et révélation par révélation.
Et à l'autre : Et là, si je fais réagir tel PNJ comme ça ? Et là si je mets ton personnage dans telle situation ? etc.

Plutôt que "défoncer les joueurs", je pense que le MJ en JdR est plutôt là dans les jeux "tactiques" pour leur proposer des défis à surmonter. Il peut sans doute ponctuellement chercher à gagner (ça m'est arrivé dans mes playtests de Chroniques d'Altus), mais dans cette approche, le plaisir reste davantage de l'ordre de : "vont-ils réussir à déjouer ce piège ?" "Haha, quand ils vont découvrir que le meurtrier est Franklin, comment vont-ils réagir ? Etc.

Je sais que quand j'écrivais des scénarios assez chiadés (comme ma campagne Intrigues à Poudlard), je ressentais une excitation extrêmement forte avant de jouer, car je me sentais comme un "auteur" (pas forcément au sens de mode Auteur) qui met sa création à l'épreuve d'un public. Je ne ressens plus ça avec autant d'intensité depuis que je joue sans scénario. Mais comme mes parties sont bien meilleures, ça compense largement. :)
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Re: [Article] Ce n'est pas du jeu de rôle !

Message par Steve J » 09 Mars 2016, 14:47

Je réponds super tard à Thomas sur Downfall mais j'étais un chouia occupé ces derniers jours.
Thomas Munier a écrit :A. Qu'est-ce qui te pose problème dans Downfall, est-ce le fait que la fin soit déjà écrite ou l'absence de résistance, ou les deux ?

C'est avant tout l'absence de résistance qu'il faut expliquer.
Je suis un grand défenseur de l'idée d'intégrer des éléments de la tragédie dans les récits du JDR, notamment un élément de l'ordre de la narration : l'ironie tragique (le spectateur sait ce que le personnage ne sait pas ce qui éclaire les actions de ce dernier d'un jour nouveau).

Mais ici ce n'est pas seulement la fin qui est écrite, c'est tous les événements qui vont y mener.
On sait non seulement que la société va s’effondrer (comme dans Polaris) mais on sait exactement quelles traditions vont provoquer son effondrement et de quelle façon ces traditions vont se retourner contre la société.
Les choix sont forcément vains (et on sait qu'ils le sont), et les enjeux sont déjà résolus avant de commencer à entrer dans la fiction.

B. Ce que je défends avec cet exemple, c'est l'idée que ni le minimalisme ni la pose d'évènements inéluctables n'interdit le jeu moral ou l'exercice de la combativité (j'aurais la même approche pour le jeu tactique).

Ma question, c'est en quoi l'approche de Downfall diffère ? Est-ce que par exemple le jeu dit "on joue la chute de la société et comment vos personnages échouent à la sauver ou y contribuent" ? Parce que s'il dit "que parviendrez-vous à sauver le jour où la société s'effondrera ?", la prémisse est bien différente. (j'entends qu'alors le jeu le dit et le permet).

Quand on y pense le minimalisme de Downwell (et de bien des jeux du genre) est un minimalisme de façade. On est pas dans le minimalisme du courant OSR qui assume des trous des les règles avec l'idée que le MJ les comblera (et que les interactions MJ/joueurs sont un matériel suffisamment riche pour générer des fictions infiniment variées).
Le système de Downwell propose des mécaniques de résolution effectivement minimalistes. Mais son système nous raconte déjà une histoire, celle d'une société qui va pourrir de son conservatisme...même si on pourrait au fond sans aucune difficulté modifier très légèrement ses éléments pour s'en servir pour raconter le naufrage d'une société progressiste (d'ailleurs je digresse sur un sujet lié mais le jeu est aussi symptomatique d'un jeu à "propos" qui nous vend un message politique qui s'avère être purement de la couleur, à l'opposée de l'idée que le medium serait le message).

C'est d'ailleurs intéressant parce que cela invite à se méfier des jeux qui ne nécessite pas de préparation mais propose de jouer dans des contextes variés.
En réalité si le jeu peut se permettre cette souplesse c'est que, quelque soit la couleur que l'on peint sur sa structure narrative (ce travail de peinture étant finalement le seul job des joueurs) on raconte exactement la même chose.

C. Je crois que le débat sur le "jouet de rôle" nous amène à la question de résistance asymétrique, et qu'on peut distinguer trois types de jeux : les jeux sans résistance (je peux), les jeux avec résistance (je peux essayer), et les jeux avec directives (je dois). Dans quelle catégorie se classerait Downfall ?

Si je comprends ta classification je le mets dans les jeux avec directives.




Après je reviens sur Vivien après l'avoir tagué en tentant le german souplex. Je mets donc ma combinaison de catcheur et me prépare à lui maraver sa tête.
Je pense vraiment que nos réflexions souffrent de ne tourner qu'autour de questions de définition et de logiques déconstructivistes de dévoilement du sens réel du vocabulaire que l'on emploi (appelons cette maladie la Cellulite^^).

Genre faire comme si le fait que nous utilisions le terme scénario à la place de préparation de partie relevait d'une confusion des sens telle qu'elle amenait à ne produire que des parties en mode toboggan (d'ailleurs est-ce qu'on comprend vraiment, en utilisant le terme toboggan qu'on peut jouer au JDR ailleurs que dans un square ?). Comme si le fait de dire que le MJ avait le dernier mot rendait absolument identiques dans leurs application les systèmes de 90 % des JDR.
Comme si le fait qu'on utilise le terme jeu devait forcément impliquer qu'on se préoccupe de stratégie ludiques et d'avoir de réels défis à surpasser.
On pourrait caricaturer la position en reprenant l'expression jeu de rôle et en se demandant si l'absence de pluriel sur "rôle" ne relèverait pas d'une grave méprise et que cela expliquait qu'on joue systématiquement avec un personnage unique.

J'aime bien les petits jeux éthimologico-logiques mais il faudrait un moment sonner la fin de la récré, se rendre compte que le langage utilise un vocabulaire fini pour désigner une réalité infinie, ce qui confère des frontières floues aux notions les plus complexes (dont font partie le jeu, le jeu vidéo, le JDR) et qu'à un moment on avancerait plus en allant voir ce qui se passe au table de jeu qu'en faisant mumuse avec nos définitions.


Les frontières de la notion de JDR, initialement très resserrées autour du wargame, ont grandi par l'effet de ce que Wittgenstein appelait l'air de famille. Par petites variations on est arrivé à agrandir considérablement le champ de ce qu'on appelle JDR au point qu'un étudiant joueur de Donjon en 1974 ne retrouverait plus ses petits s'il était projeté à notre époque.
C'est une excellente nouvelle parce qu'on libère progressivement des contraintes quitte à s'éloigner de ce qu'on pouvait entendre par jeu, par rôle, par JDR.

Je prends un exemple concret en comparant Breaking the Ice et Les Petites Choses Oubliées.
Le premier est un JDR attaché au défi ludique, on doit systématiquement se forcer à produire des descriptions de qualité pour séduire, on est confronté à l'aléa et au final l'avenir du couple n'est décidé que par les mécanismes ludiques (ce qui conduit souvent à des situations incompréhensible).
Le second ce détache de cette nécessité de lutter pour séduire mais, en ancrant sa temporalité autour d'une consultation post-rupture, donne une grande cohérence et surtout une grande consistance aux récits déployés entre les joueurs. Mieux, la décision finale n'est pas le résultat d'un affrontement contre le jeu mais une décision collective entre les joueurs. Celui lui permet de développer une autre vision du couple, paradoxalement tout aussi conflictuelle mais à mon avis beaucoup moins caricaturale et ce jeu est le fruit d'une définition large du JDR.

Vouloir isoler le jeu narratif c'est perdre les outils d'analyse du JDR mais c'est aussi reconstruire un genre aux frontières extrêmement limitées. Bref on est de retour en 1974.
Peut-être que dans trente ans ce nouveau concept aura suffisamment élargit les frontières de sa définition (pourtant déjà floue) mais je n'ai pas particulièrement envie d'attendre et d'accepter de rebooter l'histoire créative de notre loisir.
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Message par Mangelune » 11 Mars 2016, 10:27

Ouch le tag de Steve J. "The Downfaller" était en fait une ruse pour abaisser la vigilance de Mangelune "Toybreaker" Faesson, le traître enchaîne aussitôt avec un tacle définitoire au niveau de la carotide... notre compétiteur étouffe, est-ce la fin ?

Il est vrai que la définitude aiguë, j'en souffre avec délice, et il y a là parfois une sorte de jeu avec les mots - un salopard me corrigerait en disant "jouet avec les mots" - qui peut confiner avec l'exercice circulaire et stérile. Je suis par exemple assez d'accord avec le scénario qu'on peut appeler tel quel sans souffrir.

J'avais voulu éviter Les Petites choses oubliées, parce que je n'avais pas envie de m'en prendre à ce très bon jeu sur un article qui relevait en partie de la provoc, et puis parce que le cas est complexe, mais tout m'y ramène.

LPCO, un peu comme the Beekeeper ou Shades, me semble esquiver la violence intrinsèque au couple, de part son mécanisme, et remplacer cette violence par de la tristesse et de la nostalgie. Le sentiment fantôme qu'on peut effleurer mais jamais vraiment toucher. Cela correspond parfaitement au propos de ces trois jeux - on y parle après tout d'un après : après la vie, après le conflit direct, après le combat, après la rupture. On peut y parler de violence mais je n'ai ressenti de violence dans aucun de ces jeux : au lieu d'être un joueur qui parle de conflit, j'y étais un joueur qui interprète un personnage qui parle de conflit.

Est-ce moins caricatural que nos visions "drama" du jeu de rôle ? Je ne suis pas sûr. C'est juste un autre aspect, et c'est un aspect qui est souvent mis de côté dans la fiction sous toutes ses formes. Donc c'est cool qu'on en parle.

Dans des jeux qui ne parlent pas de cet "après la lutte", le jeu esthétique pur a cependant tendance à donner au récit une teinte paradoxalement un peu terne. Lorsque les joueurs s'abîment dans leurs descriptions, quand ils ne sont pas régulièrement secoués (et comment les secouer quand ils sont totalement maîtres de leur petite bulle créative ?), ils tendent je trouve à perdre cette énergie vitale, grossière mais vivifiante, que l'on retrouve dans le conflit.

Au fond, mon idéal cela reste un jeu tourné vers les conflits, mais qui saurait ménager des exceptions dans sa mécanique pour encourager des moments d'introspection, de souvenir, de vagabondage.
- On a un peu vécu ça dans Sens, même si Néant est le premier à introduire des mécaniques - fussent-elles légères - pour cela (et c'est clairement le jeu où j'aurais aimé avoir davantage pour favoriser le dialogue à l'initiative des joueurs). Ce n'est sans doute pas un hasard si Steve tu nous as proposé de jouer l'enterrement de -biiiiiip- avec un système de jeu plus axé sur l'esthétisme.
- D'autres jeux exigent de faire certaines activités pour regagner des points (passer du temps en famille, boire) mais cela tourne souvent à la caricature mécaniste.
- Burning Empires limite les scènes et chaque joueur a droit à une "scène de couleur" dans laquelle il peut donner libre cours à son imagination.
- Bliss Stage donne le pouvoir aux joueurs de demander des scènes de dialogue en cadrant eux-mêmes la situation.
- Apocalypse World apporte le principe des questions, mais cela reste souvent assez intrusif et peu propice au développement (ce n'est pas le but du jeu de toute façon).

Vouloir isoler le jeu narratif c'est perdre les outils d'analyse du JDR mais c'est aussi reconstruire un genre aux frontières extrêmement limitées. Bref on est de retour en 1974.


Effectivement, je me garderais bien en réalité d'isoler le jeu narratif tel que je le conçois - et pas tel que je le vois employé tout comme d'ailleurs le "story game" -, à savoir un terme qui engloberait jeux de rôle classique, jeux esthétiques, jeux à histoires façon Il était une fois ou Polar Base, bref tous les jeux qui ont pour support ou pour but un récit, peu importe sa forme, sa complexité, son mindfuckisme. Et dont les frontières sont poreuses - mais bon on est au siècle postmoderne, on sait que les frontières sont poreuses.
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Re: [Article] Ce n'est pas du jeu de rôle !

Message par Thomas Munier » 11 Mars 2016, 12:01

Concernant l'absence de tension dans les jeux esthétiques, c'est assez vrai que la tension est absente dans le sens où l'identification au personnage est faible, néanmoins la tension peut exister. Elle l'est dans la mise à nu de la joueuse (créer, c'est s'exprimer, c'est se mettre à nu, voir les peurs créatives, peur de paraître obscène, fou ou ennuyeux), dans son empathie pour le personnage également. Le jeu moral, on souffre dans le personnage, le jeu esthétique, on souffre avec. C'était un mot pour dire qu'on peut très largement introduire une grande tension dans les jeux esthétiques, après cela reste dépendant des intentions de l'auteur et de la table, notamment sur le niveau d'engagement.
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Re: [Article] Ce n'est pas du jeu de rôle !

Message par Mangelune » 13 Mars 2016, 12:25

Thomas Munier a écrit :Concernant l'absence de tension dans les jeux esthétiques, c'est assez vrai que la tension est absente dans le sens où l'identification au personnage est faible, néanmoins la tension peut exister. Elle l'est dans la mise à nu de la joueuse (créer, c'est s'exprimer, c'est se mettre à nu, voir les peurs créatives, peur de paraître obscène, fou ou ennuyeux), dans son empathie pour le personnage également. Le jeu moral, on souffre dans le personnage, le jeu esthétique, on souffre avec. C'était un mot pour dire qu'on peut très largement introduire une grande tension dans les jeux esthétiques, après cela reste dépendant des intentions de l'auteur et de la table, notamment sur le niveau d'engagement.


Oui, "on" m'a fait signe effectivement que la tension existait bel et bien mais que mes essais d'Inflorenza étaient peut-être un peu trop "ternes" pour que je m'en rende compte. Donc peut-être qu'il s'agit là d'une authentique incompréhension, d'un rendez-vous non pas manqué mais peut-être inabouti. Quelque chose que je ne décède pas non plus dans les enregistrements de partie. Quelque chose qui transforme une pratique un peu poseuse en authentique jeu de rôle.

De l'autre côté après tout, d'aucuns pourraient considérer qu'il est impossible de ressentir quoi que ce soit pour un personnage quand 60 processus mécaniques viennent expliquer ce qui se passe dans sa tête.

Cela dépend sans doute grandement, mais pas exclusivement, d'où l'on vient - du jeu de plateau/wargame ou de l'improvisation théatrale ?
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Re: [Article] Ce n'est pas du jeu de rôle !

Message par Arjuna Khan (Fabric) » 13 Mars 2016, 12:45

Cela dépend sans doute grandement, mais pas exclusivement, d'où l'on vient - du jeu de plateau/wargame ou de l'improvisation théatrale ?


A 300% d'accord, j'ai une culture trés tourné autour de l'impro et de l'écriture collaborative et je sens bien que beaucoup de gens sont pas dans le même trip que moi. D'ailleurs plutot que jdr classique/indépendant je préfére de loin le paradigme theatre d'impro/theatre classique pour exprimer différent type de jdr. Parce qu'au fon un jdr peut être indépendant et correspondre à une version classique du theatre qui pourrait me déplaire.
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Re: [Article] Ce n'est pas du jeu de rôle !

Message par Thomas Munier » 13 Mars 2016, 12:50

Fabrice, peux-tu développer ton analogie avec le théâtre pour que je la comprenne mieux ?
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Re: [Article] Ce n'est pas du jeu de rôle !

Message par Thomas Munier » 13 Mars 2016, 12:56

Vivien, je doute qu'à la lecture d'un rapport de partie, on puisse discerner la tension esthétique et l'engagement créatif d'une joueuse, l'engagement de son intimité, de son expression dans sa création. Parce que c'est du domaine de la réception de la joueuse, qui est tu dans le rapport.

On peut discerner l'intensité d'une situation, mais deviner ce que la joueuse a pu ressentir, ça me paraît compliqué.
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Re: [Article] Ce n'est pas du jeu de rôle !

Message par Steve J » 13 Mars 2016, 14:08

Mangelune a écrit :Ouch le tag de Steve J. "The Downfaller" était en fait une ruse pour abaisser la vigilance de Mangelune "Toybreaker" Faesson, le traître enchaîne aussitôt avec un tacle définitoire au niveau de la carotide... notre compétiteur étouffe, est-ce la fin ?

MAIS NON! NOOOOON!
STEVE JIIIIII S'ASSOCIE AVEC THE FEASSON POUR S'ATTAQUER AVEC LUI AUX STORYGAAAAAMES. C'EST INCROYABLE. C'EST SHAKESPEARIEN!

Hum pardon.
Je pense qu'on va se rejoindre sur les ressentis et les orientations de game-design. Et je trouve intéressante ton analyse de LPCO comme jeu de l'après conflit qui aborde la violence a posteriori.
Chose amusante The Beekeeper et LPCO étaient tous deux issus d'un même GameChef et on des similitudes avec le jeu que j'avais soumis pour ce même GameChef ("ET STEVE JIII FAIT SON AUTOPROMO, COMMENT LE PUBLIC VA-T-IL REAGIIIIR ?") Faster than Memories. Au moment de créer ce jeu qui, comme les deux autres élude le conflit et le reléguant au rang de souvenir (même si le jeu se termine par un choix des joueurs) je m'étais posé cette question "Est-ce suffisant ?".

Et il me semble que oui, il n'est pas nécessaire d'exiger du conflit (au nom d'une structure simpliste de la fiction comme simple série de réactions à des conflits ou au nom d'une volonté de remettre le Jeu au centre du JDR).
Plus spécifiquement une grande partie des jeux norvégiens dit freeform/jeepform étaient des jeux sans mécanique de conflit mais qui ne parle qu'indirectement du conflit. J'ai souvent l'impression que le mouvement Story-games copie-colle cette approche à n'importe quel type de fiction.

Je vais encore raconter ma vie mais j'ai participé l'an dernier à la compétition de game-design Threeforged RPG. Il s'agissait d'un concours lancé par Paul Czegue qui proposait une logique de création de jeu en forme de cadavre exquis.
On travaillait chacun sur trois jeux en trois étapes.
A la première étape on créait un brouillon de jeu, à la seconde étape on récupérait un brouillon de jeu qu'on complétait et à la dernière on terminait un dernier brouillon de jeu.

Je notais en travaillant sur et en lisant des jeux issus de ce concours que de nombreux jeux mettaient le conflit au centre de leurs fictions mais préféraient le traiter ludiquement sur le mode de la collaboration.
Voici la liste des jeux (dans toutes les versions) :
1) Au premier tour je proposais un jeu basé sur des mages qui manipulaient la réalité pendant que les joueurs prenaient le contrôle de la narration. Dès le second tour les mécaniques de résolutions étaient modifiées pour éviter les logiques trop conflictuelles.
2) Au deuxième tour j'héritais d'un jeu nommé Siblings' Rivalry qui s'ouvrait presque immédiatement sur une phrase du type "Dans ce jeu évitez de bloquer les propositions des autres joueurs" et qui utilisait le mot "collaborativement" comme signe de ponctuation. Bref un jeu sur des rivalités entre personnages qui ne débouchait jamais sur des confrontations entre joueurs (ce que je m'empressais d'ajouter dans ma version).
3) Au dernier tour j'héritais d'un jeu, Millenia, qui s'ouvrait sur l'idée qu'il s'agissait de "Créer collaborativement un univers en racontant collaborativement les conflits qui l'ont traversé". Bref un jeu sur la guerre sans conflits entre les joueurs.
Là encore j'ajoutais de la confrontation ludique ce qui, de mémoire, n'avait pas totalement convaincu les autres créateurs du jeu.

Lors de ce concours j'avais été frappé par l'uniformisation des systèmes des jeux narratifs. Jeux qui, me semblait-il, se coupaient de plein d'outils de game-design et ne s'interrogeaient qu'assez peu sur le traitement des confrontations (au fond on y traite de la même façon un conflit et des scènes plus contemplatives (les scènes d'introspection, vagabondage, souvenirs pour te citer).
Sans dire qu'il faut tout gérer par du conflit entre joueurs j'ai quand même l'impression que le choix de décrire collaborativement un affrontement créé un effet bien particulier qui n'est pas systématiquement adapté.
Dernière édition par Steve J le 13 Mars 2016, 18:53, édité 1 fois.
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Re: [Article] Ce n'est pas du jeu de rôle !

Message par Frédéric » 13 Mars 2016, 18:23

Intéressante cette expérience du Threeforged...

Est-ce une question de mode ? Ou un ras le bol des jeux mécanisés ? Ou juste que tu es tombé sur les freeformers patentés du concours ?
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Re: [Article] Ce n'est pas du jeu de rôle !

Message par Steve J » 13 Mars 2016, 19:01

Frédéric a écrit :Intéressante cette expérience du Threeforged...

Est-ce une question de mode ? Ou un ras le bol des jeux mécanisés ? Ou juste que tu es tombé sur les freeformers patentés du concours ?

On peut penser que le rejet des jeux mécanisés tire la conclusion logique du mouvement freeform. Lizzie Stark qui connait bien ce milieu avait écrit un article de conseilspour voir son scénario accepté à la convention Fastaval, ja la cite
Fastaval has a diverse player base that enjoys fantasy, humor, space, and realist crygames. It’s very open genre-wise. Games with huge numbers of rules, or that rely on what US indie gamers call “system” don’t tend to do as well. In my estimation, Fastaval players also like detailed characters and scenes to play on–scenarios that require lots of on-the-fly improv seem to be more challenging for this audience.

Bref une préférence de l'improvisation sur le "système".

J'y vois la encore un problème de définitions. On décide que son jeu est un jeu freeform, story-games, traditionnel et on s'interdit d'utiliser des outils qui seraient pourtant utiles.

PS : Par contre je ne pense vraiment pas être tombé sur des cas extrêmes. Beaucoup de jeux semblaient sortir du même moule.
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Re: [Article] Ce n'est pas du jeu de rôle !

Message par Frédéric » 13 Mars 2016, 19:20

Merci pour cette réponse !
Je suis assez d'accord avec cette analyse.

Typiquement, Shades (qui date quand même de 2006) pourrait être considéré comme freeform, mais il utilise une mécanique de jetons, certes légère, et qui oriente vraiment le jeu vers l'improvisation. Ça pose la question : quand est-ce suffisamment "light" pour être du freeform ? Et quand est-ce qu'on retombe dans le "système" (expression inadéquate ici) façon indés US ?
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Re: [Article] Ce n'est pas du jeu de rôle !

Message par Thomas Munier » 13 Mars 2016, 20:07

Je suis d'accord pour admettre que beaucoup de jeux esthétiques sont composés aujourd'hui avec des systèmes freeform et une cohérence mécanique-fiction traitée avec désintérêt, voire volontairement à rebours (les efforts des personnages n'influent pas le résultat dans Mars Colony, les contraintes créatives dans Inflorenza...), ce qui peut les fait rentrer dans ce que Vivien nomme les "jouets de rôles".

Néanmoins, je souhaiterais donner un exemple pour illustrer que le côté freeform d'un jeu ne suffit pas à indiquer s'il s'agit d'un jeu esthétique, et qu'un jeu peut être freeform avec une cohérence mécanique-fiction forte.

Quand j'ai écrit Inflorenza Minima (et leurs hacks plus complexes, Arbre dans sa version actuelle et Odysséa), j'ai voulu faire un jeu qui soit tout à fait un freeform structuré dans le sens = peu de règles, peu de matériel, peu d'écrit, peu de chiffres, peu de hasard (en fait il n'y a presque qu'une règle, il n'y aucun matériel, aucun écrit, aucun chiffre, aucun hasard).

Pour autant, c'est loin d'être un jeu esthétique. C'est un jeu moral assez impitoyable dans le genre. La résistance asymétrique est assez rêche et je pense que le positionnement est complet. Le système est ultra-léger mais ultra-présent (quand bien même on ne l'"entend" pas dans la narration vu la possibilité de se passer de termes techniques et de phrases-clefs).

Si je prends l'exemple de la Charte Angoumoise, on est sur un jeu freeform structuré qui fonctionne par ce que Ron Edwards appelle "la dramaturgie" : c'est le meneur qui est garant de la cohérence mécanique-fiction (ce qui soumet beaucoup de choses à l'arbitrage du meneur, mais c'est un autre débat).
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