Incarnation des Ateliers - Episode 2

Prochaines sorties, conventions, trouvailles...

Re: Incarnation des Ateliers - Episode 2

Message par kiraen » 19 Mars 2016, 09:57

Si la diffusion en direct fonctionne (je n'en sais rien encore), elle aura lieu sur ce lien :
http://www.youtube.com/watch?v=9v8UKNAOq8o

N'hésitez pas à nous rejoindre et je tâcherai de garder un oeil sur le Q&A pour d'éventuelles questions.

Si ça ne marche pas j'ai une solution de secours qui me permettra d'enregistrer la discussion à défaut de la diffuser en direct.
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Re: Incarnation des Ateliers - Episode 2

Message par kiraen » 19 Mars 2016, 15:40

Bon pas de diffusion en direct possible à cause d'une connexion wifi pourrie.

Mais c'est 1h30 environ d'une discussion passionnante qui sera mise en ligne rapidement pour que vous en profitiez.
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Re: Incarnation des Ateliers - Episode 2

Message par angeldust (Simon) » 20 Mars 2016, 22:13

Merci pour cette rencontre ! C'était vraiment super !

Comme promis, je m'occupe de l'organisation de la suivante. On attend avec impatience les enregistrements !
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Re: Incarnation des Ateliers - Episode 2

Message par kiraen » 21 Mars 2016, 07:37

Ok Simon, en route pour la Convention Imaginaire (version béta) !
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Re: Incarnation des Ateliers - Episode 2

Message par Eugénie » 21 Mars 2016, 11:08

Oui, merci à Valentin pour l'organisation, c'était super chouette !
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Re: Incarnation des Ateliers - Episode 2

Message par Mangelune » 21 Mars 2016, 11:28

C'était super bien ! Merci à vous.
Contes et histoires à vivre, un site pour parler des Errants d'Ukiyo, de Perdus sous la pluie et du reste.

Pensez aussi à la page Facebook officielle de Perdus sous la pluie.
Mangelune
 
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Re: Incarnation des Ateliers - Episode 2

Message par Thomas Munier » 21 Mars 2016, 16:31

Heureux de vous avoir rencontré toutes et tous !
Énergie créative. Univers artisanaux.
http://outsider.rolepod.net/
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Re: Incarnation des Ateliers - Episode 2

Message par Valentin T. » 11 Avr 2016, 20:42

Bonjour à tous!

Le compte-rendu de la rencontre est disponible pour les participants. N'hésitez pas à m'envoyer un message privé (avec en copie votre adresse mail) pour en recevoir une copie. Si personne ne se manifeste au sujet d'une incorrection ou d'un véto à la publication d'ici la semaine prochaine, nous le rendrons disponible ici même!
Merci encore pour ce passionnant moment,
J'espère à très vite!

Valentin
Valentin T.
 
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Re: Incarnation des Ateliers - Episode 2

Message par kiraen » 12 Avr 2016, 08:04

Je vais tâcher de mettre l'audio à dispo d'ici la semaine prochaine aussi alors !
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Re: Incarnation des Ateliers - Episode 2

Message par Valentin T. » 30 Avr 2016, 16:48

Processus de game design en jeu de rôle : quelle méthodologie ?
Le 19 mars 2016, au Dernier Bar avant la fin du monde

Cette transcription est l’œuvre de Thouny, qui y a inséré des NdT (Notes de Thouny). Merci infiniment aux participants. N'hésitez pas à me signaler par message privé des coquilles, erreurs, références, etc...

Étaient présents :
Anaïs (et sa girafe), rejeton de Chloé et Vivien ;
Anna, rôliste bretonne, pote de Thomas ;
Chloé, accompagnant Vivien ;
Eugénie, LA Joueuse ;
Felix, visiteur de contrées lointaines ;
Ilan, a.k.a. M. Batman ;
Julien Pouard, auteur du podcast « Les Voix d’Altaride » ;
Manon, correctrice des présentes greffes ;
Rémi, ami de Félix des Terres Lointaines ;
Simon (angeldust sur les Ateliers), enceint de Terres de Sang ;
Thomas Munier, créateur multirécidiviste (univers de Millevaux) ;
Thouny, scribe anonyme ;
Valentin, spécialiste de la cuisson des steaks hachés et animateur de la rencontre ;
Vivien, auteur de Perdus sous la pluie et Les Errants d’Ukiyo.


Introduction

Valentin: Hier soir, on a essayé (avec Thouny) de créer un jeu trop cool. Un jeu qui s’appuierait sur le symbolisme dans les romans de chevalerie (style Königssohn de Schumann). Mais ça n’a pas marché.
Du coup, la question : pourquoi ?

D’où le sous-titre :
Processus de game design en jeu de rôle : quelle méthodologie ?
Ou
Qu’aurait-on dû faire hier soir ?

On pose les deux définitions suivantes :
Processus : ensemble d’actions qui vont vers un but.
Méthodologie : recette rationnelle (où la rationalité est l’usage combiné de la logique et du principe de parcimonie).


Pas « une » méthode, « des » méthodes

Thomas : Il serait criminel de ne donner qu’une seule méthodologie. Il n’y a pas une méthodologie, chercher un Graal est illusoire ; il y a autant de méthodologies que de personnes. Il faut abandonner cette ambition d’obtenir une recette unique.

Julien : Pour les films, les scénaristes ont mis des points des recettes pour fabriquer des scénarios qui marchent. Est-ce que ce serait possible pour fabriquer des jeux de rôle ?

Vivien : On peut prendre un système déjà fait, ajouter du décorum, et c’est parti.

Valou : Mais c’est limité. Si je veux faire du symbolisme chevaleresque, ça ne marche pas !

Julien : Le symbolisme, comment veux-tu le faire passer ? Par l’histoire, la fiction, ou par le système ?
Il y aura des solutions, donc des méthodes, différentes pour chaque problème.

Thomas : Je conseille la lecture de System Does Matter, de Ron Edwards (http://ptgptb.fr/le-systeme-est-important). Le système de résolution est important, par exemple dans la manière dont les dés vont influer sur l’histoire (on peut faire la différence avec la dramaturgie, sans système de résolution aléatoire où le MJ est arbitre).
U ne analyse du system does matter consiste à penser qu'un bon système est centré sur le système de résolution. Mais, là encore, partir du système est une méthode, pas la méthode.


Laisser la place à l'émergence

Vivien : Il y a une forte tendance à prendre une histoire que l’on a aimée (venant d’un film, d’un livre, d’une série, etc.), et à vouloir la recréer exactement au cours de la partie, les joueurs ajoutant un peu de décorum.
On veut recréer la même narration en oubliant que le JdR c’est avant tout l’action des joueurs.

Julien : On commence à toucher aux franges du JdR, à la frontière « c’est un jeu de rôle » / « ce n’est pas un jeu de rôle ».
Cadrer de manière extrêmement étroite un JdR permet de donner une expérience sûre aux participants, mais est-ce vraiment un JdR ?

Thomas : Le JdR est un média de l’émergence.
Le système est présent pour donner un cadre, plus ou moins strict, mais il faut des espaces de liberté pour les joueurs. On peut partir d’un jeu qui a l’air assez rigide, mais qui laisse en réalité de grands espaces de liberté aux joueurs qui vont faire émerger tout un univers.
Ce qui est bien, c’est de mécaniser quelques paramètres et de laisser tout le reste émergent. (À rapprocher du vide fertile: http://www.limbicsystemsjdr.com/vide-fe ... invisible/)


Méthodes personnelles

Valou : Pour récapituler, on peut dire :
Il n’y a pas qu’une seule méthode ;
Il faut laisser la place à l’émergence, et donc éviter le « tout mécanique ».
Vous, auteurs, vous avez de l’expertise (c’est-à-dire l’expérience du créateur). Comment l’utilisez-vous ? Au jugé ou au pif, ou au contraire selon une méthodologie bien précise ?

Vivien : Non, je n’ai pas de méthodologie bien précise, mais généralement je pars d’une intuition, que je laisse dans un coin pour qu’elle soit influencée par d’autres expériences jusqu’à faire tilt. Ou alors, autre possibilité, j’ai une idée (ex : un jeu à la Sa Majesté des Mouches). Je cherche le cœur du jeu (ex : relations humaines avec tension croissante), puis demande quels jeux ressemblent à ça, quelles mécaniques m’inspirent ou me semblent adaptées.
Après ça, je teste. Si ça marche, tant mieux ; sinon, tant pis, on retire ce que l’on vient de faire, et on essaie avec autre chose.
En fait, on recherche la parcimonie : on retire ce qui ne sert pas (voir le Podcast Outsider sur « La Simplicité » (avec Vivien en intervenant) : http://outsider.rolepod.net/podcast-out ... implicite/). On avance par petites touches, de temps en temps, quand on a une idée. Le jeu avance par à-coups.

Thomas : Je suis un compulsif de la prise de notes. J’ai un article où j’en parle d’ailleurs (viewtopic.php?f=65&t=3810)
Le but, c’est de ne jamais laisser passer une idée, de tout noter. J’utilise un tableur Excel, toutes les notes sont classées par catégorie.
Ça permet un premier jet de jeu très rapide, j’ai simplement à rechercher dans mes notes par mots-clefs. Le risque, c’est de tomber dans le jeu en kit.
Mais le principal, c’est de cultiver une curiosité pour le JdR, de regarder les autres jeux (« debunkage » de JdR, blog de Frédéric Sintes (http://www.limbicsystemsjdr.com/), etc.), de se constituer une « grammaire du JdR » ( http://www.tartofrez.com/video-la-grammaire-du-jdr/) que l’on peut ensuite remobiliser lors de la création d’un jeu.

Valou : Mais on peut trouver des théories et des grammaires qui s’opposent.

Thomas : Les grammaires sont teintées par les préférences de leur auteur. Par exemple, quelqu’un qui développe des jeux très ludiques aura une grammaire différente d’un autre qui préfère les jeux moraux. De même, Eugénie a une grammaire particulière, qui développe plus le point de vue de la joueuse.
Le but est de désosser toutes ces grammaires, en soustraire le jugement de l’auteur, pour en tirer des concepts utilisables.
[NdT : On pourrait rapprocher ça de la « substantifique moelle » de Rabelais.]

Julien : Souvent, les articles de game design proposent des hypothèses et des concepts, mais peu de comptes-rendus sur comment ces hypothèses et ces concepts ont été utilisés dans le cadre de la conception d’un jeu. En gros, on se dit « Ouais, c’est cool, mais concrètement, j’en fais quoi ? »
Il manque également des tests, qui confirmeraient les hypothèses avancées.

Vivien : Oui, il faut faire attention aux déclarations d’intention, se garder d’une vision dogmatique du JdR.

Thomas : Dans le podcast Journal d'une rôliste (http://dudeauclavier.fr/podcasts/du-de-au-micro/) quand un MJ a une idée, il explique ce qu’il en pense. Il faut se rendre compte que les MJ sont aussi des game designers.

Simon : La théorie, elle vient avant ou après la pratique ?

Thomas : En ce qui me concerne, c’est en parallèle. J’ai un problème concret à régler, et je fais des allers-retours entre le concept et sa mise en pratique.
Par exemple, pour Inflorenza, au début je voulais faire un jeu moral. Mais quand j’ai fini le jeu, et que je l’ai testé, je me suis rendu compte que ce n’était pas un jeu moral. Donc j’en ai fait une variante qui, elle, est bien un jeu moral.
La différence se trouve dans les choix offerts aux joueurs :
S’il faut choisir le meilleur entre des trucs cool, c’est un choix esthétique ;
Si choisir est difficile pour le joueur, s’il demande un sacrifice, alors c’est un choix moral.

Eugénie : En littérature, il y a un conseil que l’on donne aux auteurs : lisez beaucoup.
Donc en JdR, pour se faire sa propre méthodologie, il faut lire beaucoup (de méthodologies), mais aussi jouer beaucoup, y compris des choses que l’on n’aime pas ou avec lesquelles on n’est pas d’accord.

Julien : Tu n’es pas game designer, mais dans ton blog tu conceptualises certaines choses qui permettent de « faire du game design après la publication du jeu », une sorte de game design à retardement. Tu crées des outils qui peuvent servir à des game designers.

Eugénie : Je ne fais pas de théorie, je dis seulement comment je joue, pour voir ce qui marche ou ne marche pas. Je ne fais pas ça pour vous !

Anna : En tant que joueuse de Thomas, j’ai découvert des trucs que j’ai réutilisé en tant que MJ. Le MJ n’invente pas, mais il transforme le jeu.

Thomas : Un JdR n’est pas un jeu, mais des tonnes de jeux : un par MJ, voire un par partie.
Dans le jeu de go par exemple, les règles en sont fixées depuis des siècles, mais les joueurs réinventent ce jeu en permanence. Les joueurs font tout le game design actuel du jeu.
Le game design, c’est comment on crée le jeu, mais aussi comment on y joue. Par exemple, en saut en hauteur, tout le monde sautait en ciseaux jusqu’à ce que l’on découvre une manière plus efficace de faire : par le dos. Les règles n’ont pas changé, mais la pratique, si.


Tester ses hypothèses

Julien : Est-ce que vous avez déjà fait un jeu dans le but de tester une hypothèse ?

Thomas : Je vais prendre pour exemple la théorie du Maelstrom (http://lesateliersimaginaires.com/glossaire/maelstrom), qu’il n’y a pas une aventure à une table, mais des aventures, chacun se faisant sa propre histoire. Le but est donc de valoriser ces bouts d’aventure communs à tous les participants.
J’ai créé une variante d’Inflorenza qui a testé ça : Inflorenza A Capella (Un rapport de partie: viewtopic.php?f=64&t=3458).

Vivien : Même si ce n’est pas dit explicitement, c’est systématique. Si je dis ou conceptualise quelque chose, c’est que j’ai un jeu en tête.
Mais à l’inverse, quand j’écris un truc, la réalité me retombe vite dessus. J’oublie alors les grandes idées pour revenir à du concret.

Julien : Pour apprendre à écrire, il faut lire et écrire. Pour le JdR, il y a pas mal de choses qui s’appuient là-dessus (des conventions de création de jeux, comme le Game Chef en 9 jours, http://tartofrez.com/gamechef/). D’ailleurs, les intérêts du Game Chef, c’est la création sous contrainte et en compétition. Même si le jeu est pourri en fin de compte, ce n’est pas grave : on a créé plein de jeux qui abordent différemment les contraintes. Le prochain est en juin, j’encourage les gens à y participer.

Chloé : Le Game Chef, ce sont des contraintes imposées. Est-ce qu’il n’y a pas un risque de brider la créativité ?

Julien : Je ne l’ai pas pris comme un concours, mais comme un exercice. Je crée un jeu, et j’aurai des confrontations et des retours critiques (même si tous ne sont pas super…). Donc les contraintes ont été pour moi inspirantes : j’ai un problème devant moi ; que puis-je utiliser dans mon arsenal pour le régler.

Chloé : Faut-il alors s’imposer de tels petits défis en-dehors des concours ?

Julien : Le truc, c’est que ces concours et leur deadlines sont des remèdes à la procrastination.

Simon : Pareil, j’avance plus vite sur mes jeux quand je dois parler. Il y a clairement un « effet deadline ». D’ailleurs, il y a un auteur, Philippe Tromeur, qui s’est dit : « Allez, je fais un jeu par semaine pendant un an. »
[NdT : Il en a fait 53, http://philippe.tromeur.free.fr/53/]

Vivien : Mais rajouter des millions de jeux en une semaine, c’est pas complètement inutile ?

Julien : Ces jeux n’ont pas vocation à être conservés… C’est comme les copies de mes élèves.
Mais je me suis intéressé au Dragonfly Motel (http://outsider.rolepod.net/catalogue/dragonfly-motel/) de Thomas grâce au Game Chef ; sans ça je ne l’aurais sans doute pas vu.

Eugénie : Il faut distinguer la production de la création. La production, c’est ce que l’on va livrer au public.
Le Game Chef se concentre sur l’émotion de la création. Le but, c’est de finir de créer un jeu, mais il n’a pas forcément vocation à être publié. La démarche de création est parfois plus intéressante que le jeu en lui-même.

Valou : Ça ressemble à du darwinisme ludique. On va créer des tas de jeux. 99 % seront pourris, mais ce n’est pas grave ; les bons sortiront du lot.

Julien : Avec Game Chef comme laboratoire de mutagenèse dirigée.


Intensité et profondeur

Valou : Si on en revient au sujet de départ, on a une méthodologie qui ressort : jouer beaucoup, lire beaucoup. Se gorger d’XP en quelque sorte.

Eugénie : Non, la méthodologie, c’est comment faire le tri dans tout ça.

Vivien : Et ne lisez pas que des jeux de rôles, lisez de tout pour faire des connexions. C’est la différence entre, pour reprendre votre exemple de départ, lire un roman de chevalerie, et en lire trente plus des ouvrages d’hermétique.

Thomas : Il existe un concours de création de jeu en 250 mots : celui du Scriiipt (http://scriiipt.com/). Ce sont des contraintes fortes pour faire éclore des jeux intéressants. John Harper [Lady Blackbird, Lasers & Feelings, Ghost Echo, etc., http://www.onesevendesign.com/, NdT] fait beaucoup de jeux en aussi peu de mots.
Il y a deux axes à considérer : l’intensité, et la profondeur. L’intensité consiste à proposer une expérience intense, spécialisée, souvent avec une faible durée de vie et rejouabilité. Un jeu profond, lui, sera plus complexe, plus ouvert à l’émergence, avec une courbe d’apprentissage, des règles « à trous » pour la créativité, etc.
On doit se poser la question : le jeu que je veux créer est-il intense ou profond ?
Monostatos (http://alcyon-jdr.com/jeux/monostatos/), par exemple, est intense : on fait deux-trois parties vraiment stylées, et puis on passe à autre chose. La plupart des jeux traditionnels, eux, sont dans la profondeur.
Le Graal est-il de concilier profondeur et intensité ? Ou de produire un système profond, mais simple, par exemple avec peu de règles mais poussant fortement à l’émergence, ou avec des règles qui se dévoilent au fur et à mesure, etc. ?

Simon : Il y a des minima en termes de méthodologie. Il y a des principes nécessaires mais pas suffisants pour faire certains types de jeu.

Julien : J’ai vécu des expériences intenses sur des jeux qui ne sont pas faits pour ça. Il y a des choses qui viennent de la table plus que du jeu lui-même.

Thomas : Ce n’est pas forcément une mécanique de résolution qui est « nécessaire mais pas suffisante », mais peut-être autre chose. Par exemple, pour un jeu intense, peut-être qu’il faut une situation de départ précise, des personnages pré-tirés, etc.

Vivien : Avant, dans le jeu de rôle traditionnel, on créait des personnages, et si on avait de la chance on tombait dans une situation épique, par exemple un duel contre son frère.
Une autre possibilité, c’est de créer la situation épique du duel. Mais est-ce que ce n’est pas artificiel ?

Thomas : Dans le second cas, c’est un frère de papier. Tu me dis que je tiens à lui, mais en vrai je m’en fous.

Julien : Mais créer un personnage, ce n’est pas déjà du jeu ? On peut s’approprier un personnage avant de l’avoir joué On peut y tenir même sans passé effectif. Même si effectivement, avec un « vrai » passé ce sera plus fort, par exemple si le frère est revenu plusieurs fois en jeu avant le duel.

Manon : J’ai l’impression que c’est une frustration de MJ que le joueur puisse faire ce qu’il veut avec son personnage.

Vivien : À titre personnel, bien sûr que « j’aimerais bien que ça aille vers ça », et en fin de compte les joueurs font autre chose. Mais aussi la même frustration du joueur devant le reste du groupe.
On veut des sensations plus intenses plus vite, mais il y a un risque d’artificialité.

Thomas : Le jeu intense fonctionne grâce à la bonne volonté des joueurs, et ne fonctionnera pas sans eux.

Valou : Mais quelle quantité de bonne volonté est requise ?
Pour Hot Guys Making Out (http://www.tao-games.com/hot-guys-making-out/), par exemple, il faut pas mal de bonne volonté. Alors que Polaris (http://www.tao-games.com/polaris/) émerge tout seul avec un tout petit peu de bonne volonté.

Manon : Le JdR n’existe pas sans les joueurs de toute façon. Le jeu, c’est la partie. S’il n’est pas joué, ce n’est pas un jeu, c’est un exercice.

Julien : C’est globalement mon point de vue. Mais un jeu créé comme une expérimentation peut apporter des billes pour un autre jeu. Un jeu qui apporte des trucs intéressants pour des jeux futurs, mais n’est jamais joué, est-ce un jeu ?

Simon : Les conclusions tirées d’un jeu jamais joué ont-elles une pertinence ? Les hypothèses « ne sont pas validées ».

Thomas : Ça se rapproche de la lecture ergodique [https://en.wikipedia.org/wiki/Ergodic_literature, en gros c’est une lecture qui demande un effort du lecteur pour avoir un sens, comme des calligrammes ou les Livres dont vous êtes le héros, NdT].
J’achète des jeux, je les lis, mais ne les joue jamais. Mais je pense qu’on peut « jouer » à un jeu en lisant un livre de règles, sans le « jouer » à la table. C’est une expérience solitaire.
C’est une question importante en tant que game designer : est-ce que je crée un jeu pour qu’il soit lu, ou pour qu’il soit joué ? Les deux ?
Des jeux sont créés pour être publiés et lus, mais pas joués. C’est le cas de beaucoup de suppléments d’univers, par exemple, pour lesquels il y a beaucoup de demande.
Pour un faire un jeu profond, on peut semer plein de graines, même si moins de 10 % « germent » en Jeu joué.

Vivien : C’est la tentation classique de l’encyclopédie dans le JdR. Avec la géographie, l’histoire, la politique du monde, etc. Il y a peu d’informations exploitables (comment vivre dehors, à quoi ressemble une auberge, etc.), par contre une quantité invraisemblable de trucs peu utiles (deux mille plans de palais, etc.).
C’est une limite au point précédent : semer des graines, très bien, mais de bonnes graines.


Tester un jeu

Julien : On commence à parler de comment on teste un jeu ?

Valou : Oui, parlons de playtest. Si on va sur le blog de Jérôme Larré (http://www.tartofrez.com/), on apprend plein de choses sur le jeu vidéo. Il s’inspire du game design du jeu vidéo pour l’appliquer au jeu de rôle. Et il y a un truc qui revient : tester, tester, tester. La méthodologie du game design en jeu vidéo, c’est la méthodologie du test. Le tout reste de déterminer comment bien tester.
L’aller-retour entre conception et test est beaucoup moins pratiqué en JdR.

Vivien : Il faut garder en tête que l’on part du principe que le joueur de JdR est bienveillant. Si un joueur veut faire foirer le truc, il va réussir à le faire foirer.
On teste plus en jeu vidéo parce qu’on a peur du bug et du joueur qui « casse » le jeu. C’est bien moins le cas en JdR, surtout maintenant.

Julien : Pour les jeux vidéo, il y a aussi eu l’influence des études des neurosciences.

Ilan : Il y a aussi plus de joueurs et d’argent en jeu vidéo.

Simon : Et puis, quelle est la répétabilité d’un JdR ?

Julien : Il y a besoin d’un protocole de test pour la répétabilité. Ça n’existe pas en JdR, ou en tout cas ce n’est pas répandu.

Thomas : Il y a un podcast de la Cellule [Le Test d’un jeu de rôle, avec Jérôme Larré, http://lesateliersimaginaires.com/lacel ... de_JDR.mp3 NdT], un énorme .pdf de Jérôme [Tester son JdR, http://www.tartofrez.com/wp-content/upl ... -tests.pdf, NdT], et plusieurs articles sur le blog de Frédéric [http://www.limbicsystemsjdr.com].
Personnellement je teste en modifiant un point de mon système, pour voir si ça marche. Tu peux tester ton jeu en ayant un élément en tête. Ensuite, lors de ton debriefing, tu commences par demander leur avis aux testeurs sur ce point, puis tu enchaînes sur un debriefing libre. Comme ça émergent du test des choses que l’on avait pas prévues, et on peut ensuite adapter le jeu pour favoriser, voire permettre, ces choses.

Julien : Est-ce que l’on donne une durée maximale à la période de test ?
Est-ce qu’en laissant le jeu en production pendant trop longtemps on ne risque pas de changer d’objectif de game design ? Comment tu gardes une constance dans tes objectifs de game design à travers les tests et les expériences ?
Est-ce qu’il faut laisser évoluer le jeu lors du test ?

Thomas : Je veux qu’il y ait telle ambiance. Je fais mes règles pour cette ambiance.
Si lors des tests je me rends compte que mes règles font une autre ambiance, j’ai deux possibilités :
Je me dis « Oh, cool ! » et je change l’ambiance visée ;
Je change les règles pour obtenir l’ambiance voulue.
Mais de toute façon le jeu va être transformé par le test.

Julien : Dans mon expérience, il y a eu deux cas :
J’avais un objectif clair au départ, donc je veux garder cet objectif pendant la production. La difficulté, c’est de dire « Ok, c’est bon, c’est abouti, je publie. »
Je crée un système sans but de publication, le but c’est de tester des trucs. La constance est inutile, on s’en fout.

Thomas : À force de tester, on crée des forks, donc on finit par créer plusieurs jeux à partir de l’idée de départ (c’est le cas dans l’univers de Millevaux, j’ai créé un jeu par ambiance voulue, plutôt qu’un gros système censé tout faire).

Valou : Donc il y aurait deux types de processus dans le game design :
Processus finaliste, « je connais mon but au début » ;
Processus émergent, « ah tiens ça c’est cool, ça marche, qu’est-ce que ça donne ? »
D’expérience, la logique, la première, c’est vachement dur, j’ai clairement pas les billes pour y parvenir.

Vivien : Les deux sont mêlés, on doit les aborder ensemble. On a son sujet, on le décompose en briques, on les traduit en mécaniques de jeu, on bidouille.

Julien : Et oui, c’est dur le processus finaliste, mais c’est ça qu’est fun !

Valou : Oui, mais moi je ne veux pas prendre du plaisir à créer un jeu ; je veux créer un jeu qui sera bien à jouer.
Valentin T.
 
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Re: Incarnation des Ateliers - Episode 2

Message par kiraen » 30 Avr 2016, 17:17

Et le fichier audio arrive... un jour prochain :)
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Re: Incarnation des Ateliers - Episode 2

Message par Frédéric » 30 Avr 2016, 17:40

Super intéressante cette conversation !
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Re: Incarnation des Ateliers - Episode 2

Message par Thomas Munier » 01 Mai 2016, 08:39

Merci à Thouny, Valentin et Manon pour l'organisation de cette rencontre et pour l'énorme travail de retranscription ! C'est assez rare pour être souligné et cela fera plaisir aux personnes qui manquent d'opportunités pour écouter l'enregistrement.
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Re: Incarnation des Ateliers - Episode 2

Message par Steve J » 03 Mai 2016, 10:04

Julien : Souvent, les articles de game design proposent des hypothèses et des concepts, mais peu de comptes-rendus sur comment ces hypothèses et ces concepts ont été utilisés dans le cadre de la conception d’un jeu. En gros, on se dit « Ouais, c’est cool, mais concrètement, j’en fais quoi ? »
Il manque également des tests, qui confirmeraient les hypothèses avancées.

Oui, oui, OUIIII !

Sinon il s'agissait d'une excellente discussion et le travail de retranscription est très précieux. Merci à tous.
Steve J
 
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