sexisme / racisme et autre, on en parle?

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Re: sexisme / racisme et autre, on en parle?

Message par dr dandy » 29 Avr 2016, 16:14

Bonjour,

Je réponds après avoir passé une semaine très difficile. Je me suis retrouvé en effet à devoir défendre, parfois face à des gens que j'apprécie beaucoup, des positions d'autres personnes que j'apprécie alors que (Fabien le confirmera) je suis souvent au front pour lutter contre le sexisme chez les rolistes. Pas simple mais, comme toujours, je n'ai pas peur des contradictions et évite le plus possible la mode de la pensée binaire. Je viens donc éclairé avec mon point de vue cette histoire.
Au passage je remercie Fabien pour sa prise de position mesuré et très clair. J'approuve.

Je commencerais par une petite profession de foi:
C'est quelque chose qui est venu après mon article/enquête sur le sexisme chez les geeks (http://lesbonsremedes.overblog.com/2014 ... exism.html) qui m'a fait admettre que je suis sexiste. De petit niveau certes mais quand même. Avec le temps j'ai acquis une idée: tout le monde est sexiste (ou raciste, etc.). Certes nous sommes inégaux sur cette question (d'où mon schéma à "niveaux" façon D&D) mais quand même. Pourquoi? Parce que nous sommes le fruit de nos cultures, notre nature et de tout ce que l'on a vécu jusqu'à aujourd'hui. Même les femmes le sont vis à vis des hommes comme quand on se moque de moi en disant "mais les hommes ça sait pas faire deux choses en même temps" c'est un comportement sexiste. et je le dis d'ailleurs mais comme nous vivons dans une société majoritairement patriarcale c'est de bonne guerre et je ne vais pas hurler à la misandrie. Partir de cet état de fait me permet d'avoir une relation apaisée avec ces questions en refusant de mettre des étiquettes blanc/noir sur les choses et de tout voir en nuance de gris.

Ensuite sur la question précise de 1% j'ai développé pas mal de choses ici:http://lesbonsremedes.overblog.com/2016/04/vroum-1-un-dernier-pour-la-route.html

Mais je vais compléter...

1- Faut-il sauver le soldat Rambour?
J'aime bien Laurent mais je ne vais pas prendre sa défense sur cette histoire. C'est lui qui a pris les décisions sur les graphismes du jeu et la couverture bien racoleuse. Le bonhomme est coutumier du fait puisque même Vampire City (qui ne contient pas une once de vision machiste du monde) est représenté avec une lycéenne vampire à gros seins. Quand on commence sa carrière avec un jeu au nom évocateur comme "Panties Explosion" (au passage qui est très sympa) on peut difficilement se renier. Donc Laurent est un sexiste de niveau 1, un type qui pense que c'est cool de mettre nibards sur une couverture et qui sait que ça fait vendre. Avec 1% il savait que ça allait râler et à même militer pour la mixité dans les Motor Club du jeu. Devant le refus de l'auteur il a pris la position inverse: quittes à se retrouver accuser de sexisme autant y aller à fond. Un parti pris provoc' attendu et qui, à mes yeux, a engendré des réactions beaucoup trop extrêmes en regard du reste de la production roliste française qui regorge de représentations "sexy" sans aucune justification autre que "c'est cool". Connaissant les thèmes de 1% je n'aurais pas compris si on n'avait pas eu droit à des images calquées sur l'imaginaire du milieu des bikers. Là c'est un peu l'overdose de testostérones il faut bien l'avouer.

2- Le jeu 1% est-il sexiste?
Là clairement il faut faire la part des choses entre le sujet du jeu et son propos. Le fait de ne pouvoir jouer que des hommes faits grincer des dents. Ce choix là je le soutiens à 200%. Car, contrairement à ce qui a été dit, ce choix n'est pas basé sur une volonté de faire réaliste mais sur un réflexion esthétique se basant sur la réalité de la ségrégation des sexes dans les milieux de bikers 1% (car des Motor Club normaux avec des femmes il y en a partout). L'intérêt de ce choix est justement d'explorer un environnement très masculin avec des valeurs de virilité: loyauté entre "frères", compétition permanente pour savoir "qui a la plus grosse" ou même disputes musclées. Tout ceci est cohérent et se comprend très vite quand on y joue. Au passage je note que les femmes qui ont testé le jeu y avait trouvé une catharsis en interprétant des gros machos qui se la racontent. Bien évidemment celles-ci avaient déjà passé le cap du "on peut pas jouer une femme".
Bien sûr qu'il y a des femmes dans 1%, dans l'entourage des pjs et, non, ce ne sont pas toutes des bimbos asservies au bon plaisir des mâles. Mais sur ces questions là l'auteur va faire comme pour la question du racisme: si ça gêne tu peux occulter tout ça et jouer quand même (il y a d'autres thématiques) ou bien les prendre à bras le corps et confronter les joueurs à leur rôle de salauds phallocrates (et peut être même néonazis). Le jeu étant traditionnel il ne proposera pas de système renforçant le questionnement. Mais rien n'empêche de le faire!

3- Le débat a fait ressortir les loups du bois.
D'abord évidemment beaucoup de défenseurs du projet se sont vautré dans l'argumentaire beauf pervers mangeur de viande. Oui j'ai quand même vu un type râler après ses "narrativo-veganes bienpensants". Je suis même étonné de ne pas avoir lu les termes "bobos gauchistes" mais "culs bénis", oui. C'est clairement navrant.
Mais de l'autre certains ont été très loin aussi: je note le commentaire "aucune femme n'ira acheter ce jeu" qui dénote une autre forme de sexisme en décidant à la place des femmes si elles cautionneront ça ou pas. Pour le coup il y a déjà des acheteuses du jeu qui prouvent que c'est faux. J'ai remarqué aussi une forme de puritanisme assez dérangeant fustigeant de façon systématique la représentation du corps des femmes. Pour ma part je ne suis pas contre le fait de voir des jolies femmes dans des ouvrages même si j'aimerais que ce soit justifié par un contexte et pas uniquement pour flatter les hormones de ces messieurs. J'ai aussi appris il y a quelques heures que Laurent a reçu un coup de téléphone anonyme pour l'insulter. C'est pas très glorieux tout ça.

Pour finir je suis déçu de tout ces débordements un peu inutiles et il n'y a guère que le message de Fabien ici qui me soit apparu comme pertinent.

EDIT: je vois qu'Arjuna Khan témoigne et je plussoie à 200%.
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Re: sexisme / racisme et autre, on en parle?

Message par Thomas Munier » 29 Avr 2016, 17:03

C'est pas grand chose, mais votre réflexion m'a fait avancer sur des notions toutes bêtes de neutre masculin.

Dans Marchebranche, un jeu que je développe, les vocations de personnage (la première chose qui apparaît sur la fiche de perso) sont en neutre masculin : voyageur, artisan, saltimbanque, mage (bon les deux derniers sont mixtes, mais les deux premiers masculins).
Je vais changer les intitulés des vocations : voyage, artisanat, spectacle, magie. Ainsi, plus rien n'indique sur la feuille de personnage que le personnage est par défaut un homme.
Énergie créative. Univers artisanaux.
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Re: sexisme / racisme et autre, on en parle?

Message par erwik » 07 Mai 2016, 23:02

Thomas Munier a écrit :Je vais changer les intitulés des vocations : voyage, artisanat, spectacle, magie. Ainsi, plus rien n'indique sur la feuille de personnage que le personnage est par défaut un homme.


pourquoi? je veux dire en quoi c'est grave que ça soit par défaut un homme le personnage?
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Re: sexisme / racisme et autre, on en parle?

Message par kiraen » 08 Mai 2016, 09:08

Peut-être simplement parce que c'est orienter le choix des joueuses sur un perso masculin avec le vocabulaire mis en jeu et que le présupposé vient du langage et non de l'intention de l'auteur. De la même manière que tu vas pouvoir nommer une compétence "Castagner" plutôt que "Meurtre à mains nues" dans un jeu de superhéros.

En fait je ne veux pas parler à la place de Thomas dont les intentions peuvent être très différentes, je voulais juste te faire une réponse qui ne passe pas dans le débat "Sexisme contre usages de la langue française" (même si dans ce débat j'ai choisi mon camp) : le choix des mots que tu utilises pour écrire un jeu peut avoir une influence forte sur la façon dont se déroule un jeu.

sinon mes 2 centimes sur le cas 1% : la partie du jeu que j'ai joué avec Steve à Strasbourg a été très satisfaisante, avec des choix moraux difficiles (pas moralement difficiles cela dit, mais difficile à assumer dans le contexte du jeu du fait de la pression de l'environnement des personnages).
Quand j'ai découvert la couverture et les illustrations j'ai été déçu, très déçu et un peu en colère. Un tel décalage avec le contenu de la partie jouée que je me suis dit que finalement si j'avais aimé cette partie c'était peut être parce que j'y avais projeté mes propres pratiques et obsessions rôlistes du moment.

En lisant le dernier message du doc je suis encore plus perdu sur le sujet.
Les Voix d'Altaride, podcast rôliste.
Le Sénat des Architectes, blog de Divergence un jdr en développement.
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Re: sexisme / racisme et autre, on en parle?

Message par Fabien @ InMediasRes » 08 Mai 2016, 21:19

J'enfonce les clous d'Arjuna Khan, de Doc Dandy et de Kiraen pour également témoigner sur ce qu'était l'esthétique du jeu avant de passer par le prisme de la merchandisation.

Le jeu que m'avait présenté son auteur à Octogone 2014 était très sombre et les personnages tiraient plus vers les badass mafieux que vers les gigolos californiens. Ayant effleuré le milieu des bandidos marseillais au début des années 90, j'ai été séduit par le réalisme des comportements codifiées et extrêmes repris dans le jeu. N'étant pas un biker, l'auteur a bossé son sujet, chose d'autant plus difficile à mener que les 1%er ne sont pas le club motards lambda. Donc c'est documenté, mais pas de là à écrire une thèse, son parti-pris restait de faire un jeu sur cette frange marginale et hermétique que sont les 1%. Donc un jeu avec des raccourcis, des simplifications et des inventions. D'ailleurs il n'a repris aucun MC existant et le terrain de jeu des USA est clairement cosmétique.
Son stand de démo faisait plutôt anarchiste, tout en noir, avec un casque bol métal, des patchs de blouson et des (faux) bâtons de dynamite. Le proto de la couverture était sobre avec un emblème de MC (façon Sons of Anarchy) sur fond noir le titre en lettre de feu.

Comme Kiraen, je suis tombé de ma selle en voyant le produit final en souscription. Ça m'a refait penser à Cops qui se réclamait de Berlin XVIII… Les choix éditoriaux sont ce qu'ils sont mais je ne pense pas que l'auteur avait cette imagerie en tête quand il m'avait présenté son jeu.
M'est avis que soit l'auteur a changé l'ambiance de son jeu, soit l'éditeur fait innocemment du racolage avec ses images colorisées à la GTA et ses pin-up qui ont pris un coup de chaud…
Ce qui ne fait qu'alimenter la confusion, en plus du débat.
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Re: sexisme / racisme et autre, on en parle?

Message par Frédéric » 08 Mai 2016, 23:14

Heureusement que les éditeurs de JdR sont des passionnés humanistes (dans le sens bisounours cette fois) et désintéressés !
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Re: sexisme / racisme et autre, on en parle?

Message par dr dandy » 09 Mai 2016, 16:11

Ouaip!

Bon pour revenir de manière plus générale sur la question je pense que nous ne sommes pas systématiquement obligé d'avoir une position militante sur la question. Mais ce n'est pas non plus une raison pour jouer systématiquement la carte du sexisme, genre en limitant les carac' des persos féminins ou en leur filant systématiquement un bonus en charisme parce qu'elles ont des seins.

Je pense qu'on peut déjà s'inspirer de cet article de Mythcréants pour savoir comme on se situe là dessus. Je pense entre autre aux points 1 et 5. Désolé c'est en anglais.

Pour ma part, il existe plusieurs approches pour les campagnes ou jeux sur lequel je travaille.

1- On en parle pas. Dans mon setting SF/Mecha, la question est vite réglée: c'est le futur, le multiculturalisme et les avancées sociétales ont enterrées les vieilles discriminations. Plus personnes n'est qualifiée par rapport à son genre, couleur de peau sexualité ou religion car l'humanité s'est mélangée et il est bien difficile de ranger quelqu'un dans l'une de ses catégories. On est libéré du carcan et on peut jouer ce que l'on veut. Pour le coup mon jeu parle de luttes ds classes sociales, preuve que tout n'est pas réglé!

2- On en rigole. J'ai monté une campagne donjon en m'inspirant du comics Rat Queens. Là on applique la règle dans D&D 5: on est dans un monde med-fan, on peut se permettre ce qu'on veut. Il y a bien des genres, couleurs et autres mais c'est libre. Barbare orque trans, halfeline lesbienne, prêtresse à la peau noire, on fait ce qu'on veut! Et on peut même en rire. Dans mes pjs j'ai un nain black bien hétéro victime d'harcèlement sexuel d'une naine aux mains baladeuses. Il y a du racisme mais il est entre "races" à savoir elfe, nain, etc. Du coup on peut l'utiliser pour en rire sans prendre le risque d'offusquer personne.

3- On assume mais on est crédible. Je travaille sur un setting basé dans le Paris de 1750. Sur le racisme c'est plus facile car, si les esclaves "nègres" existent, ils sont assez rares dans ce contexte. En revanche la situation des femmes était tout simplement catastrophique: problèmes sanitaires, droits protecteurs inexistants, prostitution galopante, etc. J'ai donc pris le parti d'expliquer que la place de la femme n'était pas bien joyeuse mais que ce n'est pas une raison pour ne pas pouvoir interpréter une femme car il y a eu de nombreuses femmes célèbres qui ont su tirer leur épingle du jeu patriarcal. Pompadour, Olympe de Gouge, Julie D'aubigny, autant d'exemples de femmes exceptionnelles qui font penser que bien d'autres sont restées anonymes. Du coup pourquoi se gêner? Par contre cette option demande plus de précautions car il faut bien se renseigner et proposer quelque chose de cohérent sans être fantaisiste. Cela demande du travail mais on peut aussi commencer à travailler avec cet autre article de Mythcreants qui parle des handicaps mais qui vaut pour traiter de n'importe quel type de personne défavorisée dans un contexte précis (femmes, personnes de couleur ou même aliens dans un setting SF humanocentré)

J'aurais bien d'autres choses à dire sur la question mais ça devrait déjà poser une base de réflexion...
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Re: sexisme / racisme et autre, on en parle?

Message par Fabien @ InMediasRes » 09 Mai 2016, 21:27

Je réagis cette fois à la "neutralisation" des genres dans la rédaction de règles tel que la propose Thomas.
À la lecture d'Inflorenza, l'alternance du point de vue joueur / joueuse m'a déstabilisé. Au risque de paraître rigoriste (bon ok, je le suis *w*), cela peut s'assimiler à une faute de style, et si l'objectif est louable, l'effet premier est de jeter la confusion sur un texte technique où la clarté doit primer.
Transmettre les règles d'un jeu est déjà un exercice difficile en soi. Y ajouter des contraintes tel que l'alternance aléatoire des genres n'aide en rien.
Cela n'interdit pas la démarche éducative décrite précédemment, mais pas au détriment du produit principal qui reste le jeu.

Ou alors écrire en langue anglaise.
Pour exemple, dans Eclipse Phase, un jeu transhumaniste où la facilité de changer de corps abolit toute notion de genre, les traducteurs ont inséré une note expliquant que pour conserver des exemples compréhensibles, ils utiliseraient toujours le pronom correspondant au genre du prénom utilisé dans l'exemple. Donc même si Cynthia est dans le corps d'un mercenaire bodybuildé, "elle" agira.
La version originale s'affranchissait facilement de ce paradoxe grâce au pronom "it", permettant plus de souplesse, même s'il déshumanise au passage. La langue française, pourtant bien outillée sur pas mal de points, n'a hélas aucun équivalent à proposer.

Idem sur les définitions de métiers / compétences que Thomas cite en exemple. La contrainte est forte mais surtout elle ne se justifie pas. L'utilisation générique de noms communs genrés se fait sur la base de leur masculin : "elle a les aptitudes d'un grand voyageur", "elle était considérée comme un artisan émérite".
Ce n'est pas du sexiste que d'appliquer la grammaire de la langue. Notre vocabulaire peut être considéré comme sexiste par atavisme (notamment sur les métiers) mais il évolue avec la société. Je renvoie à la célèbre chanson de Sardou qui en soi est une liste d'exemples (il a d'ailleurs sortie une nouvelle chanson façon bilan 30 ans après, mais avec des pin-up à poils quand même…).

Même combat sur les représentations graphiques : au risque de paraître cynique (oui, je le suis aussi…), l'effet Benetton en pub, BD, etc. sert principalement à capter de nouveaux acheteurs en leur permettant de s'identifier. Pour la petite histoire, les personnages "internationaux" des X-Men (Wolverine, Tornade, Diablo, etc.) sont apparus à la fin des années 60 pour mieux se vendre auprès des minorités américaines et à l'étranger, où Marvel avait du mal à percer. C'est également le reflet de l'évolution des mentalités de nos sociétés, mais le but premier était d'abord de plaire et vendre plus.

J'ai bien perçu que ce n'était pas l'objet de Frédéric ou Thomas, et leur démarche est louable, bien sûr.
Ce qui est plus problématique, ce sont les risques d'auto-censures qui en découlent.
Nombre de journalistes, éditeurs et artistes évoquent leur malaise vis à vis du politiquement correct. D'un côté cela bride leur créativité, d'un autre ils craignent d'être mis à l'index en le transgressant.
Question d'équilibre sans doute, je suis le premier à m'autocensurer quand j'écris et également à m'extasier quand un auteur va au bout de son idée, même dérangeante, et que cela marche. Je renvoie à l’œuvre d'Alan Moore (les BD) puisqu'il a déjà été cité ici.

Et si chacun est libre de mettre le curseur où il l'entend, attention à ne pas finir avec un jeu aseptisé ou incohérent.
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Re: sexisme / racisme et autre, on en parle?

Message par Frédéric » 09 Mai 2016, 21:47

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Re: sexisme / racisme et autre, on en parle?

Message par Fabien @ InMediasRes » 09 Mai 2016, 22:56

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Re: sexisme / racisme et autre, on en parle?

Message par dr dandy » 10 Mai 2016, 06:24

Désolé de le dire crûment mais pour moi l'argument de la grammaire est assez pauvre.
Il y a une énorme différence entre faire une faute de français et faire un choix d'écriture. Alain Rey, éminent académicien, dit toujours que le propre d'une langue vivante c'est d'être vivante! Si personne ne fait de proposition ce ne sont pas les vieux messieurs de l'académie qui vont le faire.
Ça fait des années que je lis des jeux américains employant le "she" pour parler du meneur et je ne suis pas choqué, c'est une convention qui me va bien d'ailleurs.
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Re: sexisme / racisme et autre, on en parle?

Message par Thouny » 10 Mai 2016, 09:52

J'aime bien le choix de Thomas, personnellement. Oui, cela me déroute. Oui, cela est peu agréable à lire. Mais c'est selon moi une pure question d'habitude : depuis que j'suis p'tiot, le neutre c'est le masculin, donc inversement si on utilise le féminin, c'est pour une bonne raison.
Là, ce n'est pas le cas, et ça demande un petit temps d'adaptation.
Par contre, il faut en effet se poser la question de « quand changer ». Ce que je veux dire, c'est que changer de genre grammatical au milieu d'une proposition, cela me semble peu recommandable (pour le coup ça risque de vraiment nuire à la compréhension). Au milieu d'une phrase, je pense que c'est aussi une mauvaise idée. Au milieu d'un paragraphe ? Je ne sais pas. Je pense que je préférerait qu'on s'en abstienne, mais ce n'est pas forcément terriblement gênant.
Mais le mieux pour le savoir, c'est de lire des textes écrits ainsi. On peut ainsi se rendre compte que ce qui est trop inconfortable de ce qui ne l'est pas.

Très honnêtement, je préfère largement cela aux graphies du genre « joueur.euse », qui pour le coup me semblent vraiment mauvaise. Le point au milieu du mot qui — comme tout point — semble indiquer une pause, gêne vraiment (selon moi, et je sais ne pas être le seul) la lecture. Tout comme « joueur-euse », « joueurEUSE » et, le pire de tous (mais on le voit rarement, faut pas exagérer) « joueur•euse ».

La méthode de Thomas me semble vraiment la plus élégante pour le moment. Et la plus « normale » : elle ne demande pas d'inventer des formes, elle n'utilise que des mots existant.

Bref, voilà ma disgression grammaticale.
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Re: sexisme / racisme et autre, on en parle?

Message par Fabien @ InMediasRes » 10 Mai 2016, 10:45

La langue est vivante, oui. La langue est elle-même un jeu et ses règles sont faites pour être transgressées, oui.

Sauf qu'il s'agit déjà d'expliquer des règles, chose plus efficace quand on a un cadre de communication rigoureux. D'où le danger d'incompréhension, qui peut juste venir d'une lecture difficile, comme l'alternance de genre quand on fait référence au MJ. Imaginez un roman où les actions du protagoniste sont décrites à la 3e personne du masculin ou du féminin selon l'envie de l'auteur…
Dans ce cas, passer tous les "MJ" du texte au féminin est largement préférable. Au delà d'établir clairement que le MJ est une femme, cela marque clairement la distinction entre le MJ (elle) et les autres joueurs (ils), ce qui peut clarifier positivement la lecture.
D'ailleurs si le but recherché est la parité, la seule solution est d'écrire "il/elle", accordé(e) en conséquence. Mais comme l'a souligné Thoumy, le remède est pire que le mal. Ou alors de compter le nombre de "il" et de "elle" utilisés dans son texte, bon courage…

Idem pour le changement de vocabulaire qu'a opéré Thomas. Au final, bien sûr, les deux versions se comprennent. Mais il a quand même, sciemment ou non, changé le fond de sa fiche en même temps que sa forme. Sa première version évoquait des métiers (voyageur, artisan, etc.), sa seconde des actions / compétences. Ce qui va changer la perception qu'auront les joueurs de leur personnage, l'impact sur leur background, leur interprétation, etc. C'est en cela que j'évoquais un risque d'auto-censure.
Là encore, une solution de parité existe : faire une fiche pour les personnages masculins, une autre pour les personnages féminins, avec la terminologie et les accords adaptés, notamment les formes féminines des métiers (avec pour défit de placer le fameux "autrice" !).

Pour être au clair avec moi-même et ceux qui lisent ce post, j'aborde le sujet sous l'angle de la création artistique et du game design, pas sous son angle moral / sociétal.
Car pour ce qui est de promouvoir la parité dans le JdR, oui je suis d'accord, la grammaire est un argument pauvre. Il sera plus efficace de travailler sur le propos, les personnages, le background, les illustrations etc. Et le tout sera d'autant plus efficace s'il est facilement lisible et compréhensible.
Fabien @ InMediasRes
 
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Re: sexisme / racisme et autre, on en parle?

Message par Mangelune » 10 Mai 2016, 12:25

Je n'interviens plus trop ici, n'étant en accord qu'avec une partie de ce qui est avancé nonobstant mes tendances largement égalitaristes voire féministes. Je voudrais néanmoins le faire une dernière fois pour être plus clair avec vous sur ma position.

Clairement, le cas de la grammaire est un des points qui me pose problème. Si je suis d'accord avec la re-féminisation des noms de métiers ou même l'accord de proximité (plus fluide que les règles actuellement en vigueur), je ne le suis pas avec l'inversion du générique (c'est remplacer le problème par un autre) et encore moins avec l'idée que le générique masculin soit toujours le symbole de l'oppression, oppression contre laquelle il faudrait lutter en mettant des "joueuses" et des "meneuses" partout. Que des anglais le fassent est cool, mais il faut bien dire qu'ils partent de moins loin en ayant une langue où les noms ne sont pas genrés - ils ont un terreau fertile, mais on doit inventer nos propres méthodes.

Maintenant chacun fait comme il veut, je le dis ici une fois et je ne vous embêterai jamais dans vos billets, articles, ouvrages pour ça. Je vous lirai sans doute quand même malgré mes difficultés - je tique régulièrement sur les nouveaux posts de Thomas -, sauf si vous allez encore plus loin - je connais au moins un livre que je n'ai pas terminé à cause de pratiques encore plus virulentes sur la grammaire.
Contes et histoires à vivre, un site pour parler des Errants d'Ukiyo, de Perdus sous la pluie et du reste.

Pensez aussi à la page Facebook officielle de Perdus sous la pluie.
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Re: sexisme / racisme et autre, on en parle?

Message par Thomas Munier » 10 Mai 2016, 15:17

Je ne me rappelle pas avoir pratiqué l'alternance des genres dans un texte récent (du genre dire "la meneuse" dans une phrase puis "le meneur"). Si par hasard, je l'ai fait, j'admets que c'est confusant.

J'ai aussi tenté dans des textes de règles le terme joueur.se mais je crois que ça a toujours sauté à la relecture, car si j'aime l'égalitarisme du terme, je reconnais sa difficulté de lecture.

La méthode que je préfère aujourd'hui, c'est dire la meneuse et les joueurs. Comme ça, les deux genres sont servis. Dans Mener des Parties de jeux de rôles, Coralie David et Jérôme Larré écrivent le meneur et les joueuses. Mais pour le coup, je préfère placer l'asymétrie dans l'autre sens.

Pour achever sur ma méthode. Je considère que c'est le rôle des écrivains de réinventer la langue française, y compris en diminuant sa violence tel que le neutre masculin apparu il y a quatre cent ans. Je n'ai aucun besoin de l'Académie Française pour avancer dans ma vision de la langue.

Je considère aussi que c'est le rôle des lecteurs et des lectrices de faire un effort pour accepter ces révoltes grammaticales si elle jugent que ces révoltes sont justes.

Si je dois perdre des lecteurs ou des lectrices pour l'emploi de neutres féminins ou agenres, je suis prêt à faire ce sacrifice.
Énergie créative. Univers artisanaux.
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