par Romaric Briand » 21 Déc 2014, 12:38
T'inquiète Shiryu, les incompréhensions proviennent d'une mauvaise explication de ma part. Dans ce podcast, je n'ai pas été clair du tout sur le réalisme et l'idéalisme. J'y reviendrai en détail dans un prochaine article, mais voici déjà quelques éclaircissements sur le sujet.
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Je ne nie pas que tous tes joueurs aient joué au Val, c'est justement ma position, Shiryu. ^^
Ce que je dis, c'est que, aujourd'hui, il n'y a pas de partie idéale de Val vers laquelle tout le monde devrait tendre. Il n'y a que les règles du Val décrites par Romaric Briand, en 2013.
Selon moi, jouer à un jeu ce n'est rien d'autre que jouer avec les règles de ce jeu (ou une très très grande partie de celles-ci. Attention au problèmes sorites, encore une fois). Donc, jouer au Val, aujourd'hui, c'est jouer avec une immense partie des règles décrites par Romaric Briand, en 2013.
Je suis un réaliste du jeu.
Donc, pour moi, le seul qui peut avoir une vision idéale de son jeu, c'est l'auteur - et personne d'autre ! - avant et pendant l'écriture de celui-ci. Dans l'idéal, Fred savait ce qu'il attendait de Prosopopée quant il l'a écrit, pas moi. Moi, je savais ce que j'attends idéalement de Sens Renaissance, pas Fred.
Quand quelqu'un nous fait un conseil pour écrire un jeu, il dit : "Je crois voir ce que tu veux faire. Ne crois-tu pas qu'il serait meilleur d'utiliser cette mécanique, plutôt que celle-ci, pour réaliser ton idéal ?". Si l'auteur trouve ce conseil pertinent, il fait le test. Après test, si la mécanique permet effectivement de tendre vers son idéal de jeu, il l'adopte et l'ajoute aux règles de son jeu.
Mais, selon moi, l'odieux réaliste, personne ne peut dire "voilà ce qu'il faut faire pour ton jeu".
Or, Les idéalistes prétendent qu'ils ont une vision de l'idéal attendu par les auteurs. En gros, ils prétendent qu'ils savent mieux que les auteurs ce qui est bon pour le jeu. Je prétends que c'est impossible. L'auteur est seul à savoir ce qui est idéal pour son jeu.
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Les réalistes, comme moi, en revanche, affirment qu'ils ne pourront jamais accéder à la vision idéale que l'auteur avait en tête au moment où le jeu a été créé.
Certains réalistes pourraient même contester l'existence de cette vision idéale. Perso, je ne suis pas réaliste à ce point ;) Quoi que... parfois, je m'interroge... Pour Le Val par exemple, j'ai bien du mal à dire que j'en avais une vision idéale avant sa production. J'ai parfois l'impression que ce jeu vient d'ailleurs. Mais n'est-ce pas également ce que je dis de Sens en faisant comme si j'étais le commentateur de mon propre jeu ?
Quoi qu'il en soit, les réalistes peuvent quand même formuler des interprétations au sujet de la partie idéale que l'auteur a ou avait en tête. Ils en sont réduits aux hypothèses mais ils peuvent donc quand même donner des conseils ^^
Ils prétendent jouer à un jeu en jouant avec les règles de ce jeu telles que l'auteur les a écrites, ni plus ni moins.
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Donc les personnes qui disent : je suis au service des jeux et non au service des auteurs, comme Sébastien Célerin, pour qui par ailleurs j'ai la plus grande admiration, par exemple, sont des idéalistes des jeux.
S'ils étaient réalistes, ils admettraient qu'être au service d'un jeu, c'est être au service de l'idéal attendu par l'auteur de ce jeu donc être au service de cet auteur, forcément, puisqu'il est le seul à savoir ce qu'il veut vraiment.
Je pense par ailleurs que, maintenant, Sébastien n'utilisera plus jamais cette expression. Parce que je ne crois pas, justement, que Sébastien, contrairement à ce qu'il dit, soit au service des jeux. Je crois que, en tant qu'éditeur, il est bel et bien au service des auteurs.
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Voilà on peut donc maintenant dresser clairement la frontière entre le bon et le mauvais éditeur, si j'ose dire.
Selon moi, le bon éditeur est au service de la vision idéale que l'auteur a de son jeu. Cet éditeur est réaliste. Il est au service de l'auteur. Il est un relecteur et une force de proposition pour l'auteur.
Le mauvais éditeur est au service d'un jeu idéal et il vole les mécaniques pensées en amont par un auteur. Il s'en sert pour créer son jeu idéal à lui, l'éditeur. Un jeu idéal, selon ses critères de ce qui se vend, de ce qui marche ou de ce qui fonctionne en terme de mécaniques, etc. Cet éditeurs défend une thèse idéaliste du jeu. "Je vais changer ton jeu, mais tu verras, ce sera toujours le même jeu." Alors qu'en fait, c'est son jeu à lui que produit l'éditeur.
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Voilà tout cela mérite encore d'être éclairci, mais vous avez ici un aperçu de mon prochaine article. J'y défendrai l'idée que certains éditeurs sont des voleurs et d'autres sont de supers aides-de-camp. L'éditeur n'est donc pas en lui-même bon ou mauvais, bien sûr, cela dépend de sa vision du jeu.