Orphans’ Rhapsody : Two little princesses*

Rapports de partie, questions et discussions diverses à propos de mes jeux dont Prosopopée et d’autres de mes productions

Orphans’ Rhapsody : Two little princesses*

Message par Frédéric » 06 Juil 2015, 11:02

[OÙ JE RACONTE MA VIE]
L’origine de ce jeu est assez dingue : il y a un an ou deux, je lançais sur un réseau social une boutade à propos d’un JdR comédie-musicale. Et quand le thème du Game Chef 2015 a été rendu public, ça m’a donné envie d’essayer sérieusement (un JdR pour un public différent : des chanteurs et amateurs de chant), l’idée ayant lentement mûri dans ma tête entre temps.
N’y croyant qu’à moitié a priori. J’ai tout fait pour que l’exercice du chant en JdR soit plutôt détendu, que ça ne soit pas une compétition, comme Sea Dracula avec la danse. Le résultat est au delà de mes espérances. Bien entendu, il faut jouer avec les bonnes personnes et là-dessus, le concours m’a décomplexé.

Pourquoi des histoires d’orphelins et d’enfants/ados maltraités ? J’ai toujours aimé les histoires d’orphelins à l’époque victorienne, ça a une résonance particulière pour moi que je ne saurais expliquer (je ne suis pas orphelin, et je n’ai pas été maltraité dans mon enfance).

En revanche, depuis que je suis papa, les violences faites aux enfants m’insupportent, y compris dans les fictions. Mes amis avec qui je joue connaissent très bien mes limites : pas de violence aux enfants. Je me souviens d’un épisode des Experts qui m’avait bouleversé, avec l’histoire du meurtre d’une gamine par un pédophile dans un parc de jeux. C’était la goutte d’eau.

Du coup, pourquoi écrire un jeu où des adultes maltraitent des enfants ? C’est un moyen de me confronter à ces peurs et de les dompter. De plus, j’ai beau détester les fictions dans lesquelles les enfants sont des victimes, j’adore les fictions dont les héros sont des enfants maltraités et qui se battent pour échapper à leur condition. Allez comprendre pourquoi… Oliver Twist, Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire, Harry Potter, Matilda, Le labyrinthe de Pan, la série Shameless… sans doute parce que c’est cathartique (contrairement aux Experts, qui cherchent juste à faire peur dans le but de vanter les mérites des forces de l’ordre étasuniennes).

Et c’est incroyable ce que la littérature et le cinéma du monde entier sont riches en fictions de ce genre. Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai vu Mustang au cinéma, un film turc. Eh bien c’était exactement dans les thématiques de mon jeu !

Pourquoi mêler histoires d’orphelins maltraités et comédie musicale dans un même jeu ? Parce que ce genre d’histoires pouvant avoir leur lot de pathos, c’est parfait pour y greffer du chant et exprimer toutes sortes d’émotions enfouies.


Avec Gaël et Jérôme, nous avons donc testé le jeu par Hangouts dimanche et ce fut une partie franchement marquante.


La fiction :
Scène #1 : En rentrant de l’école, Carlotta et Zoey Thomsen découvrent que leurs parents adoptifs sont absents. Un inspecteur de police et ami de la famille vient leur apprendre l’horrible nouvelle : ils sont morts poignardés lors d’un racket qui a mal tourné.
L’inspecteur les conduit dans l’orphelinat tenu par une de leurs tantes inconnue : Clémence Thomsen.
Cette dernière se montre aimable, mais ce n’est qu’une attitude de surface pour ne pas éveiller les soupçons de l’inspecteur Johnson quant à son caractère exécrable, mais dès que celui-ci a le dos tourné, elle dit d’une manière sèche aux filles qu’elles ne bénéficieront d’aucun traitement de faveur, nièces ou pas nièces.

Scène #2 : Elle les conduit dans leur chambre où se tient une certaine Lili. Rapidement, un attroupement de pensionnaires vient les dévisager. L’une d’elles, Élise, s’avance et leur propose de devenir amie, d’une manière fausse. Carlotta, effrontée la provoque et Élise finit par se moquer d’elle, provoquant les rires des autres orphelines.

Scène #3 : Alors que les deux sœurs nettoient le grenier, la directrice-leur tante les appelle. Dans le couloir, Élise a un coquard et les vêtements déchirés. Elle accuse Zoey de l’avoir agressée. La directrice tire Zoey par l’oreille et lui flanque des coups de cravache en guise de punition. Carlotta tente de s’interposer (conflit), mais la directrice la bouscule d’un revers de manche et conduit sa sœur jusque dans la cave, grouillante de vermine, où elle l’enferme à double tour.

Scène #4 : Alors qu’elle écope d’un doublement de ses corvées, Carlotta voit Lili s’approcher d’elle en cuisine et lui donner un muffin pour sa sœur qui doit mourir de faim. Carlotta se rend à la porte de la cave et glisse des morceaux du gâteau sous la porte. Jérôme (Zoey) chante sa première chanson sous forme de slam (en faisant rimer toutes ses paroles, s’il vous plaît), dans laquelle elle apprend à sa sœur que son rêve le plus cher est de partir loin d’ici.

Chaque chanson avec révélation d’un truc que le personnage aurait préféré garder secret, apporte un dé de plus pour avancer vers la victoire.

Scène #5 : L’inspecteur Johnson vient rendre visite à l’orphelinat et voir comment s’acclimatent les sœurs Thomsen. La directrice le reçoit de façon affable, mais Carlotta sort de la cuisine pour lui dire que sa sœur est enfermée dans la cave depuis deux jours. La directrice la fusille du regard. Et Gaël entonne une chanson en s’accompagnant à la guitare, dans laquelle Carlotta avoue (en mentant) que c’est elle qui a tabassé Élise et qu'elle veut prendre la place de sa sœur dans la cave. Mais l’inspecteur semble trop légèrement préoccupé par la nouvelle et finit par s’en aller, car il a une affaire urgente. La directrice descend à la cave, déverrouille la porte, fait sortit Zoey et pousse Carlotta à l’intérieur.
La directrice s’éloigne, mais Zoey la surprend en train de chanter (c’est donc moi qui chante, accompagné à la guitare), que la directrice aime depuis de longues années l’inspecteur Johnson, mais que cela la fait souffrir.

Scène #6 : Lili propose à Carlotta de faire le mur pour retrouver les garçons du pensionnat voisin. Elles escaladent le mur d’enceinte, puis la fenêtre du bâtiment pour rejoindre les garçons et jouer à des jeux d’adolescents. Cette scène était cadrée par Jérôme pour Gaël. En tant que MJ, je n’avais pour seul droit que de poser des questions pernicieuses aux joueurs, comme : “qu’est-ce que tu as perdu en route sans t’en rendre compte ?” et Gaël de me répondre : mon écharpe rouge s’est accrochée à l’arbre que nous avons escaladé.
Puis, une fois dans le dortoir des garçons, je demande : “quelqu’un vous surprend-il ?” et Jérôme d’annoncer des bruits de pas : ceux du gardien. Carlotta enfile une veste et un béret de garçon, Lili se dissimule sous le lit. Là le gardien entre et leur demande pourquoi ils ne dorment pas encore. Il tord le bras de Bryan, le garçon avec qui Carlotta s’entendait si bien, puis celui de Carlotta, la prenant pour un garçon. Après les avoir maltraités, il s’en va et Carlotta et Lili rentrent à l’orphelinat.

Scène #7 : Un lieutenant de la marine discute en tête à tête avec la directrice et lui apprend que les véritables parents des sœurs Thomsen seraient vivants en Amérique. Zoey apprend la nouvelle et s’en va la raconter à sa sœur.

Scène #8 : Les deux sœurs discutent de leurs projets en compagnie de Lili. Jérôme slamme à nouveau sur son besoin de partir au loin pour retrouver leurs parents (le rêve brisé de Carlotta est de savoir qui sont ses vrais parents et celui de Zoey est de partir loin d’ici). Il n’a pas introduit de nouvelle révélation et a juste chanté pour le plaisir et pour exprimer les sentiments de son personnage. Lili leur dit que comme elles ont la chance d’avoir des parents encore en vie, elles doivent s’enfuir d’ici, elle les aidera. S’enfuir ? Mais pour aller où ? Elles n’ont même pas d’adresse où les chercher...

Scène #9 : Un homme ventripotent entre dans la cour de l’orphelinat, il s’adresse à Élise et lui montre un bout d’étoffe. Élise désigne Carlotta. L’homme la pousse dans un coin de la cour et la menace car il sait, à cause de son écharpe, qu’elle est entrée clandestinement dans le dortoir des garçons. Carlotta lui dit avec malice qu’elle sent le parfum de la cuisinière sur lui et qu’elle peut le faire savoir. L’homme se calme, lui jette son écharpe et s’en va sans demander son reste, embarrassé.

Scène #10 : À la venue de l’inspecteur, les sœurs lui avouent les sentiments que la directrice éprouve pour lui. Le but est d’occuper suffisamment le tyran pour pouvoir se faire la malle.
Gaël chante la chanson Runaway de Linkin Park version ballade guitare-chant, en anglais. Les paroles collant parfaitement à la situation. Pas de révélation, juste pour le plaisir et exprimer le sentiment de son personnage.
Les deux sœurs, aidées par Lili décident donc de s’enfuir ce matin-là. Mais Élise les surprend et se presse d’aller chercher la directrice. Mais Zoey la convainc de s’évader plutôt avec elles. Après hésitation, Élise accepte.

Fin de la partie.


Commentaires
  1. Tout d’abord, les moments chantés étaient formidables. J’ai été surpris par la qualité de leurs performances et ça créait une émotion et une intensité toute particulière.
    Le chant permet d’augmenter ses chances d’obtenir la fin que l’on souhaite à la fin. C’est donc un bonus. Mais pour obtenir ce bonus, il y a une contrainte : le joueur doit révéler quelque chose de son personnage qu’il aurait préféré garder secret (si ça vous fait penser à quelque chose, j’ai piqué cette idée de l’épisode comédie-musicale de Buffy : Once More with Feeling).
    Ça a beaucoup apporté à la partie.

  2. Les situations jouées étaient plutôt prenantes et le rapport de force en faveur du MJ s’est bien senti sans être écrasant. J’ai pris un malin plaisir à jouer des personnages détestables et à poser des questions pernicieuses dans les scènes cadrées par les joueurs.

  3. Le jeu fonctionne par un découpage par scène. Quand les joueurs gagnent un conflit ou chantent, ils ont le droit de décider de la prochaine scène (parmi une liste) et de la cadrer.
    Sinon, c’est le MJ qui choisit et cadre la prochaine scène.

  4. En gagnant des conflits et en chantant, les joueurs et le MJ gagnent des points de progression. La règle au début de la partie était : le premier, des joueurs ou du MJ, à atteindre un score donné gagne la partie et peut en raconter l’épilogue. Mais ce genre de technique est insatisfaisant : quand survient la fin, il y a toujours des choses que l’on n’a pas réglées dans l’histoire et la fin tombe comme un cheveu sur la soupe. Du coup, on l’a abandonnée en cours de partie pour finir au moment où c’était le plus cohérent.

    Actuellement, je n’ai pas encore de réponse sur comment faire pour que la fin arrive “naturellement” pour clore l’histoire, tout en étant un véritable enjeu de la partie.
    Votre aide est bienvenue sur ce point (je sais que plusieurs personnes sur ce forum sont assez critiques quand aux jeux dont la fin est structurée mécaniquement : S/Lay w/Me, Breaking the Ice, etc.) et leur point de vue m'intéresse tout particulièrement.

    Mais sans une structure et enjeux forts sur l’issue de la partie, on a éprouvé une baisse de l’intensité de la partie vers la fin au lieu d’une montée en puissance.

    L’idée qui m’est venue est de permettre aux joueurs de dépenser des points de “progression” gagnés pendant la partie pour pouvoir raconter une scène dans laquelle ils progressent vers leurs objectifs (à savoir, réaliser leurs rêves brisés et échapper à leur condition et à l’adulte qui les maltraite). Au bout d’un certain nombre de points dépensés, ils peuvent raconter l’épilogue (c’est grosso modo le fonctionnement des points de Désir dans Monostatos pour atteindre son objectif). Du coup, au lieu de faire décider la mécanique à la place des joueurs, je laisse les joueurs décider du moment où ils mettent un point final tout en les empêchant de le faire trop tôt. De plus, je marque une progression vers la résolution de l’histoire, au lieu d’une fin qui tombe tout d’un coup… Je ne sais pas si ça peut fonctionner dans ce jeu, il faudra que je teste.

    Du coup, je me pose une question (vous n’avez pas besoin d’y répondre, je me la pose à moi-même) : faut-il qu’à la manière de Prosopopée, les joueurs gagnent forcément à la fin ? Ou faut-il que le MJ puisse gagner et terminer l’histoire sur une note tragique ? La plupart de mes références (presque toutes), tendraient vers la première solution, mais j’aurais l’impression de ne pas aller jusqu’au bout de mon projet si je faisais ce choix (garantir une fin heureuse, c’est un peu de la triche, non ? Ça marche dans un jeu contemplatif, mais Orphans’ Rhapsody c’est un drame bon sang !) et la deuxième m’attire plus (Oliver Twist souffre d’autant plus qu’il ne sait pas s’il sortira un jour de son calvaire. Le lecteur, lui en revanche, se doute que ça se finira bien), bien que possiblement déconcertante d’un point de vue moral…


*Le titre de ce fil est inspiré du film d'Alfonso Cuaron A Little Princess, basé sur le roman éponyme qui inspira notamment l'horrible dessin animé Princesse Sarah, qui m'a beaucoup influencé, de façon involontaire, dans la création de ce jeu et auquel ressemblait beaucoup cette partie (Gaël m'a dit à la fin : c'est cool, tu as créé A Little Princess-RPG, ça m'évitera d'avoir à le faire).
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Re: Orphans’ Rhapsody : Two little princesses*

Message par KamiSeiTo » 06 Juil 2015, 23:47

Frédéric a écrit :Du coup, je me pose une question [...] mais j’aurais l’impression de ne pas aller jusqu’au bout de mon projet si je faisais ce choix

Pour moi, tu as déjà ta réponse. n_n
Le risque de "perdre" ne me choque pas, pour peu que ce soit annoncé et donc que les joueurs sachent dans quoi ils "s'engagent", et d'autant plus qu'une fin "triste", qui "ne se finit pas bien" peut toujours être très belle en soit, et peut quand même être satisfaisante pour les joueurs (une fois sorti du personnage a.k.a de la défense des intérêts du personnage). ^^

Pour ce qui est de comment clore la partie, je te propose une piste de réflexion : qu'est-ce qu'une "montée en puissance" (lors de la fin de l'histoire/la partie) ? Cette chose qui monte en puissance, n'y a-t-il pas un moyen "systémique" de s'assurer que ça grimpe crescendo ?
Plutôt que d'avoir une mécanique qui dicte le moment de la fin, chercher une mécanique qui amène à "avancer"/"conclure", à aller vers une conclusion paroxysmique où les joueurs pourraient se dire "ce serait bien de conclure sur ce feu d'artifice" ?
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Re: Orphans’ Rhapsody : Two little princesses*

Message par Thomas Munier » 07 Juil 2015, 09:17

Pour ma part, j'ai longtemps eu une grosse culture du climax, persuadé que j'étais qu'une bonne fin de partie était une fin en "feu d'artifice". Mais je réalise aujourd'hui, qu'une fin climatique peut tuer une ambiance qui s'était instaurée auparavant. J'entends par là qu'il n'est pas sûr que monter les tensions et les enjeux jusqu'à un final en apothéose soit toujours souhaitable. D'autant plus si cette apothéose est programmée par le jeu, et retire par là de l'agentivité aux joueurs.
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Re: Orphans’ Rhapsody : Two little princesses*

Message par Frédéric » 07 Juil 2015, 11:33

Salut Jérémie en effet, l'idée que j'évoque se rapproche de ce que tu dis : le joueur gagne des points, c'est à lui de décider quand il les dépense pour jouer une "scène de progression" et donc c'est à lui de décider quand il lance la scène finale. Ça offrirait probablement la souplesse nécessaire pour éviter que la fin ne tombe comme un cheveu sur la soupe. La mécanique ne décide plus quand la fin a lieu, mais à partir de quel moment elle peut avoir lieu.
Ça te semble suivre la bonne voie ?

Pour la question de la fin malheureuse, tu as raison, la réponse était dans la question. :D
Ça me fait penser qu'en fait, la propension de réussites des joueurs dans la partie oriente le "genre" de l'histoire : si les joueurs ont un gros pourcentage de succès qui les conduisent à une victoire sans trop de souffrances, on se rapprochera davantage du conte (à la façon du film d'Alfonso Cuaron La petite princesse). Si au contraire, les joueurs cumulent les échecs, on se rapprochera d'une histoire tragique et sombre à la façon de la série animée Princesse Sarah (mais avec une fin malheureuse).

Hello Thomas, alors dans le fond, je recherche moins la fin en apothéose qu'une progression dramatique : quand je joue à Dogs ou à Démiurges, le Canevas/village et ses révélations créent une progression : les événements sont de plus en plus graves, les personnages réagissent à ce que font et disent les autres et il y a une montée en puissance.
Dans les jeux sans préparation du MJ, comme LCS, la question ne se pose pas dans les mêmes termes : à chaque fois qu ele joueur se confronte au problème de son personnage il gagne un point de résolution. Quand il atteint le seuil il raconte comment il le résout. Comme on juge la fiction, on obtient une progression naturelle et cohérente. Mais pour Orphans' Rhapsody, je voudrais que "pouvoir raconter la scène de dénouement" soit un enjeu que les joueurs se disputent avec le MJ.
À chaque conflit, le vainqueur gagne 1dé de progression. Il le lance à la fin de la scène et l'ajoute à son score. Le MJ a une jauge, les joueurs en ont une aussi. Quand on stoppe la partie, celui qui a le plus haut score raconte l'épilogue (ou la scène de dénouement). Sauf que les mécaniques qui régissent la fin de l'histoire sont souvent artificielles (comme tu l'as bien compris dans ton message).

Comme c'est un jeu à One Shot sans préparation du MJ et que je veux faire de la fin un véritable enjeu, laisser les joueurs et le MJ décider librement de quand elle se termine risque de rendre cette fin mollassonne, consensuelle, fade. D'où le fait que je recherche un moyen d'utiliser une mécanique en évitant le côté artificiel que l'on peut trouver dans certains jeux.
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Re: Orphans’ Rhapsody : Two little princesses*

Message par Thomas Munier » 07 Juil 2015, 12:10

Frédéric a écrit :Ça me fait penser qu'en fait, la propension de réussites des joueurs dans la partie oriente le "genre" de l'histoire : si les joueurs ont un gros pourcentage de succès qui les conduisent à une victoire sans trop de souffrances, on se rapprochera davantage du conte (à la façon du film d'Alfonso Cuaron La petite princesse). Si au contraire, les joueurs cumulent les échecs, on se rapprochera d'une histoire tragique et sombre à la façon de la série animée Princesse Sarah (mais avec une fin malheureuse).


Dans sa réponse aux questions de Coralie David, Brand dit au sujet de l'écriture d'un jeu de rôle : "D'une certaine façon, l'essentiel est de leur donner sous une forme opérable les codes d'un genre fictionnel qui n'existe pas encore, celui qui va être créé de la fusion de leurs imaginaires, de leurs envies, de leurs références, etc. Dit autrement, si on choisit de prendre cette optique-là, il s'agit de programmer les codes qui vont générer le genre qui va regrouper les fictions créées par les joueurs autour de la table.".

Il y a là un regard innovant, qui est de dire que plus ou moins, émuler un genre (la tragédie, l'épique, la comédie...) en jeu de rôle est une chimère, qu'on ne peut pas concevoir un jeu en s'assurant qu'il produise à coup sûr des parties correspondant toujours au même genre fictionnel, dans le sens où la résolution comme les créativités des joueurs à la table en feront forcément un mashup, et que la conclusion (assez souvent la conclusion du récit est ce qui dit son genre narratif) est forcément imprévisible. J'ignore si c'est vrai partout tout le temps, mais je m'intéresse à la réflexion derrière cette idée.
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Re: Orphans’ Rhapsody : Two little princesses*

Message par Frédéric » 07 Juil 2015, 12:29

Je ne pense pas que ce soit tout le temps vrai :
- Que l'on joue une fiction purement guerrière ou que l'on incorpore des histoires d'amour à Monostatos, on reste dans un genre bien spécifique à ce jeu.
- Que l'on joue à Prosopopée avec de l'absurde ou non, la structure dramatique du jeu reste la même.
- Si on m'annonce que je vais jouer un héros dans une aventure épique, c'est un crève-coeur que de se retrouver avec un personnage burlesque, un bouffon ridicule et pathétique (ce qui arrive souvent dans de nombreuses pratiques tradis).

Il faudrait aussi définir la notion de genre, je suis plutôt hostile aux genres tels qu'ils sont définis pour le cinéma dans les rayons Fnac (je ne pense pas qu'avoir des vaisseaux spatiaux dans l'espace ou de la magie nous dise quoi que ce soit de fondamental sur une histoire). Je préfère les conceptions structurelles qui définissent les genres en fonction des construction d'histoire, plutôt que de savoir si la fin est triste ou s'il y a des gags.

Aristote place la tragédie et la comédie comme des sous catégories (des genres) du drame (qui lui est un mode distinct de l'épopée), par exemple. Il considère que la comédie dépeint les humains pires que dans la réalité, alors que la tragédie dépeint des humains meilleurs que dans la réalité. c'est particulièrement frappant si l'on compare Shakespeare et Molière. De nos jours, on trouve des drames dans lesquels on oscille entre les deux, parce que depuis l'antiquité grecque, on a quand même pas mal innové.
C'est beaucoup plus intéressant comme approche à mon sens.

Après, je pense qu'Orphans' Rhapsody en revanche est un jeu qui peut s'appréhender selon différents "genres" et que l'évolution de l'histoire, les décisions des joueurs et les résultats des dés peuvent influencer le genre produit au final. Il y a probablement des jeux pour lesquels l'assertion de Jérôme larré est tout à fait valable (en tout cas, j'ai envie de creuser cette direction avec Orphans' Rhapsody).
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Re: Orphans’ Rhapsody : Two little princesses*

Message par KamiSeiTo » 07 Juil 2015, 16:48

Est-ce que tu veux nécessairement lier le cumul d'échec (ou pas) à l'heureusité (désolé du barbarisme) de la fin ?

Est-ce que ce ne serait pas plutôt "quantité d'exposition de sentiments" (et notamment de chants), à "maîtrise du fin mot" ?

Pour ce qui est de la fin d'une histoire, et de la résolution de ses nœuds, on est nourris de fictions qui se centrent surtout (en général) sur un personnage ou en tout cas sur un enjeu majeur ; or en jeu de rôles on a souvent par défaut plusieurs personnages qui ont chacun leur enjeu majeur. S'il est facile de finir en point d'orgue dans le premier cas, c'est moins évident dans le deuxième : résoudre chaque intrigue ? S'arrêter à la première résolue ? Veiller à ce qu'il y ait une intrigue majeure commune ? (Bien sûr il n'y a pas une bonne réponse, juste des choix de game design.)


(J'en profite pour préciser ce que j'ai un peu trop vite appelé "feu d'artifice", je faisais plus référence à cette tension dans les tripes du spectateurs (ici joueur et donc aussi auteur) à vouloir savoir ce qui va se passer ensuite, qui parvient en général soit à une satiété, soit à une lassitude. Ce n'est pas forcément dans la fiction un feu d'artifice de révélations et de conflits dantesques.)
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Re: Orphans’ Rhapsody : Two little princesses*

Message par kiraen » 07 Juil 2015, 20:13

ça donne très envie d'y jouer toute cette discussion. Si ton jeu se termine en tragédie, est-ce qu'il ne devient pas une sorte de farce cruelle, où la maltraitance gagne et le désespoir l'emporte ? ça me laisserait un mauvais sentiment, et surement me couperait l'envie d'y rejouer. Si j'avais l'opportunité de sacrifier mon personnage pour que finalement le reste de la fratrie s'en sorte, une sorte de joker peut être que ça me gênerai moins.
Je me demande si le résultat ne devrait pas être une position sur une échelle : à la fin on se libère de l'adulte maltraitant, mais ça n'est pas pour autant une happy end. ça peut être tragique, la situation peut être à peine meilleure, peut être pire; mais l'espoir naît de la liberté atteinte.

On est peut être à la rue maintenant, petite soeur, mais au moins l'autre folle ne nous battra plus.

Je ne sais qu'en penser.
Mais bravo, ça fait avancer les choses. Et je suis bien content qu'on me l'ai enlevé de la liste à étudier pour le gamechef !
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Re: Orphans’ Rhapsody : Two little princesses*

Message par Guylène » 07 Juil 2015, 21:34

kiraen a écrit : Si ton jeu se termine en tragédie, est-ce qu'il ne devient pas une sorte de farce cruelle, où la maltraitance gagne et le désespoir l'emporte ? f !


Je ne suis pas tout à fait d'accord. Et le meilleur contre exemple auquel je peux penser est Perdus sous la pluie. La tragédie est inéluctable. Et pourtant l'histoire peut être belle, pleine de jolies scènes et de beaux moments. Et personnellement, ça me donne envie d'y rejouer même après avoir fait vivre des horreurs à de pauvres enfants.

Cependant, dans le cadre d'Orphans' Rhapsody, il semblerait assez logique que les deux possibilités existent. Voire que les fins soient ambiguës ou sujettes à interprétation.

Pour moi la question du genre est une "non question" dans la mesure ou le jeu s'ancre de toute façon déjà dans un genre : la comédie musicale. Après, que cette comédie musicale soit dramatique, comique, romantique ou quoi...
Est-ce qu'il ne faut pas pousser de ce côté là pour cette question de fin de partie? Au fond, qu'est-ce qui clos une comédie musicale? Une limite de temps? Une chanson? Un final musical?
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Re: Orphans’ Rhapsody : Two little princesses*

Message par Frédéric » 07 Juil 2015, 22:49

Merci à tous pour votre intérêt !

Jérémie : barbarismes bienvenus (tant qu'ils sont à peu près compréhensibles ou expliqués et que leur emploie n'est pas quantitativement abusif). ^^
Pour moi, c'est le combat des joueurs en plus de l'expression de leurs sentiments par le chant qui doit les conduire à la victoire ou à la défaite.
Techniquement, le jeu fonctionne comme ça : quand je gagne un conflit, je gagne un dé de progression. Quand je chante une chanson en y intégrant une "révélation malgré soi", je gagne un dé de progression. À la fin de la scène, je lance les dés de progression et additionne leurs scores avec ceux lancés précédemment.

En fait de victoire ou d'échec, il s'agit bien de déterminer qui va raconter la fin. Ainsi, si les joueurs ou le MJ sentent que c'est plus juste, ils peuvent raconter une fin en demi-teinte au lieu d'une victoire ou d'une défaite écrasante. Comme tu le dis, l'enjeu tourne autour de "qui a le fin mot".

Je n'ai pas eu trop de souci d'unité dans cette partie, puisque les PJ s'entraident et lorsque l'un subit quelque chose, ça affecte directement l'autre. Donc au final les enjeux principaux sont partagés par les joueurs.


Julien : heureux que ça suscite ton intérêt !
Ta question est très bonne. Il faudrait peut-être que je voie ce que donnerait une partie où les joueurs perdent. En lisant Oliver Twist, qui commence comme un drame réaliste pour finir en conte de fée, je me suis demandé comment ça pouvait bien finir. Et il se trouve que si le héros connaissait une fin funeste ou malheureuse, le livre aurait du sens, sans doute plus, même : voilà les conséquences d'une politique sociale au rabais dans la société victorienne.
Est-ce que ça peut fonctionner pour Orphans' Rhapsody ? Je ne sais pas, c'est un peu le sens de mon questionnement, bien qu'intuitivement, l'idée de pouvoir perdre me paraît meilleure.

Tu as raison de mentionner la possibilité de fins mitigées. Néanmoins, je ne suis pas franchement convaincu par les jeux qui mécanisent trop la nature de la fin de la partie (Comme S/Lay w/Me), donc je laisse ça au jugement des participants : ce n'est pas parce qu'on gagne le droit de narration à la fin qu'il faut absolument se favoriser et écraser les autres.

Question : pourquoi es-tu content qu'on te l'ait enlevé de la liste de jeux à étudier pour le Game Chef ?


Guylène : je te remercie pour ces réflexions. Perdus sous la pluie est un bon exemple dans le cadre de cette discussion.

Pour les fins ambiguës ou sujettes à interprétation, il y a peut-être encore plus à faire, vos réflexions me font cogiter à ce sujet.

Pour le genre du jeu, l'aspect comédie musicale en dit finalement assez peu sur la structure dramatique de la partie : entre L'Étrange Noël de Mr Jack, Dancer in the Dark, la Reine des Neiges ou Les demoiselles de Rochefort, on a autant de structures d'histoires différentes. Et la structure dramatique d'Orphans' Rhapsody est finalement plus proche des Orphelins Baudelaire ou d'Oliver Twist que des Demoiselles de Rochefort.
Je pense que dans tous les cas, une histoire doit se terminer quand sa fin est logique, pas quand des mécaniques de jeu le déterminent...
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Re: Orphans’ Rhapsody : Two little princesses*

Message par kiraen » 08 Juil 2015, 10:33

Guylène : ma réflexion était liée aux limites évoquées par Frédéric. En amateur de Houses of the Blooded, de John Wick, j'aime la tragédie (et d'ailleurs je n'y avais pas pensé jusque là, Houses of the Blooded est censé émuler les histoires des opéras Ven de la culture antique inventée par l'auteur... Un mix houses of the blooded / Orphan's Rhapsody pourrait être intéressant, au moins pour la partie chant). Mais c'est une tragédie clairement annoncée au début du jeu, pas un enjeu de la partie. C'est tragique, vous n'y échapperez pas, tirez en le meilleur.

Frédéric : Quand je parle de fin mitigée, je ne pensais pas nécessairement à la mécanisation de la fin, mais plus à l'évoquer dans une liste de fin possibles. Je n'ai vraiment pas envie de terminer une partie d'un jeu comme celui-ci en me disant : Bon on a perdu, les orphelins vont souffrir à cause de moi. Cela vient peut être de ma détestation habituelle de la compétition, je ne sais pas trop.
Quand je dis que je suis content de ne pas avoir à évaluer Orphan's Rhapsody c'est parce qu'en lisant la version Gamechef du jeu, j'ai été séduit par les promesses du jeu et ses idées, mais moins par sa réalisation qui me paraissait un peu contrainte. Il faudrait que je le relise pour mettre le doigt sur ce qui m'avait gêné. C'est bien fait, c'est agréable à lire mais il me manquait quelque chose. Du coup comment l'évaluer, par rapport à ce que tu vas en faire en continuant à bosser dessus (et l'exemple de partie évoqué ici le met bien en évidence) ou par rapport au texte en l'état. Sans parler des autres jeux que j'ai eu à lire qui étaient loin de présenter le même niveau d'achèvement, mais dont au moins un d'entre eux portait une promesse au moins aussi forte.

Le bon signe, c'est qu'Orphan's Rhaposdy j'ai envie d'y jouer, et je sais avec qui j'ai envie d'y jouer. Je sais même comment j'ai envie d'y jouer : en trouvant et chantant à tue-tête les chansons des Beatles les plus adaptées sur lesquelles on délirait au début de mes années étudiantes, y'a presque 20 ans aujourd'hui (ouille). Pourquoi tu ne l'as pas sorti à l'époque hein ? c'est quand même scandaleux ;). Bon pour les oreilles du voisinage de la rue Mouffetard ou de Saint Germain des Prés, c'est peut être pas un mal...
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Re: Orphans’ Rhapsody : Two little princesses*

Message par Frédéric » 08 Juil 2015, 11:00

Merci Julien pour ces précisions sans ambages.
Je comprends tout à fait (enfin, pour l'aspect "contraint", n'hésite pas à développer. La version que l'on a jouée est identique à peu de choses près à la version du concours).
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Re: Orphans’ Rhapsody : Two little princesses*

Message par kiraen » 08 Juil 2015, 23:42

Je te ferai le retour que j'avais commencé à écrire dés que possible.
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Re: Orphans’ Rhapsody : Two little princesses*

Message par Frédéric » 09 Juil 2015, 00:53

OK, merci ! (tu peux le faire en privé) ;)
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