Un système d'approbation

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Un système d'approbation

Message par David Creel » 26 Avr 2015, 03:32

Bonjour à tous,

Puisqu'il s'agit de mon premier post, je commence par me présenter en quelques mots. Je m'appelle David, 18 ans, étudiant en arts du spectacle, et rôliste depuis quelques années. Mon expérience du jeu de rôle se limite à quelques classiques découverts avec des amis (Donjons et Dragons, Warhammer v2, Cthulhu, Naheulbeuk, REVES) et quelques ovnis joués en asso (Wushu, Würm, Marvel Heroic RPG...). Je me sens à l'aise autant en tant que joueur qu'en tant que maître de jeu (puisque c'est d'abord dans ce rôle que j'ai découvert notre loisir favori au seuil de l'adolescence), et j'alterne les deux très régulièrement.
Je m'intéresse à la théorie rôliste depuis un ou deux ans maintenant, notamment grâce au blog de Grégory Pogorzelsky, à celui de Frédéric Sintès et aux podcasts de la Cellule, qui m'ont amené récemment à masteriser quelques parties de Sens Renaissance. Je tiens d'ailleurs à remercier tout ce beau monde, sans qui je n'aurais pas pu constituer un dossier de recherche sur le traitement des émotions dans la pratique du jeu de rôle, qui a sauvé mon premier semestre.

C'est nourri par ces penseurs que je me lance avec force motivation dans la composition d'un jeu de rôle amateur (de forme "traditionnelle", avec un MJ). Le propos est le suivant : Le jeu de rôle est un loisir politique, ainsi que tout ce que nous faisons lorsque nous sommes au sein d'un groupe. Voilà ce qui doit transpirer dans mon système.
Pour ce faire, j'ai l'intention de donner une importance centrale à l'approbation des joueurs. J'ai l'intention d'accorder un avantage en cas d'approbation majoritaire des joueurs pour une action quelconque. Et c'est là qu'est l'os, hélas : quelle récompense rendrait le jeu plus intéressant ? Qu'est-ce qui pousserait les joueurs à tenter d'obtenir cette approbation majoritaire par n'importe-quel moyen, tout en incitant le reste de la table à réfléchir avant d'approuver une action ? J'ai pensé à plusieurs solutions, sans rien trouver qui ne me satisfasse :
- Un bonus sur le jet. Fade et sans intérêt.
- Un "point de chance". Le joueur pourra l'utiliser plus tard pour réussir une action sur un coup de chance. Plus intéressant, il a cependant deux inconvénients : le premier est que son utilisation est différée, donc obtenir l'approbation pour une action n'influe pas sur l'action en elle-même, le second est qu'il est difficile d'inciter les joueurs à être réticents à donner leur approbation.
- Une révélation sur un autre personnage. Plus intéressant, mais les personnages risquent de n'avoir rapidement plus rien à se cacher. J'ai l'intention d'imposer aux personnages des objectifs cachés et divergents afin d'accentuer les rapports entre individus (et éviter le syndrome du Groupe avec un grand G, cette entité avec de multiples têtes mais une seule volonté), et cet aspect essentiel du jeu risque d'être complètement dynamité si les révélations arrivent trop vite.
- Un indice pour accomplir son objectif personnel. C'est, pour l'instant, mon option préférée : cela permet de relancer l'intrigue en donnant de nouvelles motivations à l'un des personnages, tout en rendant les autres joueurs réticents à aider un personnage à atteindre un objectif qu'ils ne connaissent pas. Cependant, j'ai peur qu'un MJ se trouve dans l'incapacité de donner des pistes à un joueur pour certains objectifs tels que "coloniser une nouvelle planète" ou "abolir le système capitaliste".

De plus, j'ai également beaucoup de mal à imaginer un cadre pour l'utilisation de cette règle. Est-il vraiment pertinent de permettre son utilisation chaque fois qu'il y a un jet à faire ? À quel type d'actions pourrait-elle se limiter ?

C'est donc principalement pour cela que je viens vers vous. Je sais qu'il existe déjà quelques jeux qui utilisent le principe d'approbation dans leur système, cependant je n'ai pas eu l'occasion de les avoir entre les mains. Je fais appel à votre expertise, afin que vous me proposiez quelques pistes de réflexion pour améliorer ce concept.
David Creel
 
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Re: Un système d'approbation

Message par Fabien | L'Alcyon » 26 Avr 2015, 10:20

Salut David, bienvenu sur le forum !

Je vais essayer de t'aider, même si sans exemple concret de partie, c'est toujours difficile de se comprendre. Quand tu auras une version jouable de ton jeu, n'hésite pas à nous en parler.

Je crois d'abord qu'il est important de se dire qu'il n'y a pas de jeu sans approbation. Dès que je crée quelque chose, que je sois meneur ou joueur, les autres l'acceptent ou le rejettent (ou le modifient, ou...) pour que la fiction puisse continuer à se créer. Le système d'approbation, ce n'est jamais qu'une manière spécifique de la signaler.

Je crois donc que la question à se poser est plus "comment les joueurs manifestent-ils leur approbation?" plutôt que "quelle récompense obtient-on?"

Par exemple dans Prosopopée de Frédéric Sintes, dans lequel à chaque instant, un des participants peut donner un « dé d'Offrande » (ils sont disponibles en quantité illimité) à un autre participant qui a fait une description qui lui plaît; ces dés permettent ensuite de faire avancer l'histoire en résolvant des problèmes. Attention, c'est ingénieux, mais c'est faussement simple. Ca demande une immense capacité d'attention et une certaine intelligence humaine des joueurs. Prosopopée y parvient parce que tous les autres enjeux sont anesthésiés et parce qu'il aide fortement les participants à y arriver. Je te conseille d'y jouer pour te faire ta propre idée.
Donc dans Prosopopée, les joueurs ne « votent » pas (technique à fuir), ne se concertent pas, ne prennent pas du temps pour réfléchir, ils n'ont même pas à être d'accord. Chacun juge, silencieusement et à chaque instant, et manifeste ensuite son jugement. Et les règles se débrouillent pour que la "récompense" serve le jeu en permettant à l'histoire d'avancer.

Voilà pour les réflexions d'ordre général, c'est important de se dire que les possibilités sont très larges.

Pour répondre plus directement à tes questions, je pense effectivement que donner des indices à un joueur qui fait des efforts (mais de quels efforts s'agit-il ? autre question à se poser) est une excellente idée. Cela permet de co-construire l'histoire: le joueur va dans une direction pour faire avancer ses plans, et le meneur lui suggère des idées pour avancer. Si les objectifs sont trop grands, ils peuvent être déréifiés, c'est-à-dire divisés en plusieurs objectifs plus petits: je ne veux pas tout de suite libérer la planète, mais d'abord créer un groupe activiste qui cherchera à rallier l'opinion publique à sa cause. Puis ensuite j'influence le pouvoir politique dans une région. Je me trouve des alliés. Etc.
J'ai abordé cette idée également, sans la creuser autant, dans mon jeu Sphynx (pas encore publié).

Enfin, je pense que tu avanceras plus facilement si tu ne te concentres pas sur un détail du Système de jeu, mais que tu commences d'abord à chercher à définir les histoires que tu cherches à raconter, dans quels contextes, avec quels genres de personnages, etc. Les questions de système de résolution c'est secondaire. Imagine-toi une partie idéale de ton jeu. A quoi elle ressemble ? comment agissent les participants ? quelle histoire est créée ?
D'ailleurs, je me rends compte avec le temps qu'il vaut mieux développer son jeu de façon « organique » que « rationnelle ». C'est-à-dire qu'il est nettement plus facile et fertile de tenter de répertorier toutes les idées que l'on peut avoir, les images que l'on a en tête, les histoires dont on inspire, etc. puis de chercher quelle en est la cohérence et d'en définir un jeu. Ca prend du temps et ça demande de se faire confiance, mais c'est beaucoup plus efficace. Je regrette d'avoir promu une approche plus « rationnelle » de la création de jeu, dans laquelle on réfléchirait posément et séquentiellement à chacun des éléments du Système. Le chaos est ici plus fertile.
C'est en accumulant ces idées que tu pourras définir si tu as besoin d'un système d'approbation explicite et spécifique, et si c'est le cas, quelle forme il doit prendre. Le reste te guidera vers les meilleures solutions.

J'espère que tout ceci est clair, n'hésite pas à me demander de préciser divers éléments. N'hésite pas aussi à nous donner un aperçu plus concret de ton jeu.
Fabien | L'Alcyon
 
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Re: Un système d'approbation

Message par David Creel » 26 Avr 2015, 23:12

Déjà, merci pour cette réponse.

J'essaierai de vous présenter un rapport de partie dès qu'une version jouable sera disponible. Pour le moment, il est vrai que je peux détailler un peu plus mon projet :


Pour le background :
2025. Depuis quelques années, le surnaturel s'est invité sur Terre. Levant une armée de morts, les Vampires ont repris les Carpates et avancent vers les régions voisines. Le virus Ebola a radicalement muté, transformant ses victimes en zombies, qui arpentent la quasi-totalité du continent africain et des Etats-Unis, dont les grandes villes se sont transformées en cité-Etat aux portes constamment fermées. Ces événements ont bouleversé la conception du réel chez la population, entraînant d'importants changements politiques.
En Amérique centrale, la population paniquée s'est tournée vers l'ancienne civilisation aztèque pour se protéger des créatures infernales, et leur empire de fanatiques progresse de plus en plus vers le sud. Au Royaume-Uni, la monarchie a repris le contrôle de l'Etat en fondant son pouvoir sur le fondamentalisme anglican, et l'armée traque les opposants politiques et les indépendantistes.
En France, le situation politique est plus instable que jamais : le gouvernement centriste est plus impopulaire que jamais. L'extrême-droite se renforce, au point que des milices fascistes commencent à arpenter les rues dans les villes. Les affrontements avec les antifas se multiplient. Le reste de la population est déchirée entre le chômage et la précarité. Dans les universités, les étudiants commencent à lancer des foyers de mobilisation pour contester les politiques austéritaires et la répression policière. En même temps, les sectes de tout poil fleurissent, et les cultistes remettent leurs âmes aux mains des Saints ou des Démons.

L'idée, c'est de restituer une version moderne de l'ambiance de l'Allemagne de 1930, avec une dimension surnaturelle en plus.
Les personnages peuvent être amenés à mener des enquêtes (avec parfois un côté Cthulhu), mais l'idée principale est de les mettre en contact avec divers types d'organisations, avec lesquelles ils devront traiter pour défendre leurs intérêts.

Maintenant intéressons-nous au propos :

La table (entendu comme l'ensemble des joueurs, MJ compris) forme une société poursuivant un but (le plaisir collectif et individuel). C'est ce qui nous permet de parler de contrat social, par exemple. Chacune des propositions que nous émettons en jouant est un discours politique décrivant ce qui représente, pour nous, la meilleure façon pour notre société d'atteindre son but. Ainsi, quand je dis "Je tente de voler sa bourse au tavernier", je soumets à la collectivité l'idée que nous retirerons plus de plaisir si mon personnage accomplit cette action. Cette proposition est ensuite approuvée ou non par l'ensemble de la table (par la réaction ou l'absence de réaction).

L'ensemble de ce processus est, en jeu, tout à fait inconscient. La plupart des joueurs ont l'impression que "Quand je dis quelque-chose, mon personnage le fait". Or, j'ai pour objectif de dévoiler ces mécaniques, de faire prendre conscience aux joueurs de la portée réelle de leurs paroles et de leur possibilité d'exprimer leur désaccord avec ce que peut dire un autre joueur. Je veux qu'ils puissent se considérer comme partie intégrante d'une société sur laquelle ils peuvent influer.

Dans la plupart des jeux de rôle, les joueurs sont sans cesse poussés vers "l'immersion" : ne jamais sortir de l'interprétation de leur personnage. Pour ma part, j'ai l'intention de proposer aux joueurs de jouer sur les deux tableaux : au niveau de la table et au niveau de la fiction. Je veux que, durant la partie, on puisse différencier les conversations entre joueurs des conversations entre personnages, et analyser l'influence des unes sur les autres.
Il faut aussi que le parallèle soit évident entre la table et la fiction : le joueur accepte de risquer son personnage pour en sauver un autre afin de gagner la confiance des autres joueurs et pouvoir poursuivre ses objectifs personnels, tout comme le groupe effectue une mission pour se rapprocher d'une organisation et l'influencer. Les joueurs doivent s'interroger sur les rapports qu'ils ont entre eux durant la partie et comment ces rapports évoluent selon leurs propositions.
J'ai également la conviction que pousser le joueur à défendre les intérêts de son personnage face aux autres joueurs, comme le personnage défend ses intérêts face aux autres personnages, ne peut que renforcer la synesthésie.

Pour cela, mettre en valeur l'approbation me paraît nécessaire, et utiliser l'approbation à la majorité permet de mettre les joueurs en position de négociation entre eux (et non entre personnages, ce qui arrive déjà de manière classique).
Cependant, l'idée de donner un dé à un joueur pour signifier l'approbation me donne d'autres idée. Cela me fait penser qu'on pourrait représenter l'approbation sous forme de jeton. Chaque joueur en a un pour la séance, et il peut le donner à un joueur pour une action particulièrement intéressante, et lui donne un léger bonus pour cette action. Un joueur qui a récupéré autant de jetons qu'il y a de joueurs a droit à un indice sur son objectif personnel (le joueur garde les "points" ainsi reçus d'une séance à l'autre). J'hésite sur la possibilité de redistribuer les jetons reçus durant la séance.
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Re: Un système d'approbation

Message par Fabien | L'Alcyon » 27 Avr 2015, 11:51

OK, je comprends déjà mieux comment tu veux faire les choses.
Maintenant, comment puis-je / pouvons-nous t'aider ?
Pour te donner une idée, je sais que je peux t'aider à avancer sur ton jeu en te posant des questions. Par exemple, quelles sont les histoires que tu veux raconter ? Avec cet univers, je pourrais aussi bien faire des histoires d'amour, des tragédies, de la quête de soi, des histoires de révolte politique... En fait tout est possible. Ca ne veut pas dire qu'il faut se restreindre à un type particulier d'histoire, mais que tu vas devoir nécessairement orienter tes participants dans une certaine direction (dans laquelle d'autres histoires peuvent apparaître). La difficulté (et ça peut prendre du temps pour le définir) est: comment cela répond-il au propos que tu veux mettre en avant ? Une fois que tu sauras quel type d'histoires tu veux mettre en avant, tu sauras quels sont les types de personnages qui t'intéressent.
Je peux aussi t'aider en te recommandant des jeux à tester si tu le souhaites, c'est utile pour créer son propre jeu d'analyser ceux des autres.

A toi de nous dire ce que tu veux et on essayera de t'aider de notre mieux.
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Re: Un système d'approbation

Message par David Creel » 27 Avr 2015, 12:13

L'idée est d'amener les personnages à prendre une place au sein d'organisations politiques pour y porter leurs revendications. Je veux principalement raconter des histoires de complots, de choix entre l'intérêt individuel et l'intérêt collectif, de confrontation sociale. Le paroxysme serait une équipe de PJs qui finirait par mener une révolution après avoir pris le contrôle de la résistance, en ayant au passage dû discréditer leurs opposants politiques, assassiné certains d'entre eux, et mené des actions violentes contre le pouvoir en place.
Je veux également créer une ouverture sur un surnaturel horrifique à la Lovecraft, pour amener des intrigues du genre "défendre l'humanité, c'est d'abord combattre les créatures à l'extérieur combattre les personnes inhumaines ?".

C'est pour le premier type de scénarios que j'ai dû mal. Comment créer un système qui oriente les personnages vers ce type de comportement ?
J'aimerais effectivement avoir un aperçu des mécaniques déjà existantes qui vont dans ce sens, je n'en ai encore jamais eu sous les yeux mais cela doit bien exister.
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Re: Un système d'approbation

Message par Thomas Munier » 27 Avr 2015, 12:39

Pour le premier aspect, tu peux aller voir du côté de Lady Rossa...
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Re: Un système d'approbation

Message par Fabien | L'Alcyon » 27 Avr 2015, 13:00

Je pense que l'impulsion initiale n'est pas difficile à donner, il suffit que ce soit dans la nature des personnages.
C'est la solution que je prends dans mon jeu Monostatos, où les personnages ont chacun un compte à régler avec le Culte (leur « Souffrance ») et un objectif personnel à remplir dans le lieu où ils arrivent. Ces personnages sont plus des révolutionnaires par coup d'éclat que des intrigants de long terme comme tu le décris.
Pour arriver à ce que tu cherches, je te suggère alors de demander aux joueurs de choisir une cause commune à leurs personnages (pour laquelle chacun des personnages souffre ou a souffert personnellement). Tu verras qu'en demandant aux joueurs de prendre le temps de choisir eux-mêmes la motivation de leurs personnages, ils seront beaucoup plus proactifs et fertiles, ils apporteront de l'énergie à la table. Le fond de l'affaire, c'est d'arriver à déterminer ce qui se passe si les personnages n'agissent pas: comment la situation peut-elle empirer et les affecter encore plus ? Mais ça je te recommande de le décider toi-même comme MJ, ce n'est pas aux joueurs de le déterminer; à toi d'amener des problèmes en cours de partie et de les faire empirer, surtout si les personnages ne s'en occupent pas.
Tu as alors ensuite deux problèmes devant toi:
  • comment t'assurer que ta préparation réponde aux attentes des joueurs, alors qu'au moment où tu l'écris tu ne les connais pas?
  • comment représenter la progression des joueurs vers leur objectif ? quels choix doivent-ils faire ? (c'est là que ton système de résolution et d'approbation peut intervenir)
Pour la première question, Démiurges de Frédéric Sintes (pas encore publié mais bientôt) apporte une solution intéressante: la première partie est faite pour présenter le jeu et les objectifs des personnages sont secondaires (ils se libèrent de leur mentor, grosso modo). Mais à partir de la deuxième partie, comme le MJ connait les objectifs et enjeux personnels des personnages, il peut créer des préparations de partie qui répondent à cela, avec des antagonistes.
Une autre solution est d'avoir une organisation, par exemple le gouvernement, qui s'intéresse à tout, donc au problème des personnages. Les joueurs y sont rentrés et essaient de faire changer les choses. Tu peux préparer des antagonistes avec leurs propres objectifs et ressources que tu adaptes au pied levé durant la partie; ce seront ces antagonistes qui donneront du répondant aux personnages et c'est dans la lutte entre eux que les personnages.
Il y a enfin l'idée que les joueurs pourraient s'opposer les uns aux autres sur un même enjeu commun, mais je ne connais pas encore de jeu qui y parvienne. C'est peut-être ça que tu cherches si tu veux que les joueurs négocient entre eux. Ca pourrait être une belle et ambitieuse entreprise.

Je te conseille également d'essayer Innommable (version 008) de Christoph Boeckle, pas (encore) publié mais néanmoins un jeu d'une grande intelligence pour créer des histoires fantastiques et délirantes à la Lovecraft. En plus le jeu est gratuit, rapide à mettre en place, facile à lire et se joue en une séance sans soucis.

D'ailleurs, j'y pense, si c'est la République de Weimar qui t'intéresse, il y a tout une partie qui décrit l'« esprit » de cette époque (i.e. le cynisme, mot auquel l'auteur donne un sens précis) dans Critique de la Raison Cynique de Peter Sloterdijk. C'est de la philosophie passionnante, récente (1983 et l'auteur n'est pas mort), plutôt facile à lire dans l'ensemble.
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Re: Un système d'approbation

Message par Romaric Briand » 28 Avr 2015, 15:31

Je glisse juste entre deux posts, un p'tit "bienvenue David" et merci à toi, aussi, de t’intéresser ainsi à la théorie. ;)
Un personnage de fiction souhaitant s'incarner dans la réalité... Les rolistes sont mes proies...
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Re: Un système d'approbation

Message par David Creel » 29 Avr 2015, 14:22

Pour le premier aspect, tu peux aller voir du côté de Lady Rossa...

Très intéressant, merci. J'avais lu Lady Blackbird il y a un an à peu près, mais j'avais complètement oublié ce jeu. Je vais me plonger dans cette version avec beaucoup d'attention.

Le fond de l'affaire, c'est d'arriver à déterminer ce qui se passe si les personnages n'agissent pas: comment la situation peut-elle empirer et les affecter encore plus ? Mais ça je te recommande de le décider toi-même comme MJ

J'ai tendance à penser que c'est effectivement à chaque MJ de définir cela, cependant c'est une idée particulièrement intéressante et qui sert mon propos (puisque effectivement, l'inaction est le premier facteur de défaite, et quand vous ne travaillez pas pour vos intérêts quelqu'un d'autre travaille pour les siens au détriment des vôtres). Je vais essayer de réfléchir à comment traduire cela par une mécanique de jeu (je sens que cela va impliquer des objectifs personnels cachés pour les PNJs importants...).

comment t'assurer que ta préparation réponde aux attentes des joueurs, alors qu'au moment où tu l'écris tu ne les connais pas?

Je ne crois pas que la solution de Frédéric Sintès puisse s'appliquer à mon projet, puisqu'il me paraît vraiment compliqué de faire jouer le moindre scénario sans avoir au préalable pris connaissance de l'enjeu que les personnages ont en commun. La solution serait le scénar solo à la création de perso, mais j'ai tendance à être un peu réticent vis-à-vis de cela (quand on fait une séance par semaine ça peut faire beaucoup de temps entre le solo du premier joueur et la première partie en groupe).

Pour une campagne de Warhammer, j'ai pris le soin de créer les personnages individuellement avec chacun des joueurs avant d'attaquer la préparation de la première séance, ce qui m'a permis de croiser leur background (et de créer une scène d'introduction assez mémorable, dans laquelle le groupe était poursuivi par la garde, chacun pensant être la cible recherchée).
Dans ce cas-là, ça me paraît un poil plus compliqué, puisque j'aimerais que mes joueurs s'entendent entre eux sur un courant politique large avant d'affiner avec chacun d'entre eux pour créer des différences (ex : ils se mettent d'accord pour jouer l'extrême-droite, puis choisissent individuellement des néo-nazis, des monarchistes, des franquistes...). Cela évite d'avoir à justifier un monarchiste et un trotskiste dans la même organisation politique.
Mais ce n'est pas non plus un problème majeur, il suffit de leur demander de se mettre d'accord entre eux et de prévenir quand ils ont une réponse.

comment représenter la progression des joueurs vers leur objectif ? quels choix doivent-ils faire ? (c'est là que ton système de résolution et d'approbation peut intervenir)

Ou plutôt : "comment les pousser à se rapprocher de leur objectif personnel à chaque instant, plutôt que de se contenter de jouer uniquement en groupe ?". J'ai rapidement pensé à distribuer quelque-chose comme 1xp pour la participation à la séance + 1xp pour s'être rapproché de son objectif personnel. Mais ça ne me paraît pas très satisfaisant.

Il y a enfin l'idée que les joueurs pourraient s'opposer les uns aux autres sur un même enjeu commun, mais je ne connais pas encore de jeu qui y parvienne. C'est peut-être ça que tu cherches si tu veux que les joueurs négocient entre eux. Ca pourrait être une belle et ambitieuse entreprise.

C'est effectivement l'idée principale.
Pour fréquenter les milieux politiques, les gens n'ont besoin d'aucune règle pour cela. Cependant, comme la plupart des jeux poussent les joueurs à éviter cette attitude, cela crée une sorte de réflexe inconscient chez les rôlistes qui consiste à ne jamais réfléchir à son personnage comme à un individu, mais uniquement comme à une partie d'un groupe. Si le personnage a des objectifs personnels, on oriente le groupe vers ces objectifs-là, les autres personnages participant la plupart du temps par sympathie. En outre, même si on voit parfois des intérêts divergents entre les personnages, on en voit très rarement qui soient contradictoires. Il s'agit presque ici de tenter de dépasser une sorte d'hégémonie culturelle de la pratique rôliste.

Et merci pour les références, je pense que mon étagère va se remplir.

Je glisse juste entre deux posts, un p'tit "bienvenue David" et merci à toi, aussi, de t’intéresser ainsi à la théorie. ;)


Merci pour ton accueil, et surtout merci à vous tous d'avoir rendu la théorie rôliste aussi passionnante.
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Re: Un système d'approbation

Message par Thomas Munier » 29 Avr 2015, 17:02

Pour arriver à faire de la compétition avec un groupe d'activistes qui suivent un objectif commun, j'ai utilisé le principe suivant lors d'une campagne : les joueurs définissent l'objectif de groupe au début. Il doit être compatible avec leur perso : i.e. il faut créer un perso qui poursuive sincèrement l'objectif de groupe (c'est peu ou prou comme ça que fonctionne Monostatos, de Fabien Hildwein, n'est-ce pas ?).

Mais si les personnages s'entendent sur la fin, ils n'ont pas à s'entendre sur les moyens. On peut leur demande de choisir des valeurs parmi un choix de valeurs qui sont antagonistes entre elles, ou leur demander de se définir un objectif personnel, convergent avec l'objectif de groupe, mais pas forcément convergent avec les objectifs personnels des autres.
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Re: Un système d'approbation

Message par David Creel » 29 Avr 2015, 18:03

il faut créer un perso qui poursuive sincèrement l'objectif de groupe

Effectivement. Sans cela, on se retrouve encore avec le personnage qui suit le groupe juste pour participer à la suite de l'aventure. Ou avec un lambertiste :p

On peut leur demande de choisir des valeurs parmi un choix de valeurs qui sont antagonistes entre elles

C'est pas bête. Au lieu de forcer les joueurs à se renseigner sur les courants de pensée politique et de faire leur choix parmi ce qui existe déjà, établir une sorte de QCM qui définirait ce que pense le personnage sur certaines questions clés, qui ont une réelle signification pour eux.


J'ai lu Lady Rossa, c'est effectivement très intéressant, notamment sur la mécanique de radicalisation.
Il faut que je réfléchisse à des règles pour gérer les mobilisations.
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Re: Un système d'approbation

Message par Fabien | L'Alcyon » 29 Avr 2015, 21:43

Oui il s'agit effectivement de solutions intéressantes. Je serai curieux de voir ce que ça donne sur le terrain !
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Re: Un système d'approbation

Message par David Creel » 05 Mai 2015, 00:08

Mon système de règle avance bien, je suis en train de mettre au point une mécanique d'individualisation pour le comportement des PNJ (autrement dit comment un PNJ va de plus en plus servir son intérêt personnel plutôt que l'intérêt commun en l'absence d'action de la part des personnages).

Sinon, j'ai pondu un petit texte théorique expliquant mon propos. C'est pas de la grande théorie (surtout que je n'ai pas encore lu Le Maelström, il devrait arriver dans quelques jours), mais je pense que ça explique bien ce que je veux mettre en évidence par mes mécaniques.
J'aurais voulu vous mettre un lien dropbox plutôt que de le copier-coller ici, mais apparemment il refuse de s'installer sur mon ordi.

Introduction : La table de jeu, une société à double niveau

Lorsque l'on fréquente les sites de théorie rôliste, on ne peut que constater le caractère politique de nombreuses analyses de notre activité favorite. En effet, on nous parle de « contrat social », de « répartition de l'autorité », d'une « micro-société avançant vers un but donné »... Le jeu de rôle serait-il une activité politique par essence ?
Commençons par définir ce qu'est réellement une table de jeu. On y trouve des joueurs, dont souvent un maître de jeu – mais pas toujours – qui dialoguent ensemble. Il s'agit donc d'un groupe d'individus, d'une société dans laquelle chacun a droit à la parole. Le résultat de la conversation est une « fiction vive » à laquelle chacun peut apporter des éléments, mais qui n'est jamais entièrement figée (par opposition à la « fiction fixe » comme on la trouve dans des médias tels que la littérature ou le cinéma, où la fiction ne peut être modifiée). Nous avons donc une société productrice de fiction vive.
Le contenu de cette fiction (le contenu fictionnel malléable) intègre des « personnages-individus », c'est à dire des personnes fictives indéterminées. Il s'agit bien de personnages, car ils ne possèdent pas de volonté propre ; ce n'en est pas moins des individus, car ils agissent selon un libre arbitre (qui est le résultat de la conversation entre les joueurs). Pour peu qu'il y ait plusieurs personnages-individus (ce qui inclut les PNJ), nous sommes en présence d'un second groupe d'individus, et donc d'une seconde société. Cette seconde société, en tant que contenu de la fiction vive, est gouvernée par la première (la table de jeu).
Ainsi donc, la table de jeu est une société qui prend des décisions pour une autre. Remplacez les chips et les jeans troués par du champagne et des costumes hors de prix, et nous voici en plein conseil des ministres.

Partie 1 : Les rapports politiques entre les joueurs

Il s'agit donc de gouverner. Oui, mais comment ? Tout le monde apporte du contenu fictionnel malléable, nous l'avons déjà dit. Mais qui décide quelle partie de ce contenu garder ? Qui a le dernier mot ? Qui, dans cette société qu'est la table de jeu, détient l'autorité ?
Certains diront qu'il s'agit du meneur de jeu. D'autres que cela dépend de quelle partie de la fiction il est question. D'autres qu'il faut se référer au contrat social, ou au livre de règles. En vérité, toutes ces considérations sont secondaires, et découlent uniquement de la considération suivante : à une table de jeu de rôle, tout contenu fictionnel ne peut être adopté qu'au consensus. Il s'agit du principe de Lumpley.
Il suffit que personne ne s'oppose à une proposition pour que le consensus soit établi. L'un des personnages tente d'en violer un autre ? Il y a certainement quelqu'un autour de la table que cela dérange (dans le cas contraire, changez de table). Mais si personne ne dit rien, cela veut dire que tout le monde reconnaît la légitimité de cette action. L'exemple est frappant, mais il permet de tordre le cou à une idée reçue : tout le monde n'a pas besoin d'être d'accord pour qu'il y ait consensus. Celui-ci peut s'obtenir d'innombrables façons.

Il s'agit de faire accepter une proposition à un ensemble de personnes. La première idée qui vient en tête est le contrat social : une sorte de charte, établie avant le début de la séance, qui définit par avance un cadre de légitimité pour les propositions. On peut décider de cette manière que la parole du MJ a force de loi, ou qu'on ne parlera pas de viol durant la séance. Mais réfléchissons un peu plus : combien de fois avez-vous défini clairement le contrat social de votre table de jeu ? Et pourtant, cela ne vous a pas empêché de jouer sans avoir trop de doutes sur la légitimité de vos paroles. La solution ne réside donc pas dans le contrat social, mais dans ce qu'il y a avant tout accord. Elle réside dans l'analyse des rapports de forces.
En effet, en dehors de toute autre considération, il s'agit bien d'une conversation entre des individus qui cherchent à avoir raison. Lorsqu'une proposition crée une opposition, on entre dans une phase de conflit, au cours de laquelle il va falloir faire pencher le rapport de forces d'un côté ou de l'autre. Ce rapport de forces est fonction de l'accord que vous créez autour de la table : plus vous ralliez de personnes à votre cause, plus vous vous rapprochez d'un consensus en votre faveur. Le conflit se termine lorsqu'il n'y a plus d'opposition.
Il s'agit donc de savoir comment faire en sorte de créer un accord autour de sa proposition. Pour cela, il existe mille manières, mais il ne faut pas oublier que le rapport de forces est en partie prédéfini par tout un tas de paramètres. Quelques exemples : vous êtes nouveau à une table où tout le monde est ami depuis des années, les autres joueurs sont fatigués, vous êtes le seul à avoir pensé à amener des chips, vous avez déjà saboté le dernier scénario, vous êtes le meneur de jeu, vous avez foiré votre jet de dé, vous êtes champion local de kick-boxing, il a été dit au début de la partie qu'on ne parlerait pas de viol...
Ainsi, on remarque que la règle stipulant que votre personnage ne peut pas survivre à une chute de cinquante étages n'est en réalité qu'un moyen de créer un rapport de forces prédéfini en cas d'opposition à la proposition « Ton personnage est mort ». Un livre de règle est un recueil de rapport de forces prédéfinis, tout comme le contrat social de la table de jeu. Ce sont ces rapports de forces prédéfinis qui permettent d'éviter le conflit à chaque proposition.


Partie 2 : La fiction vive, laboratoire politique idéal

Nous voici donc revenus en conseil des ministres. Monsieur le Ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche nous a pondu sa dernière ânerie : libéraliser les universités. Après analyse des rapports de forces prédéfinis (qui incluent le fait qu'on avait décidé préalablement que le Ministre de l'Enseignement Supérieur faisait ce qu'il voulait avec les universités), et confrontation avec les derniers réfractaires, le consensus a été créé autour de cette proposition.
Imaginons maintenant que le ministre de l'ESR ait été Roger, vingt-deux ans, le t-shirt maculé de tâches de gras, assis avec ses confrères ministres autour d'une pizza, de feuilles de personnages et de dés à la forme étrange. Sa proposition fait consensus, d'autant plus qu'il a un argument de poids pour faire pencher le rapport de forces : il agit sur une fiction, et ne risque pas de mettre de vraies personnes dans la galère. De son côté, Jean-Eudes, Ministre des Conséquences Vraisemblables (et meneur de jeu à ses heures perdues), lui décrit les conséquences de son action (qui sont à peu près les mêmes qu'un saut en parachute depuis le cinquième étage : le parachute est très peu utilisé). Face à cela, Michel, Ministre de la Jeunesse, décide de donner à son personnage un caractère combatif, ce qui entraîne des manifestations étudiantes un peu partout dans le pays. Jacques, Ministre de l'Intérieur, hésite encore à envoyer les CRS...

Nous voici donc non plus dans une salle de conseil, ni même dans une cave, mais bien dans un laboratoire. Un laboratoire dans lequel il est possible de mener des expériences politiques, puisqu'il s'agit de confronter des réactions humaines. C'est là qu'interviennent nos personnages-individus : avec leurs buts propres et leur libre-arbitre, ils font tendre l'expérience vers une certaine fiabilité.

Si nous nous intéressons un peu plus aux univers de jeu de rôle, il est aisé de se rendre compte d'une chose : l'influence de l'hégémonie culturelle est extrêmement limitée. Ainsi, alors qu'il est communément admis par tout le monde que la magie n'existe pas, il n'est pas rare de croiser des univers dans lesquels elle se manifeste. Et mieux encore : aucun des joueurs ne trouve alors son existence étrange ou improbable. Il en va de même pour les modèles de sociétés présentés, souvent utopiques. En jeu de rôle, toute considération de normalité, de possibilité ou d'impossibilité, est remise en cause, redéfinie selon des critères choisis pour présenter de l'intérêt.


Conclusion :

Il est possible de déduire ce qui définit le jeu de rôle et le différencie de n'importe-quel autre type de jeu. Dans le podcast Les théories du jeu vidéo peuvent-elles s'exporter au jeu de rôle, Romaric Briand dit considérer le jeu vidéo EVE Online comme un jeu de rôle, et sous-entend que la définition du jeu de rôle relèverait du paradoxe sorite. Hors, dans EVE Online, pas plus que dans n'importe-quel autre jeu vidéo, les joueurs ne peuvent prendre la décision de changer les propriétés physiques de l'univers. Celui-ci a été codé, et n'est plus soumis à la volonté des joueurs. À l'inverse, en jeu de rôle, n'importe quelle règle peut être dépassée par les joueurs pour peu qu'ils établissent un consensus dans ce sens (ce que j'appelle « faire la révolution » en jeu de rôle). Il s'agit donc d'un jeu entièrement politique.
Cependant, cette propriété n'est pas spécifique au jeu de rôle, mais s'étend à tous les jeux de société. Ainsi, au Monopoly par exemple, il est tout à fait possible de « faire la révolution » en enlevant, en rajoutant ou en modifiant des règles.
Ce qui est en revanche spécifique au jeu de rôle, c'est cette idée de société fictive dans la fiction vive, qui crée une sorte de mise en abîme politique.
Imaginons un jeu dans lequel les joueurs décrivent les actions d'un unique personnage sur son environnement. Chacun des joueurs a son mot à dire sur le comportement du personnage, ce qui en fait un personnage-individu ; il s'agit bien ici de fiction vive. Cependant, ce jeu-là ne serait pas un jeu de rôle, en ceci que puisqu'il n'y a qu'un seul personnage dans la fiction, il ne forme pas une société.

Nous voici donc avec une nouvelle définition du jeu de rôle : le jeu de rôle est un jeu dans lequel une société composée de joueurs-individus influe sur une société fictive composée de personnages-individus.

Nous avons beaucoup à apprendre du jeu de rôle. Il nous enseigne que toute règle établie peut être dépassée lorsqu'elle ne crée plus de consensus. En créant de la fiction vive, nous créons un cadre dans lequel il est possible d'inventer une nouvelle société et d'évoluer à l'intérieur. En analysant les fondations de la société que constitue une table de jeu de rôle, nous analysons les fondations de toute société. S'il est un loisir politique par essence, il s'agit du jeu de rôle. S'il est un combat que le jeu de rôle permet de mener plus que n'importe quel autre média, c'est celui contre l'hégémonie culturelle. Camarades rôlistes nous avons entre les mains le moyen de rendre les hommes acteurs de leur propre conscientisation.


Je crois qu'il y a de quoi répondre à la question que se posait Romaric dans un podcast Tu veux dire que le jeu de rôle serait de gauche ?
David Creel
 
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Re: Un système d'approbation

Message par Fabien | L'Alcyon » 12 Mai 2015, 00:02

Salut David !

Ne prends mon (notre?) silence pour du désintérêt, c'est plutôt que ton article est complexe ! Je m'y suis repris à plusieurs fois pour te répondre, je me lance cette fois-ci pour de bon.
Je dois dire que je suis loin des sujets sur lesquels je me sens d'habitude légitime (création de jeu, féminisme, quelques courants de philosophie), les sciences politiques ne sont pas mon fort. Néanmoins en te lisant, j'ai beaucoup pensé à un économiste que j'aime assez, J.R.Commons. Il fait partie du premier institutionnalisme, dans lequel l'on explique les institutions économiques et sociales comme des règles permettant aux humains d'interagir ensemble aisément et rapidement, sans avoir à dépenser de l'énergie à réfléchir et à repenser la règles. On ne change la règle que lorsque quelqu'un y voit un intérêt stratégique et demande qu'on investisse du temps et de l'énergie à la réviser.
En plus il débouche sur une conception très humaine et concrète de l'économie, ça fait du bien.
J'aime bien cette idée, qui se transpose facilement au jeu de rôle.
Si le sujet t'intéresse, je recommande beaucoup le livre L'économie politique de John R. Commons de Laure Bazzoli.

J'espère que ça t'aidera dans ta réflexion et je suis impatient d'en entendre plus sur ton jeu !
Fabien | L'Alcyon
 
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Re: Un système d'approbation

Message par David Creel » 14 Mai 2015, 02:33

Que de lecture !
Je viens de finir Le Maelstrom, article brillant s'il en est un, et certaines de ses théories vont carrément dans mon sens.
J'ai également écouté le podcast jeu de rôle et Politique, que j'ai découvert après l'écriture de cet article. Je l'ai trouvé très intéressant, mais très axé sur la politique dans la fiction vive et non sur la politique comme composante intrinsèque du jeu de rôle.
Je me suis replongé dans Lady Blackbird et Lady Rossa, avec le podcast Oneshot qui va avec, et il y a effectivement énormément d'idées intéressantes à l'intérieur. Cependant, les mécaniques visant à créer des rapports politiques entre les personnages sont directement liées aux personnages en eux-même, à leurs backgrounds respectifs. Or, je ne veux pas imposer ce genre de chose à la création de perso ; je veux que ces rapports se construisent quoi qu'il arrive, même s'ils ne sont pas prédéfinis à la base.
Je m'attaque bientôt à la Critique de la raison cynique, qui vient d'arriver chez moi.
L'ouvrage que tu me conseille m'intéresse énormément, je crois bien que je vais économiser sur ma prochaine bourse pour le rajouter sur ma table de chevet.
On m'a également parlé il y a quelques temps d'un petit livre portant le nom de l'Art d'avoir toujours raison, qui traite de la façon de mener un débat, et qui pourrait me donner des pistes.

Concernant mon projet plus directement, je réfléchis toujours à une idée pour reproduire la dynamique d'une mobilisation. En vérité, c'est horriblement compliqué : il y a tellement de paramètres à gérer que mon pauvre esprit de littéraire ne sait pas comment les agencer entre eux. L'opinion du public ? Le matériel utilisé pour la communication ? Le niveau de formation des militants ? Le succès/échec des précédents événements ?

Je travaille aussi sur un système de réaction de l'univers, à savoir faire en sort que chaque action (ou inaction) ait des conséquences à large échelle, pour obliger les joueurs à réfléchir à leur influence sur le monde. Je suis plutôt convaincu que d'autres créateurs ont inventés des systèmes allant dans ce sens, auriez-vous des exemples ?

D'un autre côté, mes caracs m'emmerdent profondément. Je ne sais pas pourquoi, je ne trouve rien de satisfaisant. Peut-être un système de traits, mais il n'y a pas grand chose qui m'inspire de ce côté-là...

Pour l'instant, je pars dans l'idée d'un jeu de rôle sans dés. Pour résoudre un noeud, on "analyse le rapport de forces", à savoir qu'on compare ce qui est en faveur du personnage et ce qui est en faveur de ce qui lui résiste. De son côté, le joueur a droit à une argumentation qui lui permet de faire évoluer le rapport de forces en sa faveur. Les points d'approbations d'ajoutent à ce rapport de forces. C'est simple, fun, et ça soutient le propos.

Je suis pour l'instant dans l'idée que mon jeu doit avoir un MJ traditionnel. Même s'il n'y a rien qui soutiendrait mieux mon propos que de permettre aux joueurs de s'écharper entre eux pour prendre le pouvoir sur la fiction, il me semble que toute l'expérience de jeu serait faussée si l'univers n'était pas neutre vis-à-vis des personnages. Je vais essayer de plancher pour trouver quels attributs traditionnellement réservés au MJ pourraient être conquis par les joueurs sans menacer cette neutralité, mais je n'ai encore jamais joué/lu un jeu sans MJ traditionnel.

Sinon, le petit détail sans importance : mon projet porte le nom provisoire de Système (#TrouveMoiSurGoogle).
David Creel
 
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