Premier vrai playtest à avoir son rapport de partie sur les Ateliers ! Je suis fier ^^
Merci à tous du temps que vous me consacrerez.
Conditions de la partie
Partie de type playtest: Méthodologie F. Sintes, le jeu était de type ii) Le jeu tient debout.
Joué le 21/12/15
Meneur : moi même
Profil des joueurs :
Des joueurs plutôt cérébraux et très analytiques (une prof de français et un chercheur en science), ce qui m'a incité en fin de partie à poser tout un tas de questions sur le design du jeu. Ce playtest m'a permis d'avoir un retour détaillé et intellectualisé de mon jeu, au détriment de retour sur le « feeling ».
Personnages :
Abil l'Ephèbe
Adam le Matelot
Un mot sur le jeu
Dans Terres de Sang, vous jouez des explorateurs, des pionniers, qui arpentent les terres étranges, exotiques et dangereuses du Nouveau Continent. Envoyés par le Grand Royaume, et bénis des Dieux par le Saint Ordre, vous foulez un sol inconnu en quête de gloire, de connaissance ou de rédemption. Cartographier, pacifier et coloniser les terres sauvages: voilà votre mission. Mais jusqu’où irez vous pour atteindre vos buts ? Au nom de quel dogme assoirez vous votre domination ? A moins que vous ne tourniez le dos à votre Patrie pour rejoindre la cause des Indigènes ? Bienvenue dans les Terres de Sang.
La fiction, comment elle a été jouée et les analyses des joueurs et de l'auteur
Pour faciliter la lecture, je mets un peu de couleur:
- La fiction en bleu
- Les détails sur le système en vert
- Le retour des joueurs et mes analyses en noir
- Mes questions aux membres de l'Ateliers, mes interrogations, bref ce qui ouvre la discussion avec vous en rouge
Les retours des joueurs ont été effectués après la partie mais je les intercale au milieu de la fiction pour le contexte.
On y va :
Deux jeunes hommes se présentent devant la cathédrale. Ils portent chacun un panier de fruits qu'ils déposent devant l'autel avec un signe de révérence. Le premier se nomme Abil, dit l'Ephèbe. Cartographe de père en fils, il a atteint le sommet de sa carrière non pas par ses talents mais pas son joli minois. Le second est son ami de toujours, Adam le Matelot. Ensemble, ils ont fait les 400 coups quand ils étaient jeunes, mais maintenant les choses sont devenues sérieuses : naviguer jusqu'au Nouveau Continent pour explorer, cartographier et coloniser les terres sauvages seraient leur prochaine mission. La Cérémonie de l'Offrance terminée, une charte d'exploration signée du Grand Roi et du Grand Pape leur est remise. Ils sont maintenant investis d'une mission sacrée et ils embarquent sur les flots, des idéaux plein la tête.
La création de personnage a été jouée dans la fiction. Chaque joueur pioche 6 cartes sur lesquels sont indiqués un aspect d'un Dieu qu'ils vénèrent. Par exemple, le joueur qui joue Abil a pioché la carte « Abilkin, le Constructeur, au marteau qui construit le monde ». Le meneur (moi) explique alors aux joueurs qu'Abilkin est le Dieu fondateur, créateur du monde, et que c'est donc le maître artisan absolu. Le joueur doit alors trouver un trait qui correspond à l'aspect divin qu'il a pioché. Abil sera donc cartographe : tout comme Abilkin, il construit à sa manière le monde. Les personnages sont donc définis avec 6 traits inspirés des aspects divins.
Les joueurs ont été satisfaits de la création de personnage. Les cartes sont assez évocatrices et c'est assez simple de trouver des traits correspondants, à partir du moment où le meneur explique bien les tenants et aboutissants du panthéon de l'univers. La création des personnages a durée 30 minutes, ce qui est dans les objectifs du jeu (je ne voulais pas de création de personnage à rallonge).
Question de l'auteur : Qu'évoque pour vous la contrainte des traits par les aspects divins que vous piochez ?
Réponse des joueurs : Les personnages sont contraints par la société et par leur croyances. Ils se définissent littéralement par les Dieux qu'ils vénèrent : ils n'ont pas d'identité propre en dehors du carcan social et religieux. Tout ce qui mérite d'être noté pour le personnage, leurs traits, est de l'ordre du divin.
Analyse de l'auteur : Parfait c'est bien ce que je voulais faire ressentir. J'avais peur que les aspects divins soient trop vagues, trop flous pour permettre aux joueurs de trouver des traits. Mais pour ces deux intellectuels, ça a l'air de passer. L'explication du meneur étant essentiel, il faudra que je rajoute dans la base de règles un maximum d'exemples.
Le voyage est long et fastidieux. Durant leur traversée de la Grande Mer, ils prennent le temps de faire connaissance avec le reste de l'expédition. Après plusieurs mois de voyage, nos héros arrivent à Port Espoir, le premier comptoir du Grand Royaume sur les terres inconnues. Contrairement à leurs attentes, Port Espoir n'est qu'un amas de maisonnettes, guère plus grand qu'un village de campagne en pleine effervescence. Ce n'est clairement pas le glorieux comptoir qu'ils avaient en tête. Ils sont accueillis par le Général Ephaïm, le dirigeant de la petite communauté. C'est à partir de Port Espoir que nos amis devront partir en expédition et le général leur fournira tout le nécessaire logistique à leur mission.
Après un repos mérité, Abil et Adam, accompagnés de quelques hommes de main, partent à l'aventure. Sous un soleil de plomb, nos héros s'engagent dans une jungle luxuriante, dense et humide. Leur équipement n'est pas du tout adapté au climat tropical et c'est avec un grand mal qu'ils avancent vers le sud. Au bout de quelques heures, l'expédition tombe sur un groupe d'indigènes. Ces derniers sont complètement nus et ne portent que quelques gris-gris. Leur peau sombre fait frémir lesexplorateurs. S'approchant avec prudence, Abil propose un panier de fruits aux autochtones. Après un moment d'incompréhension (à cause de la barrière de la langue), le présent est accepté et les indigènes demandent à l'expédition de les suivre jusqu'au village.
Première scène de conflit. Dans Terres de Sang, le meneur décrit les situations, propose des conflits et les joueurs y répondent en annonçant ce que font leur personnage et en lançant les dés. Les dés sont pris d'une réserve associée à un trait du personnage (il y a donc 6 réserves de dés, 1 par trait). En fonction des résultats des dés, c'est le joueur qui décrit les conséquence des actions de leur personnage. Par ailleurs, on peut sacrifier des dés pour augmenter le degré de réussite. Les dés sacrifiés ne sont plus utilisables par la suite. La réserve de dés associée à un trait s'amenuise donc au fur et à mesure des sacrifices.
Les joueurs ont apprécié le fait de pouvoir décrire les conséquences des actions. Ceci a permis d'ouvrir la fiction sur des choses que le meneur n'avait pas forcément prévues. Les joueurs font remarquer que cette méthode qui laisse beaucoup de liberté ne fonctionne qu'avec des joueurs de « bonne foi ». Je me demande alors s'il faut introduire un garde fou pour le meneur ou pour les joueurs afin de garder une certaine cohérence.
Question de l'auteur : Qu'avez vous ressenti lorsque vous avez sacrifié des dés ?
Réponse des joueurs : Rien. Tout juste de la peine. Les dés et leur sacrifice sont perçus de manière purement mécanique. La réserve de dés est associée à un trait qui diminue d'importance au fur et à mesure des sacrifices. En fait, ça signifie que le personnage perd peu à peu la définition que la société a imposé sur lui (il perd des dés dans les traits qui ont été définis par des attributs divins). C'est alors que les joueurs réalisent le sens du sacrifice ! Ils ont dû formuler, verbaliser et analyser le système pour comprendre ce qu'il y a derrière. Effectivement, les personnages changent lorsqu'ils sont confrontés aux terres sauvages et le carcan de la société qu'ils ont quitté ne s'applique plus sur le Nouveau Continent.
Analyse de l'auteur : C'est très bien que les joueurs aient vu après coup les intentions que j'ai mises dans le système. Par contre, durant la partie, cet aspect a été complètement occulté au profit d'une approche très « gestion de ressource ». De plus, les joueurs sont très « cérébraux », ils aiment analyser les choses et c'est pour cela qu'ils ont vu les dessous du système, mais à posteriori. Des joueurs qui ne fonctionneraient que au « feeling » seraient passés à côté, je pense (?). Comment faire pour inciter les joueurs à ressentir le sacrifice de dés comme la perte de valeur inculquée par la société ? Je pensais justement que le système de sacrifice ferait son office mais apparemment ce groupe ne l'a pas ressenti comme ça.
Remarque supplémentaires des joueurs : Du coup, si le système pousse à sacrifier des valeurs que la société inculte aux personnages, comment les autres personnages le perçoivent-ils ? Le système de sacrifice pousse à l'introspection, certes. Mais il faudrait quelque chose pour que les autres personnages le ressentent aussi : en effet, le personnage qui sacrifice des dés abandonne petit à petit ses valeurs; mais les autres personnages, eux, ne voient qu'une personne qui ne respecte pas les Dieux et les principes de la société.
Analyse de l'auteur : Remarque très juste ! Comme quoi il est pertinent notre chercheur (lol) ! Je ne sais pas s'il faut vraiment introduire une mécanique qui permette aux autres joueurs de ressentir qu'un personnage abandonne les valeurs du Grand Royaume. Quelque chose en moi dit oui (ça serait énorme!), mais je ne sais pas vraiment comme l'implémenter... Y-a-t-il des systèmes similaires dans d'autres jeux ? Par ailleurs, peut on vraiment contraindre le regard des joueurs sur un personnage. Si cela va trop loin, ça peut (peut être) conduire à l'isolement du joueur en plus du personnage. Je suis très perplexe.
Le village des indigènes est construit par dessus d'anciennes ruines aux pierres recouvertes de végétation. Les petites cahutes de bois sont bâties à même les anciennes pierres et c'est une sorte de village improbable qui se dresse devant nos héros. Ces derniers sont amenés dans l'une des maisonnettes. Après un instant, une femme qui semble être la chef du village se présente devant les aventuriers. Adam tente de se faire comprendre en effectuant quelques gestes mais malencontreusement, l'un des signes semble vexer la chef qui demande alors à ses hommes de défaire les membres de l'expédition de leurs armes. Les hommes de main résistent et une altercation éclate. Grâce au sourire et aux gestes d'apaisement d'Abil, aucun mort n'est à déclarer et les esprits se calment. Nos héros sont néanmoins ligotés et faits prisonniers. Le soir tombe sur le village et un grand feu de joie est allumé au milieu des ruines. Nos aventuriers sont alors appelés à prendre place (toujours attachés) parmi les indigènes.
Deuxième scène de conflit, qui inclue une scène de conflit armé. Les joueurs ont apprécié le fait qu'il n'y ait pas de tour d'initiative, et que la parole/les gestes et les armes ont le même pouvoir narratif : puisque ce sont les joueurs qui décrivent les conséquences d'un jet de dés, il est autant possible de raisonner l'adversaire que de le vaincre par la force.
Globalement, les joueurs ont apprécié la partie, bien qu'elle soit trop courte (nous avons joué 1h30, dont 30 minutes de création de personnage). Les remarques très analytiques des joueurs m'ont permis de mettre le doigt sur quelques problèmes du jeu. Je reste perplexe quant au ressenti que les joueurs ont eu vis à vis du système. C'est dur de faire ressentir quelque chose par le système ! J'ai hâte de rejouer avec un groupe au profil différent (je me mets en recherche d'un groupe plus « émotionnel ».
Merci par avance de vos retours et merci pour le temps que vous me consacrerez.
A très bientôt !
Angel