Pour le développement de vos jeux ou pour discuter de théorie
25 Jan 2017, 11:35
Bonjour à tous !
Nous avons donc fait une partie de Terres de Sang par hangout lundi dernier. J'en livre un compte rendu sur mon
blog.
Globalement je suis satisfait de la partie car elle a permis de consolider les bases du jeu tout en questionnant les zones encore floues.
Je me pose encore pleins de questions et celle-ci (proposée par Thomas) me laisse un peu sur ma faim. Je la partage donc ici.
D'après vous, quelles formes peuvent prendre des techniques pour éviter qu'un joueur/personnage soit dépossédé d'un choix moral ?Dans Terres de Sang, l'apogée d'un arc personnel est une scène ou on propose au personnage un choix moral qui questionne ses convictions. Dans la majorité des cas, ce choix n'impliquent pas d'autres personnages joueurs. Dans la partie de lundi, un cas s'est présenté où:
- un personnage a le choix de sacrifier un compagnon pour atteindre le savoir absolu
- les autres personnages ont essayé de s'interposer
Dans ce cas, le joueur du premier personnage risque d'être dépossédé de son choix si les autres interviennent. Pourtant la solution (de facilité) de dire qu'il est interdit de s'interposer me pose quelques soucis.
Du coup, vous avez des retours dans le domaine ?
Merci par avance du temps que vous me consacrerez. A bientôt !
25 Jan 2017, 11:51
Hello !
La question m'intéresse, mais est-ce que tu peux contextualiser un peu plus ? Par exemple, je ne comprends pas pourquoi le personnage avait cette possibilité là alors que ce sont les autres joueurs qui cadrent le dilemme.
25 Jan 2017, 12:20
dans cette partie, c'est moi qui en cadrant ait suggéré au personnage d'Enzo qu'on pouvait atteindre le savoir absolu en procédant à un sacrifice. A ce stade, comme j'avais beaucoup fait agir mon personnage auparavant et que le temps nous était compté, j'ai décrété que mon personnage, Caprice, tombait dans une fièvre alternant les passages de délire et de coma. Une fois mon personnage désactivé, je me sentais plus de licence à cadrer pour les autres. J'en arrive donc à indiquer au personnage d'Enzo qu'il y a un autel sacrificiel et un couteau et que Caprice ferait une victime sans défense. Pour rendre la chose plus tentante, je sous-entend que Caprice est peut-être mourante de toute façon (sans l'affirmer de façon catégorique). Le personnage d'Enzo est très tenté de sacrifier Caprice pour accéder au savoir absolu, parce que c'est un architecte et cette quête de savoir lui parle beaucoup.
C'est là que les deux autres personnages (Adriel et Christian), qui étaient pourtant occupé par ailleurs, s'interposent et demandent à Enzo ce qu'il mijote : pourquoi a-t-il posé Caprice sur l'autel ? Pourquoi tient-il un couteau de cérémonie ?
Voici comment (en l'absence de directives du système) on a résolu la chose : finalement la joueuse d'Adriel et le joueur de Christian ont concédé de la sorte : ils ont laissé Enzo procéder au sacrifice en sous-entendant que leurs personnages n'étaient pas assez rapides pour l'en empêcher. Donc le joueur de Christian est resté seul concerné par son dilemme.
Dans Inflorenza Minima, on aurait pu avoir exactement le cas de figure. Le système nous aurait offert deux options pour trancher :
+ Option N°1 : on joue un conflit au vote. A quelques nuances près, c'est le camp où il y a le plus de joueuses qui l'emporte. Dans notre cas : Adriel + Christian contre Enzo, Enzo aurait été maîtrisé sans pouvoir commettre son sacrifice. Le joueur aurait été dépossédé de son dilemme au profit d'un dilemme de groupe.
+ Option N°2 : on joue toujours un conflit au vote, mais le camp qui remporte le vote doit accepter de payer un prix pour valider sa victoire. Dans notre cas : on aurait pu dire, par exemple que la foudre des dieux se serait abattu sur quiconque veut empêcher un sacrifice. On est toujours sur un dilemme de groupe mais chaque joueuse est impliquée avec la même intensité, ce qui revient à dire que chaque joueuse a son propre dilemme personnel à gérer.
25 Jan 2017, 15:27
Thomas, je remarque que tu as rendu le sacrifice de Caprice plutôt facile : elle risque de mourir, elle n'oppose pas de résistance physique, il y a un autel et un couteau juste à côté, et la récompense est énorme (le savoir ultime désiré par l'architecte). Enzo avait-il une répugnance particulière à tuer ses semblables ? S'il n'y a rien de tel sur sa fiche ou dans la fiction, j'aurais tendance à dire que le sacrifice est facile à faire - sans engagement particulier de lae joueur-se ("Les forts protègent les faibles, et ainsi va le monde"), la difficulté qu'il y a à prendre une vie dans un contexte comme celui de Terres de sang ne fournit plus un enjeu si fort que ça.
Si le personnage ne faisait pas montre d'une empathie particulière, j'ai l'impression que dans votre scène, le fait d'avoir envisagé que les autres personnages pourraient s'interposer constituait une partie du dilemne. Le dilemne n'est donc plus "l'architecte va-t-il aller jusqu'à sacrifier une vie pour atteindre son objectif ?" mais "l'architecte osera-t-il affronter ses camarades pour atteindre son objectif ?". Auquel cas, le dilemne aurait gagné à être ainsi reformulé, ainsi que les conséquences précises de l'opposition, et il revient bien à lae joueur-se d'Enzo de trancher.
Sinon, si la difficulté porte sur le fait de prendre une vie, j'aurais cherché à cadrer en excluant les autres personnages : Enzo peut faire le sacrifice tandis que les autres ont le dos tourné, l'autel est loin dans la jungle et il y va en prétextant chercher un remède particulier, etc. Ce qui me mène à une autre question : Simon, d'où vient la gêne des joueur-ses, pour ce qui est de s'interposer ? Je vois deux possibilités de natures assez distinctes en fait :
* soit parce que les personnages sont proches et ne laisseront pas faire le sacrifice, donc les joueur-ses sont mal à l'aise à l'idée de jouer leurs personnages qui n'ont pas empêché le sacrifice d'une personne ; auquel cas, les simples solutions narratives (le sacrifice se fait à l'écart, le temps manque...) suffisent
* soit parce que les joueur-ses sont contre l'idée que Caprice disparaisse de l'histoire, par exemple parce qu'ils ont un arc narratif irrésolu avec elle ; là, c'est un peu plus délicat.
Si c'est ce dernier cas, et que Simon tu cherches à écrire une règle pour gérer ces problèmes, le choix que tu fais ne peut pas être neutre. On pourrait considérer que le cadrage va (tant que, par exemple, lae joueur-se de Caprice est OK) et que les autres joueur-ses n'ont pas forcément à faire de plans sur la comète vis à vis de Caprice, mais à laisser l'histoire se dérouler. Mais il y a beaucoup d'autres solutions et celle-ci ne résout pas tout. Il me semble juste qu'elle est cohérente avec l'impression que j'avais de Terres de sang comme d'un jeu où chacun est seul, douloureusement seul face à sa morale et ses principes.
30 Jan 2017, 11:20
Bonjour à tous !
Désolé pour la réponse tardive, mais j'étais occupé par ailleurs.
Merci pour vos réponses.
@Thomas: merci pour les insights de Inflorenza. J'aime bien l'option 2 :) Je la piquerai peut être à l'occasion pour tester.
@Kf:
Enzo avait-il une répugnance particulière à tuer ses semblables ?
J'aurai tendance à dire oui: il a été présenté comme un homme de "civilisation", effrayé par les sacrifices des fresques.
le dilemme aurait gagné à être ainsi reformulé, ainsi que les conséquences précises de l'opposition, et il revient bien à lae joueur-se d'Enzo de trancher
Je suis d'accord avec toi sur le fait que le dilemme aurait pu être reformulé. Ceci dit, en jeu, le besoin ne s'est pas imposé à nous.
Il me semble juste qu'elle est cohérente avec l'impression que j'avais de Terres de sang comme d'un jeu où chacun est seul, douloureusement seul face à sa morale et ses principes.
Merci pour le conseil kf. Je vais y réfléchir. Je souligne le fait que tu as tout à fait saisi ce que j'ai voulu mettre dans Terres de Sang.
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