[Sphynx] Cocons
Publié : 03 Juin 2014, 18:29
COCONS
Joué le 28/05/2014 avec la version playtesteur d’avril 2014. Joueurs : Gaëlle (Andrea de la Cueva, linguiste), Catherine (Eleah Jones, anthropologue), David (Cyrano O'Connor, astrologue)
A l’occasion d’une séance de jeu de rôle improvisée, j’ai pu faire jouer Sphynx plus tôt que je ne l’espérais ! Nous avons fait une séance de 2h3/4 (1/2 h briefing+création de perso + 2h1/4 de jeu), avec le code de révélation calibré pour une partie courte.
Lors du briefing, j’ai présenté le jeu comme « une exploration de ruines mystiques », en citant Prometheus, The Fountain, La Nuit des Temps de Barjavel… et en mettant l’accent sur le fait que ce n’était ni du Indiana Jones ni du Tomb Raider. Plutôt qu’on jouait Jackson dans la série Stargate (la première). J’ai tâché de jouer autant by the book que possible, que les règles me plaisent ou non. Et j’ai également informé mes joueurs que c’était un playtest, leur demandant de réserver leurs critiques pour le debriefing, mais de me poser autant de questions que nécessaire durant le jeu.
Je voulais laisser aux joueurs le choix de la ruine avant de créer leurs personnages, aussi je leur ai lu la révélation 1 de chaque ruine, et pour aider à la mémorisation, j’ai improvisé un terme synthétique pour chaque ruine qui ne spoile pas (la ville-jardin pour Les Jardins Eternels, les ruines d’avant l’humanité pour Cocons, etc…). Leur choix s’est porté sur Cocons, l’idée d’explorer des ruines plus vieilles que l’humanité les tentait.
Spécialités :
Eleah Jones, anthropologue (Catherine a fait des études d’anthropologie), Andrea de la Cueva, linguiste (Gaëlle est prof d’espagnol), Cyrano O’ Connor, ufologue (David a été enlevé par des extraterrestres dans sa jeunesse… non, je déconne).
Au départ, Gaëlle et Catherine voulaient toutes deux être anthropologues, mais elles ont convenu que c’était plus intéressant de varier, et je leur ai rappelé qu’elles pouvaient avoir des connaissances dans toutes les sciences qu’elles voulaient.
Questions métaphysiques :
J’ai été un peu mal à l’aise pour présenter le concept de la question métaphysique, mes joueurs (Catherine et David sont des vétérans de mes tables, Gaëlle n’avait fait qu’une ou deux parties de JDR avant ça) avaient plus un profil JDR=fun (j’avoue que mon autre groupe de jeu aurait été davantage client, mais j’avais l’occasion de playtester assez tôt pour que ça soit utile à Fabien, je l’ai saisie), et de mon côté, je ne savais pas comment leur vendre le truc. Du coup, j’ai dit que les personnages aimaient bien « se prendre la tête avec des questions existentielles ». Je leur ai lu la liste de questions métaphysiques. Catherine et Gaëlle ont pioché dedans, David en a inventé une. Gaëlle a demandé si elle pouvait garder sa question métaphysique, je lui ai dit que le texte ne l’interdisait pas, mais finalement elle est restée sur une question publique (et je réalise que ça m’a simplifié la vie pour le gain de point de voyage lié aux questions métaphysiques).
Questions métaphysiques :
Eleah Jones :
Qu’est-ce qu’un être humain ? Il y a-t-il une destinée à l’humanité ?
Andrea de la Cueva :
La liberté existe-t-elle ou sommes-nous condamnés au déterminisme ? La liberté peut-être s’acquérir ? Si oui, comment ?
Cyrano O’Connor :
Y a-t-il des intelligences extraterrestres ? Comment réagir face à une telle rencontre ? Pacifiquement… ou violemment ?
Les questions d’Eleah et de Cyrano me paraissent extrêmement lié à la révélation 1 des ruines que j’ai choisies : on voit sensiblement l’influence de présenter les ruines avant de créer les persos. Je ne sais pas si j’ai trahi l’esprit du jeu en faisant ainsi (somme toute, le texte ne précise pas s’il faut créer les persos avant ou après la présentation 1). Quand à la question d’Andrea, qui n’a pas de lien avec la révélation 1, elle s’est avérée très pertinente dans la confrontation avec les habitants des ruines.
Assistants :
Seamus, garde du corps d’Eleah Jones / Reinhardt, allemand, paramilitaire, assistant d’Andrea de la Cueva / Eve, assistante de Cyrano O’Connor avec katana => que des assistants "musclés" : j’ai eu beau prévenir les joueurs qu’on ne faisait pas de l’Indiana Jones, l’intro de la ruine était trop lovecraftienne pour ne pas les inciter à la prudence. D’ailleurs, c’est très amusant : dans ce jeu où l’adversité est purement cosmétique (i.e. la résistance se place sur la découverte des révélations, pas sur l’adversité), le fait que les PJ se soient déplacés avec une équipe suréquipée et surarmée a teinté la partie, a appelé l’adversité (ainsi, je me suis surpris à décrire les Anges plus maléfiques que je ne voulais). Sinon, on a vaguement envisagé un instant qu’Andrea ait pu entretenir plus que de l’amitié avec Reinhardt mais cette idée est morte-née car je ne sentais pas que les joueurs étaient là pour sortir de leur zone de confort, on n’avait pas fait de contrat social au préalable (et donc, vu que j’avais une inconnue à ma table, je partais implicitement sur du « personne ne sera blessé »), donc on n’a pas du tout creusé dans ce sens.
Liens entre les PJ :
Vu le profil de ma table, je crois que ça ne les intéressait pas d’approfondir les relations entre leurs persos, ils avaient surtout envie d’explorer, donc on y a réfléchi deux minutes et on a abdiqué. Bref, c’était pas le soir pour faire du soap
Fiction :
Les PJ débarquent devant les ruines. Je leur demande de quoi est constitué leur équipage, ils me répondent : un fort parti de paramilitaires occidentaux, quelques savants occidentaux et des guides membres de diverses tribus ethiopiennes.
Les ruines ont été révélées par un tremblement de terre sur un haut plateau aride de pierre rouge, creusé de canyons. Des reliefs rouges sont sortis de terre. Vu de satellite, elles ont la forme d’un papillon. Vues d’homme, elles se confondent presque avec les a-pics rocheux du plateau, on pourrait passer à côté sans les remarquer. Le seul vrai signe extérieur de construction artificielle est une immense ouverture béante, à taille de géant, sans porte, et sur le fronton un symbole de papillon. Cyrano fait installer un échafaudage et appuie sur le papillon, ce qui déclenche un nouveau tremblement. « les ruines s’éveillent, c’est une très mauvaise chose » protestent les guides ethiopiens avant de déserter l’expédition. Le seul ethiopien qui reste est Nalo. Il fait partie de la dernière tribu à vouer un culte aux Anges. Il est très maigre, son regard est intense, il porte un pagne archaïque, comme plus personne n’en porte depuis mille ans. Il parle aux PJ de la méditation, de comment elle permet de s’élever au dessus de la conscience humaine. Il est très inquiétant, mais les PJ insisteront pour l’avoir avec eux jusqu’au bout, et lui poseront beaucoup de questions (glanant ainsi des points de Voyage). Andrea remarque que l’endroit grouille de chenilles rouge (elle récupère un jeton pour cette invention), Nalo explique qu’en consommer fait partie de son rituel. Il fait un parallèle entre l’éveil lié à la méditation et la chrysalide qui s’ouvre.
Les PJ font entrer les paramilitaires en premier et leur emboîtent le pas. Ils constatent que l’intérieur des ruines a la forme d’un papillon (le « corps » du papillon correspond à l’immense hall par lequel ils entrent, les « ailes » du papillon sont des chambres qui communiquent entre elle, la « tête » du papillon est derrière une grande porte portant un symbole étrange, d’où émane un courant d’air frais.
Les PJ ont décidé de visiter les ruines ailes par ailes, pour finir par la tête. Réflexe de dungeon crawling typique (et j’en ai fait pas mal avec David et Catherine), pas forcément compatible avec l’intention du jeu, mais c’est lié au fait que j’ai dessiné un plan. En même temps, je ne me faisais pas de souci, dès le départ j’avais dessiné un plan volontairement simpliste, sur le principe très efficace du donjon en 5 pièces (tout le plaisir des donjons sans l’ennui qui va avec). Et j’ai improvisé le contenu des ailes au fur et à mesure que les PJ les visitaient, plaçant mes révélations sur le chemin comme des petits cailloux.
Pour placer mes révélations, je suis soit parti des créations des joueurs (quand Andrea déclare trouver des inscriptions, je lui décris des premières glyphes mentionnant un culte opposé aux Anges, qui sont barrées, et remplacées par des glyphes mentionnant une vénération des Anges), soit j’ai placé des indices (ainsi, dans la première aile, ils découvrent des alcôves contenant les corps suicidés des pré-humains, on a joué quelque scènes sur l’analyse de leurs ossements, la découverte de l’arme du suicide : une épée en pierre), et j’attendais que les joueurs fassent des suppositions pour leur donner des jetons. Quand ils se plantaient large, un PNJ de l’équipe ou Nalo les recadrait. Une fois ou deux, ils tombaient pile alors je balançais la révélation sans donner de jeton. En général, leurs suppositions étaient entre les deux, alors ils avaient droit à un jeton.
Dans la deuxième aile, les PJ découvrent deux autres éthiopiens de la tribu de Nalo : un homme et une femme. L’homme est entré en méditation, mais il a fait une mauvaise prière (même Nalo, le plus avancé de sa tribu, ignore le contenu de la prière parfaite), alors il est mort et dans son crâne une chrysalide d’or s’est formée, mais elle est trop épaisse et n’arrive pas à s’ouvrir). La femme est vivante, car elle ne voulait pas mourir alors elle a fait semblant de prier, aucune chrysalide ne s’est formée dans son crâne. Cyrano décrète que son équipe dispose d’un équipement médical de ouf (vive le partage de responsabilités large !). Ils extraient la chrysalide du crâne de l’éthiopien, et la placent dans un aquarium de chirurgie en verre blindé. Ils dépiautent la chrysalide, et ainsi nait le premier Ange-éprouvette ! L’angelot se heurte aux parois violemment. Cyrano passe le bras pour prélever un échantillon de l’angelot, mais l’angelot lui arrache le bras. Ils discutent avec l’angelot, mais celui-ci est clairement maléfique. Il dit que les humains doivent accepter leur condition, qui est de donner naissance aux Anges au mépris de leur propre vie. Et que les Anges écraseront tous ceux qui s’y opposent. Les PJ découvrent que les ruines disposent de sas de pierre portant un symbole qui barre le passage aux Anges. Ils enferment ainsi l’angelot dans une aile.
Dans une autre aile, ils trouvent la vraie prière sur les murs. Ils se méfient encore plus de Nalo. Ils le ligotent, lui bandent les yeux et lui mettent un écouteur sur les oreilles avec du Britney Spears à fond pour l’empêcher de méditer. Guantanamo style. Andrea finit par se familiariser avec les écritures des pré-humains, elle comprend que la glyphe de la salle principale et des autres sas protègent contre les Anges (le texte de jeu parle de pièges, je me suis contenté d’une glyphe de protection, je voulais des ruines sobres). Les PJ se demandent ce qu’il y a dans la salle principale pour qu’il y ait un tel dispositif de protection. Je leur dis qu’ils peuvent payer des jetons pour le savoir sans entrer, alors ils comprennent qu’il y a un Ange adulte derrière.
Il me semble qu’ils exécutent Nalo mais qu’ils laissent partir l’éthiopienne. Ils trouvent un bouton pour que les ruines retournent sous terre et l’actionnent en sortant. Puis ils se mettent en chasse de la tribu de Nalo pour l’exterminer.
Questions / commentaires :
+ termes pas adaptés : Eveil (je l’aurai plus employé pour les PJ que pour les ruines) / Voyage (justement j’aurais préféré Eveil à la place)
+ j’aurais aimé des nom de ruines qui ne spoilent pas : pour laisser le choix des ruines aux joueurs, j’ai dû inventer d’autres noms
+ Chrysalides m’aurait paru plus élégant que Cocons.
+ le principe des vies antérieures n’est pas encouragé par le système, alors j’ai préféré ne pas en parler. J’ai envisagé de le révéler en cours de jeu, mais je n’en ai pas eu l’occasion, encore une fois parce que le système ne l’encourageait pas.
Serait-il possible d’exploiter ce thème en l’annonçant cash aux joueurs, en donnant des points de voyage pour les descriptions de vie antérieure, ou en prévoyant des ruines spécialisées sur le thème ?
+ methode pour gagner des jetons et des pts de voyage très différente d'un joueur à un autre (gaëlle, joueuse débutante, a été très créative : je découvre des écritures, je découvre un bouton sur le mur, je vois une ombre passer...)
+ spécifier à quelle époque on joue ? (on a fait jouer contemporain, et même presque SF au vu du matériel que demandaient les joueurs. Mais on aurait tout aussi pu prendre une ambiance coloniale)
+ remarque de gaëlle : suivant les personnages qu'on choisit, ça change du tout au tout. J’aurais été curieuse de voir ce qu’auraient donné les ruines avec des autres personnages.
+ j'ai été assez généreux sur les jetons / pts de voyage. Combiné au fait que j’avais choisi la configuration la plus facile pour jouer court et que j’ai fait au moins deux révélations gratuites parce que j’aime les parties rythmées et que les joueurs n’avaient pas le réflexe de dépenser leurs jetons, c’était facile d’acheter les révélations, les joueurs ont même eu cinq ou six jetons de rab à la fin. Mais j'en ai donné bcp moins à catherine. Je crois que c’était dû à notre position sur la table. Petite table de cuisine, moi sans écran sur une longueur avec david à ma gauche, gaëlle en face de moi et catherine à droite de gaëlle). Autrement dit, comme Catherine était plus éloignée que les deux autres, j’avais plus de difficulté à prêter attention à ses apports (d’autant que Sphynx ne cadre pas le temps de parole, alors quand elle parlait en même temps que Gaëlle et David, je ne l’entendais pas.). C’est symptomatique dans ce CR, ou je n’arrive pas à citer ce que fait son perso, car je ne m’en rappelle tout simplement pas ! Cette asymétrie du don de jetons/points a tout simplement nui au plaisir de jeu de Catherine, et au mien car finalement, ça ne me plaisait pas de jouer le rôle du maître d’école qui distribue les bons points. Et si on proposait un mécanisme de dons de jetons entre joueurs comme dans prosopopée ? Telle quelle, la mécanique de dons de jetons me paraît encourager une démarche ludiste, alors que le jeu dans son ensemble me paraît rechercher une démarche simulationniste. Positionne-tu ton jeu sur le modèle GNS, et si oui, vers quelle démarche ? C’est une question complexe. Je crois que le don de jetons assure une fiction cohérente avec tes intentions, mais comme c’est le MJ qui les distribue, ça induit une compétition entre joueurs qui ne me paraît pas adaptée.
+ les joueurs ont trouvé que les assistants étaient peu utiles. Pour ma part, je crois qu’ils gagnent de la saveur en campagne ou en jeu long.
+ bonne surprise : il y a eu plus d'enjeux fictionnels que j'en aurai imaginé. Je croyais que le jeu serait très contemplatif et qu’on s’ennuierait un chouïa, ça n’a pas du tout été le cas. La partie fut excellente, que mes commentaires précédents ne viennent pas entâcher ce constat. Le fait que l’adversité n’était pas techniquée ne nous a pas empêché d’en mettre en scène de façon crédible.
+ En règle générale, ce jeu fournit une excellente réflexion sur la rétention / fascination et les mécaniques de révélations, et sur l’improvisation à partir d’un canevas lâche et fluctuant. Idéal pour un MJ comme moi qui ne scénarise plus, qui aime le rythme et qui aime mener les enquêtes au pas de course en révélant les indices dès que ça coince.
Playlist :
Pink floyd / Ummagumma (space rock, ambient de pyramides)
Nadja / Under the jaguar san (drone précolombien)
Nine inch nails / Ghosts I-IV (dark ambient / electro aride)
Joué le 28/05/2014 avec la version playtesteur d’avril 2014. Joueurs : Gaëlle (Andrea de la Cueva, linguiste), Catherine (Eleah Jones, anthropologue), David (Cyrano O'Connor, astrologue)
A l’occasion d’une séance de jeu de rôle improvisée, j’ai pu faire jouer Sphynx plus tôt que je ne l’espérais ! Nous avons fait une séance de 2h3/4 (1/2 h briefing+création de perso + 2h1/4 de jeu), avec le code de révélation calibré pour une partie courte.
Lors du briefing, j’ai présenté le jeu comme « une exploration de ruines mystiques », en citant Prometheus, The Fountain, La Nuit des Temps de Barjavel… et en mettant l’accent sur le fait que ce n’était ni du Indiana Jones ni du Tomb Raider. Plutôt qu’on jouait Jackson dans la série Stargate (la première). J’ai tâché de jouer autant by the book que possible, que les règles me plaisent ou non. Et j’ai également informé mes joueurs que c’était un playtest, leur demandant de réserver leurs critiques pour le debriefing, mais de me poser autant de questions que nécessaire durant le jeu.
Je voulais laisser aux joueurs le choix de la ruine avant de créer leurs personnages, aussi je leur ai lu la révélation 1 de chaque ruine, et pour aider à la mémorisation, j’ai improvisé un terme synthétique pour chaque ruine qui ne spoile pas (la ville-jardin pour Les Jardins Eternels, les ruines d’avant l’humanité pour Cocons, etc…). Leur choix s’est porté sur Cocons, l’idée d’explorer des ruines plus vieilles que l’humanité les tentait.
Spécialités :
Eleah Jones, anthropologue (Catherine a fait des études d’anthropologie), Andrea de la Cueva, linguiste (Gaëlle est prof d’espagnol), Cyrano O’ Connor, ufologue (David a été enlevé par des extraterrestres dans sa jeunesse… non, je déconne).
Au départ, Gaëlle et Catherine voulaient toutes deux être anthropologues, mais elles ont convenu que c’était plus intéressant de varier, et je leur ai rappelé qu’elles pouvaient avoir des connaissances dans toutes les sciences qu’elles voulaient.
Questions métaphysiques :
J’ai été un peu mal à l’aise pour présenter le concept de la question métaphysique, mes joueurs (Catherine et David sont des vétérans de mes tables, Gaëlle n’avait fait qu’une ou deux parties de JDR avant ça) avaient plus un profil JDR=fun (j’avoue que mon autre groupe de jeu aurait été davantage client, mais j’avais l’occasion de playtester assez tôt pour que ça soit utile à Fabien, je l’ai saisie), et de mon côté, je ne savais pas comment leur vendre le truc. Du coup, j’ai dit que les personnages aimaient bien « se prendre la tête avec des questions existentielles ». Je leur ai lu la liste de questions métaphysiques. Catherine et Gaëlle ont pioché dedans, David en a inventé une. Gaëlle a demandé si elle pouvait garder sa question métaphysique, je lui ai dit que le texte ne l’interdisait pas, mais finalement elle est restée sur une question publique (et je réalise que ça m’a simplifié la vie pour le gain de point de voyage lié aux questions métaphysiques).
Questions métaphysiques :
Eleah Jones :
Qu’est-ce qu’un être humain ? Il y a-t-il une destinée à l’humanité ?
Andrea de la Cueva :
La liberté existe-t-elle ou sommes-nous condamnés au déterminisme ? La liberté peut-être s’acquérir ? Si oui, comment ?
Cyrano O’Connor :
Y a-t-il des intelligences extraterrestres ? Comment réagir face à une telle rencontre ? Pacifiquement… ou violemment ?
Les questions d’Eleah et de Cyrano me paraissent extrêmement lié à la révélation 1 des ruines que j’ai choisies : on voit sensiblement l’influence de présenter les ruines avant de créer les persos. Je ne sais pas si j’ai trahi l’esprit du jeu en faisant ainsi (somme toute, le texte ne précise pas s’il faut créer les persos avant ou après la présentation 1). Quand à la question d’Andrea, qui n’a pas de lien avec la révélation 1, elle s’est avérée très pertinente dans la confrontation avec les habitants des ruines.
Assistants :
Seamus, garde du corps d’Eleah Jones / Reinhardt, allemand, paramilitaire, assistant d’Andrea de la Cueva / Eve, assistante de Cyrano O’Connor avec katana => que des assistants "musclés" : j’ai eu beau prévenir les joueurs qu’on ne faisait pas de l’Indiana Jones, l’intro de la ruine était trop lovecraftienne pour ne pas les inciter à la prudence. D’ailleurs, c’est très amusant : dans ce jeu où l’adversité est purement cosmétique (i.e. la résistance se place sur la découverte des révélations, pas sur l’adversité), le fait que les PJ se soient déplacés avec une équipe suréquipée et surarmée a teinté la partie, a appelé l’adversité (ainsi, je me suis surpris à décrire les Anges plus maléfiques que je ne voulais). Sinon, on a vaguement envisagé un instant qu’Andrea ait pu entretenir plus que de l’amitié avec Reinhardt mais cette idée est morte-née car je ne sentais pas que les joueurs étaient là pour sortir de leur zone de confort, on n’avait pas fait de contrat social au préalable (et donc, vu que j’avais une inconnue à ma table, je partais implicitement sur du « personne ne sera blessé »), donc on n’a pas du tout creusé dans ce sens.
Liens entre les PJ :
Vu le profil de ma table, je crois que ça ne les intéressait pas d’approfondir les relations entre leurs persos, ils avaient surtout envie d’explorer, donc on y a réfléchi deux minutes et on a abdiqué. Bref, c’était pas le soir pour faire du soap
Fiction :
Les PJ débarquent devant les ruines. Je leur demande de quoi est constitué leur équipage, ils me répondent : un fort parti de paramilitaires occidentaux, quelques savants occidentaux et des guides membres de diverses tribus ethiopiennes.
Les ruines ont été révélées par un tremblement de terre sur un haut plateau aride de pierre rouge, creusé de canyons. Des reliefs rouges sont sortis de terre. Vu de satellite, elles ont la forme d’un papillon. Vues d’homme, elles se confondent presque avec les a-pics rocheux du plateau, on pourrait passer à côté sans les remarquer. Le seul vrai signe extérieur de construction artificielle est une immense ouverture béante, à taille de géant, sans porte, et sur le fronton un symbole de papillon. Cyrano fait installer un échafaudage et appuie sur le papillon, ce qui déclenche un nouveau tremblement. « les ruines s’éveillent, c’est une très mauvaise chose » protestent les guides ethiopiens avant de déserter l’expédition. Le seul ethiopien qui reste est Nalo. Il fait partie de la dernière tribu à vouer un culte aux Anges. Il est très maigre, son regard est intense, il porte un pagne archaïque, comme plus personne n’en porte depuis mille ans. Il parle aux PJ de la méditation, de comment elle permet de s’élever au dessus de la conscience humaine. Il est très inquiétant, mais les PJ insisteront pour l’avoir avec eux jusqu’au bout, et lui poseront beaucoup de questions (glanant ainsi des points de Voyage). Andrea remarque que l’endroit grouille de chenilles rouge (elle récupère un jeton pour cette invention), Nalo explique qu’en consommer fait partie de son rituel. Il fait un parallèle entre l’éveil lié à la méditation et la chrysalide qui s’ouvre.
Les PJ font entrer les paramilitaires en premier et leur emboîtent le pas. Ils constatent que l’intérieur des ruines a la forme d’un papillon (le « corps » du papillon correspond à l’immense hall par lequel ils entrent, les « ailes » du papillon sont des chambres qui communiquent entre elle, la « tête » du papillon est derrière une grande porte portant un symbole étrange, d’où émane un courant d’air frais.
Les PJ ont décidé de visiter les ruines ailes par ailes, pour finir par la tête. Réflexe de dungeon crawling typique (et j’en ai fait pas mal avec David et Catherine), pas forcément compatible avec l’intention du jeu, mais c’est lié au fait que j’ai dessiné un plan. En même temps, je ne me faisais pas de souci, dès le départ j’avais dessiné un plan volontairement simpliste, sur le principe très efficace du donjon en 5 pièces (tout le plaisir des donjons sans l’ennui qui va avec). Et j’ai improvisé le contenu des ailes au fur et à mesure que les PJ les visitaient, plaçant mes révélations sur le chemin comme des petits cailloux.
Pour placer mes révélations, je suis soit parti des créations des joueurs (quand Andrea déclare trouver des inscriptions, je lui décris des premières glyphes mentionnant un culte opposé aux Anges, qui sont barrées, et remplacées par des glyphes mentionnant une vénération des Anges), soit j’ai placé des indices (ainsi, dans la première aile, ils découvrent des alcôves contenant les corps suicidés des pré-humains, on a joué quelque scènes sur l’analyse de leurs ossements, la découverte de l’arme du suicide : une épée en pierre), et j’attendais que les joueurs fassent des suppositions pour leur donner des jetons. Quand ils se plantaient large, un PNJ de l’équipe ou Nalo les recadrait. Une fois ou deux, ils tombaient pile alors je balançais la révélation sans donner de jeton. En général, leurs suppositions étaient entre les deux, alors ils avaient droit à un jeton.
Dans la deuxième aile, les PJ découvrent deux autres éthiopiens de la tribu de Nalo : un homme et une femme. L’homme est entré en méditation, mais il a fait une mauvaise prière (même Nalo, le plus avancé de sa tribu, ignore le contenu de la prière parfaite), alors il est mort et dans son crâne une chrysalide d’or s’est formée, mais elle est trop épaisse et n’arrive pas à s’ouvrir). La femme est vivante, car elle ne voulait pas mourir alors elle a fait semblant de prier, aucune chrysalide ne s’est formée dans son crâne. Cyrano décrète que son équipe dispose d’un équipement médical de ouf (vive le partage de responsabilités large !). Ils extraient la chrysalide du crâne de l’éthiopien, et la placent dans un aquarium de chirurgie en verre blindé. Ils dépiautent la chrysalide, et ainsi nait le premier Ange-éprouvette ! L’angelot se heurte aux parois violemment. Cyrano passe le bras pour prélever un échantillon de l’angelot, mais l’angelot lui arrache le bras. Ils discutent avec l’angelot, mais celui-ci est clairement maléfique. Il dit que les humains doivent accepter leur condition, qui est de donner naissance aux Anges au mépris de leur propre vie. Et que les Anges écraseront tous ceux qui s’y opposent. Les PJ découvrent que les ruines disposent de sas de pierre portant un symbole qui barre le passage aux Anges. Ils enferment ainsi l’angelot dans une aile.
Dans une autre aile, ils trouvent la vraie prière sur les murs. Ils se méfient encore plus de Nalo. Ils le ligotent, lui bandent les yeux et lui mettent un écouteur sur les oreilles avec du Britney Spears à fond pour l’empêcher de méditer. Guantanamo style. Andrea finit par se familiariser avec les écritures des pré-humains, elle comprend que la glyphe de la salle principale et des autres sas protègent contre les Anges (le texte de jeu parle de pièges, je me suis contenté d’une glyphe de protection, je voulais des ruines sobres). Les PJ se demandent ce qu’il y a dans la salle principale pour qu’il y ait un tel dispositif de protection. Je leur dis qu’ils peuvent payer des jetons pour le savoir sans entrer, alors ils comprennent qu’il y a un Ange adulte derrière.
Il me semble qu’ils exécutent Nalo mais qu’ils laissent partir l’éthiopienne. Ils trouvent un bouton pour que les ruines retournent sous terre et l’actionnent en sortant. Puis ils se mettent en chasse de la tribu de Nalo pour l’exterminer.
Questions / commentaires :
+ termes pas adaptés : Eveil (je l’aurai plus employé pour les PJ que pour les ruines) / Voyage (justement j’aurais préféré Eveil à la place)
+ j’aurais aimé des nom de ruines qui ne spoilent pas : pour laisser le choix des ruines aux joueurs, j’ai dû inventer d’autres noms
+ Chrysalides m’aurait paru plus élégant que Cocons.
+ le principe des vies antérieures n’est pas encouragé par le système, alors j’ai préféré ne pas en parler. J’ai envisagé de le révéler en cours de jeu, mais je n’en ai pas eu l’occasion, encore une fois parce que le système ne l’encourageait pas.
Serait-il possible d’exploiter ce thème en l’annonçant cash aux joueurs, en donnant des points de voyage pour les descriptions de vie antérieure, ou en prévoyant des ruines spécialisées sur le thème ?
+ methode pour gagner des jetons et des pts de voyage très différente d'un joueur à un autre (gaëlle, joueuse débutante, a été très créative : je découvre des écritures, je découvre un bouton sur le mur, je vois une ombre passer...)
+ spécifier à quelle époque on joue ? (on a fait jouer contemporain, et même presque SF au vu du matériel que demandaient les joueurs. Mais on aurait tout aussi pu prendre une ambiance coloniale)
+ remarque de gaëlle : suivant les personnages qu'on choisit, ça change du tout au tout. J’aurais été curieuse de voir ce qu’auraient donné les ruines avec des autres personnages.
+ j'ai été assez généreux sur les jetons / pts de voyage. Combiné au fait que j’avais choisi la configuration la plus facile pour jouer court et que j’ai fait au moins deux révélations gratuites parce que j’aime les parties rythmées et que les joueurs n’avaient pas le réflexe de dépenser leurs jetons, c’était facile d’acheter les révélations, les joueurs ont même eu cinq ou six jetons de rab à la fin. Mais j'en ai donné bcp moins à catherine. Je crois que c’était dû à notre position sur la table. Petite table de cuisine, moi sans écran sur une longueur avec david à ma gauche, gaëlle en face de moi et catherine à droite de gaëlle). Autrement dit, comme Catherine était plus éloignée que les deux autres, j’avais plus de difficulté à prêter attention à ses apports (d’autant que Sphynx ne cadre pas le temps de parole, alors quand elle parlait en même temps que Gaëlle et David, je ne l’entendais pas.). C’est symptomatique dans ce CR, ou je n’arrive pas à citer ce que fait son perso, car je ne m’en rappelle tout simplement pas ! Cette asymétrie du don de jetons/points a tout simplement nui au plaisir de jeu de Catherine, et au mien car finalement, ça ne me plaisait pas de jouer le rôle du maître d’école qui distribue les bons points. Et si on proposait un mécanisme de dons de jetons entre joueurs comme dans prosopopée ? Telle quelle, la mécanique de dons de jetons me paraît encourager une démarche ludiste, alors que le jeu dans son ensemble me paraît rechercher une démarche simulationniste. Positionne-tu ton jeu sur le modèle GNS, et si oui, vers quelle démarche ? C’est une question complexe. Je crois que le don de jetons assure une fiction cohérente avec tes intentions, mais comme c’est le MJ qui les distribue, ça induit une compétition entre joueurs qui ne me paraît pas adaptée.
+ les joueurs ont trouvé que les assistants étaient peu utiles. Pour ma part, je crois qu’ils gagnent de la saveur en campagne ou en jeu long.
+ bonne surprise : il y a eu plus d'enjeux fictionnels que j'en aurai imaginé. Je croyais que le jeu serait très contemplatif et qu’on s’ennuierait un chouïa, ça n’a pas du tout été le cas. La partie fut excellente, que mes commentaires précédents ne viennent pas entâcher ce constat. Le fait que l’adversité n’était pas techniquée ne nous a pas empêché d’en mettre en scène de façon crédible.
+ En règle générale, ce jeu fournit une excellente réflexion sur la rétention / fascination et les mécaniques de révélations, et sur l’improvisation à partir d’un canevas lâche et fluctuant. Idéal pour un MJ comme moi qui ne scénarise plus, qui aime le rythme et qui aime mener les enquêtes au pas de course en révélant les indices dès que ça coince.
Playlist :
Pink floyd / Ummagumma (space rock, ambient de pyramides)
Nadja / Under the jaguar san (drone précolombien)
Nine inch nails / Ghosts I-IV (dark ambient / electro aride)