Version bureau du forum
Rapports de parties, news et ressources
Sujet verrouillé

[Marchebranche] Spectreville

30 Août 2016, 08:58

SPECTREVILLE

Terre qui fond et ville limbique : en avant pour l'étrange. Une aventure relatée par un des mes joueurs, kF

Jeu : Marchebranche, aventures initiatiques dans un monde de forêts en clair-obscur

Joué le 19/03/2016 à Paris chez l'habitant, lors de la tournée Paris est Millevaux

Image
illustration : Gustave Doré, domaine public


Personnages :

Chapeau, voyageur ; minuscule vieillard guilleret au très grand chapeau
Feulard, artisan ; souffleur de verre plein de talent
Pomdapi, saltimbanque


L'histoire :

Là où commence cette histoire, la terre de Millevaux se nécrose : elle fond, s'ouvre, se transforme en tourbière et engouffre les arbres et les villes, obligeant les populations à fuir. On suit une troupe de réfugiés qui abandonnent leur contrée, se dirigeant par dépit vers Spectreville, là où les morts et les vivants se rencontrent - simplement parce que c'est la ville la plus proche.

On découvre les marchebranches parmi la caravane, à la recherche de nouvelles missions ; dans ces temps troubles, ils espèrent être utiles. Le Feulard, Chapeau et Pomdapi sont guidés par une lavandière vers une roulotte où l'on parle affaires ; amicaux, ils apprennent au passage qu'elle-même leur confierait volontiers une tâche - retrouver son défunt mari à Spectreville pour les réunir - mais n'a pas de lame de tarot à leur donner en récompense. Ils gardent quand même l'idée en tête, car la lavandière propose autre chose en échange : elle est capable de laver les souvenirs, d'effacer les tourments que cache le passé d'une personne.

Les contacts aidant, les marchebranches rencontrent un sculpteur qui amène ses plus belles pièces à Spectreville. Lui-même a un caractère exécrable mais son art est magnifique. Il a passé un accord avec le roi de Spectreville et il lui doit une commande, mais il a très peur qu'un tel artefact artistique donne au roi trop de présence hors du monde des morts et lui donne l'opportunité d'envahir celui des vivants : il voudrait faire annuler l'accord. A la clé, une carte comme récompense.

Un lutin irascible mais vénal se fait également connaître des marchebranches ; il propose un voyage au cœur des tourbières, là où a commencé la nécrose de la terre, dans un ancien site de fouille. Il prétend qu'on y a trouvé une lame spéciale et unique, l'arcane du Horla, et il est prêt à payer deux lames pour mettre la main dessus. Un peu plus tard, une femme sinistre toute habillée de noir propose la même chose au groupe, mais pour trois atouts ; une offre exceptionnelle.

Le groupe se met donc en direction des terres nécrosées. L'épicentre est inondé, à cause des rivières détournées par l'effondrement du sol, et la fin du voyage se fait sur une barque. Au passage d'un pont cependant, l'embarcation craque et précipite les marchebranches à l'eau ; après s'être laissés dériver, ils s'en sortent de justesse en s'encordant et en s'arrimant à un gros amas d'arbres qui bouche partiellement le fleuve. Ils y retrouvent Armel, assistant disparu du lutin, assez désespéré mais bien heureux de revoir un peu de monde. Armel met les marchebranches en garde contre le cœur du lac qui s'est formé : tout au fond, il y a la fameuse arcane du Horla, un objet dangereux qu'il ne faut surtout pas toucher ! Mais c'est pour ça que les personnages sont venus ; Chapeau dans un premier temps, puis ses autres camarades, s'encordent à nouveau et descendent au fond du lac. Malgré les remous, ils mettent la main sur un petit coffre, ostensiblement maléfique.

Le coffre en poche, il est temps de penser à rentrer. Avec la corde, en se construisant une sorte de grappin, les marchebranches arrivent à s'extraire du siphon et à sortir de la rivière déchaînée pour regagner la cote et entamer le voyage de retour. Voyage qui voit Chapeau tenter de s'enfuir : la noirceur du coffre l'a convaincu qu'il valait mieux ne pas restituer l'objet ; il veut s'exiler avec, s'en faire le porteur maudit peut-être, mais en tout cas l'éloigner des hommes. Ça n'aura pas lieu, et c'est finalement assommé qu'il est ramené à la caravane ; par contre, eux-mêmes convaincus des horribles propriétés de la carte, les autres personnages décident sitôt rentrés de la détruire. Les personnages sont donc bredouilles, mais ils savent qu'ils ont sauvé tout un pan de la forêt de l'expansion de la nécrose, qui s'est désormais arrêtée.

Il est désormais temps de terminer le voyage jusqu'à Spectreville. En fait, depuis le retour des marchebranches, la caravane est immobilisée devant un immense arbre au pied duquel s'ouvre un tunnel ; les forêts limbiques et la fameuse ville des morts sont de l'autre côté. Pour les marchands et les réfugiés, il faut patienter à l'entrée pour des contrôles et des vérifications intermédiaires, mais les marchebranches sont libres de s'y aventurer directement, ce qu'ils font. Le tunnel est un premier aperçu de la bizarrerie de Spectreville : il semble fait de terre, des racines blanches y poussent, rien qui ressemble à l'intérieur d'un arbre. De l'autre côté, la ville est des plus étranges - un ciel d'un blanc laiteux surnaturel, parsemé de nuages d'un noir tout aussi tranché. Les bâtiments sont pâles, la forêt limbique est en noir et blanc, les autres couleurs passent en négatif, rien n'est normal.

Les marchebranches découvrent Spectreville ; ils commencent à réfléchir à un moyen de retrouver l'ancien mari de la lavandière mais en voyant leurs bâtons, un beau jeune hommes les aborde immédiatement. Elias de son nom, il est peintre ; souriant et aimable, il invite les personnages à visiter son atelier où il pourra leur parler plus librement. Ses toiles sont magnifiques, mais insupportables : ce sont des représentations malsaines d'horribles Horlas. Elias souffre de ne savoir peindre que ces horreurs, et sa demande est sombre : il aimerait que d'une façon ou d'une autre, les marchebranches l'aident à échanger son don maudit avec celui de l'irascible sculpteur qui accompagnait la caravane. L'idée plaît moyennement, les marchebranches préféreraient trouver une autre solution pour l'aider.

Ils laissent le peintre dans son atelier, et décident de se mettre en quête du mari de la lavandière. Ainsi, ils pourraient lui demander d'utiliser son pouvoir sur Elias, pour laver son âme de toute cette noirceur, à défaut de lui conférer le don du sculpteur. Une brève enquête mène les marchebranches à l'auberge où le mari se trouve probablement, mais il y a un problème : c'est l'auberge Change-humeur. Tous ceux qui y entrent voient un aspect de leur personnalité s'inverser définitivement : les joyeux deviennent tristes, les calmes s'énervent, les pragmatiques rêvassent. Un petit peu intimidé, le groupe hésite ; finalement, Chapeau entre, en laissant à ses amis son précieux chapeau : il espère ainsi se retrouver lui-même à la sortie quand il se coiffera à nouveau de son couvre-chef. Chapeau est un vieux marchebranche qui n'a jamais trop avancé dans la redécouverte de son pays natal parce qu'il ne s'intéresse jamais vraiment au gain, aux lames que ses missions lui rapportent ; aujourd'hui, c'est ce trait de sa personnalité qui s'inverse, et il commence à découvrir l'appât du gain. En fait, quand il ressortira, il n'aura plus envie de porter le vieux chapeau qui lui a valu son nom.

A l'intérieur de l'auberge, il trouve effectivement le mari décédé, triste et occupé à boire. Le tenancier sert à Chapeau une chope d'une bière noire, épaisse : la bière-oubli. Il l'accepte, mais ne la boit pas, et convainc sans mal le mari de le suivre à l'extérieur. Celui-ci n'a pas beaucoup changé, puisque l'auberge Change-humeur n'affecte que les vivants. Il retrouve la lavandière qui a l'occasion de s'expliquer auprès de lui pour son geste, et il peut finalement partir en paix. Ses enfants et son épouse lui font un ultime adieu, et puis il disparaît.

Pour le moment, les voyageurs laissent la lavandière à son émotion, parce que Feulard vient de se rendre compte que le sculpteur va être amené devant le Roi de Spectreville. Avant que ça n'arrive, ils se présentent devant lui, espérant trouver le moyen de remplir la demande du sculpteur en urgence. Chapeau, qui se fait maintenant appeler Traverse, lui présente la bière-oubli : il explique que le Roi ne saura pas apprécier la beauté d'une œuvre faite par un vivant, s'il n'a pas partagé un peu avec l'un d'entre eux avant ; boire le breuvage serait une façon de l'harmoniser avec la sculpture qui lui est offerte. La ruse fonctionne, mais le Roi ordonne que Traverse partage la bière-oubli avec lui, ce qu'il accepte. Traverse oublie son voyage, le Roi oublie sa commande, et le sculpteur est libre de repartir ; reconnaissant, il donne aux marchebranches une lame de tarot de l'oubli, comme convenu.

Pomdapi suggère de la donner à Traverse pour qu'il retrouve ses souvenirs de voyage et reste avec eux, mais il refuse. Le vieillard demande juste à reprendre son vieux chapeau (il ne sait plus pourquoi il l'avait abandonné), puis laisse son bâton de marchebranche et entre au service du Roi. Finalement, la carte va à Feulard. Il se souvient d'un désastre qui a été causé il y a longtemps par l'une de ses propres créations : l'Egrégorgue. Un orgue de verre, que lui avait commandé par un musicien, a fait résonner dans l'égrégore une onde de folie qui avait complètement transformé son auditoire.

Maintenant que le Roi et le sculpteur sont satisfaits, les marchebranches reviennent vers Elias, qu'ils mènent à la lavandière pour laver son âme. Feulard accompagne l'artiste pendant le rituel, et il a une vision : il y a longtemps, Elias et le sculpteur étaient frères ; leurs parents leur ont présenté un choix cornélien : trois pots de peinture leur ont été présenté, l'un blanc, l'autre noir, le troisième couleur d'or. Celui qui accepte la peinture blanche se verra doté d'un don artistique incroyable, capable de beauté pure et éclatante. Celui qui prendra la peinture noire aura une compétence tout aussi fabuleuse, mais ne saura réaliser que des horreurs insondables. Celui qui prendra celui d'or aura un talent artistique médiocre, mais trouvera toujours à subvenir à ses besoins et s'enrichira de son travail autant qu'il le souhaitera.

En tant qu'aîné, le sculpteur choisit en premier et il se jette bien sûr sur la peinture blanche, dans la vision comme dans le souvenir commun des deux frères. Elias avait choisit la peinture noire à l'époque, mais cette fois-ci la vision donne à Feulard la possibilité d'intervenir : il décide d'aider son ami peintre en absorbant la noirceur de la peinture et en partageant sa peine. Lorsque la vision cesse, les dons d'Elias diminueront mais il ne sera plus hanté par ses propres créations. Reconnaissant, il décide de peindre une ultime toile sordide pour clore cette partie de sa vie et passer à autre chose. C'est finalement la carte du Horla qu'il crée, celle-là même que les marchebranches avaient détruit un peu plus tôt dans leur voyage !

Accepter la carte n'est pas évident. Elle est si noire et puissante qu'en l'absorbant, on détruirait la région aux alentours, et Spectreville serait détruite à terme. Il est hors de question de l'utiliser en dehors, sinon c'est la forêt qui retrouverait l'aspect de tourbière que tout le monde a fui ; une troisème possibilité serait d'activer la carte en étant dans le tunnel entre les mondes, les préservant tout deux mais coupant le tunnel à terme. Pendant que Feulard et Pomdapi discutent, arrive Chien le saltimbanque, un autre marchebranche de passage à Spectreville ; comme son nom l'indique, c'est un chien qui tient son bâton dans la gueule. Il parle et se prononce fermement pour la destruction de la carte, quitte à gâcher cette récompense : son pouvoir est trop terrible pour être utilisé. Après une longue tergiversation, c'est ce qui est finalement fait.

Voyant le groupe discuter, une chasseuse de la région aborde les marchebranches. Elle leur parle d'une cathédrale abandonnée, pas très loin d'ici, où se trouverait encore l'Egrégorgue, la création honteuse de Feulard : il faut le détruire, parce que c'est un artefact beaucoup trop dangereux. Elle propose une lame de tarot, comme de coutume. Feulard est emballé par l'idée de réparer son tort, et les voyageurs reviennent bientôt dans le monde réel pour s'occuper du problème.

Ils traversent une part sombre et hantée de la forêt ; les branches craquent, se courbent bizarrement, les alentours semblent inquiétants. On finit par trouver la cathédrale, recouverte de lianes et d'autres plantes, à l'abandon comme l'avait dit la chasseuse. Feulard et Chien entrent, mais pas Pomdapi, méfiante. Une fois à l'intérieur, la chasseuse révèle sa véritable nature : c'est en fait une sorcière et elle était la musicienne qui a commandé l'orgue, il y a longtemps ! Maintenant qu'elle l'a attiré ici, elle veut que Feulard joue de l'orgue, pour réveiller son vieux pouvoir.

Le marchebranche tente de résister mais ni sa volonté ni la confiance de Chien ne suffisent à le retenir. Il joue de l'Egrégorgue, et la musique le rend fou. La cathédrale tremble, l'Egrégorgue explose, une vague de folie trouble toute la région ; Pomdapi et Chien en réchappent de justesse, moins touchés par la musique que leur ancien camarade Feulard.

Ironique et satisfaite, la sorcière donne bel et bien sa lame de tarot aux marchebranches. Amer, Chien la tire. Il se souvient de l'époque où il était encore chiot. Une immense bête sauvage l'attaquait, le traquait dans la forêt. Alors qu'il se croyait piégé et condamné, il a été sauvé par un marchebranche. Sortant de nulle part, il a diverti la bête avec son bâton et l'a faite fuir alors qu'il n'était vraiment pas de taille à l'affronter. C'était en fait Chapeau, et c'est cette rencontre qui a donné envie à Chien de devenir un marchebranche.


Feuilles de personnage :

Pomdapi, Saltimbanque
Notes : bâton

Feulard
Mage
(devenu égocentrique)
Notes : bâton tubulaire pour souffler du verre
Expérience 1
Noirceur : art de la laideur
Spécialité : provoquer une émotion
Souvenir : j'ai créé l'égrégorgue pour un musicien et quand celui-ci en a joué, cela a provoqué une catastrophe.
Compagnon : Elias (noirceur : fou)

Chapeau
devenu Traverse après être entré dans l'auberge Change-humeur (et abandonné son couvre-chef à grelot) : Niveau 0, Voyageur et Coeur.

Chien
Niveau 1, Saltimbanque et Esprit. Sa spécialité est Raconter des histoires de monstre, mais il n'y a rien d'autre de marqué (je ne sais pas quelle arcane il a tiré notamment).


Commentaires :

Durée :
entre 2h1/2 et 3h

Profils des joueur.se.s :
Trois personnes aguerries à l'univers de Millevaux, mais pour qui c'était la première partie de Marchebranche.

Playlist :

Image
s/t, par Jarboe & Helen Money, le chant féminin de Jarboe, aussi désincarné qu'omniprésent, le violon d'Helen Money, parfois fragile parfois massif, le chant et la blessure du cygne dans une seule élégie.

Image
The Pomegranate Cycle, par Textile Audio, un opéra intimiste et contemporain, série de vies croisées tragiques et quotidiennes, fragiles comme des biches, dont la nature est témoin.

Image
Pyramids, par Pyramids, du black metal étouffé avec un chant clair éthéré, étrange et déstabilisant.

Debriefing :

Une excellente partie, même si on a perdu la joueuse de Pomdapi en route, qui était trop fatiguée. L'ambiance a commencé un peu Miyazaki (des phénomènes géoclimatiques étranges comme dans Le vent se lève), et a fini tout en noirceur comme dans les contes d'Andersen, avec un climax gothique avec l'Egrégorgue. Les tables aléatoires m'ont joué un grand service pour peupler cette aventure. Quand j'ai voulu savoir vers quelle ville partaient les réfugiés, j'ai tiré un lieu et obtenu les forêts limbiques. D'où l'idée de cette ville sise dans les forêts limbiques, une idée que je n'aurais jamais eu tout seul. La terre qui fond, la femme mystérieuse (évidemment une Corax), l'Auberge du Change-humeur, le peintre et le sculpteur... tout ça vient des tables.
J'ai pris aussi beaucoup de plaisir à twister les aventures et les cartes de tarot, c'est une chose que je mettrai plus tard en forme avec la Table des Entourloupes.
Enfin, mention spéciale à kF pour avoir testé le changement de personnage en cours de route, et aussi pour avoir eu l'idée de jouer un chien. Idée qui sera entérinée dans le jeu quelques parties plus tard avec la possibilité de créer un personnage qui soit un humain-animal ou un animal intelligent.

À expérimenter lors du prochain playtest :

Ce que j'ai appliqué ici instinctivement, mériterait d'être gravé dans les règles : on ne peut appliquer une deuxième noirceur sur un compagnon ou un équipement, sans quoi on tomberait dans le power gaming : avec cette règle un perso niveau 1 doit encaisser 4 noirceurs pour être hors-jeu. Si on pouvait mettre deux noirceurs sur un compagnon/équipement (une première notée sur la fiche, une deuxième qui met le compagnon/équipement hors-jeu), un perso niveau 1 doit encaisser 6 noirceurs pour être hors-jeu. Il reste cependant possible d'acheter une réussite automatique en mettant un compagnon/équipement noirci hors-jeu.
Sujet verrouillé