LE CORBEAU ET LA SCIENCE
Transformations corporelles, obscurantisme et final glauquissime, dans ce compte-rendu par Felondra !
illustration : Paul Fürst, domaine public
Partie au pied levé complet: on avait prévu de faire du Blades in the Dark, un des joueurs a oublié qu'il y avait partie et le MJ avait oublié les fiches. J'ai proposé Inflorenza, j'avais le livre en pdf sur mon téléphone et KamiSeiTo y avait déjà joué.
La partie a souffert de ce manque de préparation: je n'avais pas relu les règles depuis un bout de temps, j'ai du lire des morceaux de texte, je n'avais aucune aide de jeu avec - on a vite écrit les thèmes sur un papier -, etc.
Je voudrais bien faire un retour plus précis mais la mémoire me manque... ;)
Les joueurs dans l'ordre du tour:
- Felondra (moi), joueur confirmé, jamais joué à Inflorenza - confident.
- KamiSeiTo, joueur confirmé, a déjà joué à Inflorenza une fois.
- Marilyn, joueuse très occasionnelle de jeu de rôle, n'a jamais joué à Inflorenza.
- Filwin, joueur confirmé, n'a jamais joué à Inflorenza.
Après une explication de l'univers - post-apo forestier, Egrégore, Horlas, Mémoire qui flanche - je commence.
Felondra I
Phrase (technologie) : Je veux que toute technologie s'efface devant le sacré.
Un chariot s'approche par une vieille route de forêt, le long d'un précipice, d'un petit village. Il est tiré par un cheval maigre et fatigué - la peau lui colle aux os, il traine le pas. Aux rênes, une figure étrange, dans des habits sales d'où dépasse un bec de corbeau. Il marmonne des paroles inaudibles en conduisant le cheval.
KamiSeiTo I
Phrase (technologie): Je veux montrer à mon père que son sacré n'est que la peur de ce que peut accomplir l'humain.
Au village arrive le charriot. On voit les habitants se rassembler, le médecin est arrivé, la maladie va reculer enfin!
Un peu en retrait, à l'étage défoncé d'une tour de béton en ruine, une tente est plantée, un simulacre d'appartement. Au bord de cet appartement, un homme toise la scène - des bouts d'engrenages et de puces électroniques sortent de ses bras, son cou. Une souris pend comme un pendentif. L'Homme-Science toise le Corbeau, son père - il est revenu. Le Corbeau le toise en retour. Le village cesse de bouger - la tension est palpable.
Marilyn I
Phrase (technologie): Je veux un enfant de l'homme-science.
Dans la foule, une jeune femme d'une quinzaine d'années, grise, maigre, contemple la scène. Quel est cette créature qui perturbe l'homme-science, son héros? L'Homme-Science descend de sa tour d'un bond, arrive près du Corbeau qui s'avance aussi.
La jeune fille s'interpose, "tu ne le toucheras pas!" Le Corbeau avance sa main, elle la repousse. Le contacte crée des étincelles noires - elle a été corrompu par la religion du Corbeau, la résonance la touche au fond d'elle-même.
Filwin I
Phrase (technologie): Je veux montrer au village que la technologie ne peut rien devant la foi.
D'une bâtisse de claie et de torchis sortent six figures étranges, maigres, dans des habits sales pendant en loques. On ne peut en dire le sexe ni l'âge. Toutes ont des masques de théâtre grec sur le visage, sales, grossiers, en boue séchée - les marques de doigts se voient sur les masques. Ils s'avancent et le village se fige. C'est l'heure du sacrifice. Ils désignent sans bruit une femme, s'avancent vers elle. L'Homme-Science s'interpose - assez de souffrance, assez de sacrifices au nom de cette religion absurde!
Les formes s'arrêtent un instant, interloquées. Puis cinq continuent vers la femme, le sixième sort un couteau et le brandit vers l'Homme-Science, qui tend son bras d'où jaillit un harpon qui brise le visage de claie en mille morceaux. Les autres, pendant ce temps, ont abattu la femme qui hurlait et trainent son cadavre dans la terre vers l'extérieur, sous les yeux hagards du village qui ne fait rien. Sous le sourire du Corbeau, qui rejette son capuchon - ce n'était pas un masque, mais une excroissance de cuir et de métal qui fait dorénavant partie de son visage. "Ta science ne peut rien, mon fils, cesse donc!"
Felondra II
Tandis que L'Homme-Science fait rentrer dans sa chair le harpon à l'aide d'un engrenage fiché dans son épaule, Le Corbeau se tourne vers la foule. "Il est temps. Voici sa science qui ne peut rien. Je puis vous rendre la mémoire! Qui se portera volontaire?"
Un homme est là, près du Corbeau. Il s'en empare bien que l'homme n'ait rien dit. L'homme semble léthargique, les Dieux semblent plonger le village dans la stupeur depuis le sacrifice de la femme. Tandis que l'homme grogne, le Corbeau lui ouvre le front et saisit dans ses outils, de ses mains faites d'un alliage de chair et de métal, une sorte de disque gravé de runes. L'Homme-Science alors crie et tout le village reprend son cri. "NON."
Le village et l'Homme-Science parlent d'une seule voix dorénavant. Assez de tes Dieux. Assez d'endurer tout ce mal. Assez!
Le village se jette sur Le Corbeau, le sépare de l'homme qui crie maintenant, le sang dans les yeux. Le village frappe le chariot, le cheval qui se cabre et s'emballe. Le Corbeau hurle, tente de reprendre les reines, mais trop tard. Hors du village, le cheval bute contre une pierre, tombe, le chariot se renverse. Le cheval tente de se relever, donne un dernier coup de sabot qui arrache le bec du Corbeau. Son cri déchire le jour qui décline. Une forme noire, Le Corbeau nu, s'enfuit dans les bois.
Dans la cohue, L'Homme-Science est tombé, sans doute était-il sur le chariot à essayer de frapper son père quand le cheval s'est emballé. Il a été piétiner, massacré par ceux qu'il a réussi finalement à protéger.
KamiSeiTo II
Une vieille femme sort d'un repli du village, d'une ombre, d'un porche. Elle s'approche de la jeune femme qui pleure la mort de L'Homme-Science de qui elle ne pourra avoir d'enfant, maintenant qu'il est mort. "Ne désespère pas, petit, et suis-moi. Prends tout ce qu'il te faut." Après un instant, la jeune fille sèche ses larmes, s'empare de son couteau, se met à découper le membre viril de L'Homme-Science, encore turgescent. Elle se relève et suit la vieille femme qui l'emmène loin, dans la forêt.
Marilyn II
La jeune fille et la vieille femme cheminent, il fait froid, la nuit tombe, la pluie commence. Dans la boue la petite fille glisse, se rattrape, le membre de L'Homme-Science toujours à la main, prenant garde à ne pas le salir.
Finalement, elles arrivent devant une porte dans une colline. Une porte ressemblant au sas d'un sous-marin.
"Ouvre-la", murmure la vieille. La petite fille tente. Sa main droite, celle corrompue par Le Corbeau et ses Dieux, n'y parvient pas. De l'autre, elle l'ouvre sans encombre. "La main du coeur", murmure la vieille femme.
Filwin II
Dans la forêt, on entend les cris du Corbeau puis le silence. Alors qu'il avance, sans visage, sans mains - les Dieux les lui ont reprises -, il tombe sur un enfant ,sur le borde de la route. Un enfant qui ne lui fuit pas mais le regarde, l'air sûr de lui.
"Viens, je t'emmène là où tu pourras te venger. Chez les Ingénieurs."
Le Corbeau renfile son accord. Son corps est noir, couvert de plumes naissantes, de plaques de peau, d'écailles. Son nez est une fente, ses yeux sont des fentes.
Felondra III (final)
Ils cheminent dans la forêt, Le Corbeau grognant, ruminant, l'enfant sans bruit. Ils arrivent eux aussi devant une porte dans une colline, la même porte de sous-marin. L'enfant la pointe. Le Corbeau veut l'ouvrir. S'y brûle. Insiste.
Elle s'ouvre soudain et des harpons en jaillissent, s'en emparent, le tirent à l'intérieur. La porte se referme sur l'enfant qui repart, content.
Au-dessus de la cuve des Ingénieurs, Le Corbeau les met une dernière fois au défi. La veille femme sourit, la jeune fille s'avance. Le membre viril de L'Homme-Science à la main.
C'est ainsi que se termine la partie (ma copine était enfermée dehors, j'ai du me grouiller de rentrer chez moi pour lui ouvrir). On a aimé le cliff-hanger final mais on était frustrés.
Je n'ai pas eu le retour du reste de la table.