Bonjour,
Tout d'abord merci Thomas de soumettre ton travail à la critique ! Pour le moment, je vais critiquer le podcast
intensité et profondeur, le podcast
méta-théorie, et la forme général des podcast comme outil de réflexion.
Note : Je vais faire des critiques qui peuvent sembler dures, mais elles se veulent le plus constructives possible.
Critique du podcast Intensité et profondeur- Le podcast s'attache à illustrer une
catégorisation des jeux de rôle en
intensité et
profondeur, vu comme des propriétés continues et non-exclusives (c'est à dire qu'on a deux "jauges" en parallèle). J'ai beaucoup apprécié le podcast, et je trouve cette catégorisation très féconde.
- Néanmoins, le point le plus problématique est qu'on ne dégage pas très clairement quels sont les critères de catégorisation. Il est très difficile de bien dégager les deux concepts, car on a pêle-mêle des propriétés qui semble nécessaire, d'autres seulement possibles, des exemplification, etc... A la fin du podcast, il m'est impossible d'exprimer clairement les deux concepts. C'est le danger de la théorisation par accumulation: il manque une définition bien délimitée.
- J'en profite pour dire qu'une définition peu claire est une très mauvaise habitude intellectuelle. Le flou permet à chacun de se projeter et de trouver midi à sa porte, alors qu'un concept très clairement définit montre clairement ses limites. Un concept flou semble ainsi plus solide qu'un concept clair, alors qu'il est inopérant et favorise les incompréhensions. Un concept clair est plus opérant et limite les incompréhensions, mais il a l'apparence d'être plus fragile car ses limites sont clairement posées.
- Pour revenir au podcast, il n'y a pas non plus de prédiction claire sur les implications de ces concepts dans la pratique. Cela ne me permet pas de juger de leur pertinence pratique.
Critique du podcast Méta-théorie- Je suis très heureux de voir que mon travail t'a inspiré en partie cette réflexion. Je trouve que tu retranscris bien mes idées (sauf quelques broutilles), et j'ai beaucoup apprécié le podcast dans son ensemble. Quelques remarques :
- Je milite pour une relecture
critique, pas seulement une relecture. Le mot critique est important, c'est à dire que tant que tout le monde n'est pas satisfait, l'auteur doit retravailler son article. On a un cycle de relecture -> réécriture -> relecture -> réécriture etc... A la fin du processus, tout le monde est satisfait, ou alors l'auteur se positionne contre certaines critiques en conscience et publiquement.
- A la question de qui doit relire, je pense que la critique doit être publique et doit être disponible même après la publication de l'article.
- L'idée d'avoir une relecture à la fois théorique et de compréhension va parfaitement dans mon sens.
- Le fait d'utiliser des liens hypertextes pose problème à cause de l'accessibilité des sources sur le long terme. Il faut s'assurer que la page à l'autre bout du lien restera accessible, et ce n'est pas du tout garanti sur internet. Il est donc recommandé d'ajouter une liste bibliographique détaillée à la fin de l'article afin de retrouver la source précise si besoin.
- Tu parles de l'école de théorie rôliste comme construction subjective du monde. C'est ce que j'entends quand je dis que toutes nos représentations du monde sont sous-tendues par des théories implicites et subjective. Donc lorsque MacBeth dis que toute critique est subjective, je ne peux qu'abonder dans ce sens. De plus, lorsque tu évoques le fait de situer son discours, c'est également ma conception, mais il faut 1) le faire le plus clairement possible, 2) bien se rendre compte que c'est un travail sans fin.
- Tu évoque les théorie rôliste descriptive (qui énoncent comment le jeu de rôle fonctionne) face aux théories prescriptive (qui énonce comment le jeu de rôle devrait être). Je pense que ce point est crucial et qu'on mérite qu'on s'y arrête. La façon dont tu utilise le mot "valeur" est très étrange. Cela m'a rendu confus, et j'utiliserais plutôt le mot "goût". Sinon, je te rejoinds totalement lorsque tu proposes d’expliciter totalement nos "goûts" en matière de jeu de rôle lorsque l'on fait un article de théorie, afin de situer le discours.
- Par contre, je pense qu'on peut être prescriptif et qu'on peut sortir de cette histoire de "goût". Il est possible de faire des théories qui s'attachent à faire des prédictions concernant un type de jeux de rôle et un type de mécanisme, indépendamment des goûts du théoricien. Il faut cependant substituer la prescription ayant implicitement certaines expériences particulières comme objectif (celles qui sont du "goût" du théoricien), par une prescription ayant un objectif explicite.
- Je ne comprends pas ce que tu entends par "système de valeur infini". Ça me semble très fumeux.
- Pour faire une théorie, tu dis qu'il faut définir le jeu de rôle. Ce n'est pas nécessaire selon moi, à moins que tu fasse une théorie sur tout les jeux de rôles. Par contre, je pense qu'il faut définir au moins quelques objets sur lesquels s'applique la théorie, car une théorie peut tout à fait s'appliquer à un sous-ensemble particulier de jeux de rôles. Et ce n'est pas non plus pour cela qu'elle ne s'appliquera pas à d'autres jeux.
- Lorsque tu dis :"Tout le monde est légitime à parler de jeu de rôle", "Toutes les théories rôlistes se valent" et "Dès que tu parles de jeu de rôle tu théorises", je te suis. Par contre, ma position est de dire qu'il est possible de produire un travail méta-théorique qui permette de dégager des critères pour évaluer et améliorer un travail théorique. C'est ce que je fais lorsque j'encourage à soumettre à la critique publique, à citer ses sources, à clarifier son propos, etc... (Article en préparation).
- Tu dis qu'il est dangereux qu'un auteur théorise ses propres jeux, car il n'a plus de vision distanciée. Selon moi, le problème est plus profond: aucun observateur n'est distancié par rapport à son objet. Pour éventuellement s'en sortir, il faut considérer l'observation au sein de la théorie. Il faut une théorie conjointe de l'objet et de l'observation de l'objet. C'est un des principes des sciences humaines contemporaines.
- Le problème de ne pas jargonner et d'utiliser des mots non-consacrés est un gros risque de flou et d'incompréhension. Ce problème est central, je ne développe pas ici.
Critique de la forme du podcast comme outil de réflexionJe trouve très difficile de faire une critique constructive d'un podcast par rapport à un article, pour de nombreuses raisons.
Le podcast :
- est beaucoup plus long à écouter qu'un article n'est long à lire.
- est très peu pratique pour revenir en arrière, réécouter plusieurs fois un passage, avoir une vue synthétique, etc... par rapport à l'écrit.
- est très peu pratique pour dégager et synthétiser clairement des idées
- décourage le principe même de la critique. En effet, pour moi celle-ci a pour objectif de permettre à l'auteur d'améliorer son article de manière itérative. Là, c'est dur de me motiver car c'est un coup d'épée dans l'eau, vu qu'il n'y a pas de cycle critique -> réécriture -> critique -> réécriture...
- rend très difficile l'exhaustivité de la critique, car je ne réécoute pas plusieurs fois un podcast (faut pas abuser).
Le podcast n'est donc pas un très bon support pour favoriser le retour critique, par rapport à l'article écrit, ou la discussion en vis-à-vis. Néanmoins, je pense que le format du podcast est très bien adapté pour diffuser une idée, ou pour expliquer ou illustrer une théorie disponible par ailleurs sur un article.