Witch the Road to Lindisfarne et le storygame

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Witch the Road to Lindisfarne et le storygame

Message par Mangelune » 14 Mai 2016, 11:33

Allez je reviens avec une question à la noix, cette fois sur un thème très chaud, le storygame (Steve, je t'attends).

J'ai acheté cette semaine un mini-jeu intitulé "Witch the road to Lindisfarne" dans lequel on incarne une pseudo-sorcière et son escorte se rendant au bûcher. Le jeu se veut relativement réaliste avec son côté médiéval crade et superstitieux, et propose des prétirés. Ce qui m'intéresse c'est la forme du jeu, qui m'interroge :
- chaque PJ a des questions narratives et/ou morales sur sa feuilles, type "Pourquoi est-ce que je n'aime pas tel PJ ?", "Pourquoi est-ce que je doute du fait que ce PJ est une sorcière ?", etc. Ces questions doivent être énoncées à voix haute pour que les autres joueurs vous aident à y répondre.
- le voyage est représenté par une carte avec plusieurs lieux qui constituent autant d'actes. Chaque lieu indique une tonalité (optimiste, pesante, etc.) ; chaque acte demande à chaque joueur de cadrer une scène avec son personnage, ou bien de décrire un souvenir appartenant à son perso.
- à la fin, on a un positionnement des PJs sur l'acte de brûler la sorcière, et ils peuvent changer d'avis. Avant la fin, c'est impossible - la sorcière ne peut pas être tuée ni ne peut s'enfuir durablement.

On est en plein dans ce que je rangerais potentiellement sous le terme "storygame" (pris ici comme une catégorie de jdr et pas comme un autre média) : le jeu est divisé en phases, et les phases demandent aux participants de cadrer les uns à la suite des autres des scènes selon des consignes spécifiques (adopter une certaine tonalité, parler d'un certain sujet, faire une scène de dispute, etc.). Je pense aussi à des titres comme Questlandia, les Petites Choses oubliées, Breaking the Ice, The Beekeeper, Shades, Shodown, etc. Peut-être d'autres comme Montségur, Happy, Fiasco ?

Or ces storygames, je tends avec d'autres à les dénigrer de temps en temps. Le terme "machine à saucisses" est parfois utilisé, même s'il est de plus en plus rejeté. Une des critiques qu'on avance le plus est que ces jeux créent du récit de façon artificielle (sous-entendu que la dramaturgie en jdr "ça se mérite", ça doit émerger de l'intérieur et pas être imposé de l'extérieur), et que la fiction créée est certes belle mais qu'elle laisse une trace très volatile dans les esprits.

D'un autre côté, je me souviens aussi de la fascination que ces titres ont exercé sur moi quand je les ai découverts : enfin des jeux mettant l'accent non pas sur la résolution de conflits, le dépassement et la progression, mais sur l'histoire et les relations inter-personnages. Enfin des jdrs moins axés sur le jeu que sur le rôle, sur le game que le play, et donnant des règles pour aller dans ce sens au lieu des sempiternelles "mécaniques de résolution des conflits".

Je me demande du coup si ces jeux ne permettent pas d'explorer d'autres aspects du jeu de rôle, que le mode "classique" ne permet pas du tout ou difficilement ? Ou n'est-ce qu'une question d'angle de vue ? Si vous avez l'impression que les mécaniques de certaines de ces œuvres fonctionnent et d'autres pas, et pourquoi ? Si certains sont en complet désaccord avec l'idée d'une fiction plus "facile" et donc moins marquante - peut-être simplement à cause de l'absence de jeu au long cours ?
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Re: Witch the Road to Lindisfarne et le storygame

Message par Steve J » 14 Mai 2016, 15:01

Mangelune a écrit :Allez je reviens avec une question à la noix, cette fois sur un thème très chaud, le storygame (Steve, je t'attends).

Pour info Witch the Road to Lindisfarne est la première source d'inspiration ludique pour Récit Véridique, le JDR que nous publions -Kalysto, Cédric Ferrand et moi-même- dans le numéro #18 de Casus Belli. La première version de notre jet était une quasi-transposition des mécaniques de ce jeu dans le cadre de la découverte occidentale du Canada.
C'est un jeu que j'ai travaillé au corps pour en emmener les mécaniques dans d'autres directions.

Spécifiquement Witch est un JDR à étapes qui va confronter les PJs à une série de scènes dont l'amorce est pré-écrite. L'organisation du récit en voyage rend cependant cette forme cohérente puisqu'elle revient finalement à n'imposer qu'une limitation aux décisions des joueurs : qu'ils continuent le voyage jusqu'à la dernière scène.
Cette limitation n'est au fond en rien différente (si ce n'est que son caractère explicite est moins manipulatoire) de celle de l'AdC qui suppose que les investigateurs mettront leur curiosité devant leur préoccupation pour leur propre sécurité, et de Sens qui suppose que les Bugs accepteront d'être des héros.

Autre particularité, l'issue du jeu repose sur deux choix décisifs et secrets pris par deux des joueurs en début de partie (les choix sont inscrits sur des bouts de papiers que l'on plie et pose au milieu de la table). Ce n'est, là non plus, pas sans cohérence avec le récit (cela vient après tout replacer l'impact de certaines décisions sur le temps long) mais cela force une deuxième limite : la quasi-inconséquence des conflits narrés entre les PJs.
C'est ce point qui me gêne le plus dans le courant des story-games (beaucoup plus que la facilité de la fiction que je vois dans l'absolu comme un avantage) : l'absence de réelle opposition entre les joueurs même en cas de description de conflits. Cela me donne cette impression d'être dans une position surplombante de scénariste (position qui va souvent de paire avec des discussions méta sur la direction où l'on souhaiterait emmener la partie).

Cela me gêne d'abord parce que ce choix, quasi-systématique dans les jeux récent se revendiquant du story-game, vient limiter le champ des possible (c'est un choix aussi paresseux que celui -par exemple- de laisser à des jets de dés toutes les résolutions d'action). Mais surtout il me semble que cette décision vient de problème de classification (oui je sais j'y reviens tout le temps) notamment de l'idée que l'on pourrait découper et séparer les postures entre posture d'auteurs et postures d'acteurs (i.e. que la préoccupation sur l'histoire serait antinomique de la préoccupation des intérêts de son personnage) ce qui me semble empiriquement faux.
Plus généralement même cette distinction entre le game et le play me semble beaucoup trop simpliste pour rendre compte de ce qui se passe dans les jeux à mécanique de résolution qui passent généralement de l'un à l'autre de façon tellement fluide qu'il n'est pas très intéressant de les séparer.
Dernière édition par Steve J le 14 Mai 2016, 22:55, édité 1 fois.
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Re: Witch the Road to Lindisfarne et le storygame

Message par Thomas Munier » 14 Mai 2016, 15:11

Quand je maîtrise en jeu de rôle tradi et que je demande à une joueuse : "raconte-moi un souvenir triste", quand je fais une ellipse d'un lieu à l'autre, quand je paramètre mon climax en écartant certaines options lors des péripéties intermédiaires, quand je dis à une joueuse "l'ambiance est vraiment pesante. Qu'est-ce que tu fais ?", je fais de la mise en scène.

Quand une joueuse, toujours en jeu de rôle tradi, prend elle-même des initiatives, comme justement d'amener une scène délirante, ou hystérique, ou joyeuse, ou triste, par le biais de son roleplay, quand la même joueuse prend l'initiative de raconter un souvenir, elle fait aussi de la mise en scène.

La différence dans Witch the Road... est que la mise en scène est déléguée aux règles. C'est quasiment ce que certaines joueuses appelent de leurs voeux quand au sortir d'une démo où j'ai mené tradi, elles me disent : "ton jeu a l'air super, mais on dirait que tu es le seul à pouvoir le mener". En fait, elles me demandent de mettre des techniques de mise en scène dans mon livre de base.

Un jeu comme Witch the Road... tente d'apporter ce genre de réponses. Le fait est qu'il en apporte tellement qu'il ne permet que de jouer une seule séance. C'est un jeu intense avec des techniques de mise en scène. Un jeu profond avec des techniques de mise en scène impliquerait en effet d'être plus souple. Apocalypse World tente de l'être avec les questions du MJ, pas mal de jeux tradis tentent aussi de l'être avec les conseils d'ambiance, d'autres jeux cherchent la ritualisation (scènes de jugement dans Miles Christi, confessionnal dans Inspectres...), d'autres introduisent des typologies de scènes qui peuvent amenées au moment jugé le plus opportun (flash-backs et flashs-forward dynamiques dans Inflorenza Minima...), d'autres formalisent la notion d'appel de scène comme Hillfolk...

Au passage, j'aime beaucoup le terme de Steve J (jeu à étapes) et l'analyse qu'il en fait.
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Re: Witch the Road to Lindisfarne et le storygame

Message par Mangelune » 15 Mai 2016, 09:03

Merci pour ces réponses !

Thomas, le cadrage de scène est effectivement un outil très très puissant de mise en scène, et j'apprécie y avoir accès "officiellement" en tant que joueur : je le trouve particulièrement bon pour gérer les scènes de fraternisation, ces moments dans les fictions où l'action est en pause mais où on en apprend plus sur les personnages en les voyant discuter entre eux. Bliss Stage est assez intéressant pour ça. Et on touche clairement à quelque chose qui me manquait dans le jdr classique tel que je le pratiquais, l'absence d'outils de mise en scène pour le joueur difficiles à compenser par les outils du MJ. Car certes ce dernier est théoriquement tout puissant, mais dans les faits il ne peut pas faire grande chose pour les relations inter-PJs ou pour les sentiments des PJs.

Concernant Witch the Road..., je trouve que la fin du jeu donne une raison d'être aux scènes libres. C'est dans le dialogue avec les autres que les personnages vont pouvoir se positionner par rapport au choix final, et on peut espérer que la sorcière jouera sur sa culpabilité / sa non-culpabilité cachée.

Par contre je n'aime pas du tout le concept des tonalités de lieux qui me semble artificiel, là on est dans ce qui me gêne le plus, la règle (ou le MJ) qui demande de façon surplombante, autoritaire, de développer certaines émotions, ou une scène, sans tenir compte de l'aspect organique de la partie. Tout dépend de la façon dont c'est inséré, mais je ne suis pas sûr que j'aimerais l'exemple où Thomas demande un souvenir triste.

En un sens, le pire storygame auquel j'ai joué ces derniers temps fut It was a mutual decision (encore !) : le jeu te demande de dépeindre une scène de conflit, puis une autre, puis une scène de super conflit, puis à la fin une scène de retrouvailles désagréables... et tu résous le dénouement par un jet de dé avec un pseudo-choix (plutôt Borné ou Dépendant ?) A la limite, avec un jury d'êtres humains évaluant secrètement quel personnage s'en est sorti avec le plus de dignité aurait été plus intéressant.
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Re: Witch the Road to Lindisfarne et le storygame

Message par Thomas Munier » 15 Mai 2016, 10:01

Pour prendre l'exemple de mise en scène "raconte-moi un souvenir triste", la sensation de jeu surplombant varie beaucoup selon la façon dont on l'amène.

Si la meneuse/le jeu demande "raconte-moi un souvenir triste", en effet c'est très surplombant
Si la même question est posée lors de la création de personnage, on a une sensation différente, tout simplement parce qu'est communément acquis que la création de personnage se fait en mode auteur (on peut envisager des créations en mode personnage, mais c'est un ingénierie assez rare).
Si en jeu, la meneuse/le jeu dit : "pendant le bivouac, tu rêves du moment le plus triste de ta vie, lequel était-ce ?", je trouve que la joueuse peut raconter en restant plus en mode personnage, on est dans une scène d'introspection
Idem si la scène est jouée en flash-back.
On peut amener aussi les choses en roleplay avec un figurant qui dit : "ça me replonge dans le souvenir le plus triste qu'on a eu ensemble, tu t'en rappelles" ou qui demande "quel est le souvenir le plus triste de ta vie" ? Je crois que c'est vers ces moments que la joueuse reste le plus immergée dans le personnage, pourtant elle répond peu ou prou au même appel de scène. Ce sont des choses que j'expérimente pas mal de mon côté.

Pour aller plus loin :
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Re: Witch the Road to Lindisfarne et le storygame

Message par Mangelune » 17 Mai 2016, 09:29

Oui je me doutais que tu avais des méthodes/des tentatives pour faire passer ces techniques "en douceur" ;)

Je pense que ce que j'apprécie dans un jeu de rôle, quel qu'il soit, c'est l'aspect organique de la fiction : l'histoire émerge essentiellement des participants mais aussi de l'inertie fictionnelle elle-même, puisqu'elle finit parfois par emporter les joueurs vers des endroits où ils ne seraient peut-être pas allés eux-mêmes. Les bonnes règles fonctionnent souvent comme des gardes-fous et des propulseurs - leur but étant de rediriger en douceur ou de donner de l'élan au récit.

Je préfère par exemple à une règle demandant à l'acte 2 un souvenir triste, une règle qui dit "à tout moment, un joueur peut invoquer un souvenir triste pour piocher dedans de l'énergie", parce qu'elle laisse la possibilité aux participants de le faire quand cela s'intègre à l'ambiance de la partie, tout en les encourageant à le faire au moins une fois dans la séance.

Monostatos et Perdus sous la pluie sont à la limite à mon avis, ils laissent du choix aux joueurs mais ils les cadrent parfois de façon artificielle puisqu'il faut recourir à au moins une des options et le faire très régulièrement si on veut que la partie avance, alors qu'on pourrait imaginer une partie de jdr classique qui n'utiliserait jamais le système de résolution mais serait néanmoins plaisante et complète.

Les jeux motorisés par Apocalypse World préfèrent les options libres et entièrement inféodées à la fiction, ce qui explique peut-être pourquoi ils sont si prisés ? D'un autre côté, ces jeux "à options" tendent à multiplier les possibilités et donc les micro-règles, sachant que les joueurs peinent parfois à les intégrer.
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Re: Witch the Road to Lindisfarne et le storygame

Message par Frédéric » 17 Mai 2016, 09:57

Je pense que ce que j'apprécie dans un jeu de rôle, quel qu'il soit, c'est l'aspect organique de la fiction : l'histoire émerge essentiellement des participants mais aussi de l'inertie fictionnelle elle-même, puisqu'elle finit parfois par emporter les joueurs vers des endroits où ils ne seraient peut-être pas allés eux-mêmes. Les bonnes règles fonctionnent souvent comme des gardes-fous et des propulseurs - leur but étant de rediriger en douceur ou de donner de l'élan au récit.

Dans mes bras Vivien ! <3

Ne pas confondre propulseur (qui ne fonctionne que si les joueurs l'utilisent, appuient sur l'accélérateur et qui laisse une bonne marge de manœuvre dans la direction où aller) et le train électrique qui suit un itinéraire bien établi et qui limite les potentialités en rendant l'histoire mécanique (ou parfois linéaire) par opposition à organique.
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Re: Witch the Road to Lindisfarne et le storygame

Message par Steve J » 17 Mai 2016, 10:32

Mangelune a écrit :Par contre je n'aime pas du tout le concept des tonalités de lieux qui me semble artificiel, là on est dans ce qui me gêne le plus, la règle (ou le MJ) qui demande de façon surplombante, autoritaire, de développer certaines émotions, ou une scène, sans tenir compte de l'aspect organique de la partie. Tout dépend de la façon dont c'est inséré, mais je ne suis pas sûr que j'aimerais l'exemple où Thomas demande un souvenir triste.

Pour défendre cette idée dans The Witch je me dis que l'absence de continuité temporelle (on ne joue pas le voyage heure par heure et on marque des ellipses) permet de rendre toujours cohérent le souvenir triste.

Dans Récit Véridique une scène implique que la tension monte entre les PJs. On impose effectivement quelque chose aux joueurs mais il me semble qu'on ne court pas tellement le risque de rompre la cohérence du récit (il est assez clair qu'on long voyage impliquant des inconnus ayant des objectifs pas complètement identiques va causer un moment de tension...qui pourra éventuellement retomber rapidement).

On est pas dans la situation de The Beekeeper qui implique trois nouvelles rencontres entre un couple qui vient de se séparer et se questionne sur son avenir. Le jeu fait l'hypothèse que les personnages vont peu à peu se rabibocher que la troisième rencontre :
1) Aura lieu
2) Sera le moment de questionner le futur du couple
Dans notre partie il était très clair que la deuxième rencontre était un moment de rupture et nous n'avions aucune envie de jouer la troisième phase. Pas parce que le jeu nous ennuyait mais parce qu'elle n'aurait eu aucun sens.

Ceci dit, effectivement, l'enchainement pré-programmé des scènes (même s'il permet des embranchements, comme dans un jeu vidéo...le jeu à étapes s'inspire beaucoup de jeux vidéo à la The Walking Dead) vient limiter l'aspect émergent du JDR. C'est pour ma part ce qui me plait autant dans le sandbox : la gestion de l'histoire où l'on joue pour voir ce qui va se passer, en insistant sur les logiques causes/conséquences.
Cela offre un aspect surprise important et donne une cohérence interne au monde qui réagit aux actions des joueurs.
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